Harcèlement moral : l'employeur peut-il désormais s'exonérer de sa responsabilité ?(Cour de cassation, ch. soc., arrêt du 1er juin 2016, n° 14-19702)

Auteur(s)
Pauline Lugherini
Contenu

    Par un arrêt du 1er juin 2016, la Chambre sociale de la Cour de cassation a consacré pour l’employeur dont l’un des salariés est victime de harcèlement moral la possibilité de ne pas voir sa responsabilité engagée.

   Rappelons que l’article L. 1152-1 du code du travail dispose qu’« aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel », et que les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du même code prévoient les obligations de l’employeur en matière préventive.

   Au visa de ces articles, la Cour de cassation a énoncé que « ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser ».

   Ce faisant, elle a étendu aux situations de harcèlement moral le principe qu’elle avait déjà posé, par un arrêt du 25 novembre 2015, en matière de sécurité physique et mentale des travailleurs (Cour de cassation, ch. sociale, 25 novembre 2015, n° 14-24444).

   L’employeur peut ainsi s’exonérer de sa responsabilité, mais à quelles conditions ?

   La Cour de cassation reste très exigeante. Il faut tout d’abord, en amont, qu’il ait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et, notamment, mis en œuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral. Il faut, ensuite, dès qu’il en a eu connaissance, qu’il ait pris toutes les mesures immédiates aux fins de faire cesser le harcèlement moral, et qu’il l’ait fait cesser effectivement.

   En l’espèce, la cour d’appel avait débouté un salarié victime de harcèlement moral qui cherchait à engager la responsabilité de son employeur, aux motifs que ce dernier avait modifié son règlement intérieur pour y insérer une procédure d’alerte en matière de harcèlement moral, qu’il avait mis en œuvre dès qu’il avait eu connaissance du conflit entre le salarié et son supérieur hiérarchique une enquête interne et une réunion de médiation avec le médecin du travail, le directeur des ressources humaines et trois membres du CHSCT, et qu’il avait confié au directeur des ressources humaines une mission de médiation de trois mois.

   Ces mesures ne sont cependant pas suffisantes, selon la Cour de cassation, qui censure l’arrêt de la cour d’appel en considérant que l’employeur n’avait pas pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et, notamment, mis en œuvre des actions d’information et de formation. 

Source
La Lettre du Cabinet - Août 2016
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