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La publicité des centres de santé : pas de concurrence déloyale à l'égard des chirurgiens-dentistes (Cour d'appel de Paris, pôle 4, ch. 9, arrêt du 18 février 2016, n° 13/19101)
Isabelle Lucas-Baloup
« Les textes relatifs aux centres de santé ne prévoient pas expressément que ceux-ci sont tenus de respecter eux-mêmes les règles déontologiques des praticiens qui exercent dans ces centres.[…] Il ne peut en conséquence être reproché à l’association Addentis de pratiquer des actes de promotion de l’activité des centres de santé qu’elle gère au travers des médias, d’articles de presse, de son site internet et des panneaux d’affichage dès lorsqu’il ressort des documents critiqués versés aux débats que, tant sur les panneaux d’affichage des centres gérés par l’association Addentis que sur le site internet des différents sites, ne figurent pas les noms des chirurgiens-dentistes qui y sont salariés et que les articles de presse cités n’assurent pas la publicité d’un ou de plusieurs dentistes nommément désignés travaillant pour l’association Addentis et qui seraient rémunérés en fonction de leur chiffre d’affaires. […] Au vu de l’ensemble de ces éléments, aucune faute caractérisant des actes de concurrence déloyale ne peut être reprochée à l’association Addentis. » : telle est la motivation aux termes de laquelle la Cour déboute plusieurs syndicats de chirurgiens-dentistes et le Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de leur action tendant à faire respecter par plusieurs centres gérés par cette association les principes déontologiques qui s’imposent aux professionnels qui y interviennent : pas de publicité, des plaques professionnelles classiques et de dimension raisonnable et non une signalisation d’apparence commerciale, cessation de la concurrence déloyale faite aux chirurgiens-dentistes qui respectent la déontologie.
L’arrêt souligne que « Il ne peut y avoir aucune confusion possible entre les chirurgiens- dentistes salariés par l’association et l’association elle-même, s’agissant de personnes juridiques bien distinctes. »
Le droit civil et le droit déontologique ne répondent pas aux mêmes impératifs, c’est le moins qu’on puisse dire.
La Lettre du Cabinet - Août 2016
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Les sociétés commerciales exploitant des centres d’ophtalmologie peuvent-elles faire de la publicité ?
(Cour d’appel de Lyon, 8è ch., arrêt du 3 décembre 2013, n° 11/06368)
Isabelle Lucas-Baloup

 

   Un centre spécialisé dans les corrections optiques de patients atteints de troubles de la vision se livre, à Lyon, à des actes de publicité qualifiés « à grande échelle à destination du grand public dans différents médias, presse, internet et autres » par des ophtalmologistes et un autre centre qui s’en plaignent en saisissant le juge des référés. Le juge des référés prononce l’interdiction de continuer la publicité portant sur des actes médicaux, sous astreinte de 5 000 € par infraction constatée, en considérant que la publicité effectuée par la société commerciale qui exploite le centre bénéficie directement aux médecins qui y exercent, en violation de l’article R. 4127-19 du code de la santé publique qui prohibe toute publicité, directe ou indirecte, de l’activité de médecine à des fins commerciales.

 

   La Cour de Lyon s’est donc prononcée en appel le mois dernier et a annulé cette ordonnance de référé en jugeant :

 

 « Il est constant en droit, par application des dispositions de l’article R. 4127-19 du code de la santé publique, que « la médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce. Sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité et notamment tout aménagement ou signalisation donnant aux locaux une apparence commerciale ». Mais il n’est pas expressément dit par ce texte ou tout autre de ce même code qu’une telle interdiction s’étend aux sociétés commerciales qui accueillent les médecins en leur sein pour exercer leur art.

 

 « Il est certain que le code de déontologie médicale n’est pas directement applicable aux sociétés médicales dans lesquelles travaillent les médecins puisqu’il ne vise en son article Ier que les médecins inscrits au Tableau de l’Ordre.

 

   « Le doute quant au prétendu transfert des obligations déontologiques des médecins aux structures juridiques qui les abritent est d’autant plus fort que l’on note que ces sociétés commerciales, comme toutes les sociétés de même nature, ont normalement la possibilité de se livrer à des opérations publicitaires et que ladite publicité, comme en l’espèce, ne vise pas explicitement un geste médical quelconque pratiqué par un médecin identifiable, mais de simples qualités d’accueil de la structure dans laquelle la médecine est pratiquée et la performance des appareils employés, le dithyrambe habituel des messages publicitaires ne portant le plus souvent que sur la sécurité présidant à ces interventions et les prétendus témoignages de satisfaction pour l’ « équipe » et non les médecins de Vision Future.

