Base de données - Preuve

Aspects juridiques des infections nosocomiales en réanimation
Isabelle Lucas-Baloup

Chapitre extrait de l'ouvrage "Risques infectieux en réanimation : gestion et prévention" sous la direction du Docteur Jean Carlet.

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Cassation 27 mars 2001 : il appartient au patient de démontrer que l'infection dont il est atteint présente un caractère nosocomial
Isabelle Lucas-Baloup

Enfin une bonne nouvelle ! La première chambre civile de la Cour de cassation vient de rejeter un pourvoi contre un arrêt ayant débouté un patient qui n'avait pas démontré le caractère nosocomial de l'infection dont il était atteint. Les Hauts-magistrats adoptent la motivation des juges de Toulouse : " Quelques heures après la réalisation de l'arthroscopie, le patient, dont le genou avait été pansé à la Clinique, avait regagné son domicile, fait changé le pansement pas un autre médecin quelques jours après et avait pu se livrer à des activités contre-indiquées de nature à favoriser une contamination ; les juges du fond, qui ont encore précisé que les premiers signes de l'infection s'étaient manifestés six jours après l'intervention, la présence de staphylocoques dorés étant constatée sur un prélèvement, ont par une appréciation souveraine estimé qu'il n'était pas possible de déterminer ce qui était à l'origine de la présence de ce bacille, ce dont il résultait que le patient ne rapportait pas la preuve du caractère nosocomial de son infection. "
Une jurisprudence à invoquer aujourd'hui systématiquement...

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Mai 2001
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Chirurgie esthétique : pas d’obligation de résultat, mais une obligation d’information renforcée, dont la preuve peut être rapportée par un faisceau de présomptions
(Cour d’appel Aix-en-Provence, 10ème ch., arrêt du 2 septembre 2009, n° 07/10274)
Isabelle Lucas-Baloup

20 interventions de chirurgie esthétiques sont réalisées en 12 ans sur la plaignante qui se plaint de fautes techniques et d’un défaut d’information : 8 interventions sur le nez, 4 sur le menton, 5 sur les paupières, 3 sur les seins et 2 liposuccions sur les cuisses. Le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence la déboute, la Cour confirme par cet arrêt en retenant notamment que :
- Les reprises étaient justifiées par une imperfection du résultat chirurgical et esthétique mais n’étaient pas liées à des complications telles qu’hématome, infection, fracture, etc…
- Le médecin n’est tenu, dans l’accomplissement de l’acte médical, que d’une obligation contractuelle de moyens, qu’en matière de chirurgie esthétique cette obligation de moyens est renforcée mais ne saurait s’entendre comme constituant une obligation de résultat.
- En conséquence, le seul fait que le résultat esthétique des opérations effectuées ne soit pas à la hauteur des espérances de la patiente ne saurait, en lui-même, suffire à engager la responsabilité du médecin.
- Sur le non-respect prétendu de l’obligation d’information :
L’arrêt rappelle que le chirurgien esthétique, du fait du caractère non curatif de l’intervention projetée, est tenu d’une obligation d’information de son patient particulièrement détaillée quant à cette intervention et aux risques susceptibles de se produire, afin de permettre au patient de donner un consentement pleinement éclairé à cet acte. La preuve de cette information peut être faite par tous moyens et peut résulter d’un ensemble de présomptions (au sens de l’article 1353 du code civil).
« En l’espèce, il ne s’agit pas d’un acte unique de chirurgie esthétique, mais de 20 interventions qui se sont succédé avec le même praticien sur une période de plus de 11 années, ayant eu lieu à la demande même de la patiente notamment du fait de son insatisfaction quasi permanente quant aux résultats obtenus, conduisant à de nombreuses reprises ou réinterventions, qui faisaient suite à de précédentes pratiquées par d’autres chirurgiens esthétiques.
« Une opération de chirurgie esthétique suppose la prise de mesures préopératoires, de photographies, de rencontres avec le médecin au cours desquelles la patiente fait état de ses souhaits et où le médecin propose les interventions nécessaires pour les réaliser, l’absence d’urgence médicale permettant un délai de réflexion, qu’il s’ensuit un dialogue entre le médecin et son patient qui, en l’espèce, s’est maintenu pendant de nombreuses années.
« Le Docteur LF produit à l’expertise et aux débats un exemplaire des imprimés d’information qu’elle dit remettre systématiquement à ses patients avant l’intervention, que ces documents concernent la rhinoplastie, la blépharoplastie esthétique et la plastie mammaire de réduction pour hypertrophie, qu’outre les imprimés émanant de la Société Française de Chirurgie plastique reconstructrice et esthétique, elle a également établi ses propres imprimés d’information.
« Ces documents sont particulièrement détaillés quant à la nature de l’intervention, au type d’anesthésie, aux suites opératoires, au résultat et aux complications envisageables.
« Il n’est pas établi que ces documents seraient des faux établis pour les besoins de la cause.
« Il résulte donc des pièces produites, de la très longue durée de la relation entre le Dr LF et sa patiente, du grand nombre d’interventions effectuées pendant cette période et, par voie de conséquence, des relations contractuelles suivies qui ont existé, qu’il y a un faisceau de présomptions suffisantes, au sens de l’article 1353 du code civil, pour établir que le médecin a fourni à sa patiente pendant toute cette période une information suffisante lui permettant de donner son consentement éclairé aux diverses interventions effectuées. »
La patiente est déboutée de toutes ses demandes contre le chirurgien esthétique mais ne lui paie que 1 500 € au titre de ses frais de défense…

