Le viol d'une patiente par un anesthésiste libéral n'engage pas la clinique

Titre complément
(Arrêt du 10 novembre 2005, Cour de cassation, 2e chambre civile)
Auteur(s)
Isabelle Lucas-Baloup
Contenu

Dans La Lettre du Cabinet de septembre 2005, je décrivais divers arrêts de la Cour de cassation relatifs à des abus sexuels de médecins pendant leur exercice. La Cour de cassation vient à nouveau de se prononcer, le 10 novembre, après qu'un anesthésiste, postérieurement au retour à sa chambre d'une patiente opérée des varices, l'ait caressée puis pénétrée au décours d'une modification du débit de la perfusion.
La patiente poursuivait la clinique au motif qu'elle n'avait pas choisi expressément cet anesthésiste, qui n'avait pas procédé à la visite pré-anesthésique obligatoire et argumentait en faveur d'un rapport de préposition, au sens de l'article 1384 alinéa 5 du code civil, entre la clinique et le médecin qui avait remplacé l'anesthésiste initialement prévu.
La Cour de cassation met hors de cause la clinique dans une motivation qui intéresse les établissements puisque le contraire est fréquemment jugé à l'occasion des contentieux initiés par l'Urssaf contre des libéraux que cet organisme tente de faire qualifier salariés pour les soumettre à cotisation en invoquant l'existence "d'un service organisé". L'arrêt mentionne : "Il existe des présomptions graves, précises et concordantes permettant de juger que Madame S. a bien été victime d'un viol aggravé de la part de l'anesthésiste ; que toutefois celui-ci exerçait à titre libéral à la clinique, et que le fait qu'il ait dû, certainement comme tous les médecins de la clinique, se plier à des obligations de permanence ou d'utilisation de matériel, ne modifie en rien cet exercice libéral ; qu'en effet, un membre de la profession libérale peut se voir astreint à certaines règles de fonctionnement sans que l'exercice libéral de sa profession soit modifié ; que la clinique en outre explique que l'anesthésiste était actionnaire et travaillait donc comme associé dans la clinique ; que c'est dans le cadre de son contrat avec sa malade que l'anesthésiste a commis une faute à l'occasion d'une visite à caractère médical ; que la responsabilité de la clinique ne saurait être engagée sur le fondement de la présomption de responsabilité du commettant en raison de la faute de son préposé".

Source
La Lettre du Cabinet - Décembre 2005