(arrêt Conseil d’Etat, 13 juin 2025, n° 463831)
La déontologie interdit à un médecin « de dispenser des consultations, prescriptions ou avis médicaux dans des locaux commerciaux ou dans tout autre lieu où sont mis en vente des médicaments, produits ou appareils qu’ils prescrivent ou qu’ils utilisent » (article R. 4127-25 du Code de la santé publique).
La Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins avait, par décision du 8 mars 2022 (n° 14157), condamné un ophtalmologiste à un avertissement, en retenant les faits ci-après :
« Il résulte de l’instruction que la société O.. C.., qui exerce la profession d’opticien-lunettier, a souhaité mettre en place une activité de chirurgie réfractive dans des locaux dont elle dispose à Lyon, au 1er étage d’un immeuble au rez-de-chaussée duquel elle exploite un magasin de lunettes. Après s’être heurtée au refus de plusieurs médecins, elle a proposé un contrat salarié au Dr X, qualifiée spécialiste en ophtalmologie. Celle-ci a soumis ce projet de contrat au conseil départemental du Rhône de l’Ordre des médecins qui a émis plusieurs observations. Après avoir fait modifier les termes du contrat pour tenir compte de l’une de ces observations, le Dr X a conclu, en juin 2016, ce contrat avec la société O.. C.., pour exercer une activité de chirurgie réfractive de deux demi-journées par semaine. Elle a poursuivi cette activité pendant 2 années. Le CDOM 69 a déposé une plainte contre le Dr X devant la chambre disciplinaire de 1ère instance de Rhône-Alpes de l’Ordre des médecins. Il relève appel de la décision du 5 septembre 2018 par laquelle cette chambre a rejeté sa plainte. […]
« Le Dr X ne procédait pas à des prescriptions et n’utilisait pas des lunettes ou autres objets mis en vente par la société O.. C.. dans son magasin. […] Il n’est pas utilement contesté que l’accès au local dans lequel elle exerçait son activité était distinct de celui du magasin et faisait dans la rue l’objet d’indications distinctes. Par suite, le grief tiré de la violation de l’articler R. 4127-25 ne peut qu’être écarté. »
Néanmoins, la Chambre disciplinaire nationale a condamné l’ophtalmologiste à une peine d’avertissement du chef de violation de l’article R. 4127-5 (Le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit.), en raison de ce que le CDOM avait fait plusieurs observations sur le projet de contrat signé avec la société O.. C.., dont le médecin n’avait pas tenu compte.
Le CDOM a saisi le Conseil d’Etat qui a annulé la sanction du 8 mars 2022 en jugeant notamment :
« Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges disciplinaires que la devanture du magasin d’optique et celle de la clinique de chirurgie réfractive, sur la façade de l’immeuble visible depuis la rue, entretenaient, par leurs mentions et la typographie utilisée, une confusion entre les activités de commerce d’optique et de chirurgie réfractive de la société O… C…. Il en ressort en outre également qu’un ascenseur – ne pouvant, il est vrai, être actionné que par le personnel du magasin d’optique – permettait aux clients et aux patients d’accéder directement à la clinique de chirurgie réfractive depuis le magasin d’optique. Par suite, en jugeant que Mme X n’avait pas méconnu l’interdiction d’exercer « dans des locaux commerciaux » au sens des dispositions du code de la santé publique [article R. 4127-25], la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins a donné aux faits de l’espèce une qualification juridique erronée. » et l’affaire est renvoyée devant la Chambre disciplinaire nationale pour être à nouveau jugée.
Isabelle LUCAS-BALOUP

