Redevances en biologie médicale

Titre complément
(arrêt Cour de cassation, 1ère civ., 9 juin 2017, n° 16-22094, Orpéa)
Auteur(s)
Isabelle Lucas-Baloup
Contenu

Suite et fin du feuilleton sur la légalité de la demande, par la société Orpéa, dans un appel d’offres privé, aux laboratoires candidats de préciser le pourcentage de redevance qu’ils entendaient verser et leur indiquant que l’absence d’une telle mention empêcherait la présence de leurs dossiers au premier tour de sélection, ce qui revient à solliciter une ristourne pourtant prohibée par l’article L. 6211-21 du CSP, soutenaient plusieurs syndicats de biologistes. Nos précédentes éditions de la Lettre du Cabinet (septembre 2014 et août 2016) avaient rapporté l’état du droit, l’ordonnance de référé du 10 juillet 2014 et l’arrêt du 9 juin 2016 déboutant Orpéa de son appel. La société, qui exploite divers établissements sanitaires et médico-sociaux a également été déboutée de son pourvoi, par un arrêt du 9 juin 2017 de la Cour de cassation on ne peut plus clair malgré une lecture qui réclame un peu de concentration : « Attendu que, selon l’article L. 6211-21 du code de la santé publique dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016, sous réserve des coopérations dans le domaine de la biologie médicale menées entre des établissements de santé dans le cadre de conventions, de groupements de coopération sanitaire ou de communautés hospitalières de territoire, et sous réserve des contrats de coopération mentionnés à l’article L. 6212-6 du code précité, les examens de biologie médicale sont facturés au tarif des actes de biologie médicale fixé en application des articles L. 162-1-7 et L. 162-1-7-1 du code de la sécurité sociale ; que cette disposition interdit aux laboratoires de biologie médicale de consentir des ristournes lors de la facturation de leurs examens consistant, selon l’article L. 6211-1 du CSP, en des actes médicaux, et n’autorise le paiement de redevances à des établissements sanitaires et médico-sociaux qu’à la condition que celles-ci constituent exclusivement une contrepartie des prestations fournies pour la réalisation de tels examens ; « Et attendu que l’arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que la demande concernant le pourcentage de redevance a été adressée par la société Orpéa aux laboratoires avant que les services qui leur seraient rendus n’aient été déterminés et chiffrés, établissement par établissement, alors que seul l’établissement concerné est en mesure d’en communiquer le coût, et que cette demande, formulée de manière abstraite, n’a été assortie d’aucune réserve ni précision ; qu’il ajoute que les échanges écrits entre la société et divers laboratoires ayant accédé à sa demande, révèlent que certaines propositions de redevances étaient fondées sur le chiffre d’affaires qui serait réalisé par les laboratoires auprès des établissements de la société, laissant ainsi la possibilité à cette dernière de négocier le pourcentage de la redevance proposé ; que, de ces énonciations et constatations, la cour d’appel a pu déduire que la société avait méconnu les dispositions de l’article L. 6211-1 du CSP et causé un trouble manifestement illicite qu’il convenait de faire cesser ; […] Par ces motifs : rejette le pourvoi. » Cet arrêt permet aux LBM qui, par erreur compte tenu de l’évolution compliquée du droit de la biologie médicale depuis plusieurs années, auraient accepté contractuellement de payer des redevances aux établissements de santé ou sanitaires d’un montant supérieur au strict coût réel des « prestations fournies pour la réalisation des examens » de négocier un avenant, voire de réclamer sur cinq ans la répétition de l’indu, c’est-à-dire la différence entre le coût réel des prestations pouvant être légalement facturées et les sommes effectivement payées par le LBM, même en exécution d’un contrat signé. La jurisprudence est constante sur ce point, voir notamment un arrêt de la Cour d’appel de Toulouse (2ème ch.) 20 juin 2006 : « la convention ne saurait interdire au laboratoire de soutenir que, compte tenu des prestations effectivement fournies par la Clinique le taux de 10 % fixé pour le calcul de la redevance est excessif au regard des dispositions de l’article L. 6211-6 du code de la santé publique ; que ces prestations se limitent en effet à la fourniture d’un local exigu et à la mise à disposition de secrétaires médicales mais ne comprennent pas la gestion des honoraires de biologie via le bordereau 615 [aujourd’hui S 3404] et qu’il est établi par voie d’attestations que les prélèvements étaient réalisés de jour comme de nuit par le personnel du laboratoire et non par des infirmières de la clinique ». Dans ce dossier, j’avais obtenu le remboursement par la clinique de la différence entre 10 % et le montant bien inférieur correspondant à la réalité des prestations fournies dans l’intérêt du Laboratoire. Voir également un arrêt de la Cour d’appel de Montpellier (1ère ch.) du 14 mars 2006, saisie sur renvoi de la Cour de cassation, ayant prononcé la nullité du contrat fixant la redevance à 10 % du chiffre d’affaires au profit d’une maison de retraite, en ordonnant la répétition des sommes indument payées par le laboratoire d’analyses médicales.

Source
La Lettre du Cabinet - Septembre 2017