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Biopsie Cancer Perte de chance Responsabilité
Deux affaires récentes illustrent la distribution des responsabilités lorsque certaines patientes n’ont pas la chance d’un diagnostic et traitement rapide et efficace de leur cancer du sein.
Le premier arrêt (Cour d’appel de Montpellier) constitue une illustration d’un cumul de comportements jugés fautifs, avec distribution de la charge indemnitaire entre le radiologue, le chirurgien et le radiothérapeute.
L’arrêt suivant (Cour d’appel de Paris) retient l’entière responsabilité du radiologue.
Cour d’appel de Montpellier, 6 octobre 2010 (n° 09/00161)
Cet arrêt constitue un exemple d’analyse par les Juges, après expertise, des responsabilités respectivement encourues par :
- un radiologue, pour retard au diagnostic d’un cancer du sein, puis de sa récidive,
- un chirurgien, pour retard au traitement de la récidive cancéreuse,
- un radio-chimiothérapeute, pour avoir inversé les traitements de radiothérapie et de chimiothérapie,
faisant perdre à la patiente 50% de chances de survie.
Le radiologue : 70% de responsabilité
L’expert a relevé que le radiologue n’avait pas vu sur les mammographies les micro-calcifications situées à proximité du nodule, classées en ACR4, ce qui imposait un contrôle histologique qui n’a donc pas eu lieu. C’est à partir d’un compte rendu radiographique erroné que le chirurgien a décidé une chirurgie conservatrice plutôt qu’une mastectomie totale. Après l’intervention chirurgicale, le même radiologue n’a toujours pas diagnostiqué la récidive du cancer du sein bien que la patiente soit revenue le voir devant l’élargissement d’une plaque fibreuse près de la cicatrice.
Le chirurgien : 10%
Il a décidé de pratiquer une chirurgie conservatrice plutôt qu’une mastectomie compte tenu des résultats des examens radiographiques interprétés par le radiologue, ce qui ne lui est pas imputé à faute compte tenu du compte rendu reçu du radiologue.
Cependant, lorsqu’il constate la présence d’une zone nodulaire évoquant un noyau fibreux dans la périphérie du sein traité, avec modifications de la cicatrice, il aurait dû immédiatement prescrire des examens complémentaires tels que mammographie, biopsie, lesquels auraient permis de détecter une récidive du cancer, ce qu’il n’a pas fait.
Le radio-chimiothérapeute : 20%
Le chimiothérapeute a procédé d’abord à un traitement de radiothérapie puis à un traitement de chimiothérapie, alors que « la littérature médicale prescrit l’inverse» déclare l’expert. De même, après avoir constaté la présence d’un nodule au niveau de la cicatrice, il n’a pas prescrit de mesures urgentes avec des examens approfondis, ce qui a généré un retard de 9 mois dans le traitement de la récidive concernée par une équipe pluridisciplinaire oncologique alors que la patiente présentait un stade avancé compte tenu de la dissémination métastatique ganglionnaire.
La patiente est décédée des suites de sa maladie.
Cour d’appel de Paris, 12 novembre 2010 (n° 08/23503)
Cette décision condamne le radiologue au motif ci-après :
« Le cancer du sein a été diagnostiqué le 18 juin 2003. A cette date il s’agissait d’une lésion classée T2 (3 cm de diamètre) N1, avec un ganglion palpable et suspect. En février 2003, la lésion était beaucoup plus petite (T1<2cm) et l’adénopathie n’était pas perçue par la patiente. Elle semble néanmoins avoir été perçue par le gynécologue, qui l’a dessinée dans son dossier. Il semblerait qu’on soit passé d’un stade I (T1 N0) à un stade IIb (T2 N1). Il existe un retard de diagnostic de 4 mois, qui a entraîné une perte de chance. Pour une lésion classée T1, la survie à 10 ans après un traitement est de plus de 80%. Elle n’est plus que de 60% pour les tumeurs T2. Il y a donc une diminution des chances de survie que l’on peut quantifier à 20%. L’apparition de ganglions métastatiques préjore l’évolution de façon semblable. Par contre, le retard de diagnostic n’a pas eu de réelle incidence sur les traitements, seulement une aggravation du traumatisme psychologique. »
La Cour conclut : « Le radiologue a interprété de façon erronée la mammographie effectuée le 21 février 2003 et cette faute, à l’origine d’un retard de diagnostic de 4 mois, est en relation directe et certaine avec la perte de chance subie par la patiente. Sa responsabilité est engagée. »
La patiente est décédée de son cancer. La perte de chance de survie a été évaluée à 20% (15 000 euros de dommages-intérêts à sa fille).
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Adénopathie Biopsie Cancer Chimiothérapie Diagnostic Ganglions métastatiques Mammographie Nodule Perte de chance Radiologue Radiothérapeute Récidive Responsabilité
Arrêt intéressant sur l’incidence d’un retard au diagnostic d’un cancer du sein, le maintien du traitement hormonal de substitution et la question posée : ce retard a-t-il entraîné une perte de chance significative à prendre en considération dans les responsabilités encourues ?
Ci-après l’intégralité de l’arrêt :
« Exposé des faits et de la procédure
En 2013, Mme [I] [Y], âgée de 68 ans, qui suivait un traitement hormonal substitutif et souffrait d’une mastose, s’est vue prescrire par son médecin généraliste une mammographie et une échographie.
La mammographie a été réalisée le 13 février 2013 par le docteur [E] [M], radiologue, qui, comparant les clichés avec ceux obtenus deux ans plus tôt dans le cadre d’un dépistage de masse organisé par l’association Arcades, a constaté une légère modification, passant l’examen d’une classification AIR I (mammographie normale) à AIR 2 (mammographie normale : formations bénignes).