 

 « Il peut être ajouté que si le législateur a estimé devoir interdire la publicité aux établissements pratiquant spécifiquement la chirurgie esthétique par le moyen de l’article L. 6322-1 du même code, c’est qu’a contrario il n’entendait pas étendre cette interdiction aux autres établissements médicaux comme ceux spécialisés en matière d’ophtalmologie.

 

 « L’ensemble de ces éléments fait qu’il existe une contestation sérieuse au sens de l’article 808 du code de procédure civile sur le caractère illicite de la publicité incriminée et sur la réalité du trouble indemnisable ainsi causé aux sociétés commerciales concurrentes de la société Vision Future. Il n’y a donc pas lieu à référé. »

 

   Affaire à suivre...

 

 
La Lettre du Cabinet - Janvier 2014


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Ophtalmologie Publicité

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Pas de publicité illégale pour un médecin patron de clinique photographié dans la presse locale (Conseil d’Etat, 12 mars 2014, n° 361061)
Isabelle Lucas-Baloup

    Un médecin a fait l’objet d’une plainte d’un confrère local, pour avoir « recouru à un procédé publicitaire » au titre d’un article paru dans le Dauphiné Libéré, le présentant comme « le patron de la Clinique des Deux-Alpes », avec une photo le montrant en train d’ausculter un enfant.

   Toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges que l’article incriminé consistait en un reportage sur les ressources médicales disponibles aux Deux-Alpes pendant la saison de ski, intitulé « Les Deux-Alpes : les médecins de la station ne chôment pas », dans lequel la parole était donnée aux autres médecins, notamment au praticien à l’origine de la plainte, qui présentaient l’activité de leurs cabinets respectifs.

 

   Le Conseil d’Etat annule en conséquence la condamnation à 3 mois d’interdiction d’exercice prononcée par la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins.
La Lettre du Cabinet - Septembre 2014


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Médecins Publicité

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Publicité des médecins, une pluie de condamnations récentes
Isabelle Lucas-Baloup

    Les chambres disciplinaires des autorités ordinales sont de plus en plus occupées par des plaintes visant des faits de publicité, par internet ou autres communications publiques, et les sanctions pleuvent. Quelques exemples récents :

Sites de groupage de commandes à bas prix :

 

   La promotion d’un cabinet médical, dentaire ou paramédical sur internet tente régulièrement certains praticiens qui souhaitent faire connaître au public leur existence et leur expérience, parfois au prix d’une attractive réduction tarifaire annoncée sur un site dont ils ne sont pas les responsables directs.

   Ce n’est pas la première fois que la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins est saisie contre des praticiens qui collaborent avec le site Groupon, lequel offre aux consommateurs des services « shopping-voyage-forme et santé- bars et restaurants- maisons et petits travaux », à prix réduits.

   Une peine de 6 mois d’interdiction d’exercer la médecine dont 3 mois avec sursis a été prononcée, le 15 mars 2016, contre un médecin généraliste « qui exerçait notamment dans une clinique en Belgique où il effectuait des liposuccions ; ces interventions faisaient l’objet, sur le site « Groupon », de propositions mettant l’accent sur une économie de 51%, le prix de 1200 € étant ramené à 589 € […] », en violation de l’article R. 4127-19 du CSP qui interdit la pratique de la médecine comme un commerce ainsi que tous procédés directs ou indirects de publicité. La décision ajoute : « Il résulte également des conditions générales du contrat signé entre le Dr D et la société Groupon France que les montants versés par les patients pour bénéficier des prestations mentionnées dans l’annonce étaient partagés entre le Dr D et la société ; le Dr D a ainsi commis un acte de compérage prohibé par les dispositions de l’article R. 4127-23 du CSP et a consenti une commission prohibée par celles de l’article R. 4127-24 du même code. » (Chambre discipl. nat. de l’Ordre des médecins, 15 mars 2016, n° 12596).

   Le 30 septembre 2014, la même Chambre disciplinaire avait suspendu pendant 2 mois dont un et demi assorti du sursis un médecin ayant proposé sur le même site Groupon « une injection de botox front ou pattes d’oie pour 169 € au lieu de 350 » (décision n° 11754).

