Base de données - Préjudice

Défaut d’information avant l’acte chirurgical (cataracte) : préjudice d’impréparation (Cour d’appel de Paris, pôle 2, 30 janvier 2015)
Isabelle Lucas-Baloup

Un patient, opéré de la cataracte, présente une rupture capsulaire responsable d’un œdème cornéen G. Le chirurgien ne démontre pas avoir informé le patient sur les risques de l’opération, le dossier médical ne comporte aucune indication sur la qualité de l’information. La cour d’appel de Paris juge que le fait que le patient a consulté 4 fois le chirurgien avant l’opération ne suffit pas à lui seul à établir son consentement éclairé, et particulièrement sur l’information de la complication de rupture capsulaire qui s’est réalisée.
L’ophtalmologiste est condamné à réparer le préjudice d’impréparation que l’arrêt définit comme « un droit personnel, détaché des atteintes corporelles » dont la lésion entraîne un « préjudice moral résultant d’un défaut de préparation psychologique aux risques encourus et du ressentiment éprouvé à l’idée de ne pas avoir consenti à une atteinte à son intégrité physique ». 5 000 €.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2015
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Erreur d’organe opéré : pas d’indemnisation du préjudice éventuel
(Cour de cassation, 1ère civ., arrêt du 28 juin 2012, n° 11-19265)
Pierre Culioli

Un chirurgien vasculaire effectue par erreur, sur une patiente souffrant d’insuffisance veineuse à la jambe droite, un stripping de la veine saphène interne (grande saphène) au lieu de la veine saphène externe (petite saphène). En première instance, il a été condamné à indemniser la victime au titre des préjudices temporaires, patrimoniaux, extra-patrimoniaux et du préjudice esthétique. Dans un arrêt du 4 avril 2011, la Cour d’appel de Reims a fait siens les arguments des premiers magistrats mais a sanctionné en plus le médecin au paiement de :

  • 5 400 € correspondant au préjudice né d’une perte de chance de guérison,
  • 3 000 € correspondant à un préjudice extra-patrimonial exceptionnel.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 28 juin 2012 (n° 11-19265), a confirmé partiellement l’arrêt de la Cour d’appel en jugeant que :

« L'opération envisagée, qui ne présentait qu'un faible risque d'échec, n'avait pu avoir lieu en raison de l'erreur médicale commise par M. Y..., a caractérisé l'existence d'un préjudice né de la perte d'une chance de guérison à l'occasion de l'opération litigieuse ;

« Pour condamner M. Y... à verser à Mme X... une somme de 3 000 euros, la cour d'appel a relevé l'impossibilité psychologique dans laquelle se trouvait désormais cette dernière d'engager sereinement des soins médicaux, particulièrement s'ils nécessitent une intervention chirurgicale, comme constitutive d'un préjudice extra-patrimonial permanent atypique ou encore exceptionnel, en ce sens qu'il est lié au caractère exceptionnel des circonstances dans lesquelles la faute a été commise, Mme X... étant ressortie de la clinique où elle devait recevoir des soins non seulement sans les avoir reçus, mais dans un état aggravé par une erreur quant à la partie du corps à opérer ;

« En statuant ainsi, alors que la réticence alléguée par Mme X... à subir dans le futur une intervention chirurgicale constituait une simple éventualité, la cour d'appel a fait une fausse application des textes susvisés. »

Les Hauts magistrats ont refusé de condamner le médecin à indemniser la patiente pour un préjudice simplement hypothétique. L’arrêt de la Cour d’appel est cassé sur ce point pour fausse application de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique (relatif à la responsabilité du professionnel de santé) et de l’article 1382 du code civil (concernant le régime de responsabilité délictuelle de droit commun). Le préjudice subi par un patient ne peut être réparé que dans le cas où il existe un véritable dommage. La Cour de cassation contrôle qu’il n’y a pas de doute sur sa réalité. L’arrêt du 28 juin 2012 donne ainsi une définition du préjudice conforme à l’esprit des textes. Cette décision s’inscrit parfaitement dans la mouvance jurisprudentielle prohibant l’indemnisation du dommage simplement éventuel mais condamnant le médecin dans l’hypothèse d’une perte de chance réelle.