La Lettre du Cabinet - Décembre 2009
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Endophtalmie : les experts doivent rechercher également l'origine pendant les soins postopératoires
Isabelle Lucas-Baloup

Nouvel apport toujours de la 1ère chambre de la Cour de cassation : par un arrêt du 18 janvier 2005, elle annule un arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux ayant débouté les parents d'un enfant ayant perdu la vue après une intervention en clinique destinée à corriger un strabisme. L'ophtalmologiste, après l'intervention chirurgicale, avait revu l'enfant en consultation à quatre reprises les jours suivants. Les experts écartaient toute infection directe à l'occasion de l'acte chirurgical par instrumentation ou contamination dans le champ opératoire et avait précisé qu'il n'apparaissait pas que l'endophtalmie bactérienne ait pu être une conséquence directement imputable au geste chirurgical dans le sens d'une contamination directe par instrumentation ou du fait de mauvaise d'hygiène au sein de la clinique. La Cour de Bordeaux avait donc débouté les parents de la demande d'indemnisation du dommage consécutif à l'endophtalmie.
Pas du tout, juge la Cour de cassation qui considère qu'en statuant ainsi " sans rechercher si, au vu du rapport d'expertise, l'infection avait pu être contractée lors des soins post-opératoires " la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil, lequel prévoit que seule la cause étrangère permet l'exonération de responsabilité.
Les faits étaient antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, qui ne s'appliquait donc pas. Cette orientation jurisprudentielle converge vers le droit positif (c'est-à-dire celui en vigueur actuellement) et je persiste à regretter ce courant tendant à vouloir condamner systématiquement les professionnels et établissements de santé, même lorsqu'un rapport d'expertise établit qu'ils n'ont pas démérité. Une vraie loi sur l'indemnisation de l'aléa thérapeutique aurait permis d'éviter cette situation.

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Mars 2005


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Endophtalmie Ophtalmologie Preuve

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Infections nosocomiales : la charge de la preuve incombe au patient
(Cass. Civ. 1, 30 octobre 2008, n° 07-13.791, Clinique Chantecler, EFS)
Anne-Sophie Grobost

Dans le cadre de la contamination d’une patiente par le virus de l’hépatite C suite à des transfusions sanguines reçues lors d’une intervention chirurgicale, la Cour de cassation censure l’arrêt d’une cour d’appel qui retient qu’en matière d’infections nosocomiales la charge de la preuve n’incombe pas au patient.
L’arrêt rappelle qu’au contraire il appartient au patient ou à ses ayants droit de démontrer le caractère nosocomial de l’infection, fût-ce par présomptions graves, précises et concordantes.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009
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Information en cas de traitement de l’infertilité
Isabelle Lucas-Baloup

Le chirurgien ou le fiviste qui envisage un traitement de l’infertilité d’une patiente doit l’informer préalablement dans les conditions de droit commun, d’une part, en tenant compte des recommandations spécifiques à ce traitement, d’autre part. Un revirement de jurisprudence de juin 2010 implique désormais une indemnisation quand le praticien n’apporte pas la preuve de l’information.