 

Toujours des interdictions d’exercer contre les médecins très médiatiques :

 

   « Un usage massif, systématique et répété des supports de communication » et sa « participation au site qui lui est entièrement dédié, Savoir maigrir avec Jean-Michel Cohen » vient de coûter à ce dernier 2 ans d’interdiction d’exercer dont un an assorti du sursis (décision de la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, n° 12336), après la radiation de son confrère Pierre Dukan, prononcée le 24 janvier 2014 (n° 11841) dans une décision retenant notamment : « que son nom, qui est notoirement connu comme celui d’un médecin engagé dans la lutte contre la surcharge pondérale et l’obésité, faisait l’objet d’une exploitation commerciale à des fins publicitaires sur les sites internet « regimedukan.com » […] ainsi que pour la « croisière Dukan pour maigrir en mer » ; que si le Dr Dukan fait valoir qu’il avait demandé que son titre de docteur ne soit pas utilisé par ces entreprises commerciales, il ne s’est néanmoins pas opposé à cette utilisation de son nom ; qu’il en résulte que […] s’il a complètement cessé cette activité à partir d’octobre 2011, […] il a néanmoins laissé utiliser son nom à des fins de publicité commerciale en méconnaissance des dispositions de l’article R. 4127-20. »

Et des sanctions plus mesurées pour les plus nuancés :

    Après avoir fait l’objet en première instance d’une interdiction d’exercer la médecine pendant un an dont 6 mois avec sursis, suite à la publication de leur ouvrage « Guide des 4 000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux », les Professeurs Bernard Debré et Philippe Even ont su convaincre la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins qu’en soutenant « que le cholestérol ne présente aucun danger pour une très grande partie de la population et que, pour le restant, il s’agit d’un risque mineur et d’autre part que la prescription de statines présente des dangers dont certains sont graves », ils n’ont fait que contribuer aux controverses existant dans les milieux scientifiques notamment sur l’intérêt de la prévention de l’hypercholestérolémie dans les pathologies cardio-vasculaires et sur l’utilisation des statines et la désensibilisation en matière d’allergies, sans pouvoir être regardés comme ayant violé les articles R. 4127-13 et -21. « En revanche, en usant à l’égard de leurs confrères allergologues, d’un ton méprisant, en particulier par l’utilisation à leur sujet des termes de ²gourous², de ²marchands d’illusions², de ²charlatans² et d’²illuminés², ils ont manqué au devoir de confraternité de l’article R. 4127-56 du CSP », la Chambre d’appel réduisant l’interdiction d’exercer à un blâme (décision du 8 décembre 2015, n° 12284/5).

 

Enfin, les sites internet non « déontologiques » :

 

Ø  « En maintenant au moins jusqu’aux dernières semaines précédant l’audience de la chambre disciplinaire nationale un site qui, tant par les images qu’il comporte que par les textes qui les accompagnent (« Vieillir n’est pas une fatalité, prévenir et rajeunir, mon art de vivre »), présente un caractère manifestement commercial et publicitaire » […] « faisant la promotion de procédés et de techniques non strictement médicales, voire fantaisistes », le Dr F est interdite d’exercice pendant 6 mois (Chambre discipl. nat. de l’Ordre des médecins, 22 mars 2016, n° 12452).

 

Ø  « En faisant paraître dans un périodique japonais distribué en France une annonce et une plaquette vantant les mérites de la médecine esthétique pratiquée dans ses cabinets de Londres et Paris et dans lesquels il proposait, en outre, une première consultation gratuite ainsi que des ristournes sous forme d’implantation gratuite de 50 cheveux et de prise en charge d’une coupe et d’un massage capillaire », alors qu’il aurait dû demander que lui soit présenté le document avant impression, en se présentant comme « le médecin privé des célébrités » et en faisant valoir que la « carte privilège » d’une association de ressortissants japonais en France donne droit, en cas d’implantation de 1500 cheveux, à  des prestations gratuites et des ristournes, le praticien se livre à une publicité commerciale interdite, peu importe que « ces encarts aient été rédigés par son épouse japonaise ignorante des règles déontologiques s’appliquant en France » : interdiction d’exercer la médecine pendant 3 mois (Chambre discipl. nat. de l’Ordre des médecins, 28 janvier 2016, n° 12441).

 

Ø  Un an dont 6 mois avec sursis d’interdiction d’exercer sanctionne un autre médecin dont les mentions du site internet revêtaient un caractère publicitaire, et dont certaines étaient mensongères, les captures d’écran montrant que « le site comportait des photographies de patients réalisées avant et après certaines interventions, de façon à faire apparaître l’efficacité des traitements » et le site annonçant une activité à Paris, l’autre à Athènes, alors que le médecin n’avait jamais disposé d’autre lieu d’intervention que son cabinet à Grenoble (Chambre discipl. nat. de l’Ordre des médecins, 19 février 2016, n° 12465).

 

Ø  « Il résulte de l’instruction que le site internet du Dr B décrivait, en vantant leurs mérites, plusieurs interventions médicales à visée esthétique, dont l’injection de toxine botulique […] que les photos de visages accompagnant chacune des descriptions des différentes interventions à but esthétique présentées sur le site du Dr B ne visaient pas l’information du public mais donnaient un caractère publicitaire à ces descriptions […] ; que la circonstance que le site du Dr B aurait été ensuite modifié n’interdit pas de retenir à son encontre les griefs mentionnés ci-dessus » : 4 mois d’interdiction d’exercer la médecine, dont 2 mois assortis du sursis (Chambre discipl. nat. de l’Ordre des médecins, 14 janvier 2016, n° 12460).