En revanche, il n’a pas réalisé l’échographie prescrite par le médecin généraliste.
En novembre 2013, le docteur [H], gynécologue assurant le suivi de Mme [Y], a constaté la présence d’une masse au niveau de son sein droit et prescrit un nouveau bilan sénologique.
La mammographie et l’échographie réalisées le 5 novembre 2013 ont abouti à un classement AIR 5 à droite, à savoir existence d’une anomalie évocatrice d’un cancer.
Une micro-biopsie réalisée le 12 novembre 2013 a révélé l’existence de lésions adénocarcinomateuses lobulaires de grade SBR II.
Prise en charge par le docteur [Z] à l’institut [7], Mme [Y] a subi le 24 janvier 2014 une mastectomie droite et un curage axillaire et, dans les suites post-opératoires, une chimiothérapie adjuvante, une radiothérapie et une hormonothérapie.
Reprochant au docteur [M] un retard de diagnostic à l’origine d’un retard de traitement, Mme [Y] a saisi le conseil départemental de l’ordre des médecins le 18 novembre 2013 d’une plainte. Cette procédure disciplinaire a donné lieu à un blâme à l’encontre du docteur [M] pour ne pas avoir réalisé l’échographie prescrite par le médecin généraliste.
Parallèlement, Mme [Y] a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 21 novembre 2014, a désigné le docteur [D] [P], radiologue, en qualité d’expert.
Après s’être adjoint les services d’un sapiteur oncologue en la personne du professeur [W], l’expert a déposé son rapport le 31 mars 2016.
Par acte du 24 novembre 2017, Mme [Y] a fait assigner M. [M] devant le tribunal de grande instance de Marseille, afin d’obtenir l’annulation du rapport d’expertise, la désignation d’un nouvel expert et la condamnation de M. [M] à lui payer une somme de 25 000 € à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice corporel.
Par jugement du 9 mai 2019, le tribunal a :
Après s’être adjoint un sapiteur oncologue en la personne du professeur [N] [T], l’expert a déposé son rapport le 15 septembre 2020.
À la suite du dépôt de ce rapport, Mme [Y] a sollicité du tribunal une contre-expertise et la condamnation de M. [M] à lui payer, dans l’attente, une provision de 25 000 € à valoir sur l’indemnisation de son préjudice.
Par jugement du 4 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a débouté Mme [Y] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée aux dépens dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi, il a, en substance, considéré que l’expert a répondu à toutes les questions figurant dans sa mission et que Mme [Y] ne produit aucun élément, avis médical, article scientifique ou autre pièce, de nature à remettre en cause la pertinence de ses conclusions.
Par acte du 21 décembre 2021, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, Mme [Y] a relevé appel de cette décision en visant expressément chacun des chefs de son dispositif.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 19 juin 2023.
Prétentions et moyens des parties
Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 13 juin 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [Y] demande à la cour de :
² infirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Marseille le 04 novembre 2021 ;
²Statuant à nouveau,
²désigner un nouvel expert spécialisé en gynécologie et/ou en imagerie du sein aux fins de contre-expertise avec la mission précisée dans ses écritures ;
²condamner M. [M] à lui verser la somme de 25 000 € à titre provisionnel à valoir sur la réparation de ses préjudices ;
²condamner M. [M] à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
²condamner M. [M] aux entiers dépens. ²
Au soutien de son appel et de ses prétentions, elle fait valoir que :
Dans ses dernières conclusions d’intimé, régulièrement notifiées le 2 juin 2013, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, M. [M] demande à la cour de :
²confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
²condamner Mme [Y] à lui verser la somme de 2 593 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de la présente procédure, distraits au profit de son avocat. ²
Il fait valoir que :
* l’expert a bien fourni au tribunal les éléments médicaux relatifs aux conséquences du maintien du traitement hormonal substitutif sur l’évolution défavorable du cancer du sein et dès lors qu’un diagnostic plus précoce n’aurait pas changé le traitement ni évité la mastectomie totale, la chimiothérapie et la radiothérapie, il n’existe en réalité aucun préjudice ; le professeur [T], deuxième sapiteur oncologue désigné, spécialement saisi de la question du maintien du traitement hormonal, n’est pas revenu sur l’avis de son confrère initialement désigné ;
* l’impossibilité scientifique de formuler le moindre avis sur une diminution des chances de guérison définitive consacre une réponse à la question posée par le tribunal ;
* les interrogations qui fondent la demande de contre-expertise n’ont aucun intérêt dès lors que Mme [Y], dont le cancer n’a pas métastasé, n’est pas décédée et est considérée comme guérie de son cancer ;
* si l’expert ne nie pas la réalité des désagréments vécus, il considère que les préjudices sont en lien avec le cancer et non avec le retard de diagnostic, de sorte que le recensement et la cotation des préjudices ne présente aucun intérêt.
Il ajoute que Mme [Y] avait elle-même demandé la désignation d’un radiologue et que la désignation d’un sapiteur oncologue s’imposait également par préférence à un gynécologue, s’agissant d’obtenir un avis éclairé sur l’évolution d’un cancer.
*****
L’arrêt sera contradictoire conformément aux dispositions de l’article 467 du code de procédure civile.
Motifs de la décision
Sur la demande de contre-expertise
En application des articles 143 et 144 du code de procédure civile, les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, faire l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible et ces mesures peuvent être ordonnées en tout état de cause dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer.
L’article 146 du code de procédure civile interdit, en revanche, au juge de suppléer la carence des parties dans l’administration de la preuve, précisant qu’une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver.
