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Le statut des baux commerciaux applicable aux professions libérales
Bertrand Vorms

Il existe deux régimes juridiques principaux de baux des locaux pour l’exercice d’une activité : un « statut » a minima, applicable aux professionnels et résultant de l’article 57A de la loi du 23 décembre 1986 modifiée le 6 juillet 1989 : le bail dit « professionnel » est d’une durée de six ans, reconductible tacitement à son terme sauf dénonciation par l’une ou l’autre des parties six mois à l’avance, avec faculté, pour le locataire seulement, de quitter les lieux à tout moment moyennant le respect d’un délai de préavis de six mois. Le bailleur peut reprendre ses locaux à l’expiration du contrat, sans avoir rien à verser au locataire.
Un régime beaucoup plus protecteur pour l’exploitation essentiellement commerciale, codifié aux articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, prévoyant la conclusion d’un contrat pour une durée minimum de neuf ans, la faculté, pour le preneur seulement, de donner congé à chaque période triennale, un véritable droit au renouvellement puisque son refus s’accompagne du versement, au profit du locataire, d’une indemnité d’éviction qui peut être extrêmement dissuasive. Ce statut encadre les conditions de révision du montant du loyer, de l’offre de renouvellement faite par le propriétaire au locataire au terme du contrat, et comporte des dispositions organisant les rapports entre bailleur et preneur strictes, que les juges veillent à faire respecter.
Ces deux régimes sont, totalement ou partiellement, d’ordre public, ce qui implique que les parties ne peuvent s’en écarter, l’article 6 du code civil stipulant « On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs ».
La jurisprudence avait, de manière un peu hésitante et parfois désordonnée, accepté que, de gré à gré, un propriétaire et un professionnel libéral puisse convenir d’un bail commercial (inapplicable en principe), essentiellement en considérant que ce régime étant plus protecteur des intérêts du locataire, il existait une utilité sociale à l’en faire bénéficier.
C’est ce qui explique également que celles des dispositions du statut des baux commerciaux moins favorables au locataire ne lui étaient pas opposables. Le preneur pouvait ainsi continuer à donner congé à tout moment, sous réserve de respecter un délai de préavis de six mois sans attendre l’échéance triennale, comme s’il était titulaire d’un bail professionnel. Cette situation n’était pas parfaitement satisfaisante et faisait craindre une forme de « démantèlement » jurisprudentiel protéiforme du statut des baux commerciaux, lorsqu’ils étaient appliqués aux professionnels libéraux, préjudiciable à la sécurité juridique des contrats.
L’article 43 de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 est venu mettre fin à certaines incertitudes : aujourd’hui, tant l’article 57A de la loi du 23 décembre 1986 précité, que l’article L. 145-2 du code de commerce relatif au champ d’application des baux commerciaux, permettent à un propriétaire et à un professionnel libéral d’adopter, de gré à gré, le statut des baux commerciaux, sous réserve d’une mention expresse dans le contrat. L’apport de la loi réside dans le fait que c’est alors l’intégralité du statut des baux commerciaux qui s’applique, celui des baux professionnels disparaissant.
Il n’est pas certain, néanmoins, que cette avancée dans la protection de la stabilité géographique des professions libérales trouve un écho significatif auprès des propriétaires, tant le régime des baux commerciaux est, par bien des aspects, dissuasif.
L’importance qu’il occupe dans le paysage juridique résulte uniquement du fait que, pour les commerçants, il s’impose de plein droit, sans faculté, pour les propriétaires, d’y échapper (sauf exception limitative).
Il est à craindre que, s’ils ont le choix entre le régime succinct de l’article 57A précité et les contraintes du bail commercial, les bailleurs se satisfassent du premier.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009


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