Société d'exercice libéral : un associé qui signe en son nom propre n'engage pas la SEL

Auteur(s)
Isabelle Lucas-Baloup
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Les dispositions d'ordre public relatives à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, notamment l'article 2 de la loi du 31 décembre 1990, imposent l'emploi dans chaque document ou correspondance émanant de la SEL de la mention de sa forme juridique, ou de l'abréviation "SELARL" par exemple, du capital social ainsi que de sa qualité.
Un associé qui signe un contrat de fourniture en utilisant son tampon personnel qui indique seulement ses nom, prénom, profession et adresse, sans faire état de sa qualité de membre de la SEL et sans indiquer l'adresse du siège, ne peut faire profiter la SEL de ce contrat, en application de l'article 1165 du code civil ("Les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point aux tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l'article 1121", 1121 = stipulation pour autrui). La SEL était donc un tiers par rapport à la convention en cause, dont elle ne pouvait profiter puisqu'aucune stipulation à son profit n'avait été convenue.
Je rappelle cette jurisprudence de 2002 en raison du nombre important de médecins qui nous consultent parce qu'ils considèrent notamment que leur contrat d'exercice libéral, signé individuellement avec la clinique avant la constitution de leur société, serait opposable à l'établissement. Si certains d'entre vous lisent régulièrement La Lettre du Cabinet, vous vous souviendrez peut-être de mon précédent commentaire sur ce sujet dans celle de décembre 2004 (p. 5, arrêt de la cour d'appel de Lyon du 8 janvier 2004, sous le titre "Le contrat avec un urgentiste ne bénéficie pas à sa SEL").
De telles situations doivent être organisées juridiquement, par la signature d'un nouveau contrat, ou par un acte de cession de contrat signé à la fois des praticiens individuels qui cèdent, de la SEL cessionnaire et de la clinique. Un acte seulement adopté entre les médecins titulaires et la SEL n'est pas opposable à la clinique si elle n'en a pas été dûment informée et si elle n'y a pas consenti soit expressément, soit implicitement mais d'une façon non équivoque. En tout état de cause, respectez les dispositions contractuelles d'origine qui font la loi des parties (article 1134, code civil : "Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi").
Si les médecins établissent que la clinique connaissait parfaitement l'existence de la SEL, un contrat verbal peut s'être instauré entre la société et la clinique, dont le contenu n'est pas ipso facto celui des contrats dont étaient titulaires les médecins membres de la SEL.
Les magistrats examinent au cas par cas les actes judiciaires et extra-judiciaires, les notifications, les lettres simples ou recommandées et leurs réponses ou absence de réponse, la bonne ou la mauvaise foi des parties en cause et la façon dont elles se sont comportées à l'occasion de l'exécution de leurs prestations respectives.
Ordonnance du 26 août 2005 : Cette ordonnance (n° 2005-1040), qui comporte diverses mesures relatives à l'organisation des professions de santé (cf. commentaires de Bruno Lorit dans cette Lettre), ajoute à la rédaction habituelle de l'article L. 4113-9 du code de la santé publique, qui impose la communication des contrats des médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes (ce qui est nouveau) au conseil départemental de l'ordre dont ils relèvent, ayant pour objet leur exercice ou qui concerne leur matériel ou leurs locaux, la même obligation lorsqu'ils exercent en société, c'est-à-dire, précise le texte "outre les statuts de cette société et leurs avenants les conventions et avenants relatifs à son fonctionnement ou aux rapports entre associés. Ces communications doivent être faites dans le mois suivant la conclusion de la convention ou de l'avenant." (cf. JO du 27 août 2005).

Source
La Lettre du Cabinet - Septembre 2005
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