 

Ø  « Considérant que plusieurs sites sont consacrés à la présentation de l’activité du Dr B qui s’y déclare Président d’honneur du syndicat national de médecine plastique ; que ces sites vantent parfois sur plusieurs pages, à destination du public essentiellement féminin, de façon extrêmement laudative, photographies, vidéos, procédés d’appel (première consultation gratuite) et témoignages de patients à l’appui, les différents types de programmes de soins esthétiques proposés par ce médecin notamment les programmes dits TMS (traitement médical de la silhouette) et PMR (protocole médical de rajeunissement) ; que, même si n’y figure pas l’adresse exacte du Dr B, […] l’ensemble de ces sites présente un caractère publicitaire » : 3 ans d’interdiction d’exercer, sans sursis (Chambre discipl. nat. de l’Ordre des médecins, 17 février 2016, n° 11980-12818).

    Toutes ces décisions sont publiées sur le site du Conseil national de l’Ordre des médecins, rubrique « Jurisprudence ».

La Lettre du Cabinet - Août 2016


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Publicité des professionnels de santé : les propositions du Conseil d'Etat
(Rapport du 3 mai 2018)
Isabelle Lucas-Baloup

Le Premier Ministre Edouard Philippe a demandé en décembre 2017 au Conseil d’Etat une étude sur les règles applicables aux professions de santé en matière d’information et de publicité, qui soulèvent de nombreuses questions notamment au regard de la compatibilité du droit interne français avec le droit de l’Union européenne.

Le Rapport qui vient d’être rendu public rappelle d’abord que nos principaux voisins réglementent la publicité sans l’interdire totalement tandis qu’aux Etats-Unis celle-ci est libre tout en étant régulée (pages 50 et suiv.) :

En vertu du principe du libre exercice de la profession (Grundrecht auf freie Berufsausübung), les médecins exerçant en Allemagne sont en droit d’informer le public de leur activité et de faire de la publicité pour les services qu’ils proposent. Mais, dans le même temps, la publicité peut faire l’objet de restrictions légales justifiées par l’intérêt général (Gemeinwohl). Le paragraphe 27 du « code-modèle » fédéral énonce que les dispositions qu’il prévoit visent à garantir la sécurité des patients au moyen d’une information objective et raisonnable et à éviter la « commercialisation » de la profession de médecin.

En Italie, depuis 2006, les professionnels libéraux peuvent communiquer au public, par voie publicitaire, leurs titres et spécialisation, la nature des services offerts ainsi que le prix et le coût global des prestations, dans le respect de critères de transparence et de véracité du message délivré, ce qui a été confirmé en 2012 par le décret portant réforme des ordres professionnels. Aujourd’hui, les médecins peuvent également annoncer la présence de leurs éventuels collaborateurs et même faire de la publicité comparative, sous réserve que des indicateurs cliniques mesurables, certains et partagés par la communauté scientifique existent, afin d’éviter une comparaison mensongère.

L’Espagne autorise également la diffusion d’informations concernant les activités des professionnels de santé, avec une obligation d’objectivité, prudence et sincérité.

Au Royaume-Uni, les codes de la publicité et de la communication commerciale directe et promotionnelle sont applicables à la publicité et à l’information diffusées par les professionnels de santé. Le Good Medical Practice Guide de 2013 du General Medical Council leur recommande de s’assurer, lorsqu’ils font de la publicité pour leurs services, que l’information qu’ils publient est factuelle et vérifiable et n’exploite pas la vulnérabilité ou l’absence de connaissances médicales des patients.

Les Etats-Unis, l’AMA (American Medical Association) a publié un Code of Medical Ethics disposant que tout médecin peut faire de la publicité pour ses activités en tant que médecin, au moyen de toute forme de communication publique, à condition qu’une telle communication ne soit pas de nature à induire en erreur en omettant de faire état d’informations importantes et nécessaires, ni ne contienne d’éléments faux ou trompeurs. Elle autorise l’inclusion de témoignages de patients mais considère une telle communication trompeuse lorsque ces témoignages ne sont pas représentatifs des résultats habituellement observés chez des patients montrant une pathologie similaire. De même, présente un caractère trompeur tout élément tendant à suggérer qu’un résultat positif est certain.