Obligations de droit commun :
L’article L. 1111-2 du code de la santé publique, issu de la Loi Kouchner, impose une information sur : « les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ».
Le chirurgien est débiteur de la preuve, par tous moyens, que l’information a été délivrée à l’intéressée. Si un écrit n’est pas obligatoire en l’état des textes en vigueur, il est plus facile de produire un document récapitulant clairement les informations communiquées puis l’accord écrit de la patiente qui en a pris connaissance, plutôt que de débattre, en cas de contentieux, de présomptions qui tiennent compte des habitudes du praticien en la matière, telles que rapportées par des témoins, qui peuvent être ses collaborateurs, sa secrétaire etc.
En ce qui concerne l’information sur les « autres solutions possibles », le chirurgien ne doit pas hésiter à recommander à la patiente de consulter un fiviste qui complètera les commentaires déjà entendus sur les avantages et inconvénients de chaque traitement possible.

Recommandations spécifiques :
Si les sociétés savantes, la Haute Autorité de Santé, des publications à comité de lecture, ont d’ores et déjà recommandé d’informer sur certains risques spécifiques, il sera utile d’organiser la preuve que ces informations ont dûment été communiquées à la patiente, les magistrats y étant très sensibles.

Revirement de jurisprudence :
Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 3 juin 2010, l’information imparfaite de la patiente n’est plus sanctionnée en vertu de la responsabilité contractuelle du médecin (indemnisation partielle du préjudice, au titre de la seule perte de chance d’éviter le dommage), mais sur le fondement d’une responsabilité délictuelle, le défaut d’information causant nécessairement un préjudice que le juge doit obligatoirement indemniser.

Gynéco Online - Octobre 2010


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Information Jurisprudence Perte de chance Preuve Revirement

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Le patient doit démontrer le caractère nosocomial de l’infection
Isabelle Lucas-Baloup

La 1ère chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt rendu le 30 octobre 2008, confirme sa précédente jurisprudence en matière de charge de la preuve qui incombe au patient demandeur à une réparation du préjudice subi en raison d’une infection nosocomiale :
« Vu les articles 1147 et 1315 du code civil ; Attendu qu’il incombe au patient ou à ses ayants droit de démontrer le caractère nosocomial de l’infection, fût-ce par présomptions graves, précises et concordantes. »
Les hauts magistrats cassent et
annulent un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui avait affirmé, au contraire, qu’en matière d’infection nosocomiale la charge de la preuve n’incomberait pas au patient...
La loi Kouchner n’ayant créé, sur ce point, aucune exception aux grands principes de droit commun selon lesquels la charge de la preuve incombe au demandeur et que celui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, cet arrêt pourra être invoqué dans la plupart des contentieux relatifs aux infections liées aux soins.

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Novembre-décembre 2008
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Perte du dossier médical = perte de chance ?
Isabelle Lucas-Baloup

Arrêt très intéressant de la Cour d’appel d’Aix en Provence rendu le 7 septembre 2011 : la clinique dans laquelle a eu lieu un accouchement, qui confie ses archives à une société extérieure, n’est pas en mesure de le produire à l’occasion d’un procès engagé par les parents de l’enfant qui a subi des lésions destructrices du cerveau acquises en période per et post-natale.
Qui est responsable ? la clinique, l’obstétricien, la société d’archivage qui a détruit le container dans lequel était le dossier médical ? 


Une parturiente est hospitalisée un 13 novembre dans une clinique de Marseille et le gynécologue-obstétricien lui prescrit, pour le déclenchement de l’accouchement le terme étant dépassé, une prostaglandine intra-vaginale et le lendemain matin une perfusion de Syntocinon. L’enfant naît à 10h50 avec un score d’Apgar bas, après aide à l’expulsion par spatules et épisiotomie. Il présente des convulsions dans l’après-midi, est transféré à l’Hôpital de la Timone en réanimation néonatale puis dans le service de neurologie.