La lettre du Cabinet - Septembre 2012


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Erreur d'organe Indemnisation Préjudice

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La brutalité de l'annonce d'un cancer du col de l'utérus ne cause pas nécessairement un préjudice moral à la patiente
(Arrêt du 10 novembre 2005, Cour d'appel de Paris, 1ère chambre)
Isabelle Lucas-Baloup

Il est extrêmement fréquent que les patients se plaignent des modalités, de la brutalité, du manque de délicatesse avec lesquels un médecin leur apprend qu'ils sont atteints d'un cancer. Cet arrêt en constitue une nouvelle manifestation, mais en l'espèce : la patiente est déboutée de sa critique.
Atteinte d'un cancer du col de l'utérus, elle estimait qu'il était la conséquence directe des comportements minimalistes et négligents de son gynécologue et du médecin ayant procédé aux analyses des frottis et des biopsies. Si les experts ont relevé que le gynécologue avait commis des négligences dans le suivi gynécologique et des maladresses dans la prescription des investigations nécessaires à l'établissement du diagnostic et l'appréciation des lésions, conduisant à proposer une attitude thérapeutique d'emblée radicale sans concertation pluridisciplinaire, ils ont conclu qu'il n'y avait pas eu de retard dans le diagnostic, un cancer invasif pouvant se développer même en cas de contrôles réguliers par frottis. Ils ont également considéré que la prise en charge de la lésion avait été conforme aux données acquises de la science.
La Cour d'appel de Paris réforme en revanche le jugement en ce qu'il avait accordé une indemnité à la patiente pour le préjudice moral subi en raison de la maladresse avec laquelle le gynécologue lui avait annoncé immédiatement une hystérectomie. L'arrêt retient que si, devant les résultats des frottis et des biopsies, la patiente a très mal vécu l'information donnée par son médecin, en raison de facteurs strictement personnels (notamment son âge de 48 ans et le fait qu'elle n'avait pas eu d'enfant), l'annonce d'une telle pathologie constitue toujours un choc pour la patiente. "L'orientation vers un chirurgien pour une hystérectomie devant l'échec d'un traitement moins radical ne peut être constitutive d'une faute, d'autant que les experts ont admis que la prise en charge de la lésion avait été conforme aux données acquises de la science".
Il n'empêche que, dans la critique des performances de certains médecins en matière de communication, les patients n'ont pas toujours tort…

La Lettre du Cabinet - Décembre 2005


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Cancer Information Préjudice

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Le patient doit démontrer le caractère nosocomial de l’infection
Isabelle Lucas-Baloup

La 1ère chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt rendu le 30 octobre 2008, confirme sa précédente jurisprudence en matière de charge de la preuve qui incombe au patient demandeur à une réparation du préjudice subi en raison d’une infection nosocomiale :
« Vu les articles 1147 et 1315 du code civil ; Attendu qu’il incombe au patient ou à ses ayants droit de démontrer le caractère nosocomial de l’infection, fût-ce par présomptions graves, précises et concordantes. »
Les hauts magistrats cassent et
annulent un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui avait affirmé, au contraire, qu’en matière d’infection nosocomiale la charge de la preuve n’incomberait pas au patient...
La loi Kouchner n’ayant créé, sur ce point, aucune exception aux grands principes de droit commun selon lesquels la charge de la preuve incombe au demandeur et que celui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, cet arrêt pourra être invoqué dans la plupart des contentieux relatifs aux infections liées aux soins.

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Novembre-décembre 2008
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Nouvel arrêt sur la perte de chance : vers une réparation partielle du préjudice
Isabelle Lucas-Baloup

Une fois de plus, la Haute Juridiction vient encore de juger le préjudice :
« Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d’un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d’éviter que ce dommage soit advenu ; la réparation qui incombe à l’hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue ».

En l’espèce, il résultait des pièces du dossier et notamment des rapports d’expertise que le traite-ment inadapté de l’infection pulmonaire dont était atteint le patient n’a entraîné pour l’intéressé qu’une perte de chance d’échapper à l’aggravation fatale de son état.

