Base de données - Hystérectomie

Hystérectomie : information sur le risque de fistule ?
(arrêt 20 avril 2022, Cour administrative d’appel de Paris, 3ème ch., n° 20PA03811)
Isabelle Lucas-Baloup

Arrêt intéressant en ce qu’il statue sur l’obligation d’information critiquée par une patiente traitée pour une tumeur du col utérin (radio, chimiothérapie puis curiethérapie) puis hystérectomie totale. Apparition d’un abcès du Douglas avec désunion partielle du moignon vaginal rendant nécessaire un premier drainage, persistance de l’abcès pelvien, mis à plat sous coelioscopie, traitement médicamenteux, nouvelle hospitalisation pour un second drainage. Puis découverte d’une fistule antéro-vaginale et réalisation d’une laparotomie médiane, épiploplastie et iléostomie.

L’arrêt statue d’abord sur la faute médicale et écarte la responsabilité de l’hôpital public. En ce qui concerne la critique du périmètre de l’information reçue par la patiente, on peut extraire ce qui suit :

           « En ce qui concerne l’obligation d’information :

4. Aux termes de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique : « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. » Il résulte de ces dispositions que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l’accomplissement d’un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence.

« 5. En cas de manquement à cette obligation d’information, si l’acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s’il a été réalisé conformément aux règles de l’art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n’a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l’établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l’opération. Il n’en va autrement que s’il résulte de l’instruction, compte tenu de ce qu’était l’état de santé du patient et son évolution prévisible en l’absence de réalisation de l’acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu’il aurait fait, qu’informé de la nature et de l’importance de ce risque, il aurait consenti à l’acte en question.

« 6. Il ressort de l’instruction, et notamment du rapport de l’expert désigné par la CCI d’Ile-de-France, ainsi qu’il a été dit, que Mme B… souffrait d’un cancer de l’utérus de stade 2B dont le traitement, d’une part, par radio et chimiothérapie et, d’autre part, par curiethérapie avait échoué. S’il résulte de l’instruction que le risque de survenue d’une fistule à l’occasion de l’intervention d’hystérectomie pratiquée le 5 octobre 2012, dont la prévalence est comprise entre 3 et 16 % selon l’expert, n’a pas été porté à la connaissance de la requérante, il n’en reste pas moins, qu’aucune pièce du dossier n’établit que, compte-tenu de son état de santé de l’évolution prévisible de la pathologie et en l’absence d’alternative thérapeutique à l’intervention chirurgicale proposée, Mme B… aurait pu ne pas consentir à l’ intervention. Dès lors, le manquement de l’hôpital à son devoir d’information n’a privé la patiente d’aucune chance de se soustraire au risque qui s’est réalisé en renonçant à l’opération.

« 7. Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions indemnitaires de Mme B… ».

Gyneco-online - septembre 2022


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Fistule Hystérectomie Information Responsabilité

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Hystérectomie et lésion vésicale = aléa thérapeutique
Isabelle Lucas-Baloup

Intéressant arrêt rendu le 27 juin 2017 par la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui juge que la maladresse du chirurgien gynécologue qui a provoqué une plaie de la vessie à la patiente qu’il a opérée au Centre Hospitalier d’Angoulême relève de l’aléa thérapeutique, donc pas de responsabilité fautive de l’hôpital, qui est néanmoins condamné car la patiente n’avait pas reçu du gynécologue-obstétricien l’information sur le risque de lésion vésicale, qui intervient dans moins de 1% des cas. La perte de chance d’éviter la complication en refusant l’hystérectomie est évaluée à 10% :

 

« Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du docteur F. diligenté par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Poitou-Charentes qu'au cours de la réalisation de l'hystérectomie par voie vaginale du 26 novembre 2007 pour laquelle le chirurgien gynécologue du centre hospitalier d'Angoulême a utilisé une méthode classique et standardisée dans sa progression, une plaie vésicale au niveau de la base de l'organe est survenue lors du décollement obligatoire entre vessie et utérus. Si l'expert impute cette lésion vésicale à un geste maladroit du chirurgien, il résulte toutefois de l'instruction qu'elle constitue une complication connue dans ce type d'opération qui survient chez 0,2 à 0,9% des patientes malgré l'observance de bonnes pratiques et que cette déchirure a été immédiatement repérée et prise en charge par un urologue dans les règles de l'art. Dès lors, et ainsi que l'ont retenu, à juste titre, les premiers juges, cette lésion peut être qualifiée, compte tenu de ce qui précède, d'aléa thérapeutique, exclusif de toute faute. Dans ces conditions, la responsabilité pour faute du centre hospitalier d'Angoulême ne saurait être engagée en raison de la survenue de cette lésion.

« Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. ...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ". En application de ces dispositions, doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. Il suit de là que la circonstance qu'un risque de décès ou d'invalidité répertorié dans la littérature médicale ne se réalise qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de le porter à la connaissance du patient. Toutefois, en cas d'accident, le juge qui constate que le patient n'avait pas été informé du risque grave qui s'est réalisé doit notamment tenir compte, le cas échéant, du caractère exceptionnel de ce risque, ainsi que de l'information relative à des risques de gravité comparable qui a pu être dispensée à l'intéressé, pour déterminer la perte de chance qu'il a subie d'éviter l'accident en refusant l'accomplissement de l'acte.

« Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le chirurgien gynécologue du centre hospitalier d'Angoulême a proposé à Mme D..., lors de la consultation du 25 octobre 2007, deux options thérapeutiques en lui présentant les bénéfices et risques inhérents à chaque intervention. Cependant, il n'est pas établi qu'elle ait été informée, préalablement à son opération, des risques connus de complications dont elle a été victime qui, bien que survenant très rarement, présentent un degré de gravité suffisant et auraient dû, dès lors, être portées à la connaissance de Mme D..., quand bien même son état de santé nécessitait la réalisation d'un geste invasif, dès lors que l'absence d'un tel geste n'aurait pas eu des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir l'existence d'un manquement à l'obligation d'information de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d'Angoulême.

 

« Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Mme D...présentait des règles très abondantes accompagnées d'une anémie en raison d'un utérus fibromateux, que l'opération d'hystérectomie était conforme aux données de la science médicale et que la plaie de la vessie survient entre 0,2 et 0,9 % des cas. Dans ces circonstances, et compte tenu de l'état de santé antérieur de Mme D..., la perte de chance qu'avait cette dernière de se soustraire au risque qui s'est réalisé si l'information de la survenance de ce dernier lui avait été délivrée, doit être fixée à 10 %.

 

« Sur les préjudices :

Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Mme D...a été hospitalisée du 25 novembre au 5 décembre 2007, puis du 7 au 8 janvier 2008 et du 21 mars au 7 avril 2008. Elle a subi un déficit fonctionnel temporaire évalué à 35 % entre ces hospitalisations, et de 15 % à compter du 8 avril 2008 jusqu'au 30 juin 2008, date de la consolidation de son état. Il sera fait une juste appréciation de ces troubles dans les conditions de l'existence en les évaluant à la somme de 2 000 euros.

 

« Mme D...demeure atteinte d'un déficit fonctionnel permanent évalué à 10 %. Compte tenu de son âge, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 14 000 euros.

 

« La requérante a enduré des souffrances physiques évaluées à 4,5/7 qui feront l'objet d'une juste appréciation en étant évaluées à la somme de 10 000 euros.

 

« Mme D...justifie d'un préjudice esthétique qui doit être évalué à la somme de 3 000 euros, et d'un préjudice sexuel évalué à 1 000 euros.

 

« Il résulte de ce qui précède que l'ensemble des préjudices nés des conséquences directes de l'opération subie par Mme D...s'élèvent à la somme de 30 000 euros. Compte tenu de la perte de chance de 10 % évoquée au point 6, le centre hospitalier d'Angoulême doit être condamné à payer la somme de 3 000 euros à Mme D....

 

« Mme D...justifie, en outre, d'un préjudice moral d'impréparation à la survenance de l'aléa thérapeutique dont elle a été victime qui peut être évalué à la somme de 1 000 euros.

 

« Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Il y a lieu, eu égard à ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la réalisation d'une nouvelle expertise, de condamner le centre hospitalier d'Angoulême à payer à la requérante la somme totale de 4 000 euros. »

Gynéco-Online - Septembre 2017


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Aléa thérapeutique Hystérectomie Lésion vésicale

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Hystérectomie réalisée sans consentement préalable : pas de faute du chirurgien
Isabelle Lucas-Baloup

Le 28 juin 2012, la Cour de cassation a jugé qu’un chirurgien constatant, pendant une intervention sur d’autres causes, la nécessité de l’ablation de l’utérus de la patiente, n’a pas commis de faute en y procédant.

