Redevance des biologistes aux cliniques privées

Titre complément
(TGI Paris, ord. de référé, 10 juillet 2014)
Auteur(s)
Isabelle Lucas-Baloup
Contenu

   L’ordonnance prononcée pendant l’été par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris mérite d’être reproduite partiellement, en raison de ses conséquences pratiques dans les relations laboratoires de biologie médicale/établissements de santé privés :

   « La SA Orpéa exploite des résidences pour personnes âgées et des cliniques en France. Elle a lancé le 11 mars 2014 un appel d’offres privé auprès des laboratoires de biologie médicale aux fins de sélectionner ceux qui seraient amenés à effectuer des prestations dans les maisons de retraite et les cliniques. Les syndicats reprochent à Orpéa d’avoir sollicité de la part des laboratoires des ristournes, alors que celles-ci sont interdites par l’article L. 6211-21 du code de la santé publique. (…) Il résulte des pièces produites que le 11 mars 2014, Orpéa a lancé un appel d’offres à destination des laboratoires de biologie médicale et il lui est reproché d’avoir adressé un mail aux pétitionnaires rédigé en ces termes : « Afin que votre offre soit complète, merci de bien vouloir, s’il vous plaît, préciser le pourcentage de redevance prévu. ». Les syndicats en concluent qu’en formant cette demande, Orpéa viole les dispositions de l’article L. 6211-21 du CSP en ce qu’elle sollicite de la part des laboratoires des ristournes, alors que celles-ci sont prohibées, les tarifs devant être exclusivement facturés au tarif de la nomenclature des actes de biologie médicale, comme le rappelle expressément le ministère des affaires sociales et de la santé dans un courrier du 4 octobre 2013 produit aux débats. Orpéa réplique qu’elle n’a jamais sollicité de ristourne, mais qu’elle a demandé le pourcentage de redevance offert pour répondre aux services qu’elle propose aux laboratoires en application de l’article 11 du cahier des charges de l’appel d’offres. (…) Il est expressément précisé au cahier des charges que le montant de la redevance sera fixé d’un commun accord entre la SA Orpéa et le laboratoire. Le pourcentage de redevance, tel que sollicité a priori par Orpéa, ne peut donc pas être la contrepartie des services rendus, puisque ceux-ci ne sont pas connus, ni chiffrés, établissement par établissement, ce qui ne met pas en mesure le laboratoire pétitionnaire de préciser le montant de la contrepartie financière des services rendus. (…) Orpéa réplique qu’une régularisation mensuelle, trimestrielle ou annuelle de la redevance s’effectuera en fonction du coût effectif des prestations rendues en cours d’année. Mais cette régularisation n’est pas prévue au cahier des charges. Il n’y est pas plus fait allusion par Orpéa lorsqu’elle a sollicité des laboratoires qu’ils indiquent le pourcentage de la redevance qu’ils proposaient. »

 

   L’ordonnance poursuit sa motivation : « La demande du pourcentage de redevance, telle qu’elle a été formulée, sans aucune réserve et sans autre précision, s’apparente en conséquence à une demande de ristourne, d’autant que le cahier des charges indique expressément que la redevance sera fixée d’un commun accord entre Orpéa et le laboratoire, et non uniquement par le laboratoire, avant même que sa candidature soit retenue à la suite de l’appel d’offres. (…) La violation de la loi portant réforme de la biologie médicale constitue un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés de faire cesser. (…) Le juge des référés peut imposer à Orpéa de ne pas signer de convention nouvelle qui porterait la mention d’un taux de redevance qui ne serait pas la contrepartie de services rendus précisément définis. »

 

   C’est ce que décide la Présidente du Tribunal, en se fondant sur les articles L. 6211-21 et L. 4113-5 du CSP.

 

   Une décision dont devront tenir compte les cliniques et les biologistes dans la fixation du montant de redevances qui ont souvent été surévaluées en biologie, lorsque la clinique fournit peu de prestations réelles, ou lorsqu’elle loue, avec un bail, les locaux dans lesquels est installé le laboratoire, qui paie en contrepartie déjà un loyer et des charges. La redevance a alors pour principale contrepartie la gestion des honoraires en tiers payant pour les patients hospitalisés ou ambulatoires, ce qui, lorsque la prestation est forfaitisée, ne dépasse guère 5%. 

 

   Il peut être utile de rappeler ici que le Conseil d’Etat avait, par arrêt du 7 mai 2013 (n° 364833) déjà jugé qu’en dehors des exceptions prévues par le code de la santé publique, la facturation des examens de biologie médicale n’est susceptible de donner lieu à aucune forme de remise de la part des entités en assurant l’exécution. « Dès lors, lorsqu’un pouvoir adjudicateur organise une mise en concurrence afin d’attribuer un marché de prestation d’analyses médicales, le critère du prix des prestations prévues par la nomenclature des actes de biologie médicale est dépourvu de toute pertinence pour départager les offres. », pour confirmer une ordonnance de référé du Tribunal administratif de Paris annulant une procédure d’appel d’offres en prestations d’analyses de biologie médicale lancée par le département et la ville de Paris.

 

   Les biologistes qui ont payé des redevances supérieures au coût réel des prestations fournies par l’établissement de santé privé peuvent agir en répétition du trop-perçu par la clinique à ce titre, et ainsi obtenir le remboursement de l’indu pendant les 5 dernières années, comme tout praticien peut le faire en ce qui concerne sa propre redevance. Le juge saisi vérifie alors si les prestations correspondent bien, tant par leur nature que par leur coût, à un service rendu au médecin, et si le coût de tout ou de certaines d’entre elles n’est pas assumé par un organisme de sécurité sociale et ce quand bien même serait fixé dans le contrat d’exercice une clause d’évaluation forfaitaire de la redevance, exprimée en pourcentage du montant conventionnel des actes médicaux effectués.

 

   Une expertise est souvent ordonnée.

 

   Cf. par exemple : Cour d’appel Orléans, 2 décembre 2013, n° 12/03286.
Source
La Lettre du Cabinet - Septembre 2014