Les jurisprudences tant administra-tive que civile sont constantes et identiques sur cette question, ainsi que l’illustre l’arrêt récent d’une Cour d’appel en ces termes : « Le Tribunal a donc décidé à bon escient que si la cause du préjudice subi par Monsieur B. était l’accident cardiaque lui-même, la rapidité insuffisante des soins consécutifs au défaut de surveillance avait occasionné une perte de chance d’éviter le préjudice. Cette perte de chance dont les implications sur l’état de santé de Monsieur B. ne peuvent être déterminées avec précision a été justement évaluée à la moitié du préjudice résultant de la complication post-opératoire survenue ».

La Cour a confirmé la responsabilité in solidum du médecin anesthésiste et de la Clinique de la perte de chance subie par le patient (Cour d’appel de Toulouse 1ère chambre section 1, arrêt du 19 novembre 2007, n° 06/05345, notamment).

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Mai-juin 2008
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Obligation d'information et préjudice d'impréparation
(arrêt Cour de cassation, 1ère civ., 25 janvier 2017, n° 15-27.898)
Vincent Guillot-Triller

Par son arrêt rendu le 25 janvier 2017, la Cour de cassation apporte une nouvelle précision à la notion prétorienne de préjudice d’impréparation.

Une patiente présentant une hémiplégie des membres à la suite d’une artériographie assigne en réparation le chirurgien vasculaire, le radiologue et l’ONIAM. Elle invoque, outre la réparation de son préjudice corporel, la réparation du défaut d’information sur le risque médical lié à l’acte en cause.

La Cour d’appel condamne les médecins à payer une indemnité, à la fois en réparation de la perte de chance d’éviter le dommage, mais aussi en réparation du préjudice d’impréparation à la réalisation du dommage. Estimant qu’il s’agit du même préjudice, les médecins se pourvoient en cassation, et à juste titre, le préjudice d’impréparation était généralement présenté comme une alternative à la perte de chance, c’est-à-dire de permettre l’indemnisation des victimes lorsque la perte de chance d’éviter le dommage n’était pas invocable faute de preuve que le patient aurait choisi de renoncer à l’opération.

Or la Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs « qu’indépendamment des cas dans lesquels le défaut d’information sur les risques inhérents à un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soins, a fait perdre au patient une chance d’éviter le dommage résultant de la réalisation de l’un de ces risques, en refusant qu’il soit pratiqué, le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d’information cause à celui auquel l’information était due, lorsque ce risque se réalise, un préjudice moral résultant d’un défaut de préparation aux conséquences d’un tel risque, qui, dès lors qu’il est invoqué, doit être réparé ».

Cette décision présente un double intérêt. Elle confirme tout d’abord une jurisprudence aujourd’hui bien installée : celle du préjudice d’impréparation, construction prétorienne du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation dont l’objet était initialement de permettre l’indemnisation des victimes en l’absence de perte de chance. L’arrêt ajoute cependant une précision importante : le préjudice d’impréparation est indépendant de la perte de chance quand bien même cette dernière serait caractérisée.

S’il est évident que l’impréparation pouvait être indemnisée en l’absence d’une perte de chance, l’inverse n’était pas certain. La Cour de cassation étend une nouvelle fois le champ des préjudices indemnisables en permettant un cumul « perte de chance » et « impréparation » : ils peuvent donc être indemnisés simultanément !

Il est encore une fois conseillé aux praticiens de prendre toutes leurs précautions lorsqu’ils pratiquent des actes à risque afin de pouvoir apporter une preuve certaine de l’information du patient.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2017
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Réparation du préjudice sexuel et d'infertilité
Isabelle Lucas-Baloup

 Après un accident du travail, un accident de la circulation, des violences subies, une erreur ou une faute médicale (traitement ou chirurgie), une action en responsabilité, civile, pénale ou administrative, contre l’auteur du préjudice, donne lieu à une expertise médicale judiciaire en vue de déterminer le préjudice corporel subi par la victime, que le juge saisi va transformer en une indemnité réparatrice (ou censée l’être).

   Aucun barème ne s’impose en droit français, mais il existe une nomenclature, issue d’un groupe de travail dont M. Jean-Pierre Dintilhac était le président, désormais dénommée en pratique la Nomenclature Dintilhac, que les professionnels utilisent, experts judiciaires, avocats et magistrats. Elle constitue une référence majeure dans le contentieux de l’indemnisation du préjudice corporel, sans pour autant s’imposer et la jurisprudence s’en inspire en permanence tout en demeurant totalement libre de fixer au cas par cas la définition du préjudice et les indemnités en réparation.