Il en résulte qu’il appartient au juge d’apprécier les diligences des plaideurs dans le cadre du litige afin de déterminer si les éléments qui lui sont soumis justifient, dans le cas où une mesure d’expertise a déjà été ordonnée, de nouvelles investigations, celles-ci étant par définition coûteuses et de nature à retarder l’issue du litige.
En l’espèce, une expertise a déjà été ordonnée, qui a conclu que le docteur [M] avait commis une faute en ne complétant pas son analyse, compte tenu de la densité mammaire observée, par la réalisation de l’échographie pourtant prescrite par le médecin généraliste. Cette expertise conclut également qu’un diagnostic plus précoce n’aurait pas changé le traitement ni évité la mastectomie totale avec ses complications, la chimiothérapie et la radiothérapie.
Le tribunal, observant qu’aucune réponse n’avait été apportée au dire du conseil de Mme [Y] relatif à l’incidence du maintien du traitement hormonal sur l’évolution de la pathologie cancéreuse, et en conséquence sur l’impact du retard de diagnostic sur cette dernière, a ordonné un complément d’expertise.
La mission confiée à l’expert était la suivante :
L’expert a conclu que le traitement hormonal de substitution est contre-indiqué en cas de cancer du sein suspecté et doit être interrompu en présence d’un cancer connu.
S’agissant du cas de Mme [Y], il indique qu’il 'est peu probable que le maintien du traitement ait entrainé une perte de chance significative même si celle-ci n’est pas négligeable', ajoutant qu’en tout état de cause celle-ci ne peut être objectivée.
Il en résulte que si le cancer avait été diagnostiqué plus tôt, le traitement hormonal de substitution aurait pu être interrompu.
L’expert a donc répondu à la mission qui lui avait été confiée sur ce premier point.
S’agissant de l’incidence du maintien du traitement substitutif faute de diagnostic plus précoce du cancer, l’expert indique dans son rapport que la taille de la tumeur aurait été moins importante.
Il tempère cependant son propos en précisant que la différence de taille de la tumeur n’a pas eu d’influence sur la prise en charge thérapeutique en regard de son ancienneté et de ses caractéristiques, puisque le carcinome lobulaire était étendu sur presque dix centimètres avec six ganglions envahis, témoignant d’une maladie très évoluée localement.
Selon lui, compte tenu des données médicales propres à Mme [Y], il y a tout lieu de penser que la maladie évoluait depuis plusieurs années.
Le complément de rapport permet donc de considérer que la mastectomie, la radiothérapie, la chimiothérapie et l’hormonothérapie auraient eu lieu même si le diagnostic avait été plus précoce, ce qui revient à dire qu’une interruption en amont du traitement hormonal de substitution n’aurait pas évité ces traitements invasifs.
Ce complément de rapport répond donc à la mission donnée à l’expert par le tribunal puisque selon l’expert et son sapiteur oncologue, si la poursuite de ce traitement aurait peut-être ralenti l’évolution de la tumeur, Mme [Y] n’aurait pas, malgré tout, échappé aux traitements précités.
La perte de chance revendiquée par Mme [Y] ne correspond selon cet expert à aucune réalité médicale et le professeur [T], oncologue, précise qu’au delà des recommandations générales (interruption immédiate du traitement en cas de cancer connu), à l’échelon individuel, il est impossible de déterminer si les chances de guérison définitive ont effectivement été diminuées par le maintien du traitement.
Il sera d’ailleurs observé qu’à ce jour, après une mastectomie, une radiothérapie, une chimiothérapie et une hormonothérapie qui étaient inévitables compte tenu de l’ancienneté et des caractéristiques de la tumeur, Mme [Y] est considérée comme guérie.
Mme [Y] ne démontre par aucune pièce pertinente que les deux rapports d’expertise (principal et complémentaire) sont incomplets, contradictoires ou contiennent des éléments scientifiquement inexacts.
Après avoir elle même sollicité la désignation d’un radiologue, qui était pertinente compte tenu de la spécialité du médecin en cause, Mme [Y] considère aujourd’hui que l’avis d’un gynécologue s’impose et serait plus pertinente. Cependant, le tribunal avait indiqué dans son jugement initial, commettant le docteur [P], qu’il lui appartiendrait de s’adjoindre tout expert compétent dans un autre spécialité si celle-ci lui paraissait indispensable pour se prononcer dans un domaine dont il n’était pas spécialiste. L’expert a ainsi fait appel à un sapiteur spécialisé en oncologie qui n’a pas décliné cette désignation alors que la question posée à l’expert dans le cadre du complément d’expertise portait expressément sur l’incidence du maintien du traitement hormonal de substitution sur l’évolution de la tumeur. L’oncologue est spécialiste en cancérologie et Mme [Y] ne démontre par aucune pièce que, sur le plan scientifique, son avis manque de pertinence. Elle ne démontre pas davantage que l’absence de chiffrage d’une perte de chance procède en réalité d’une lacune que la désignation d’un expert gynécologue serait susceptible de compléter utilement.
L’avis en date du 7 juin 2023 du docteur [J] [V] [L], spécialiste en imagerie médicale et sénologie n’est pas de nature à corroborer son argumentation ni justifier une nouvelle mesure d’expertise confiée à un expert d’une autre spécialité puisque la réinterprétation des clichés de la mammographie réalisée par M. [M] corrobore tout au plus la carence fautive de ce dernier pour n’avoir pas complété cet examen d’une exploration complémentaire par échographie. Or, le manquement fautif n’est pas contesté.
L’expert a répondu aux questions posées par le tribunal, quand bien même sa réponse consiste en l’aveu d’une impossibilité scientifique de pousser utilement les investigations plus avant afin de déterminer dans quelle mesure exactement l’arrêt du traitement substitutif, que le diagnostic tardif a retardé, a pu impacter l’étendue des préjudices. Il est acquis, en tout état de cause, que l’arrêt du traitement n’aurait pas évité les lourds traitements subis par la patiente.
