T2A, quelles incidences possibles sur la redevance ?

Auteur(s)
Bertrand Vorms
Contenu

Les relations financières entre médecins et cliniques (la redevance) avaient connu, ces dernières années, un certain apaisement après une crise aiguë et l'inflation de procédures judiciaires conduisant, pour la plupart, à des expertises.
Les principes généraux d'identification des prestations susceptibles de faire l'objet d'une refacturation par les établissements, la diffusion, dans les milieux professionnels concernés, d'informations tirées de ces expertises et relatives aux modalités de détermination de clés de répartition, et la multiplication des arrêts de la Cour de cassation encadrant strictement les conditions juridiques de cette redevance, avaient conduit, chacun, dans une bonne intelligence des relations contractuelles, à évaluer le montant de la redevance due par les professionnels de santé et correspondant au coût réel des prestations à eux servies et non prises en charge par les régimes d'assurance maladie.
L'entrée en vigueur de la T2A va-t-elle bouleverser cet équilibre que d'aucun assimilerait plus à un cessez le feu qu'à un véritable traité de paix ?
Le manque de lisibilité de l'entrée en vigueur de la T2A sur la gestion des établissements de santé, les errements du pouvoir législatif et réglementaire dans la publication des nombreux décrets et arrêtés accompagnant cette réforme, ne permettent pas, aujourd'hui, de se faire une idée précise de l'incidence de l'entrée en vigueur de la T2A sur cette question.
Un point, notamment, risque de poser difficulté pour les raisons suivantes : antérieurement, et jusqu'à récemment, les établissements de santé facturaient, en sus des différents tarifs qui leur étaient applicables, le coût des prothèses, implants et autres produits et prestations figurant sur une liste arrêtée par application de l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale. Le praticien pouvait donc, relativement librement, en faire le choix, sans que sa décision médicale n'ait d'incidence sur le budget de l'établissement : ce dernier réglait l'implant au fournisseur, sur la base du tarif fixé, et était remboursé par les régimes d'assurance maladie. L'entrée en vigueur de la T2A procède d'une logique toute différente : le nouvel article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale dispose que ce n'est que par dérogation que certains des produits et prestations susmentionnés peuvent faire l'objet d'une prise en charge en sus des GHS (Groupe Homogène de Séjour), la liste de ces produits et prestations n'étant pas identique à l'ancienne LPPR de l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale.
C'est ainsi que, par arrêté du Ministre des Solidarités, de la Santé et de la Famille, en date du 2 mars 2005, a été fixée "la liste des produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale pris en charge en sus des prestations d'hospitalisation", concomitamment à un autre arrêté emportant radiation d'un certain nombre d'autres de l'ancienne liste des produits et prestations remboursables prévus à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale.
Dès lors, les prothèses ou implants qui ne figurent pas sur cette nouvelle liste sont réputés inclus dans le GHS perçu par l'établissement, ce qui peut avoir une incidence importante sur les relations économiques entre médecins et cliniques : les établissements pourraient inciter les médecins à prescrire en fonction de critères tenant compte à la fois du service médical rendu et de considérations économiques, ce qui, compte tenu de leurs règles d'organisation et de gestion, n'est pas scandaleux en soi mais s'oppose à la logique purement médicale des praticiens qui peuvent, au cas par cas, justifier avoir recours à un dispositif médical très coûteux, qui pénalisera le budget de la clinique.
Ainsi, si la T2A aura pour effet de permettre au régime d'assurance maladie de faire des économies de remboursement de certains produits et prestations présumés inclus dans les GHS et non pris en charge de manière autonome, il n'en demeure pas moins que cette dépense de santé est bien réelle et que se posera, nécessairement, la question de l'imputabilité finale de ce surcoût : au patient, via la facturation, par les médecins qui le peuvent, d'un dépassement ? au médecin prescripteur, au travers d'une augmentation de la redevance ? ou à l'établissement, payeur initial.
Il n'apparaît pas douteux que, compte tenu du très faible taux de rentabilité (lorsqu'ils sont rentables) d'un certain nombre d'établissements de santé, ces derniers refuseront d'être les débiteurs d'une charge financière directement liée à l'exercice, par le médecin, du choix des dispositifs médicaux qu'il utilise.
A suivre.

Source
La Lettre du Cabinet - Septembre 2005
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