Le Rapport décrit ensuite l’évolution récente de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), en s’attachant tout particulièrement à l’arrêt Vanderborght du 4 mai 2017, dans lequel la Cour a jugé que le droit de l’Union s’oppose à une législation nationale interdisant de manière générale et absolue toute publicité relative à des prestations de soins. A l’occasion de son raisonnement concernant des soins buccaux et dentaires en Belgique, la Cour a rappelé que l’article 2 de la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 dite « commerce électronique » couvre toute forme de communication destinée à promouvoir directement ou indirectement des services d’une personne exerçant une profession réglementée. De telles communications sont, en principe, autorisées sous réserve de respecter certaines règles, l’article 8 de la directive posant le principe selon lequel les Etats membres doivent s’assurer que les membres d’une profession réglementée peuvent faire de la publicité sur internet dès lors qu’ils respectent les règles de la profession, lesquelles protègent notamment l’indépendance, la dignité et l’honneur de la profession, ainsi que le secret professionnel et la loyauté tant vis-à-vis des clients que des confrères. Par cet arrêt, la Cour a conféré à la directive sur le commerce électronique une portée étendue, susceptible de fragiliser la réglementation française, écrit le Conseil d’Etat.

Le Rapport présente ensuite la demande légitime et croissante du public d’informations générales sur la santé, dans un climat de défiance alimenté par les crises sanitaires et considère que les sites d’information en ligne répondent de plus en plus à cette demande. Le patient à la recherche d’un professionnel de santé peut légitimement souhaiter disposer, en amont de sa décision, d’un certain nombre de renseignements au premier rang desquels figurent les pratiques professionnelles – afin notamment de ne pas être renvoyé, lors de la consultation, vers un autre praticien – et le coût des soins restant à sa charge. La liste des données que les professionnels sont aujourd’hui autorisés à communiquer au public semble trop restrictive et source d’inégalités entre patients.

En face de cette restriction, le référencement électronique des professionnels, par des sites de notation apparaissent sur les moteurs de recherche et une « e-réputation » ou « réputation en ligne » est susceptible de se propager sans même que le professionnel concerné ait prise sur le processus. En définitive, l’essor rapide du numérique tend à créer un environnement juridique incertain pour le praticien qui s’interroge sur ce qu’il peut ou ne peut pas publier en ligne et s’il doit ou non réagir à ce qui est écrit sur lui.

Le Rapport souligne ensuite que les professionnels de santé sont également confrontés à la concurrence d’établissements de santé (cliniques etc.) et de professionnels non soumis à l’interdiction de la publicité (ostéopathe, etc.). Les établissements de santé bénéficient d’une forme de publicité, par exemple par le biais des classements effectués par des hebdomadaires destinés au grand public ou de publications ou annonces émanant de collectivités territoriales soucieuses de leur attractivité en matière d’offre de soins.

Les professionnels exerçant dans les zones frontalières subissent également la concurrence de collègues installés dans les pays voisins dont la réglementation de la publicité est moins stricte.

Le Rapport conclut par plusieurs propositions, notamment ci-après :

Proposition n° 1 :

« Prévoir la faculté pour les professionnels de santé, dans le respect des règles déontologiques, de communiquer au public des informations sur leurs compétences et pratiques professionnelles, leur parcours professionnel, des informations pratiques sur leurs conditions matérielles d’exercice ainsi que des informations objectives à finalité scientifique, préventive ou pédagogique et scientifiquement étayées sur leurs disciplines et les enjeux de santé publique. »

Proposition n° 2 :

« Rendre obligatoire, dès la prise de rendez-vous, la diffusion, sur tout support, des informations économiques précises dont l’article R. 1111-21 du CSP impose déjà l’affichage dans les salles d’attente ou lieux d’exercice. »

Proposition n° 3 :

« Favoriser le développement de la communication des pharmaciens auprès du public, afin de l’assister dans le parcours de soins, sur la gamme des prestations qu’ils peuvent délivrer et leur qualité, leur certification quant à la dispensation des médicaments, la validation de leur formation professionnelle continue ainsi que leur appartenance éventuelle à des groupements d’officines ou à d’autres réseaux professionnels. Ces informations à caractère objectif et informatif pourraient être diffusées par tout support, et en particulier sur les sites internet des officines. »

Proposition n° 4 :

« Imposer aux professionnels libéraux venus d’autres Etats membres, auxquels un accès partiel à l’exercice de certaines activités a été accordé au titre de l’article L. 4002-5 du CSP, d’informer préalablement le public, par tout support, de la liste des actes qu’ils ont été habilités à effectuer. »

Proposition n° 5 :

« Supprimer l’interdiction de la publicité directe ou indirecte dans le CSP et poser un principe de libre communication des informations par les praticiens au public, sous réserve du respect des règles gouvernant leur exercice professionnel. »

Proposition n° 6 :