Certes, le tribunal avait demandé à l’expert, dans son complément, de fournir tous éléments permettant au tribunal d’apprécier les préjudices mais uniquement dans l’hypothèse où l’évolution de la tumeur aurait été impactée par le retard de diagnostic, que ce soit directement ou au travers d’un maintien contre-indiqué du traitement hormonal.
En l’espèce, l’impossibilité scientifique de chiffrer une perte de chance revient à remettre en cause l’existence même de celle-ci.
Il ne peut donc utilement être reproché à l’expert de n’avoir pas chiffré les préjudices.
En l’absence de lacunes ou d’incohérences dans le travail de l’expert, les deux rapports déposés sont de nature à permettre une appréhension exhaustive des éléments du litige.
C’est donc par des motifs pertinents que le tribunal a rejeté la demande de contre-expertise.
Sur la demande de provision
Le tribunal peut accorder une provision dès lors que l’obligation n’est pas sérieusement contestable.
En l’espèce, M. [M] a commis un manquement fautif.
Pour autant, aux termes de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique, la responsabilité d’un professionnel de santé ne l’oblige à réparation qu’en cas de faute à l’origine d’un dommage. Il appartient donc au patient de démontrer la faute et les conséquences dommageables en lien de causalité avec celle-ci.
En l’espèce, la responsabilité de M. [M] est contestée en ce que si l’expert retient une faute de sa part dans la prise en charge, l’existence et l’étendue des dommages en lien avec celle-ci demeurent discutées dès lors qu’un diagnostic plus précoce n’aurait évité ni la mastectomie totale, avec ses complications, ni la chimiothérapie et la radiothérapie, même s’il aurait permis l’arrêt du traitement hormonal substitutif.
Au regard de ces contestations sérieuses, la créance d’indemnisation est sérieusement contestable, de sorte que c’est à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de provision à valoir sur l’indemnisation des préjudices.
Sur les demandes annexes
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont confirmées.
Mme [Y], qui succombe, supportera la charge des entiers dépens d’appel.
L’équité ne commande pas de lui allouer une somme au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité justifie d’allouer à M. [M] une indemnité de 2 500 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.
Par ces motifs
La Cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Marseille ;
Y ajoutant,
Déboute Mme [Y] de sa demande d’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés devant la cour ;
Condamne Mme [I] [Y] à payer à M. [E] [M] une indemnité de 2 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés devant la cour ;
Condamne Mme [I] [Y] aux entiers dépens d’appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile. »
Gynéco-online - janvier 2024
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Cancer du sein Perte de chance Retard de diagnostic
Un patient est victime d’une cataracte à la suite de la pose d’implants oculaires. L’ophtalmologiste n’est responsable ni de la conception ni de la fabrication.
En revanche, il a manqué à son devoir d’information quant au risque de développer une cataracte en réaction à la pose des implants faisant ainsi perdre au patient une chance de renoncer à l’opération envisagée, perte de chance que les juges ont évaluée à 70% .
La société qui a vendu les implants doit en être considérée comme le « producteur », peu important qu’elle en ait confié la fabrication à une autre société. Le problème que tranche l’arrêt est de définir si l’implant était défectueux, au sens de l’article 1386-4 du code civil : « Un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. ». En l’espèce, le défaut de l’implant n’était pas établi et ne saurait résulter du seul développement d’une cataracte par le patient suite à son implantation, ce développement étant qualifié par l’expert nommé d’aléa thérapeutique en raison de la réaction de ce patient en particulier. Le fait que les implants aient fait l’objet d’un rappel puis d’un arrêt de commercialisation, 3 années après l’intervention pratiquée, est sans effet, dès lors que cet arrêt de commercialisation n’est pas consécutif à l’apparition soudaine d’une cataracte chez des patients mais à une perte de cellules endothéliales dans les 2 ou 3 années suivant l’intervention constatée chez plusieurs patients.
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Aléa thérapeutique Cataracte Devoir d'information Implants oculaires Ophtalmologie Perte de chance
Opérée dans le service de chirurgie orthopédique d’un centre hospitalier, sous endoscopie, pour un syndrome du canal carpien de sa main droite, la plaignante est victime d’une lésion de quatre fascicules du nerf médian droit, dont deux ont été sectionnés. Il en est résulté une perte de sensibilité de quatre doigts, compliqués d’un syndrome algo-dystrophique affectant le poignet.
L’expert nommé n’a pas relevé de fautes du chirurgien, qui a manipulé les instruments utilisés conformément aux règles de l’art. En revanche, la responsabilité de l’hôpital est retenue en raison de son absence de preuve d’avoir informé la malade sur le risque encouru, dans les termes suivants : « Considérant que Mme X soutient que si elle avait été correctement informée des risques présentés par la technique endoscopique, elle aurait choisi l’autre technique opératoire, dite à ciel ouvert ; qu’il résulte de l’instruction, et notamment d’une étude de l’ANAES [aujourd’hui la HAS] sur la comparaison de ces deux techniques chirurgicales, que si celles-ci présentent globalement la même efficacité et la même sécurité d’utilisation, la chirurgie sous endoscopie présente un risque spécifique de section du nerf médian ; que ce risque, en l’absence d’urgence rendant impossible l’information préalable, devait être porté à la connaissance de la patiente ; que l’hôpital n’ayant pas établi avoir informé Mme X, ce manquement est de nature à engager sa responsabilité. »
La faute commise a entraîné une perte de chance de se soustraire au risque qui s’est réalisé et la réparation du dommage résultant de cette perte de chance est fixée à 50% (IPP 35% = 45 000 €, soit 22.500 € à Mme X, souffrances physiques de 3 sur une échelle de 7 = 5 000 € : 2, préjudice esthétique de 2 sur 7 = 2 500 € : 2 ; préjudice d’agrément de 10 000 € :2).
