La journée de solidarité

Auteur(s)
Bertrand Vorms
Contenu

Depuis deux ans déjà (loi n° 2004-626 du 30 juin 2004), l'ensemble des salariés du secteur privé, ainsi que les agents de la fonction publique, sont tenus de "donner" sept heures de travail en solidarité avec les personnes âgées et les handicapés, les employeurs acquittant, de leur côté, une contribution complémentaire de 0,3 % au profit de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
Jugé trop rigide, à la fois par les employeurs et par les salariés, le dispositif instauré initialement à la suite de la vive émotion suscitée par la surmortalité liée à la canicule, a sensiblement été assoupli par le ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, par circulaire du 22 novembre 2005, ayant autorisé, lorsque la journée de solidarité est fixée par accord collectif ou par l'employeur, son fractionnement en heures (circulaire DRT n° 14 du 22 novembre 2005, Bulletin officiel du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle n° 2006/01 du 30 janvier 2006, legifrance.gouv.fr).
En principe, dans le secteur privé, le choix de la date de la journée de solidarité est laissé aux partenaires sociaux, par accord de branches ou d'entreprises, ou encore en vertu de dispositions spécifiques de la convention collective. Ils peuvent décider de son exécution un jour férié précédemment chômé dans l'entreprise (à l'exclusion du 1er mai), un jour de RTT ou encore un autre jour de repos.
A défaut d'accord, elle est fixée au lundi de Pentecôte, même si, bien souvent, comme cette année, nombre de salariés ont "posé une journée de RTT" en raison de la fermeture de nombre d'établissements scolaires.
Par dérogation, dans le secteur privé, certaines situations particulières autorisent l'employeur à déterminer unilatéralement la journée de solidarité, en particulier lorsque l'entreprise travaille en continu ou est ouverte tous les jours
de l'année : à défaut d'accord collectif, l'employeur peut fixer une journée de solidarité différente pour chaque salarié.
Pour les temps partiels, elle doit s'exécuter à une période normale de travail et est réduite au prorata de la durée résultant du contrat. Les heures correspondantes, dans la limite de la durée proratisée, ne sont pas prises en compte pour le calcul du contingent d'heures supplémentaires ni complémentaires, et ne donnent pas droit à récupération.
Il en va de même pour les salariés exerçant à temps plein, qui ne perçoivent aucune rémunération particulière, s'ils sont mensualisés. Les heures effectuées au-delà de sept heures sont, cependant, rémunérées.
La fixation par l'employeur, lorsque la loi l'y autorise, de la date de cette "journée de solidarité" n'est pas constitutif d'une modification du contrat de travail (art.L. 216-16 al. 9 du code du travail), de sorte que le salarié ne peut s'y opposer. Il commettrait une faute, susceptible de justifier son licenciement, s'il refusait de venir travailler. Une seule dérogation a été organisée par la loi : l'article L. 212-17 du code du travail prévoit qu'un salarié ayant changé d'employeur, et ayant déjà effectué une journée de solidarité au titre de l'année en cours, est tenu d'en exécuter une autre, mais les heures travaillées donnent alors lieu à rémunération, outre qu'elles s'imputent sur le contingent annuel d'heures supplémentaires (ou complémentaires s'il travaille à temps partiel), et ouvrent droit à un repos compensateur. Il peut aussi "refuser d'exécuter cette journée supplémentaire de travail, sans que ce refus constitue une faute ou un motif de licenciement".
Dans le secteur public, si le principe de la journée de solidarité est également applicable, imposant de travailler sept heures sans rémunération complémentaire, la fixation de sa date d'exécution résulte, dans la fonction publique territoriale, d'une délibération de l'organe exécutif de l'assemblée territoriale compétent, dans la fonction publique hospitalière ainsi que pour les médecins, biologistes, odontologistes et pharmaciens des établissements publics de santé (y compris les "attachés"), d'une décision du directeur de l'établissement, et dans la fonction publique d'Etat, d'un arrêté du ministre compétent, chaque fois après avoir recueilli l'avis des instances représentant les personnels.
La complexité des modalités d'exécution de cette mesure, et son application confuse confinant parfois à la cacophonie, conduisent nombre d'observateurs, au-delà de l'intention louable qui la sous-tend, à s'interroger sur sa pérennité.

Source
La Lettre du Cabinet - Juin 2006