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Erreur d’organe opéré : pas d’indemnisation du préjudice éventuel
(Cour de cassation, 1ère civ., arrêt du 28 juin 2012, n° 11-19265)
Pierre Culioli

Un chirurgien vasculaire effectue par erreur, sur une patiente souffrant d’insuffisance veineuse à la jambe droite, un stripping de la veine saphène interne (grande saphène) au lieu de la veine saphène externe (petite saphène). En première instance, il a été condamné à indemniser la victime au titre des préjudices temporaires, patrimoniaux, extra-patrimoniaux et du préjudice esthétique. Dans un arrêt du 4 avril 2011, la Cour d’appel de Reims a fait siens les arguments des premiers magistrats mais a sanctionné en plus le médecin au paiement de :

  • 5 400 € correspondant au préjudice né d’une perte de chance de guérison,
  • 3 000 € correspondant à un préjudice extra-patrimonial exceptionnel.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 28 juin 2012 (n° 11-19265), a confirmé partiellement l’arrêt de la Cour d’appel en jugeant que :

« L'opération envisagée, qui ne présentait qu'un faible risque d'échec, n'avait pu avoir lieu en raison de l'erreur médicale commise par M. Y..., a caractérisé l'existence d'un préjudice né de la perte d'une chance de guérison à l'occasion de l'opération litigieuse ;

« Pour condamner M. Y... à verser à Mme X... une somme de 3 000 euros, la cour d'appel a relevé l'impossibilité psychologique dans laquelle se trouvait désormais cette dernière d'engager sereinement des soins médicaux, particulièrement s'ils nécessitent une intervention chirurgicale, comme constitutive d'un préjudice extra-patrimonial permanent atypique ou encore exceptionnel, en ce sens qu'il est lié au caractère exceptionnel des circonstances dans lesquelles la faute a été commise, Mme X... étant ressortie de la clinique où elle devait recevoir des soins non seulement sans les avoir reçus, mais dans un état aggravé par une erreur quant à la partie du corps à opérer ;

« En statuant ainsi, alors que la réticence alléguée par Mme X... à subir dans le futur une intervention chirurgicale constituait une simple éventualité, la cour d'appel a fait une fausse application des textes susvisés. »

Les Hauts magistrats ont refusé de condamner le médecin à indemniser la patiente pour un préjudice simplement hypothétique. L’arrêt de la Cour d’appel est cassé sur ce point pour fausse application de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique (relatif à la responsabilité du professionnel de santé) et de l’article 1382 du code civil (concernant le régime de responsabilité délictuelle de droit commun). Le préjudice subi par un patient ne peut être réparé que dans le cas où il existe un véritable dommage. La Cour de cassation contrôle qu’il n’y a pas de doute sur sa réalité. L’arrêt du 28 juin 2012 donne ainsi une définition du préjudice conforme à l’esprit des textes. Cette décision s’inscrit parfaitement dans la mouvance jurisprudentielle prohibant l’indemnisation du dommage simplement éventuel mais condamnant le médecin dans l’hypothèse d’une perte de chance réelle.

La lettre du Cabinet - Septembre 2012


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