« Imposer, par des dispositions expresses, que la communication du professionnel de santé soit loyale, honnête et ne fasse état que de données confirmées, que ses messages, diffusés avec tact et mesure, ne puissent être trompeurs, ni utiliser des procédés comparatifs, ni faire état de témoignages de tiers. »

Proposition n° 7 :

« Inviter les ordres à encourager les professionnels de santé à davantage communiquer au public, conformément à leurs recommandations, de manière à éviter toute « auto-proclamation » non vérifiée de spécialités, pratiques ou parcours professionnels. »

Proposition n° 8 :

« Prévoir que les nouvelles informations diffusées par les professionnels de santé le soient par tout support adéquat n’étant pas de nature à rendre cette diffusion commerciale. Les codes de déontologie pourraient confier aux ordres le soin de préciser, par des recommandations, les conditions dans lesquelles ces modes de publication seraient déontologiquement admis. »

Proposition n° 9 :

« Inciter les professionnels de santé, dans le cadre de leur formation initiale et continue, à davantage utiliser les outils numériques pour communiquer sur leurs expériences et pratiques professionnelles et intervenir efficacement sur tout support afin de répondre aux fausses informations ou approximations susceptibles d’affecter la protection de la santé publique. »

Proposition n° 10 :

« Moderniser et harmoniser les rédactions des dispositions des codes de déontologie relatives au contenu et aux procédés de diffusion des informations. »

Proposition n° 11 :

« Les pouvoirs publics pourraient inclure, en accord avec les professionnels de santé, sur leurs sites numériques, le cas échéant par des liens hypertextes, les informations que ces professionnels communiqueraient au public volontairement ou obligatoirement. Les professionnels de santé seraient autorisés à diffuser au public les informations les concernant rendues publiques par les sites numériques des administrations. Les sites d’information mis en ligne par les pouvoirs publics gagneraient à être davantage coordonnés afin d’en accroître le référencement numérique et d’en améliorer l’accessibilité. »

Proposition n° 12 :

« Veiller, au besoin en insérant des clauses en ce sens dans les conventions conclues avec l’assurance maladie, à ce que les établissements de santé ne placent pas les professionnels de santé qui y travaillent en contradiction avec leurs obligations déontologiques en matière de communication au public et puissent, le cas échéant, faire l’objet de rappels à la loi à cet effet. »

Proposition n° 13 :

« Suggérer aux ordres de proposer que soit ajoutée à leur code de déontologie une formule inspirée de l’article R. 4321-124 du CSP relatif aux masseurs-kinésithérapeutes, qui distinguerait les activités relevant du monopole, pour lesquelles la libre communication serait encadrée, de celles qui n’en relèvent pas, pour lesquelles la publicité serait autorisée sous certaines conditions. »

Proposition n° 14 :

« Mettre en place des outils d’évaluation des effets de la publicité ou de la communication commerciale sur les dépenses de santé ainsi que des effets induits, à terme, sur l’offre de soins en France par la concurrence entre prestataires au sein de l’Union européenne et dans le reste du monde. »

Proposition n° 15 :

« Proposer aux Etats membres de l’Union européenne une concertation en vue d’une meilleure coordination des législations nationales fixant les règles applicables aux professionnels de santé en matière de communication, à partir d’un livre vert de la Commission. »

Puissent, dans l’attente de la réforme des codes de déontologie français des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, masseurs-kinésithérapeutes, infirmiers et autres professionnels de santé, les instances disciplinaires saisies de plaintes pour publicité à l’encontre de ces professionnels qui, ce faisant, n’ont pas démérité au regard de leurs autres règles déontologiques, tenir compte de ces propositions en cessant de prononcer des condamnations parfois excessives, notamment en cas de récidive.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2018


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Publicité des professions de santé : enfin ça bouge !
(arrêt du 4 mai 2017 de la CJUE, 3ème ch., aff. C-339/15)
Isabelle Lucas-Baloup

   Un arrêt très important a été rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), le 4 mai 2017, sur question préjudicielle posée par le tribunal correctionnel de Bruxelles dans une affaire concernant des poursuites engagées contre un chirurgien-dentiste, M. Luc Vanderborght, pour avoir enfreint une réglementation nationale interdisant toute publicité pour des prestations de soins buccaux et dentaires.