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Canal carpien Chirurgie de la main Endoscopie Faute Information Perte de chance Risques
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Grossesse Perte de chance Résultat d'analyses
Jusqu’à présent, la Cour de cassation mesurait si l’information imparfaite ou inexistante avait fait perdre au patient, dont le consentement à l’acte avait été altéré, une chance d’éviter le dommage. En d’autres termes, si le patient, mieux informé, aurait néanmoins accepté l’acte, le vice du consentement n’emportait pas condamnation, dans le cadre d’une responsabilité civile contractuelle (articles 1147 et 1315, code civil). Dans le cas contraire, il recevait une indemnisation partielle de son préjudice, à hauteur de l’évaluation de la perte de chance, puisque ce n’était pas le manque d’information lui-même qui avait provoqué le dommage, cette circonstance avait seulement fait perdre au patient une chance de l’éviter.
Par cet arrêt du 3 juin 2010, la Cour de cassation adopte une position tout à fait différente : elle rappelle que toute personne a le droit d’être informée préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, sur les risques inhérents à ceux-ci, que son contentement doit être recueilli par le praticien et juge que le non-respect du devoir d’information qui en découle cause à celui auquel l’information était légalement due un préjudice qu’en vertu de l’article 1382 du code civil le juge ne peut laisser sans réparation. Cet article est celui qui fonde les actions délictuelles en matière civile : « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
Sur ce fondement, les Hauts magistrats condamnent le médecin à réparer le préjudice moral subi par le patient mal informé.
En l’espèce, un urologue avait pratiqué, le 20 avril 2001, une adénomectomie prostatique sans informer le patient sur le danger d’infection que faisait courir la sonde vésicale et donc sur les risques de troubles érectiles.
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Information Perte de chance Prostate Responsabilité Vice du consentement
Chapitre extrait de l'ouvrage "Guide pour la Prévention des Infections Nosocomiales en Réanimation" sous la direction du Docteur Jean Carlet.
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Le chirurgien ou le fiviste qui envisage un traitement de l’infertilité d’une patiente doit l’informer préalablement dans les conditions de droit commun, d’une part, en tenant compte des recommandations spécifiques à ce traitement, d’autre part. Un revirement de jurisprudence de juin 2010 implique désormais une indemnisation quand le praticien n’apporte pas la preuve de l’information.
Obligations de droit commun :
L’article L. 1111-2 du code de la santé publique, issu de la Loi Kouchner, impose une information sur : « les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ».
Le chirurgien est débiteur de la preuve, par tous moyens, que l’information a été délivrée à l’intéressée. Si un écrit n’est pas obligatoire en l’état des textes en vigueur, il est plus facile de produire un document récapitulant clairement les informations communiquées puis l’accord écrit de la patiente qui en a pris connaissance, plutôt que de débattre, en cas de contentieux, de présomptions qui tiennent compte des habitudes du praticien en la matière, telles que rapportées par des témoins, qui peuvent être ses collaborateurs, sa secrétaire etc.
En ce qui concerne l’information sur les « autres solutions possibles », le chirurgien ne doit pas hésiter à recommander à la patiente de consulter un fiviste qui complètera les commentaires déjà entendus sur les avantages et inconvénients de chaque traitement possible.
Recommandations spécifiques :
Si les sociétés savantes, la Haute Autorité de Santé, des publications à comité de lecture, ont d’ores et déjà recommandé d’informer sur certains risques spécifiques, il sera utile d’organiser la preuve que ces informations ont dûment été communiquées à la patiente, les magistrats y étant très sensibles.
Revirement de jurisprudence :
Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 3 juin 2010, l’information imparfaite de la patiente n’est plus sanctionnée en vertu de la responsabilité contractuelle du médecin (indemnisation partielle du préjudice, au titre de la seule perte de chance d’éviter le dommage), mais sur le fondement d’une responsabilité délictuelle, le défaut d’information causant nécessairement un préjudice que le juge doit obligatoirement indemniser.
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Information Jurisprudence Perte de chance Preuve Revirement
Résumé :
Exemple d’action judiciaire gagnée par la famille d’une patiente de 38 ans, pour retard de diagnostic à l’encontre de l’anapath.
Gynécologue et chirurgien non condamnés.
Arrêt Cour d’appel de Rennes, 3 mars 2010 :
La Cour présente dans sa décision l’évolution chronologique suivante :
- 3 septembre 2001 : F 37 ans, frottis cervico-vaginal, interprétation par anapath : « soit une inflammation dans un contexte régénératif, soit une dysplasie légère vraie (lésion de bas grade), soit une lésion intra-épithéliale plus évoluée », recommande examens complémentaires colposcopie et biopsie,
- 12 octobre 2001, biopsie du col utérin portant sur une zone blanche à contours nets, peu étendue, révèle une banale lésion de dysplasie légère sans lésion virale formellement identifiée,
- 11 mars 2002, frottis montre des lésions virales à Papillomavirus et une dysplasie moyenne et conclut à la nécessité de faire des biopsies multifocales,
- 16 mai 2002, biopsies révèlent un ectropion péri-orificiel du col sans caractère suspect,
- 3 juillet 2002, CS pour métrorragies abondantes depuis 2-3 mois,
- 9 juillet 2002, tumeur irrégulière au toucher de la cloison recto-vaginale découverte et biopsiée ; prolifération maligne à type de carcinome épidermoïde infiltrant bien différencié non kératinisant
- 23 juillet 2002, hystérectomie totale avec annextomie bilatérale élargie à la cloison recto-vaginale et au vagin avec colpectomie partielle, l’examen de la tumeur montre bien un carcinome épidermoïde bien différencié mature.
