Base de données - Bloc opératoire

Configuration du bloc opératoire et responsabilités
(arrêt du 26 janvier 2007, Cour d’appel de Paris)
Isabelle Lucas-Baloup

Rendu récemment mais sous l’empire du droit antérieur à l’entrée en vigueur de la loi Kouchner (l’implantation de la prothèse de genou litigieuse ayant eu lieu avant le 5 septembre 2001), l’arrêt est néanmoins intéressant en ce qu’il retient la responsabilité solidaire d’une clinique et d’un chirurgien orthopédique et les condamne à réparer le préjudice subi par un patient victime d’une infection nosocomiale au motif notamment que : « Les experts, qui ont pris la précaution de solliciter un sapiteur spécialiste de l’hygiène hospitalière, relèvent de nombreux désordres dans l’organisation du bloc opératoire du Centre chirurgical et notamment que celui-ci, par son exiguïté et sa conception architecturale, ne permet pas de respecter les règles élémentaires d’asepsie ; cette carence exclut un contrôle rigoureux des accès et du sas de transfert des patients, provoque un défaut d’isolement des lavabos des chirurgiens, mélange les circuits propres et sales, fait que les couloirs aseptiques sont empruntés pour accéder aux parties sales de la stérilisation et le départ des déchets ; Est également relevé un défaut de ventilation empêchant de respecter les conditions sanitaires les plus élémentaires faute de renouvellement de l’air ; Ainsi un nombre important de particules porteuses de bactéries se déplaçant en fonction des mouvements des personnes présentes dans le bloc peuvent en outre se charger au cours d’une intervention et rester disponibles pour la suivante ; La stérilisation, qui n’est pas conforme aux exigences réglementaires, est de plus intégrée dans le bloc opératoire et, en l’absence de responsable spécifique, les tâches sont exécutées en confusion avec les autres tâches du bloc au détriment de la rigueur et au risque d’erreur démontrée dans la présente espèce ;

« Le centre n’a manifestement pas fourni pour l’accomplissement des actes médicaux des locaux adaptés et des appareils sans défaut, ayant fait l’objet des mesures imposées par les données acquises de la science. »

Une belle caricature d’un bloc opératoire au siècle dernier ? Oui, mais seulement à quelques kilomètres de Paris, en 1999…

Pas si loin, pas si vieux !

Revue Hygène en Milieu Hospitalier - Novembre-décembre 2007
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Fille collégienne de l'IADE présente au bloc opératoire : chirurgien condamné
(arrêt du 7 mars 2019, Cour d'appel de Colmar, chambre 2, n° 17/05045)
Isabelle Lucas-Baloup

   Une collégienne effectue un stage dans une Clinique et, présente au bloc opératoire, assiste à une opération de chirurgie esthétique (pose de prothèses mammaires). La patiente prétend ne pas avoir été informée de la présence de cette stagiaire durant l’intervention, qu’elle s’en serait aperçue par hasard et « qu’elle souffre depuis de troubles psychologiques » dont elle demande réparation : 7500 € au titre de son préjudice moral (elle affirme avoir eu le sentiment « d’avoir été exhibée comme une bête de foire devant une collégienne mineure »), 4000 € pour son préjudice d’agrément (arrêt des activités sportives qu’elle pratiquait de façon intensive), 7500 € en réparation de son préjudice sexuel (« elle ne supporte plus la vision de son corps ») et 3000 € pour ses frais judiciaires.

   Le chirurgien, dont la qualité de l’intervention n’était pas mise en cause, faisait valoir que « la stagiaire était la fille de l’infirmière anesthésiste et que l’organisation de son stage incombait à la Clinique (non assignée par la patiente), qu’en aucun cas cette stagiaire n’avait de lien de préposition occasionnel avec lui et qu’il ignorait même sa présence au bloc opératoire, n’ayant lui-même pénétré dans le bloc qu’après que les personnes présentes avaient revêtu leurs blouses et leurs masques. Il soutient également qu’il ne lui incombait pas d’informer la patiente de la liste des personnes présentes au bloc opératoire. »

   La patiente avait été déboutée en première instance par le Tribunal de Strasbourg, mais la Cour d’appel de Colmar infirme ce jugement, déclare le chirurgien « responsable du préjudice subi par la patiente du fait de la présence, non autorisée par elle, d’une collégienne stagiaire lors de l’intervention chirurgicale » et ordonne une expertise confiée à un psychiatre. On annonce depuis trente ans que les procès en responsabilité médicale en France vont évoluer comme aux USA, sans pourtant en constater un développement statistique majeur ; à lire cet arrêt on peut commencer à s’inquiéter !     