    La CJUE répond notamment que :

 « La directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (directive sur le commerce électronique), doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui interdit de manière générale et absolue toute publicité relative à des prestations de soins buccaux et dentaires, en tant que celle-ci interdit toute forme de communications commerciales par voie électronique, y compris au moyen d’un site créé par un dentiste. »

 « L’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui interdit de manière générale et absolue toute publicité relative à des prestations de soins buccaux et dentaires. »

    Le droit belge est identique au droit français en ce qui concerne l’interdiction de la publicité pour les chirurgiens-dentistes, dès lors que l’article 1er de la Wet betreffende de publiciteit inzake tandverzorging (loi relative à la publicité en matière de soins dentaires) prévoit : « Nul ne peut se livrer directement ou indirectement à quelque publicité que ce soit en vue de soigner ou de faire soigner par une personne qualifiée ou non, en Belgique ou à l’étranger, les affections, lésions ou anomalies de la bouche et des dents […]. »

   Cet arrêt présente donc un intérêt majeur en France, pour l’ensemble des professions de santé réglementées, et notamment pour les :

  •  chirurgiens-dentistes, dont l’article R. 4127-215 du code de la santé publique (CSP) interdit « tous procédés directs ou indirects de publicité » ;
  • médecins, dont l’article R. 4127-19 du même code interdit « tous procédés directs ou indirects de publicité » ;
  • pharmaciens et médecins biologistes, dont l’article L. 6222-8 du CSP interdit « toute forme de publicité ou de promotion, directe ou indirecte, en faveur d’un laboratoire de biologie médicale » ;
  • sages-femmes, dont l’article R. 4127-310 du même code interdit « tous procédés directs ou indirects de publicité » ;
  • masseurs-kinésithérapeutes, dont l’article R. 4321-67 du même code interdit « tous procédés directs ou indirects de publicité » ;
  • et infirmiers, dont l’article R. 4312-76 du même code interdit « tous procédés directs ou indirects de réclame ou de publicité ». 

   Plutôt que continuer à interdire purement et simplement la publicité pour les professionnels de santé, l’Etat français devrait prendre en considération l’évolution du droit communautaire et engager les réformes qui s’imposent, afin de se mettre en conformité avec les dispositions ci-après :

 1. La directive 2000/31 sur la société de l’information :

    Le considérant 18 de la directive 2000/31 énonce : « Les services de la société de l’information englobent un large éventail d’activités économiques qui ont lieu en ligne. […] Les services de la société de l’information ne se limitent pas exclusivement aux services donnant lieu à la conclusion de contrats en ligne, mais, dans la mesure où ils représentent une activité économique, ils s’étendent à des services qui ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent, tels que les services qui fournissent des informations en ligne ou des communications commerciales […]. Les activités qui, par leur nature, ne peuvent pas être réalisées à distance ou par voie électronique, telles que le contrôle légal des comptes d’une société ou la consultation médicale requérant un examen physique du patient, ne sont pas des services de la société de l’information. »

     L’article 8, § 1 et 2, de ladite directive, intitulé « Professions réglementées », est libellé comme suit :

 « 1. Les Etats membres veillent à ce que l’utilisation de communications commerciales qui font partie d’un service de la société de l’information fourni par un membre d’une profession réglementée, ou qui constituent un tel service, soit autorisée sous réserve du respect des règles professionnelles visant, notamment, l’indépendance, la dignité et l’honneur de la profession ainsi que le secret professionnel et la loyauté envers les clients et les autres membres de la profession.

« 2. Sans préjudice de l’autonomie des organismes et associations professionnels, les Etats membres et la Commission encouragent les associations et les organismes professionnels à élaborer des codes de conduite au niveau communautaire pour préciser les informations qui peuvent être données à des fins de communications commerciales dans le respect des règles visées au paragraphe 1. »

    Dans ses points 37 et suivants, l’arrêt de la CJUE énonce :

 « 37.  Il y a lieu de considérer que la publicité en ligne est susceptible de constituer un service de la société de l’information au sens de la directive 2000/31 […].

« 38. Par ailleurs, l’article 2, sous f), de cette directive précise que la notion de « communication commerciale » couvre notamment toute forme de communication destinée à promouvoir, directement ou indirectement, des services d’une personne exerçant une profession réglementée.

« 39. Il s’ensuit que la publicité relative aux prestations de soins buccaux et dentaires, faite au moyen d’un site Internet créé par un membre d’une profession réglementée, constitue une communication commerciale faisant partie d’un service de la société de l’information ou constituant un tel service, au sens de l’article 8 de la directive 2000/31.

« 40. Partant, il y a lieu de considérer que cette disposition implique, […], que les Etats membres doivent s’assurer que de telles communications commerciales soient, en principe, autorisées. […]

« 42. Il convient, en effet, de rappeler que l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2000/31 a pour objet de permettre aux membres d’une profession réglementée d’utiliser des services de la société de l’information afin de promouvoir leurs activités.