L’expert nommé conclura que l’enfant a présenté des lésions destructrices acquises et non constitutionnelles du cerveau survenues et développées en période per et post-natale, l’élément déclenchant qui explique les crises initiales étant une hémorragie sous-durale, compliquée d’un état de mal épileptique prolongé à l’origine de lésions destructrices secondaires du cerveau, l’hémorragie pouvant s’expliquer par les contraintes exercées sur la boîte crânienne dans le pelvis, sa rotation, son expulsion et possiblement à l’extraction instrumentale. Les examens d’imagerie réalisés ultérieurement confirment la nature séquellaire destructrice post-natale des lésions cérébrales.

L’expert précise qu’après déclenchement de l’accouchement par perfusion de Syntocinon, rupture artificielle des membranes et analgésie péridurale, il ne peut déterminer du fait de l’absence des feuillets d’ERCF du travail, si une souffrance fœtale est apparue en cours de dilatation, qui aurait alors justifié une césarienne. La conduite de déclenchement de l’accouchement par maturation du col par mise en place de prostaglandine le 13 novembre semble avoir été réalisée selon les bonnes pratiques, mais l’expert ne peut déterminer si pendant les premières heures de la pose du gel de prostaglandine la surveillance clinique et l’ERCF par la sage-femme a été faite selon les bonnes pratiques en salle de travail et si le fœtus supportait bien les contractions, indiquant par ailleurs que les prostaglandines ne sont pas sans danger d’hypertonie utérine, cause de souffrance fœtale aiguë.

Le gynécologue-obstétricien a indiqué avoir pratiqué une aide à l’expulsion par spatules sous épisiotomie, tandis que la sage-femme l’aidait par une expression utérine, devant l’apparition sur une tête engagée de ralentissements qu’il qualifie de « ralentissements d’engagement ».

L’expert indique par ailleurs que la réalisation du forceps n’est pas critiquable, l’aide à l’expulsion n’ayant donné lieu à aucun traumatisme cutané ou osseux et que la prise en charge pédiatrique semble avoir été réalisée selon les bonnes pratiques.

L’arrêt du 7 septembre 2011 expose que la clinique n’a pas pu produire, pendant l’expertise, le dossier médical de la parturiente et de son fils en raison, soutenait la clinique, d’un « événement revêtant pour elle les caractères de la force majeure », dans la mesure où il était légitime pour elle de confier la gestion de ses dossiers à une société d’archivage, laquelle n’a pas été en mesure de restituer le dossier au moment où la clinique l’a demandé. Une enquête réalisée par la société d’archivage a conduit au constat que le container dans lequel le dossier médical était conservé a été détruit. Néanmoins, la clinique et la société d’archivage n’ont pas produit le contrat signé entre les deux sociétés de telle sorte que la Cour n’a pas pu analyser les obligations de la société d’archivage concernant la durée de conservation et les modalités de destruction des dossiers dont elle avait la charge.

La clinique soutenait néanmoins que les destructions étaient conditionnées par un ordre préalable de sa part, la société d’archivage produisait un courrier listant des containers à détruire mais n’a pas justifié de l’ordre de destruction qu’elle soutenait avoir reçu de la clinique pour le container contenant le dossier litigieux.

La Cour d’Aix-en-Provence a donc jugé qu’en procédant à cette destruction de sa propre initiative, la société d’archivage a commis une faute à l’égard de son cocontractant, la clinique. Cette faute ne peut toutefois revêtir les caractères de la force majeure pour la clinique, la conservation du dossier médical étant une obligation incombant à l’établissement et les conséquences de son non-respect devant être supportées par celui-ci vis-à-vis du patient, la destruction du dossier par la société d’archivage à laquelle elle avait choisi de confier l’exécution de sa propre obligation ne présentant pas les caractères d’irrésistibilité et d’extériorité de la force majeure.

L’arrêt du 7 septembre juge néanmoins que la perte du dossier par la clinique n’a pas pour effet d’inverser la charge de la preuve ni de dispenser les parents de démontrer que les éléments contenus dans ce dossier étaient susceptibles de leur permettre d’établir les fautes commises par l’obstétricien, qui n’était pas le préposé de la clinique exerçant à titre libéral, aucun défaut de prise en charge par le personnel médical de la clinique n’étant par ailleurs démontré par les demandeurs aux dommages et intérêts.

