Questionnaire médical pour crédit immobilier et cancer du sein

Titre complément
(arrêt 25 mai 2022, Cour d’appel de Lyon, 1ère ch., n° 20/00907)
Auteur(s)
Isabelle Lucas-Baloup
Contenu

   Lorsque le questionnaire médical n’a pas été rempli avec exactitude, la mauvaise déclaration doit-elle avoir été intentionnelle ? Cet arrêt illustre le soin que doit apporter tout emprunteur remplissant le questionnaire médical nécessaire au contrat d’assurance du prêt souscrit, ici pour l’achat d’un bien immobilier.

   En mai 2015, Mme K. souscrit un contrat de crédit immobilier et adhère à un contrat d’assurance de prêt. En janvier 2016, un diagnostic de cancer du sein est posé et Mme K. sollicite auprès de l’assureur l’application de la garantie incapacité temporaire totale (ITT). En juin 2016, l’assureur répond qu’il considère que le questionnaire médical n’avait pas été rempli avec exactitude puis il résilie le contrat d’assurance.

   L’assureur soutient que la résiliation du contrat est fondée sur l’article L. 113-4 du code des assurances qui dispose qu’en cas d’aggravation du risque en cours de contrat, telle que, si les circonstances nouvelles avaient été déclarées lors de la conclusion du contrat, l’assureur n’aurait pas contracté ou ne l’aurait fait que moyennant une prime plus élevée, l’assureur a la faculté soit de dénoncer le contrat, soit de proposer un nouveau montant de prime. Mais, par dérogation à l’article L. 113-4 du code des assurances, l’assureur ne pouvait pas résilier ce contrat pour aggravation du risque qui ne résultait pas d’un changement de comportement volontaire de l’assurée.

   L’arrêt s’intéresse aux réponses du questionnaire de santé rempli par Mme K. :

 

« a) Souffrez-vous ou avez-vous souffert, au cours des 10 dernières années, d’un(es) des maladie(s) suivante(s) : cancer, maladie cardiaque, maladie vasculaire, hypertension artérielle, diabète, maladie neurologique, maladie de l’appareil urinaire, maladie psychique ou psychiatrique, dépression, hypercholestérolémie, maladie de sang, maladie de l’appareil digestif (y compris l’estomac), maladie de l’appareil respiratoire, affection de la colonne vertébrale, affection articulaire et/ou ligamentaire, atteinte rénale, affection thyroïdienne, maladie endocrinienne, maladie dermatologique, maladie gynécologique, maladie immunitaire, maladie rhumatismale '

 

« b) Etes-vous suivi par un médecin spécialiste (hors suivi normal de grossesse) ou un bilan en vue d’un diagnostic est-il en cours '»

 

« Mme [K] a répondu par la négative aux deux sections de cette question. Comme l’a relevé le premier juge, il ressort des pièces médicales produites que :

 

  •  la mère et la tante de Mme [K] ont toutes deux souffert d’un cancer du sein lié à une mutation du gène BRCA1,
  • que l’intéressée a fait l’objet d’un suivi systématique et de dépistage du fait de ses antécédents familiaux, ainsi qu’en a attesté sa gynécologue le 1er septembre 2016,
  • Mme [K] s’est soumise à des échographies mammaires bilatérales réalisées par les radiologues exerçant au centre [7], dédié au traitement des maladies cancéreuses, les 22 février 2013, 31 mai 2013, 20 novembre 2013 et 8 juillet 2014,
  • l’assurée a, à la suite de l’adhésion au contrat, subi un nouvel examen le 3 août 2015.

 

« Le certificat établi par la radiologue le 2 septembre 2016 mentionne que Mme [K] a été suivie «dans le service de radiologie du Centre [7] de 2012 à août 2015 pour des contrôles échographiques de lésions bénignes (souligné par le médecin) ».

 

« Dans ce contexte d’un suivi rapproché, en raison d’antécédents familiaux, Mme [K] ne pouvait répondre par la négative à la question 5 b) pour les motifs retenus par le premier juge. Il sera ajouté que, contrairement à ce qui est soutenu par l’appelante, la question est claire et précise et ne souffre pas d’ambiguïté s’agissant de l’existence d’un suivi par un médecin spécialiste.

 

« Il convient en conséquence de retenir le caractère inexact de la déclaration de Mme [K] lors des réponses apportées au questionnaire de santé.

 

« Toutefois, l’assureur a reconnu à deux reprises le caractère non intentionnel de cette déclaration inexacte.

 

« Ainsi, dans la lettre du 17 juin 2016, son gestionnaire écrit : «Toutefois, je considère que cette mauvaise déclaration n’a pas été effectuée intentionnellement », puis, dans celle du 13 juillet 2016 : «Je ne remets bien évidemment pas en cause votre bonne foi, lors de la complétude de la déclaration d’état de santé, et c’est pour cela que je considère que cette mauvaise déclaration n’a pas été effectuée intentionnellement ».

 

« L’assureur est ainsi mal fondé à soutenir devant la cour le caractère intentionnel de la déclaration inexacte de Mme [K], faute de produire des éléments qui auraient révélé la mauvaise foi de l’assurée postérieurement aux deux lettres par lesquelles il a reconnu sa bonne foi. La demande de la société [P] en annulation du contrat doit en conséquence être rejetée.

 

« Il convient en conséquence d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de déclarer nulle la résiliation du contrat d’assurance intervenue par lettre du 3 août 2016 et de condamner Mme [K] à payer les cotisations d’assurance depuis le 17 juillet 2016 jusqu’à la date de l’arrêt. »

 

   Dans ce type de dossiers, le caractère intentionnel ou pas de la déclaration inexacte est donc examiné avec attention par la juridiction saisie. Les assureurs écrivent parfois trop vite…

Source
Gyneco-online - octobre 2022