   Au titre du préjudice sexuel, la Nomenclature Dintilhac retient trois types de préjudices de nature sexuelle :

  • le préjudice morphologique qui est lié à l’atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi ;
  • le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l’accomplissement de l’acte sexuel (perte de l’envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l’acte, perte de la capacité à accéder au plaisir) ;
  • le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer.

   Les experts et tribunaux prennent en considération certains critères, tels que l’âge, mais doivent exclure aujourd’hui toute référence au genre de la victime pour évaluer le préjudice. En 1977 le Pr Louis Melennec écrivait sur le damnum sexuale dans la Gazette du Palais (Doctrine, 1977, page 525) : « (…) la perte par un sujet masculin de sa puissance virile est plus grave de conséquences que la frigidité de la femme ». Il a fallu attendre un arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme rendu le 25 juillet 2017 contre le Portugal, dont une juridiction avait réduit l’indemnité due à une victime en considération de sa qualité de femme de 50 ans, pour que la CEDH sanctionne cette affirmation comme relevant « des préjugés dominants au sein de la magistrature portugaise ». Depuis, le préjudice sexuel d’une femme vaut celui d’un homme.

  • Arrêt CEDH, 25 juillet 2017, c/ Portugal, req. n° 17 484/15

Quelques autres extraits de jurisprudence permettent d’encadrer le périmètre du préjudice sexuel en vue de sa réparation :

  • Le préjudice sexuel n’est pas limité à la perte de sensation de plaisir mais concerne l’atteinte sous toutes ses formes à la vie sexuelle :

« Attendu que le préjudice sexuel comprend tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle à savoir : le préjudice morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi, le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l’accomplissement de l’acte sexuel, qu’il s’agisse de la perte de l’envie ou de la libido, de la perte de la capacité physique de réaliser l’acte, ou de la perte de la capacité à accéder au plaisir, le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer ;

« Que l’arrêt retient que M. X a perçu à titre transactionnel la somme de 40 000 € en réparation de son préjudice sexuel, lequel n’est pas seulement limité à la perte de sensation de plaisir, ainsi que le soutient la victime, mais concerne l’atteinte, sous toutes ses formes, à la vie sexuelle ;

« Que de ces constatations et énonciations, la cour d’appel a pu déduire que la demande d’indemnisation formulée [pilules de Viagra] correspondait à un poste de préjudice déjà indemnisé dans la transaction, qu’elle a souverainement interprétée. »

  • Arrêt Cour de cassation, chambre civile 2, 17 juin 2010, 09-15.842
  • La définition des organes sexuels « secondaires » est protéiforme :

On a vu que le préjudice sexuel comprend le préjudice morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi. Que faut-il entendre par organes sexuels « secondaires » ? Quelques décisions judiciaires méritent d’être signalées à ce titre :

La cour d’appel de Chambéry, statuant sur une demande présentée par un salarié, ayant subi un accident du travail avec traumatisme de la main droite puis une réimplantation de deux doigts puis l’amputation de l’index et mise en place d’une prothèse du majeur droit, a accueilli ainsi qu’il suit la revendication d’un préjudice sexuel en raison de la blessure à la main :

« Le préjudice sexuel ne peut objectivement être exclu compte tenu des graves séquelles dont la main droite de Y reste atteinte, avec la perte définitive de son index et l’enraidissement ainsi que le déficit de sensibilité du majeur, à la suite de l’arthrodèse réalisée sur ce doigt, d’une part, et en raison de l’aspect général décrit comme atrophié de l’ensemble de la main, alors que l’expert judiciaire note que les deux seuls rayons mobiles de cette main sont le pouce et l’auriculaire : ces mutilations irréversibles affectent nécessairement l’accomplissement de rapports sexuels harmonieux, dans lesquels la main occupe une fonction irremplaçable, de telle sorte que les perturbations récurrentes apportées à la libido ainsi qu’au plaisir procuré par la vie sexuelle d’un homme encore jeune justifient une indemnisation que les éléments du dossier, notamment le rapport d’expertise judiciaire, permettent d’arbitrer à la somme de 2500 €. »