Une patiente de 48 ans est opérée par un chirurgien urologue, pour remédier à diverses ptoses de la sphère uro-génitale et, en même temps, à sa demande et afin de ne subir qu’une seule anesthésie, par un chirurgien plasticien, pour des actes de chirurgie esthétique portant sur les paupières supérieures et la paroi abdominale.

Le chirurgien urologue procède à une hystérectomie pendant l’intervention, non prévue, non consentie par la patiente, qui lance une action judiciaire pour obtenir des dommages-intérêts contre les deux médecins.

Le plasticien voit sa responsabilité écartée, puisqu’il n’a pas réalisé lui-même le geste critiqué.

En ce qui concerne la responsabilité du chirurgien-urologue, la Cour de cassation motive ainsi qu’il suit sa décision de débouter la patiente de son pourvoi à l’encontre de l’arrêt de la Cour de Paris :

« Attendu que la patiente fait grief à l’arrêt de rejeter son action en réparation des conséquences préjudiciables de l’atteinte non consentie à son intégrité physique alors, selon le moyen, qu’il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ; que le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir ; qu’ainsi la cour d’appel qui n’a pas réparé l’atteinte à l’intégrité physique de la patiente résultant d’une hystérectomie pratiquée sans et même contre le consentement de cette dernière, sans constater la nécessité absolue de l’ablation de l’utérus et l’absence de toute alternative thérapeutique possible, n’a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 16 et 16-3 du code civil et de l’article 1147 du même code ;
« Mais attendu que la cour d’appel a fait siennes les constatations des experts selon lesquelles, d’une part, le chirurgien urologue avait découvert, lors de l’intervention, diverses pathologies de l’utérus qui, combinées à la position de cet organe dans la cavité pelvienne, rendaient nécessaire en per-opératoire la réalisation de l’hystérectomie pour obtenir un bon résultat, et, d’autre part, le fait de laisser en place l’utérus aurait été la cause d’incontinence urinaire et aurait fait prendre à la patiente un risque non négligeable de surinfection pouvant évoluer vers une pelvi-péritonite post-opératoire ; qu’elle a ainsi caractérisé la nécessité de l’ablation de l’utérus à laquelle la patiente n’était pas, du fait de l’anesthésie, à même de consentir, circonstances de nature à faire exception à l’exigence du consentement préalable ; que le moyen […] n’est pas fondé. »

Un deuxième débat, moins intéressant pour notre rubrique, a donné lieu à une cassation partielle de l’arrêt, sur le terrain du manquement au devoir de conseil (deux interventions concomitantes « geste non conforme aux bonnes pratiques médicales»).

Gynéco Online - Octobre 2012


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Consentement Devoir d'information Hystérectomie Utérus

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Hystérectomie : défaut fautif d’information sur le risque d’incontinence urinaire
(Cour d’appel de Paris, arrêt du 29 octobre 2010, à la Clinique des Presles)
Isabelle Lucas-Baloup

Un gynécologue-obstétricien réalise, le 7 mai 2004, une hystérectomie totale avec ovariectomie bilatérale par voie haute sous AG pour utérus fibromateux. La patiente souffre postérieurement d’une incontinence importante et des examens complémentaires mettent en évidence une fistule vésico-vaginale. Fermeture de la fistule le 25 mai suivant, mais persistance de troubles mictionnels après mise en place d’une bandelette sous urétrale par voie trans-obturatrice.


Un rapport d’expertise établit que « les soins prodigués ont été conformes aux données de la science […], la survenue de la fistule vésico-vaginale relève de l’aléa thérapeutique», aucune faute ne peut être reprochée au gynécologue-obstétricien.


En revanche, il n’a pas été délivré d’information, conforme à l’article L. 1111-2 du CSP, sur les risques urinaires. « L’absence d’évocation de la possibilité de la survenue d’une fistule vésico-vaginale était parfaitement licite car il s’agit d’un accident exceptionnel. Il aurait été souhaitable de prévenir la patiente d’une possibilité de séquelles urinaires, notamment de l’apparition d’une incontinence à l’effort. » écrit l’expert. La Cour condamne à 3 000 € de dommages-intérêts le chirurgien, sur le fondement de l’article 1382 du code civil, c’est-à-dire sur le fondement de la mise en œuvre de la responsabilité délictuelle (par opposition à la responsabilité contractuelle fondée sur l’article 1147 du code civil).


Un arrêt conforme à la jurisprudence nouvelle de la Cour de cassation du 3 juin 2010.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2010
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