- 8 août 2002, le radiothérapeute constate le caractère insuffisant de l’exérèse, reprise le 29 août, nodules cancéreux prélevés sur le mésentère,
- chimiothérapie, radiothérapie et curiethérapie jusqu’à fin décembre 2002,
- 9 janvier 2003, volumineux nodules de carcinome péritonéal et un nodule métastasique hépatique mis en évidence, traitements,
- décès le 20 mai 2003 d’un cancer primaire du vagin (38 ans).
TGI de Saint-Brieuc, jugement du 10 juin 2008 :
- « Il résulte de l’expertise que les conclusions de l’analyse pratiquée sur le prélèvement du 3 septembre 2001 ne sont pas alarmantes alors que l’interprétation est ambiguë et incomplète et en outre inexacte. Le retard de diagnostic est en grande partie attribuable à ce compte-rendu qui ne soulignait pas le contexte de haut risque cancéreux. », condamnation du médecin anapath à payer dommages-intérêts à la famille de la patiente décédée,
- en revanche, pas de faute retenue à l’encontre de la gynécologue médicale qui a procédé à des investigations plus poussées après le 13 mars 2002. « S’il y a eu faute dans la prise en charge thérapeutique en juillet 2002, elle n’est pas en lien de causalité avec la perte de chance déjà constituée à ce moment ».
- appel de l’anapath.
Arrêt du 3 mars 2010, 7ème chambre Cour de Rennes :
- « Si l’anapath a recommandé, en septembre 2001, des examens complémentaires appropriés, elle n’a pas donné les éléments de description portant notamment sur diverses anomalies de cellules et sur une infection à Papillomavirus ; elle est restée hésitante sur les conclusions alors que la conclusion aurait dû être « dysplasie de haut grade selon la classification de Béthesda de 2001 et probable infection par Papillomavirus », contexte de haut risque cancéreux ; au contraire les anomalies signalées étaient soit légères soit modérées, en sorte que la gynécologue médicale n’a pas été perturbée par les résultats relativement rassurants de a biopsie et n’a pas poursuivi ses recherches. »
- « C’est à raison que le jugement a dit que l’erreur ainsi caractérisée ne constitue pas seulement une inexactitude de diagnostic mais une faute constituant un exercice non conforme aux données actuelles de la médecine. »
- « Considérant que le cancer primitif du vagin est une tumeur extrêmement rare en général et ne se retrouve que dans 7% des cas chez les femmes de moins de 40 ans ; en l’absence d’alerte suffisante donnée par le compte rendu de septembre 2001, on ne peut reprocher à la gynécologue médicale de ne pas avoir recherché un tel cancer qui ne pouvait être soupçonné. »
- « En outre en raison de son siège en haut et en arrière de la paroi vaginale, la lame postérieure du speculum cache la lésion. »
- « Le résultat du 13 mars 2002, moins inquiétant que celui du 10 septembre 2001, a conduit la gynécologue à procéder à des examens complémentaires portant sur le col de l’utérus. Compte tenu de la rareté de la pathologie présentée par la patiente, cette erreur de diagnostic ne peut être considérée comme fautive au regard des dispositions de l’article L. 1142-1 du code de la santé. »
- « Si la prise en charge de la patiente après le 12 juillet 2002 parait avoir été inadéquate, il n’est pas suffisamment établi qu’elle a contribué à l’aggravation de la perte de chance dès lors que l’expert indique que le traitement n’était pas nécessairement chirurgical, que l’insuffisance de la chirurgie a été reprise et surtout qu’aucune critique n’est apportée aux traitements dispensés sous forme de radiothérapie externe, curiethérapie et chimiothérapie. »
- « Le retard au diagnostic a entraîné une perte de chance de 50%. »
- dommages-intérêts à la famille, et la Cour déboute l’action en garantie lancée par l’anapath contre la gynécologue et le chirurgien.
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Anapath Diagnostic Gynécologue-obstétricien HPV Jurisprudence Papillomavirus Perte de chance
Une fois de plus, la Haute Juridiction vient encore de juger le préjudice :
« Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d’un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d’éviter que ce dommage soit advenu ; la réparation qui incombe à l’hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue ».
En l’espèce, il résultait des pièces du dossier et notamment des rapports d’expertise que le traite-ment inadapté de l’infection pulmonaire dont était atteint le patient n’a entraîné pour l’intéressé qu’une perte de chance d’échapper à l’aggravation fatale de son état.
Les jurisprudences tant administra-tive que civile sont constantes et identiques sur cette question, ainsi que l’illustre l’arrêt récent d’une Cour d’appel en ces termes : « Le Tribunal a donc décidé à bon escient que si la cause du préjudice subi par Monsieur B. était l’accident cardiaque lui-même, la rapidité insuffisante des soins consécutifs au défaut de surveillance avait occasionné une perte de chance d’éviter le préjudice. Cette perte de chance dont les implications sur l’état de santé de Monsieur B. ne peuvent être déterminées avec précision a été justement évaluée à la moitié du préjudice résultant de la complication post-opératoire survenue ».
La Cour a confirmé la responsabilité in solidum du médecin anesthésiste et de la Clinique de la perte de chance subie par le patient (Cour d’appel de Toulouse 1ère chambre section 1, arrêt du 19 novembre 2007, n° 06/05345, notamment).