  • Arrêt Cour d’appel de Chambéry, chambre sociale, 14 mai 2013, n° 12/02094

Statuant sur la réparation d’une faute commise par un chirurgien ORL, non stomatologue, qui avait procédé à l’extraction d’un kyste et d’une dent de sagesse incluse en manquant de précautions faute de protection du nerf lingual et de compétence (imprécision du geste chirurgical), la Cour d’appel de Nîmes a statué ainsi qu’il suit sur le préjudice sexuel subi par le patient :

« Ce préjudice résulte de l’altération partielle ou totale, séparée ou cumulative, des trois aspects de la fonction sexuelle : la libido, l’acte sexuel proprement dit et la fertilité. Il se distingue du préjudice d’agrément et du déficit fonctionnel permanent ; son évaluation est modulée en fonction du retentissement subjectif de la fonction sexuelle selon l’âge et la situation familiale de la victime.

« En l’espèce, l’expert judiciaire retient un préjudice sexuel de 2,5/7 en raison des difficultés lors des préliminaires sexuels, M. C ne pouvant plus embrasser sa partenaire sans baver. L’indemnité de 4000 € allouée de ce chef par le Tribunal est justifiée et sera confirmée. »

  • Arrêt Cour d’appel de Nîmes, chambre civile 1, 25 septembre 2012, n° 11/01710

L’amputation d’une jambe en-dessous du genou a justifié la réparation d’un préjudice sexuel dans un arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence attribuant une indemnité de 20 000 € « pour les incidences de son handicap sur sa vie sexuelle et affective, étant souligné que seul un élément parmi les trois qui le composent est en cause, celui lié à l’acte sexuel lui-même, en l’absence d’atteinte physique aux organes sexuels eux-mêmes ou de perte des fonctions procréatrices ».

  • Arrêt Cour d’appel d’Aix en P., 10ème chambre, 10 avril 2013, n° 11/02694

La même amputation du membre inférieur droit n’a donné lieu qu’à une indemnité de 10 000 € par un arrêt de la Cour d’appel de Colmar en contrepartie de « rapports sexuels douloureux ».

  • Arrêt Cour d’appel de Colmar, 2ème chambre civile, 6 juillet 2012, n° 10/03736

La poitrine féminine entre également parmi les « organes sexuels secondaires », aux termes d’un arrêt de la Cour d’appel de Bastia.     

  • Arrêt Cour d’appel de Bastia, chambre civile, 6 février 2013, n° 11/00911

L’évaluation du préjudice par les tribunaux prend en considération les doléances exprimées par le demandeur relatives à la réalisation de l’acte sexuel en lui-même, en l’absence d’une atteinte urogénitale avérée. Le rapport d’expertise doit décrire la gêne engendrée et en discuter l’imputabilité.

  • Le préjudice de déficit fonctionnel temporaire intègre le préjudice sexuel subi pendant cette période :

« Attendu que pour allouer à Mme X un certaine somme en réparation de son préjudice sexuel temporaire, après lui avoir alloué une autre somme au titre de son préjudice de déficit fonctionnel temporaire, l’arrêt énonce qu’il ne peut être jugé que ce type de préjudice doit être inclus dans le déficit fonctionnel temporaire, dès lors qu’il ne peut être regardé comme constituant l’un des éléments de la privation des joies usuelles de l’existence, alors qu’en réalité la privation de toute vie sexuelle, découlant notamment de la séparation de Mme X d’avec son concubin, la nature de ses blessures, les opérations subies, les périodes d’hospitalisation nécessitées par son état de santé, représentent la privation d’un besoin vital pour tout être humain et ici d’une personne adulte vivant en couple ;

« Qu’en statuant ainsi, alors que le poste de préjudice de déficit fonctionnel temporaire, qui répare la perte de qualité de vie de la victime et des joies usuelles de la vie courante pendant la maladie traumatique, intègre le préjudice sexuel subi pendant cette période, la cour d’appel, qui a indemnisé deux fois le même préjudice, a violé le texte et le principe susvisés. »

  • Arrêt Cour de cassation, chambre civile 2, 11 décembre 2014, 13-28.774
     
  • La simple gêne positionnelle due à une maladie professionnelle constitue un préjudice sexuel :

