Base de données - Obligation de résultat

Chirurgie esthétique : pas d’obligation de résultat, mais une obligation d’information renforcée, dont la preuve peut être rapportée par un faisceau de présomptions
(Cour d’appel Aix-en-Provence, 10ème ch., arrêt du 2 septembre 2009, n° 07/10274)
Isabelle Lucas-Baloup

20 interventions de chirurgie esthétiques sont réalisées en 12 ans sur la plaignante qui se plaint de fautes techniques et d’un défaut d’information : 8 interventions sur le nez, 4 sur le menton, 5 sur les paupières, 3 sur les seins et 2 liposuccions sur les cuisses. Le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence la déboute, la Cour confirme par cet arrêt en retenant notamment que :
- Les reprises étaient justifiées par une imperfection du résultat chirurgical et esthétique mais n’étaient pas liées à des complications telles qu’hématome, infection, fracture, etc…
- Le médecin n’est tenu, dans l’accomplissement de l’acte médical, que d’une obligation contractuelle de moyens, qu’en matière de chirurgie esthétique cette obligation de moyens est renforcée mais ne saurait s’entendre comme constituant une obligation de résultat.
- En conséquence, le seul fait que le résultat esthétique des opérations effectuées ne soit pas à la hauteur des espérances de la patiente ne saurait, en lui-même, suffire à engager la responsabilité du médecin.
- Sur le non-respect prétendu de l’obligation d’information :
L’arrêt rappelle que le chirurgien esthétique, du fait du caractère non curatif de l’intervention projetée, est tenu d’une obligation d’information de son patient particulièrement détaillée quant à cette intervention et aux risques susceptibles de se produire, afin de permettre au patient de donner un consentement pleinement éclairé à cet acte. La preuve de cette information peut être faite par tous moyens et peut résulter d’un ensemble de présomptions (au sens de l’article 1353 du code civil).
« En l’espèce, il ne s’agit pas d’un acte unique de chirurgie esthétique, mais de 20 interventions qui se sont succédé avec le même praticien sur une période de plus de 11 années, ayant eu lieu à la demande même de la patiente notamment du fait de son insatisfaction quasi permanente quant aux résultats obtenus, conduisant à de nombreuses reprises ou réinterventions, qui faisaient suite à de précédentes pratiquées par d’autres chirurgiens esthétiques.
« Une opération de chirurgie esthétique suppose la prise de mesures préopératoires, de photographies, de rencontres avec le médecin au cours desquelles la patiente fait état de ses souhaits et où le médecin propose les interventions nécessaires pour les réaliser, l’absence d’urgence médicale permettant un délai de réflexion, qu’il s’ensuit un dialogue entre le médecin et son patient qui, en l’espèce, s’est maintenu pendant de nombreuses années.
« Le Docteur LF produit à l’expertise et aux débats un exemplaire des imprimés d’information qu’elle dit remettre systématiquement à ses patients avant l’intervention, que ces documents concernent la rhinoplastie, la blépharoplastie esthétique et la plastie mammaire de réduction pour hypertrophie, qu’outre les imprimés émanant de la Société Française de Chirurgie plastique reconstructrice et esthétique, elle a également établi ses propres imprimés d’information.
« Ces documents sont particulièrement détaillés quant à la nature de l’intervention, au type d’anesthésie, aux suites opératoires, au résultat et aux complications envisageables.
« Il n’est pas établi que ces documents seraient des faux établis pour les besoins de la cause.
« Il résulte donc des pièces produites, de la très longue durée de la relation entre le Dr LF et sa patiente, du grand nombre d’interventions effectuées pendant cette période et, par voie de conséquence, des relations contractuelles suivies qui ont existé, qu’il y a un faisceau de présomptions suffisantes, au sens de l’article 1353 du code civil, pour établir que le médecin a fourni à sa patiente pendant toute cette période une information suffisante lui permettant de donner son consentement éclairé aux diverses interventions effectuées. »
La patiente est déboutée de toutes ses demandes contre le chirurgien esthétique mais ne lui paie que 1 500 € au titre de ses frais de défense…

La Lettre du Cabinet - Décembre 2009
Voir le contenu de l'article [+]
Implants capillaires : pas d’obligation de résultat (Cour d’appel de Paris, 2ème ch, pôle 2, 21 mars 2014, n° 12-23107)
Isabelle Lucas-Baloup

   Le Tribunal de Paris avait retenu qu’un « centre capillaire » avait proposé, selon devis non daté, et pour une somme de 34 500 € dument réglée, une « inter-vention capillaire non chirurgicale, technique brevetée, par micro-cylindres », opération réalisée en avril 2011, qui se sont détachés, le patient subissant une perte de ses cheveux. Le résultat était présenté comme garanti et aucun aléa n’était évoqué dans le devis ou la facture. Les micro-cylindres avaient été retirés au mois de juillet 2011 à la demande du client qui se plaignait de leur détachement dès le mois de juin. Le jugement de première instance condamnait « l’exploi-tant du centre capillaire », M. Ivari, à rembourser le prix de 34 500 €, outre 1 600 € de dommages-intérêts et ses frais judiciaires.

   La Cour de Paris au contraire annule ce jugement et déboute le client en retenant notamment, sans la moindre considération de droit médical ni application des textes du code de la santé publique :

 

« Considérant que pour s’exonérer de la charge qui lui incombe d’établir la faute de M. Ivari dans l’exécution du contrat de pose d’implants capillaires conclu avec celui-ci, exploitant un fonds de commerce sous le nom Ivari Centre International Capillaire, M. H fait valoir uniquement devant la Cour que les obligations mises à la charge de M. Ivari sont constitutives d’une obligation de résultat. (…)

 

« Considérant que M. Ivari a réalisé les 20 et 21 avril 2011 au bénéfice de M. H la pose d’implants capillaires selon sa technique brevetée consistant à prélever des échantillons de chevelure sur la tête de son client puis à les réimplanter par le biais de micro-cylindres. (…)

 

« Que la description minutieuse de la technique brevetée utilisée présentée comme plus efficace que les autres ainsi que le prix élevé des prestations sont insuffisants à établir l’existence d’une obligation de résultat à la charge de M. Ivari, le devis indiquant par ailleurs l’importance et la nécessité d’un entretien postérieur minutieux si possible au sein de la clinique, ce qui est de nature à démontrer l’existence d’un aléa tenant à la qualité de cet entretien incompatible avec l’obligation de résultat invoquée.

 

« Considérant qu’il appartient dès lors à M. H de démontrer la faute commise par M. Ivari dans l’exécution de son obligation de moyen.

 

« Que M. H qui échoue dans la démonstration des causes de l’échec de l’intervention, causes qui ne peuvent plus faire l’objet d’une quelconque explication compte tenu du retrait des implants, n’établit pas l’existence de la faute du centre capillaire et sera en conséquence débouté de ses demandes en remboursement du prix de l’intervention et en paiement de dommages-intérêts. »
La Lettre du Cabinet - Septembre 2014


Mots clefs associés à cet article :
Implants capillaires Obligation de résultat

Voir le contenu de l'article [+]