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Aggravation Défaut de surveillance Expertise Faute Perte de chance Préjudice Responsabilité
Un chirurgien vasculaire, exerçant à titre libéral sans contrat écrit dans une clinique, est remercié par la direction suite à un « recentrage sur l’orthopédie et la neurochirurgie » indique l’arrêt. Il obtient de la Cour d’appel de Chambéry environ 200 000 € à titre d’indemnité compensatrice d’un délai de préavis non respecté, 100 000 € en réparation du dommage subi du fait de la perte du droit de présentation de sa patientèle et une indemnité de procédure.
La Cour de cassation casse l’arrêt en ce qu’il a alloué une indemnité de perte de droit de présentation de patientèle et renvoie l’affaire devant la Cour de Grenoble, devant laquelle le chirurgien ne se défend pas.
L’arrêt du 26 juin 2018 juge :
« Le droit de présenter un successeur et de céder sa clientèle ne se présumant pas doit être expressément prévu au contrat liant les parties. En l’espèce, il n’existe aucun contrat écrit organisant les relations contractuelles des parties. » et refuse en conséquence l’indemnisation d’un tel préjudice en matière de contrat d’exercice libéral verbal.
La Lettre du Cabinet - Septembre 2018
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Perte de chance Successeurs
Arrêt très intéressant de la Cour d’appel d’Aix en Provence rendu le 7 septembre 2011 : la clinique dans laquelle a eu lieu un accouchement, qui confie ses archives à une société extérieure, n’est pas en mesure de le produire à l’occasion d’un procès engagé par les parents de l’enfant qui a subi des lésions destructrices du cerveau acquises en période per et post-natale.
Qui est responsable ? la clinique, l’obstétricien, la société d’archivage qui a détruit le container dans lequel était le dossier médical ?
Une parturiente est hospitalisée un 13 novembre dans une clinique de Marseille et le gynécologue-obstétricien lui prescrit, pour le déclenchement de l’accouchement le terme étant dépassé, une prostaglandine intra-vaginale et le lendemain matin une perfusion de Syntocinon. L’enfant naît à 10h50 avec un score d’Apgar bas, après aide à l’expulsion par spatules et épisiotomie. Il présente des convulsions dans l’après-midi, est transféré à l’Hôpital de la Timone en réanimation néonatale puis dans le service de neurologie.
L’expert nommé conclura que l’enfant a présenté des lésions destructrices acquises et non constitutionnelles du cerveau survenues et développées en période per et post-natale, l’élément déclenchant qui explique les crises initiales étant une hémorragie sous-durale, compliquée d’un état de mal épileptique prolongé à l’origine de lésions destructrices secondaires du cerveau, l’hémorragie pouvant s’expliquer par les contraintes exercées sur la boîte crânienne dans le pelvis, sa rotation, son expulsion et possiblement à l’extraction instrumentale. Les examens d’imagerie réalisés ultérieurement confirment la nature séquellaire destructrice post-natale des lésions cérébrales.
L’expert précise qu’après déclenchement de l’accouchement par perfusion de Syntocinon, rupture artificielle des membranes et analgésie péridurale, il ne peut déterminer du fait de l’absence des feuillets d’ERCF du travail, si une souffrance fœtale est apparue en cours de dilatation, qui aurait alors justifié une césarienne. La conduite de déclenchement de l’accouchement par maturation du col par mise en place de prostaglandine le 13 novembre semble avoir été réalisée selon les bonnes pratiques, mais l’expert ne peut déterminer si pendant les premières heures de la pose du gel de prostaglandine la surveillance clinique et l’ERCF par la sage-femme a été faite selon les bonnes pratiques en salle de travail et si le fœtus supportait bien les contractions, indiquant par ailleurs que les prostaglandines ne sont pas sans danger d’hypertonie utérine, cause de souffrance fœtale aiguë.
Le gynécologue-obstétricien a indiqué avoir pratiqué une aide à l’expulsion par spatules sous épisiotomie, tandis que la sage-femme l’aidait par une expression utérine, devant l’apparition sur une tête engagée de ralentissements qu’il qualifie de « ralentissements d’engagement ».
L’expert indique par ailleurs que la réalisation du forceps n’est pas critiquable, l’aide à l’expulsion n’ayant donné lieu à aucun traumatisme cutané ou osseux et que la prise en charge pédiatrique semble avoir été réalisée selon les bonnes pratiques.
L’arrêt du 7 septembre 2011 expose que la clinique n’a pas pu produire, pendant l’expertise, le dossier médical de la parturiente et de son fils en raison, soutenait la clinique, d’un « événement revêtant pour elle les caractères de la force majeure », dans la mesure où il était légitime pour elle de confier la gestion de ses dossiers à une société d’archivage, laquelle n’a pas été en mesure de restituer le dossier au moment où la clinique l’a demandé. Une enquête réalisée par la société d’archivage a conduit au constat que le container dans lequel le dossier médical était conservé a été détruit. Néanmoins, la clinique et la société d’archivage n’ont pas produit le contrat signé entre les deux sociétés de telle sorte que la Cour n’a pas pu analyser les obligations de la société d’archivage concernant la durée de conservation et les modalités de destruction des dossiers dont elle avait la charge.
La clinique soutenait néanmoins que les destructions étaient conditionnées par un ordre préalable de sa part, la société d’archivage produisait un courrier listant des containers à détruire mais n’a pas justifié de l’ordre de destruction qu’elle soutenait avoir reçu de la clinique pour le container contenant le dossier litigieux.
La Cour d’Aix-en-Provence a donc jugé qu’en procédant à cette destruction de sa propre initiative, la société d’archivage a commis une faute à l’égard de son cocontractant, la clinique. Cette faute ne peut toutefois revêtir les caractères de la force majeure pour la clinique, la conservation du dossier médical étant une obligation incombant à l’établissement et les conséquences de son non-respect devant être supportées par celui-ci vis-à-vis du patient, la destruction du dossier par la société d’archivage à laquelle elle avait choisi de confier l’exécution de sa propre obligation ne présentant pas les caractères d’irrésistibilité et d’extériorité de la force majeure.