« Attendu que pour rejeter la demande de M. U tendant à l’indemnisation de son préjudice sexuel, l’arrêt retient qu’aucun des éléments versés par celui-ci ne justifie qu’il soit fait droit à la demande de ce chef, étant relevé que l’expert n’a évoqué qu’une simple gêne positionnelle ;

« Qu’en statuant ainsi, alors que le préjudice sexuel comprend l’ensemble des préjudices touchant à la sphère sexuelle, la cour d’appel qui a constaté l’existence d’un tel préjudice a violé le texte susvisé. »

  • Arrêt Cour de cassation, chambre civile 2, 4 avril 2019, 18-13.704

Pour finir, quelques arrêts rendus fin 2023 :

  • « Le rapport d’expertise précise que le préjudice est d’ordre positionnel et impacte d’après le témoignage du plaignant la qualité et la fréquence des rapports sexuels conjugaux (…). Le jugement qui a alloué à M. E 10 000 € sera encore confirmé sur ce point compte-tenu de l’âge de la victime et de la nature de son incapacité. »
  • Arrêt Cour d’appel de Nîmes, 1ère chambre, 23 novembre 2023, n° 22/02702
  • « L’évolution de ce préjudice doit être modulée en fonction du retentissement subjectif de la fonction sexuelle selon l’âge et la situation familiale de la victime.

Lorsque l’accident du travail est la conséquence d’une faute inexcusable de l’employeur, le préjudice sexuel doit être indemnisé séparément du préjudice d’agrément mentionné à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

« M. N sollicite une indemnisation à hauteur de 27 000 €. Il y a lieu de lui allouer la somme de 8000 €. »

  • Arrêt Cour d’appel d’Angers, chambre sécurité sociale, 30 nov. 2023, n° 19/00084
  • « Pour être indemnisé le préjudice sexuel doit être en lien direct et certain avec l’accident.

« En l’espèce, l’expert indique sur ce point : « il est décrit des troubles érectiles sans limitation de la libido et sans aucun bilan réalisé depuis plus d’un an à ce niveau. Il peut exister une part physiologique indépendante de l’évènement traumatique mais il peut encore exister une composante anxieuse par rapport à ce polytraumatisme et aussi physique du fait d’une possible atteinte nerveuse au niveau du bassin.

« Ainsi c’est à juste titre et par des motifs que la cour adopte expressément que le tribunal a retenu que la réalité de troubles érectile allégués n’est pas établie puisqu’ils n’ont pas été constatés médicalement et ne reposent que sur les seules déclarations de M. W. Si l’expert n’exclut pas l’existence de troubles sexuels, force est de constater qu’il ne les a pas lui-même diagnostiqués et qu’aucune pièce médicale n’en atteste l’existenceCes troubles ne sont d’ailleurs pas confirmés par la compagne de M. W.

« En conséquence le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

  • Arrêt Cour d’appel Chambéry, 2ème chambre, 30 nov. 2023, n° 21/02044
  • « Ce préjudice recouvre trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : l’aspect morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels, le préjudice lié à l’acte sexuel (libido, perte de capacité physique, frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction).

« Au vu des conclusions expertales, du retentissement psychologique sur la victime, de l’âge de cette dernière et des douleurs décrites alors que Mme V a déclaré deux épicondylites, il en résulte l’existence d’un préjudice sexuel dans sa composante liée à l’acte sexuel.

« La somme de 2 000 € sera allouée à l’appelante. »

  • Arrêt Cour d’appel Grenoble, chambre sécurité sociale, 8 déc. 2023, n° 19/01056
     
  • « M. N demande la somme de 15 000 € en lien avec une gêne posturale liée aux atteintes motrices touchant le membre inférieur droit. La SMABTP offre la somme de 5 000 €.

« Au titre du préjudice sexuel, l’expert retient qu’il existe des éléments justifiant un préjudice d’ordre sexuel, bien que la fonction sexuelle soit cependant conservée de même que la fonction de procréation. Il relève notamment les doléances de M. N en lien avec les atteintes motrices touchant le membre inférieur droit, les troubles sensitifs de contact et d’hypoesthésie désagréable, les gênes posturales ainsi que les conséquences du retentissement psychotraumatique et de la blessure narcissique.