La Lettre du Cabinet - Décembre 2019


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Bloc opératoire Chirurgiens IADE

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Les gynécologues-obstétriciens ne gagnent pas toujours leurs procès
(CA Montpellier, ch. 1, 17 mars 2010, n° 09/02100)
Isabelle Lucas-Baloup

La Cour d’appel de Montpellier (chambre 1, n° 09/02100) a débouté, par un arrêt du 17 mars 2010, une gynécologue-obstétricienne dont la Clinique ND de l’E. avait résilié le contrat verbal d’exercice libéral sans préavis et qui demandait des dommages-intérêts pour rupture abusive. L’arrêt expose : « Il résulte des nombreuses attestations versées au dossier, émanant de sages femmes, d’infirmières et de médecins ayant travaillé avec la requérante que cette dernière de manière habituelle manquait totalement d’hygiène et ne respectait pas les principes de base en matière d’asepsie tant en salle d’accouchement qu’au bloc opératoire. Toutes les attestations font état de fortes odeurs corporelles, d’urine et d’excréments de chats […] La Clinique produit deux articles de presse faisant état de la découverte dans un immeuble appartenant à la requérante de 45 chiens, 15 chats et 35 cadavres d’animaux. […] La situation est allée en se dégradant pour atteindre son paroxysme en 2005 à tel point que les sages femmes et un médecin anesthésiste ont manifesté leur refus de travailler avec le Dr P. Eu égard à l’ensemble de ces éléments, la rupture sans préavis des relations contractuelles n’est pas fautive, la Clinique ne pouvant courir le risque de voir sa responsabilité engagée par les conséquences de tels manquements. »
La Clinique ND de l’E. ce n’est pas la SPA !...

Gynéco-Online - Mai 2011
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Résiliation brutale => dommages-intérêts payés par le médecin à la clinique
(Cour de cassation, 1ère ch. civ., arrêt du 12 juillet 2007)
Isabelle Lucas-Baloup

La gravité du comportement d’une partie à un contrat permet à l’autre d’y mettre fin de façon unilatérale, mais à ses risques et périls. Le juge saisi ultérieurement décide souverainement si les manquements invoqués étaient (in)suffisamment graves pour justifier l’initiative litigieuse.
En l’espèce, un chirurgien quitte brutalement une clinique, sans respecter le préavis d’un an applicable et laisse sans suite la lettre recommandée de celle-ci lui enjoignant de reprendre ses activités. Il est condamné en appel à indemniser la clinique à hauteur de 200 000 € et se pourvoit devant la Cour de cassation, qui confirme au visa ci-après : « La cour, après avoir relevé que M. Y, qui avait suspendu ses interventions en raison d’un risque d’infection nosocomiale soulevé par lui et apparu inexistant au terme des analyses aussitôt diligentées, avait néanmoins persisté un temps dans son refus de reprendre son service et qu’il ne pouvait par ailleurs reprocher à sa clinique d’avoir imposé directement au personnel du bloc opératoire diverses mesures d’hygiène, a souverainement estimé que rien ne justifiait la rupture à laquelle il avait procédé au mépris du préavis contractuel d’un an auquel il était soumis ». La condamnation du chirurgien est donc confirmée par le rejet de son pourvoi.
Il est indispensable de s’assurer de la preuve de la gravité du motif provoquant le départ sans respect total du préavis, que l’on soit médecin ou établissement de santé. Les condamnations de praticiens ne sont plus rares et les ruptures sur un coup de tête coûtent cher à ceux qui ne sont pas capables, pendant le procès, d’établir la réalité des griefs qu’ils invoquent, de leur gravité et qu’ils en avaient vainement saisi la clinique qui n’y a pas remédié. Les attestations sont difficiles à obtenir quand on a quitté l’établissement, les confrères et le personnel, même s’ils étaient à l’époque témoins directs des manquements, rechignant à nuire à l’établissement dans lequel ils exercent encore, contrairement au demandeur. La rupture brutale doit donc être précédée de la constitution d’un solide dossier composé par exemples de mises en demeure, de constats d’huissier, d’une délibération sur le sujet de la conférence médicale, ou s’il s’agit d’un risque infectieux comme dans cette affaire, d’une saisine officielle du CLIN ; le médecin s’assurera d’obtenir les témoignages dont il aura besoin, avant d’envoyer sa lettre de résiliation. A défaut, il est conseillé de saisir à jour fixe (jugé dans les 3-4 mois suivants) le tribunal de grande instance aux fins d’obtenir une autorisation de résilier sans préavis, sur le fondement de l’article 1184 du code civil. Le risque est de ne pas obtenir un jugement favorable, ce qui ne coûte que les frais du procès et pas la réparation du préjudice (ici 200 000 €) causé à la clinique lorsqu’elle saisit elle-même ce tribunal qui estime insuffisante la gravité des manquements ! ILB

La Lettre du Cabinet - Septembre 2007
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