La Cour d’Aix juge en conséquence :

« Il résulte de ces éléments que l’absence du dossier médical de la parturiente, établi à partir du 13 novembre, a supprimé pour l’expert toute source de renseignements médicaux directs pour l’accouchement et les premiers soins à l’enfant dans le service de maternité, et ne lui a pas permis d’exclure totalement la possibilité d’une souffrance fœtale s’étant produite suite au déclenchement de l’accouchement et pas seulement en fin de travail, le résumé d’observations effectué par l’Hôpital de la Timone où l’enfant a été hospitalisé le 18 novembre (mentionnant en particulier ?pas de SFA retrouvées sur le monitoring en dehors de quelques DIP 1?) étant insuffisant pour déterminer avec précision la date d’apparition de la souffrance fœtale, le résumé d’accouchement établi par le gynécologue-obstétricien ne pouvant être pris en compte puisque émanant de la partie dont la responsabilité est susceptible d’être mise en cause, […].

« L’existence d’une souffrance fœtale effective apparue avant la phase d’expulsion aurait dû conduire le gynécologue-obstétricien à pratiquer une césarienne, ce qui aurait évité les difficultés de l’expulsion et la formation d’un hématome sous-dural.

« L’absence des éléments du dossier d’accouchement prive par conséquent les parents d’une chance de pouvoir démontrer la faute de l’obstétricien, perte de chance que le Tribunal a exactement fixée à 50 %.

« La responsabilité de la clinique est en conséquence engagée à l’égard des parents dans cette proportion, sans que la société d’archivage puisse utilement soutenir que l’obstétricien aurait dû lui-même conserver un double des enregistrements litigieux, l’obligation des médecins d’établir une fiche d’observation pour chacun de ses patients n’impliquant pour eux celle de solliciter des établissements de soins dans lesquels ils exercent à titre libéral un duplicata des enregistrements qui y ont été réalisés pour les joindre à leur dossier. »

En conclusion : les obstétriciens doivent être vigilants à la bonne conservation des dossiers médicaux qu’ils confient aux cliniques, particulièrement lorsque celles-ci les archivent en les confiant à des sociétés extérieures, avec lesquelles les relations contractuelles ne sont pas toujours parfaitement maîtrisées. C’est à l’occasion de procédures de cette nature qu’on le constate, et le regrette, dans l’intérêt de toutes les parties en cause : l’obstétricien, la clinique, la société d’archivage mais également et surtout les parents et l’enfant !

Gyneco Online - Septembre 2011
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Pour la Cour de cassation : l'infection postopératoire d'un implant n'est pas non plus nosocomiale !
Isabelle Lucas-Baloup

Un chirurgien ORL était poursuivi par une patiente, atteinte d'une mastopathie récidivante, sur laquelle il avait tenté de réaliser une reconstruction des seins autour d'implants gonflables dans le prolongement de la mastectomie sous-cutanée bilatérale réalisée par un confrère gynécologue. Il avait procédé tardivement, malgré l'échec de la cicatrisation puis l'objectivation d'un abcès sous-cutané et d'une nécrose des tissus des mamelons à l'occasion de 2 autres interventions chirurgicales inefficaces, à l'ablation des prothèses infectées en les remplaçant par des prothèses d'expansion cutanée. Les juges ont retenu qu'en omettant de faire procéder aux examens bactériologiques que justifiaient les signes d'infection apparus, en laissant en place trop longtemps les prothèses rejetées puis en les remplaçant par de nouvelles prothèses dans les loges rétropectorales largement ouvertes sur une zone infectée, le prévenu, a commis de graves fautes de négligence et d'imprudence ayant un lien de causalité certain avec le dommage subi par la victime dont l'incapacité totale de travail a été fixée à six mois. La Cour d'Aix-en-Provence avait condamné le chirurgien, pour blessures involontaires, à un an de prison avec sursis, et 7 500 € d'amende, outre une interdiction définitive d'exercice professionnel. La chambre criminelle de la Cour de cassation rejette, le 19 octobre 2004, le pourvoi du chirurgien en retenant que " en l'état des énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de preuves soumis au débat contradictoire, il résulte que le prévenu est l'auteur direct des dommages subis par la victime, que rien ne permet d' attribuer à une infection nosocomiale. " Ainsi, la qualification d'infection nosocomiale est clairement refusée par la Cour de cassation à une infection postopératoire apparaissant immédiatement après la pose des implants.
Discréditer une décision juridictionnelle par un écrit de nature à porter atteinte à l'autorité de la Justice constitue un délit puni de 6 mois de prison, que je ne commettrai pas dans HMH. Je m'abstiens, en conséquence, de reproduire ici le commentaire au vitriol que j'avais préparé.
Bonne année ! Je vous souhaite 2005 raisons de ne pas désespérer...