« Compte tenu de ces éléments, il convient de lui accorder la somme de 6000 € au titre du préjudice sexuel. »

  • Trib. Judiciaire Paris, 19ème chambre civile, 19 décembre 2023, n° 15/16291
     
  • « L’expert retient une gêne positionnelle lors des mouvements en appui sur le membre supérieur gauche.

« En conséquence, il sera attribué à M. M la somme de 5000 € en réparation du préjudice sexuel. 

  • Trib. Judiciaire Bordeaux, 6ème chambre civile, 21 décembre 2023, n° 22/08192

   On constate des écarts importants dans la fixation des indemnités réparant le préjudice sexuel et d’infertilité (très peu de jurisprudence sur ce dernier sujet). La partie demanderesse doit insister sur le dommage subi, d’abord pendant l’expertise judiciaire, puis ensuite par son avocat devant la juridiction saisie, en apportant des éléments de preuve, notamment du conjoint ou concubin de la victime. Ce dernier (cette dernière) est recevable à solliciter une indemnisation en sa qualité de « victime par ricochet ». Là encore, les personnes indemnisées considèrent habituellement que les montants octroyés sont très éloignés de la réalité du préjudice enduré.

Gynéco-online - mars 2024


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Infertilité Préjudice

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Retard au diagnostic (non) faute technique (oui) Décollement de rétine Indemnisation du préjudice
(Arrêt Cour d’appel Aix en Provence 10 septembre 2008, n° 07/00531)
Isabelle Lucas-Baloup

Victoria X, à l’occasion d’un effort physique, ressent une vive douleur à l’œil G, suivie de l’apparition d’un voile avec des points noirs. Elle consulte le jour même le Dr M., ophtalmologiste, qui lui prescrit un traitement pour une irritation oculaire, renouvelé 15 jours plus tard. Autre ophtalmologiste consulté 2 mois plus tard décèle un décollement de rétine, chirurgie, cécité non améliorable.

Expertise et jugement de première instance : manquements du Dr M. et perte de chance 30%. Appel par la patiente.

L’arrêt du 10 septembre 2008 retient :

- L’ophtalmologiste n’a réalisé lors de ses 2 consultations qu’un « examen avec une lentille de Volk de 60° et n’a pas examiné l’extrême périphérie rétinienne de l’œil G avec un verre de Golman à 3 miroirs, ce qui aurait permis de déceler un décollement postérieur du vitré avec peut-être déjà une déchirure rétinienne ou un début de décollement de rétine » ;
- « Il ne s’agit pas d’une simple erreur de diagnostic non fautive en elle-même, mais d’une faute technique pour ne pas avoir diagnostiqué à temps une déchirure rétinienne ou un début de décollement de rétine, faute d’avoir employé les instruments médicaux indispensables. »
- confirmation de la perte de chance à hauteur de 30%.

- indemnisation du préjudice : IPP en rapport avec le décollement de rétine fixé à 20% compte tenu de l’état antérieur de Victoria X (cataracte bilatérale avec une acuité visuelle à 04/10 ; pretium doloris à 4/7 ; préjudice d’agrément pour abandon d’activités de loisirs : 3 000 €.

SAFIR - Mars 2009
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Une clinique qui se regroupe avec une autre doit respecter les contrats d’exercice ou indemniser
(Cour de cassation, 1ère civ., 19 novembre 2009, n° 08-17.202)
Anne-Sophie Grobost

Un laboratoire de biologie médicale, titulaire d’une convention d’exclusivité pour 40 ans au sein d’une clinique, s’est vu refuser la poursuite des relations contractuelles suite à un regroupement de l’établissement avec un autre.
La Cour de cassation confirme un arrêt de la Cour de Rouen qui avait condamné la Clinique, n’ayant pas respecté les termes du contrat d’exclusivité, à réparer le préjudice en résultant pour le laboratoire évincé. Le contrat d’exercice prévoyait l’obligation pour la Clinique de garantir au laboratoire l’exclusivité d’installation et d’exercice « y compris dans de futurs locaux ».
Les tentatives des biologistes pour faire valoir leurs droits s’étant heurtées à l’attitude de la Clinique qui n’a cessé d’en nier l’existence tout en mandatant un tiers pour rechercher un autre laboratoire, la Cour en a justement déduit qu’elle ne pouvait prétendre avoir cherché à négocier avec les biologistes.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2009
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