Médecins et groupes financiers : les GIE censés mutualiser les charges

  Après avoir vendu leur SEL et/ou leur holding à un groupe de cliniques ou un consortium financier, encaissé un prix de vente qu’aucun (plus) jeune confrère n’aurait proposé pour leur succéder et signé toute la « documentation » préparée par des intermédiaires impatients de finaliser l’opération, les médecins, les chirurgiens-dentistes et les vétérinaires découvrent, petit-à-petit, la réalité du poids économique des GIE, présentés avant le closing comme d’« utiles instruments de mutualisation des charges », qui se révèlent au fil de l’eau constitués essentiellement pour faire peser sur leurs cabinets des services onéreux facturés par et profitant à d’autres personnes morales et physiques que les praticiens qui les supportent effectivement. Et ça finit par être très désagréable.

  Radiologues, biologistes, radiothérapeutes, anapaths, médecins nucléaires, ophtalmos, chirurgiens-dentistes, vétérinaires, tous ces spécialistes qui exploitent des plateaux techniques onéreux ayant attiré la convoitise des financiers, critiquent aujourd’hui les « redevances » ou autres « participations aux frais et charges de fonctionnement », d’un montant exponentiel, que les groupes leur font supporter au titre de « prestations supports » non contrôlables directement qui viennent alourdir les frais de gestion et d’exploitation de leurs unités locales qui s’en passeraient bien.

  Que ce soit dans les SEL, où les groupes captent 25% du capital à titre d’« associé tiers non professionnel non exerçant » au travers de SAS de droit commercial qui, grâce à des actions de préférence, perçoivent la quasi-intégralité des droits financiers (i.e des profits), ou au travers de GIE qui ont signé avec les SEL des accords « participatifs » mettant à leur charge des prestations de services plutôt opaques, les honoraires professionnels  directement tirés de l’activité médicale, dentaire ou vétérinaire sont préemptés et distribués vers le haut de l’organigramme au gré des « véhicules » mis en œuvre par les repreneurs.

   Se multiplient alors les examens compulsifs des tableaux Excel qui provoquent le bonheur des financiers et les remords des vendeurs, qui, sans cession, auraient pu continuer à percevoir régulièrement leurs dividendes et à exercer leur métier sans mutualisation de prestations au profit de sociétés et autres groupements d’« intérêt économique » dont ils comprennent à leurs dépens de quel intérêt économique il s’agit, en les requalifiant « pompes à fric » tout en désespérant de demeurer du mauvais côté du tuyau.

  Le retour en arrière s’avère en effet compliqué, même s’il n’est pas impossible. Les vendeurs ont souvent été très bien payés en contrepartie de leur cession et les financiers leur ont fait accepter

 des obligations d’exercer pendant plusieurs années, faute de quoi ils doivent rétrocéder une partie majeure du prix perçu.

  Il faut pour tenter de l’éviter se livrer à une exploration approfondie de tous les actes signés et de la mise œuvre de leur exécution, éplucher les PV, les pactes d’associés à l’aune de la délicate question de l’articulation des statuts et des actes extra-statutaires, les conventions diverses, les promesses de faire ou de ne pas faire, les pouvoirs et les mandats, parfois faire nommer des experts judiciaires pour vérifier la réalité des prestations, leur facturation et les confronter à l’intérêt social.

  Tout un autre programme !

Isabelle LUCAS-BALOUP