"Chirurgien des stars": s'abstenir de médiatiser

Titre complément
(arrêt du 26 septembre 2018, Conseil d'Etat, 4ème et 1ère ch. réunies, n° 407856)
Auteur(s)
Isabelle Lucas-Baloup
Contenu

   Un médecin spécialisé en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique avait fait l’objet de plaintes par le CDOM de Paris en raison de sa participation à des émissions pour lesquelles il avait accepté d’être filmé pendant des consultations et des interventions chirurgicales dont il avait lui-même commenté le succès sur son profil Facebook professionnel, notamment dans une émission « Tellement vrai – les chirurgiens de la beauté » diffusée sur la chaîne de télévision NRJ 12 et sur Youtube et de citations de ses propos dans un article d’un magazine « Public », portant en une de couverture un titre relatif à une vedette de téléréalité « Nabila, la vérité sur ses seins », dans lequel il était présenté comme le « chirurgien esthétique des stars », ce qui lui avait valu une interdiction d’exercice de deux ans prononcée par la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins.

   Sur pourvoi du chirurgien, le Conseil d’Etat juge notamment : « alors même que les patients concernés auraient, par leur participation à ce type d’émissions ou leur consentement à l’article de presse mentionné ci-dessus, sciemment recherché la médiatisation et consenti à la révélation de leur identité, le concours apporté par [le chirurgien] à la divulgation de l’identité des patientes était constitutif d’une méconnaissance des dispositions de l’article R. 4127-4 du code de la santé publique », sur le secret professionnel qui « institué dans l’intérêt des patients s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris ».

   La violation du secret et l’infraction à l’interdiction d’utiliser des moyens publicitaires retenue par ailleurs conduisent au rejet du pourvoi, l’arrêt mentionnant que la sanction de suspension pendant deux ans n’est pas « hors de proportion avec la faute commise ».

   Pour le Conseil d’Etat, le consentement des patients s’avère en conséquence sans influence sur la commission de l’infraction au secret médical. Pour la Cour de cassation, le secret médical est moins absolu dès lors que sa 2ème chambre a, au contraire, jugé « que des informations couvertes par le secret médical ne peuvent être communiquées à un tiers sans que soit constaté l’accord de la victime ou son absence d’opposition à la levée du secret, de sorte qu’une CPAM ne pouvait être contrainte de communiquer à une société (employeur) de telles informations »  (Cass. civ. 2è ch., 19 février 2009, n° 08-11959).

Source
La Lettre du Cabinet - Décembre 2019