(arrêt Conseil d’Etat, 10ème et 9ème ch., 20 février 2025, n° 493519)
La déclaration d’un événement indésirable grave associé aux soins (DEIGS), qui comporte à la fois des éléments relatifs à la description et à la gestion de l’événement et des éléments relatifs aux mesures prises ou envisagées en vue d’éviter sa reproduction, ne constitue pas, par elle-même, un document destiné à être versé au dossier médical du patient.
Par suite, en cas de décès de celui-ci, la communication à ses ayants droit de cette déclaration ne relève pas du régime spécial prévu aux articles L. 1111-7 et au V de l’article L. 1110-4 du Code de la santé publique.
En revanche, une telle déclaration, reçue par l’Agence régionale de santé et transmise à la Haute Autorité de Santé, constitue un document administratif communicable, sous réserve d’occultation de tous les éléments, nominatifs ou non, permettant l’identification des médecins et autres personnels de santé. Dans l’arrêt rapporté, la sœur du patient décédé obtient en conséquence copie de la DEIGS.
Il s’agit évidemment d’un document qui sera produit à l’occasion de l’expertise puis devant la juridiction saisie, qui peut être très utile au demandeur en responsabilité dans une instance contre un établissement de santé, dès lors que des fautes peuvent y être caractérisées.
Aux termes de l’article R. 1413-67 du Code de la santé publique, un événement indésirable grave associé à des soins réalisés lors d’investigations, de traitements, d’actes médicaux à visée esthétique ou d’actions de prévention est « un événement inattendu au regard de l’état de santé et de la pathologie de la personne et dont les conséquences sont le décès, la mise en jeu du pronostic vital, la survenue probable d’un déficit fonctionnel permanent y compris une anomalie ou une malformation congénitale. »
Tout professionnel de santé quels que soient son lieu et son mode d'exercice ou tout représentant légal d'établissement de santé, d'établissement de service médico-social ou d'installation autonome de chirurgie esthétique, ou la personne qu'il a désignée à cet effet, qui constate un événement indésirable grave associé à des soins le déclare au directeur général de l'Agence régionale de santé au moyen du formulaire prévu à l'article R. 1413-70, lequel impose que cette déclaration soit faite dans des conditions qui garantissent l'anonymat du ou des patients et des professionnels concernés à l'exception du déclarant. Le formulaire ne comporte notamment ni les noms et prénoms des patients, ni leur adresse, ni leur date de naissance, ni les noms et prénoms des professionnels ayant participé à leur prise en charge.
Il est certain que la DEIGS n’a pas été conçue comme un document utilisable par le patient ou ses ayants droit à l’occasion d’un procès en responsabilité. Les professionnels de santé tenus de l’établir, de l’envoyer à l’ARS puis de la communiquer au patient qui en fait la demande pourront être freinés au moment de la rédaction de la DEIGS par le risque que les descriptions de comportement des professionnels intervenus leur portent préjudice ultérieurement. Effet pervers de la jurisprudence sur la transparence initialement organisée.
Isabelle LUCAS-BALOUP