L’arrêt du 7 septembre juge néanmoins que la perte du dossier par la clinique n’a pas pour effet d’inverser la charge de la preuve ni de dispenser les parents de démontrer que les éléments contenus dans ce dossier étaient susceptibles de leur permettre d’établir les fautes commises par l’obstétricien, qui n’était pas le préposé de la clinique exerçant à titre libéral, aucun défaut de prise en charge par le personnel médical de la clinique n’étant par ailleurs démontré par les demandeurs aux dommages et intérêts.
La Cour d’Aix juge en conséquence :
« Il résulte de ces éléments que l’absence du dossier médical de la parturiente, établi à partir du 13 novembre, a supprimé pour l’expert toute source de renseignements médicaux directs pour l’accouchement et les premiers soins à l’enfant dans le service de maternité, et ne lui a pas permis d’exclure totalement la possibilité d’une souffrance fœtale s’étant produite suite au déclenchement de l’accouchement et pas seulement en fin de travail, le résumé d’observations effectué par l’Hôpital de la Timone où l’enfant a été hospitalisé le 18 novembre (mentionnant en particulier ?pas de SFA retrouvées sur le monitoring en dehors de quelques DIP 1?) étant insuffisant pour déterminer avec précision la date d’apparition de la souffrance fœtale, le résumé d’accouchement établi par le gynécologue-obstétricien ne pouvant être pris en compte puisque émanant de la partie dont la responsabilité est susceptible d’être mise en cause, […].
« L’existence d’une souffrance fœtale effective apparue avant la phase d’expulsion aurait dû conduire le gynécologue-obstétricien à pratiquer une césarienne, ce qui aurait évité les difficultés de l’expulsion et la formation d’un hématome sous-dural.
« L’absence des éléments du dossier d’accouchement prive par conséquent les parents d’une chance de pouvoir démontrer la faute de l’obstétricien, perte de chance que le Tribunal a exactement fixée à 50 %.
« La responsabilité de la clinique est en conséquence engagée à l’égard des parents dans cette proportion, sans que la société d’archivage puisse utilement soutenir que l’obstétricien aurait dû lui-même conserver un double des enregistrements litigieux, l’obligation des médecins d’établir une fiche d’observation pour chacun de ses patients n’impliquant pour eux celle de solliciter des établissements de soins dans lesquels ils exercent à titre libéral un duplicata des enregistrements qui y ont été réalisés pour les joindre à leur dossier. »
En conclusion : les obstétriciens doivent être vigilants à la bonne conservation des dossiers médicaux qu’ils confient aux cliniques, particulièrement lorsque celles-ci les archivent en les confiant à des sociétés extérieures, avec lesquelles les relations contractuelles ne sont pas toujours parfaitement maîtrisées. C’est à l’occasion de procédures de cette nature qu’on le constate, et le regrette, dans l’intérêt de toutes les parties en cause : l’obstétricien, la clinique, la société d’archivage mais également et surtout les parents et l’enfant !
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Accouchement Archives Charge de la preuve Clinique Dossier médical Force majeure Gynécologue-obstétricien Perte de chance Preuve Responsabilité Souffrance foetale
Victoria X, à l’occasion d’un effort physique, ressent une vive douleur à l’œil G, suivie de l’apparition d’un voile avec des points noirs. Elle consulte le jour même le Dr M., ophtalmologiste, qui lui prescrit un traitement pour une irritation oculaire, renouvelé 15 jours plus tard. Autre ophtalmologiste consulté 2 mois plus tard décèle un décollement de rétine, chirurgie, cécité non améliorable.
Expertise et jugement de première instance : manquements du Dr M. et perte de chance 30%. Appel par la patiente.
L’arrêt du 10 septembre 2008 retient :
- L’ophtalmologiste n’a réalisé lors de ses 2 consultations qu’un « examen avec une lentille de Volk de 60° et n’a pas examiné l’extrême périphérie rétinienne de l’œil G avec un verre de Golman à 3 miroirs, ce qui aurait permis de déceler un décollement postérieur du vitré avec peut-être déjà une déchirure rétinienne ou un début de décollement de rétine » ;
- « Il ne s’agit pas d’une simple erreur de diagnostic non fautive en elle-même, mais d’une faute technique pour ne pas avoir diagnostiqué à temps une déchirure rétinienne ou un début de décollement de rétine, faute d’avoir employé les instruments médicaux indispensables. »
- confirmation de la perte de chance à hauteur de 30%.
- indemnisation du préjudice : IPP en rapport avec le décollement de rétine fixé à 20% compte tenu de l’état antérieur de Victoria X (cataracte bilatérale avec une acuité visuelle à 04/10 ; pretium doloris à 4/7 ; préjudice d’agrément pour abandon d’activités de loisirs : 3 000 €.
Mots clefs associés à cet article :
Décollement de rétine Expertise Indemnisation Ophtalmologie Perte de chance Préjudice Retard de diagnostic
La Cour de cassation confirme un arrêt de la Cour de Versailles, ayant engagé la responsabilité d’un ophtalmologiste qui suivait habituellement son patient et qui « avait refusé d’avancer le rendez-vous fixé au mois de mai 2003, sans prendre la peine de diriger son patient vers un autre confrère, quand la surcharge des cabinets ne constituait pas une excuse, le médecin devant réserver les cas d’urgence ».
La faute de surveillance a entraîné une perte de chance pour le patient de recevoir un traitement au laser plus précoce et d’éviter les séquelles dont il est atteint.
Mots clefs associés à cet article :
Faute Ophtalmologie Perte de chance Rétinopathie