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Janvier 2005


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Dispositifs médicaux Implant Infections nosocomiales Preuve

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Responsabilité pénale des médecins : le lien de causalité entre la faute et le dommage non démontré conduit à la relaxe
(Cassation criminelle, 22 mars et 5 avril 2005)
Isabelle Lucas-Baloup

La revue Droit Pénal (juillet-août 2005) vient de publier deux arrêts récents de la Cour de cassation avec un commentaire du Doyen Michel Véron qui insistent à bon escient sur un élément incontournable de la responsabilité pénale pour homicide ou blessures involontaires : celui de la certitude du lien de causalité entre les fautes imputées au médecin et le dommage subi par la victime.
Dans la première affaire, après une intervention chirurgicale (cancer du côlon, ablation de la tumeur), les experts avaient constaté un certain nombre d'anomalies au cours des soins et du suivi médical, qui, prises isolément, n'auraient pas été de nature à entraîner la mort mais qui ont abouti à une complication postopératoire fatale (septicémie), dont la prise en charge a été tardive et inadaptée, les chances de survie de la patiente s'en trouvant amoindries. Le chirurgien était donc relaxé du chef d'homicide involontaire puisque, si la patiente avait été privée d'une chance de survie, il n'existait pas de relation certaine de causalité entre son décès et les anomalies médicales constatées.
Dans la seconde affaire, un patient de 41 ans est admis aux urgences d'un hôpital pour hémorragie digestive aiguë. Il subit une fibroscopie gastrique révélant un ulcère au niveau du 2ème duodénum et est immédiatement vu par les chirurgiens qui décident de ne pas intervenir immédiatement et de poursuive la réanimation. Ils continuent à temporiser puis l'état s'aggravant décident d'intervenir. Le malade présente alors un arrêt cardio-respiratoire. Il est "récupéré" puis opéré mais ne reprendra pas connaissance et décède quelques semaines plus tard. Les experts et contre-experts se sont accordés pour conclure qu'une décision chirurgicale aurait dû être prise au vu des résultats de l'endoscopie et que, si l'hémorragie avait été arrêtée plus tôt, le choc cardio-respiratoire aurait pu être évité. Le gastro-entérologue et les chirurgiens sont condamnés en raison de "fautes essentielles et déterminantes qui ont directement causé le décès, dû à l'état d'hypoxémie ayant provoqué l'arrêt cardio-respiratoire à l'origine d'une décérébration irréversible, le processus mortel étant engagé avant même la décision de procéder à l'intervention chirurgicale".
Ce sont deux bonnes illustrations de la réforme du code pénal opérée par la loi du 10 juillet 2000 qui distingue désormais selon que :
- le prévenu a causé directement le dommage : une simple faute d'imprudence ou de négligence suffit, ainsi qu'en cas de simple manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou par un décret,
- ou a seulement créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage : l'article 121-3 du code pénal exige alors une faute "caractérisée" ou la "violation manifestement délibérée" de l'obligation légale ou réglementaire.
Il nous est agréable de citer le Professeur Véron soulignant que "La loi opère une distinction relative à la nature de la faute en exigeant une faute plus grave en cas de causalité indirecte qu'en cas de causalité directe. Mais cette distinction ne se retrouve pas lorsqu'il s'agit d'apprécier les conséquences des fautes commises. Dans un cas comme dans l'autre la responsabilité pénale ne peut être retenue que si les fautes des prévenus ont une relation de causalité certaine avec le dommage, que celle-ci soit directe ou indirecte. En matière pénale, on ne peut se contenter de probabilités ou de possibilités. Il faut des certitudes et la relaxe s'impose en cas de doute."
La défense des médecins poursuivis pénalement doit développer impérativement ces causes de relaxe, après avoir exigé que la mission des experts les conduise à ventiler, dans leurs rapports, les causes et les effets.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2005


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Faute Lien de causalité Médecins Preuve

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