Risque infectieux, rappel des patients, devoir de précaution et loi Kouchner

Auteur(s)
Isabelle Lucas-Baloup
Contenu

La médiatisation récente de l'invitation à effectuer, par précaution, une sérologie VIH de contrôle, adressée à plusieurs centaines de ses patients en contact avec un soignant séropositif, par une clinique privée de l'Essonne, a provoqué, au sein des équipes opérationnelles d'hygiène et d'un certain nombre de CLIN d'hôpitaux publics et privés, quelques interrogations juridiques sur la portée de leurs obligations respectives, ainsi que de celles de la direction des établissements et des autorités de tutelle sanitaire.
La loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades oblige (nouvel article L. 1413-14 du code de la santé publique) " tout professionnel ou établissement de santé ayant constaté ou suspecté la survenue d'un accident médical, d'une affection iatrogène, d'une infection nosocomiale ou d'un événement indésirable associé à un produit de santé, à en faire la déclaration à l'autorité administrative compétente. "
" Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel", ajoute le nouvel article L. 1111-2 de la loi dite Kouchner.
Le décret n° 2001-671 du 26 juillet 2001 relatif au signalement des I.N. prévoit que sont signalées les infections nosocomiales " ayant un caractère rare ou particulier, par rapport aux données épidémiologiques locales, régionales et nationales, du fait […] de procédures ou pratiques pouvant exposer ou avoir exposé, lors d'un acte invasif, d'autres personnes au même risque infectieux " (art. R. 711-1-13 CSP).
Sa circulaire d'application n° 2001-383 du 30 juillet 2001 ajoute :
" Exposition de plusieurs patients au même risque infectieux : Lorsque l'exposition a été établie, les praticiens concernés, avec l'aide du CLIN et de l'équipe opérationnelle d'hygiène, déterminent, en liaison avec la direction de l'établissement, la stratégie d'information et, le cas échéant, de suivi des patients, qui sera mise en œuvre par l'établissement. Ils s'appuient, selon les besoins, sur l'aide du C.CLIN, de l'InVS ou de la DDASS. La procédure d'information et de suivi adoptée est écrite, notamment pour assurer la traçabilité de sa mise en œuvre. "
Cette obligation d'informer les patients est parfaitement légitime, dès lors que le risque de contamination est avéré, même s'il n'est pas encore démontré. Il convient que les intervenants déterminent, avec discernement, les limites du rappel utile (service, période, soignants impliqués). Tout patient potentiellement exposé à un risque identifié, qui n'aurait pas été invité à procéder à un test de dépistage ad hoc, pourrait en effet revendiquer la réparation du préjudice éventuellement généré par un retard dans le diagnostic et la mise en œuvre d'un traitement thérapeutique.
Les responsabilités alors encourues pourront être distribuées entre les divers acteurs ayant mal apprécié la liste des patients à informer…
En cas de carence, l'autorité administrative peut mettre en demeure les professionnels et les établissements de procéder à l'information des personnes concernées (article L. 1413-13 du code de la santé publique).

Source
Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Décembre 2002