Masseurs-kinésithérapeutes en clinique privée : indélicatesses entre confrères, 1 an de suspension dont 9 mois avec sursis

(décision de la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes du 19 septembre 2025, n° 078-2023)

  Dans un établissement de santé privé d’Ile-de-France, les masseurs-kinésithérapeutes se partageaient l’activité de façon à répartir de façon équitable les patients présents, les actes étant codés, en vue de leur facturation, dans le logiciel de la clinique, dans lequel étaient également enregistrées les fiches de synthèse des bilans diagnostic kinésithérapiques, chaque patient ayant aussi un dossier papier. Par ailleurs, chaque MK remplissait à la fin de sa vacation un cahier mentionnant les patients pris en charge et transmettant les consignes.

  Un jeune remplaçant M. A. pressenti pour succéder à un MK plus ancien M. J., qui lui cédait progressivement des journées, n’ayant pas payé entièrement le prix de cession, a été sanctionné une première fois par la Chambre disciplinaire de l’Ordre des MK.

  Ce conflit a eu des conséquences délétères sur l’atmosphère de travail au sein de l’équipe des MK de la Clinique du V. d’O., qui s’est partagée en deux camps, les MK historiques, Mme G et M. J, et ceux arrivés plus récemment, MM. A et S. Ces derniers ont moins rempli le cahier de transmission, puis plus du tout, annonçant insérer leurs observations dans le logiciel de la Clinique. La suite est décrite dans la décision commentée :

« La désaffection du cahier de transmission et le manque de communication entre MK a eu pour conséquence une concurrence dans l’établissement des bilans, voire leur réalisation par deux MK différents, pour un même patient. Il ressort du dossier que MM. A et S ont supprimé de nombreuses cotations de bilan-diagnostic kinésithérapique faites par Mme G ou M. J dans le logiciel, et ont coté le bilan en leur propre nom. […] En altérant ainsi des enregistrements de leurs confrères, ils ont méconnu les obligations de moralité, probité et responsabilité qui s’imposaient à eux en application des dispositions de l’article R. 4321-54 du Code de la santé publique et ont manqué à leur devoir de confraternité, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 4321-99 du même code.

« Par ailleurs, il résulte de l’instruction que M. S et, dans une moindre mesure M. A, ont coté des actes au titre de journées au cours desquelles ils ne travaillaient pas. Si ces enregistrements peuvent être la conséquence d’erreurs, celles-ci n’en sont pas moins fautives, MM. A et S ont ainsi méconnu les dispositions de l’article R. 4321-77 du CSP.

« Enfin, il résulte de l’instruction que MM. A et S, qui ne remplissaient plus le registre de transmission, n’ont pas toujours parallèlement inséré dans le logiciel de la clinique les observations nécessaires à la prise en charge des patients par leurs confrères. Il en est de même s’agissant de l’insertion dans ce logiciel des ordonnances de masso-kinésithérapie des patients qu’ils étaient les premiers à prendre en charge. Ces patients n’étaient donc pas pris en compte dans la répartition entre les MK et n’étaient donc traités que par eux. D’autre part, M. J et Mme G n’avaient pas connaissance de la nécessité de soigner ces patients pendant leurs week-ends de garde. Entre le 5 janvier 2020 et le 27 mars 2021, cette pratique apparaît avoir concerné 148 patients. Par ce comportement, MM. A et S ont manqué à leur devoir de confraternité et porté atteinte à la continuité des soins […].

« Eu égard au nombre de dossiers concernés, il paraît exclu que ces faits relèvent de simples négligences […]. La Chambre disciplinaire de première instance a apprécié justement la gravité de ces fautes en infligeant aux intéressés la sanction de l’interdiction temporaire d’exercer la profession de masseur-kinésithérapeute pendant une durée d’un an, dont neuf mois assortis du sursis. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A et S ne peut qu’être rejetée. »

  La Chambre nationale confirme en conséquence la sanction d’interdiction temporaire d’exercer la profession MM. A et S pendant une durée d’un an, dont 9 mois assortis du sursis, infligée en première instance, sanction qui devra être exécutée du 1er février au 30 avril 2026.

Isabelle LUCAS-BALOUP