« 43. Cela étant, il ressort de cette disposition que des communications commerciales telles que celles mentionnées au point 39 du présent arrêt ne doivent être autorisées que sous réserve du respect des règles professionnelles visant, notamment, l’indépendance, la dignité et l’honneur de la profession réglementée concernée ainsi que le respect du secret professionnel et la loyauté tant envers les clients qu’envers les autres membres de cette profession.

« 44. Pour autant, les règles professionnelles mentionnées à ladite disposition ne sauraient, sans priver celle-ci d’effet utile et faire obstacle à la réalisation de l’objectif poursuivi par le législateur de l’Union, interdire de manière générale et absolue toute forme de publicité en ligne destinée à promouvoir l’activité d’une personne exerçant une profession réglementée.

« 45. Cette interprétation est corroborée par le fait que l’article 8, § 2, de la directive 2000/31 prévoit que les Etats membres et la Commission encouragent l’élaboration de codes de conduite ayant pour objet, non pas d’interdire ce genre de publicité, mais plutôt de préciser les informations qui peuvent être données à des fins de communications commerciales dans le respect de ces règles professionnelles.

« 46. Il s’ensuit que, si le contenu et la forme des communications commerciales visées à l’article 8, § 1, de la directive 2000/31 peuvent valablement être encadrées par des règles professionnelles, de telles règles ne sauraient comporter une interdiction générale et absolue de ce type de communications.

« 47. Cette considération est également valable en ce qui concerne une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui ne s’applique qu’aux dentistes.

« 48. En effet, il convient de relever que le législateur de l’Union n’a pas exclu de professions réglementées du principe d’autorisation des communications commerciales en ligne prévu à l’article 8, § 1, de la directive 2000/31.

« 49. Dès lors, si cette disposition permet de tenir compte des particularités des professions de santé dans l’élaboration des règles professionnelles y afférentes, en encadrant, le cas échéant de manière étroite, les formes et les modalités des communications commerciales en ligne mentionnées à ladite disposition en vue notamment de garantir qu’il ne soit pas porté atteinte à la confiance qu’ont les patients envers ces professions, il n’en demeure pas moins que ces règles professionnelles ne sauraient valablement interdire de manière générale et absolue toute forme de publicité en ligne destinée à promouvoir l’activité d’une personne exerçant une telle profession.

« 50. Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux 4ème et 5ème questions que la directive 2000/31 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui interdit de manière générale et absolue toute publicité relative à des prestations de soins buccaux et dentaires, en tant que celle-ci interdit toute forme de communications commerciales par voie électronique, y compris au moyen d’un site Internet créé par un dentiste. »

Pourquoi ce qui est valable pour un chirurgien-dentiste ne le serait-il pas pour les autres professionnels de santé énumérés supra ? Par analogie ils peuvent revendiquer le bénéfice des mêmes dispositions communautaires, qui n’ont pas été parfaitement transposées en droit interne français, par la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004.

 

2. L’article 56 TFUE et les restrictions à la libre prestation de services à l’intérieur de l’Union :

« Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation. »

   L’arrêt rappelle tout d’abord qu’il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que « doivent être considérées comme des restrictions à la libre prestation des services toutes les mesures qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l’exercice de cette liberté (voir, en ce sens, arrêts du 17 juillet 2008, Corporación Dermoestética, C-500/06, EU:C:2008:421, point 32 ; du 22 janvier 2015 Stanley International Betting et Santleybet Malta, C-463/13, EU:C:2015:25, point 45, ainsi que du 28 janvier 2016, Laezza, C-375/14, EU:C:2016:60, point 21).

   Puis l’arrêt énonce :

« 63. Or, une législation nationale qui interdit, de manière générale et absolue, toute publicité pour une certaine activité est de nature à restreindre la possibilité, pour les personnes exerçant cette activité, de se faire connaître auprès de leur clientèle potentielle et de promouvoir les services qu’ils se proposent d’offrir à cette dernière.

« 64. Par conséquent, une telle législation nationale doit être considérée comme emportant une restriction à la libre prestation des services. […]

« 71. S’agissant de la nécessité d’une restriction à la libre prestation des services telle que celle en cause au principal, il doit être tenu compte du fait que la santé et la vie des personnes occupent le premier rang parmi les biens et les intérêts protégés par le Traité et qu’il appartient, en principe, aux Etats membres de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé publique ainsi que de la manière dont ce niveau doit être atteint. Celui-ci pouvant varier d’un Etat membre à l’autre, il convient de reconnaître aux Etats membres une marge d’appréciation. […]

 75. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les objectifs poursuivis par la législation en cause au principal pourraient être atteints au moyen de mesures moins restrictives encadrant, le cas échéant, de manière étroite, les formes et les modalités que peuvent valablement revêtir les outils de communication utilisés par les dentistes, sans pour autant leur interdire de manière générale et absolue toute forme de publicité.

« 76. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la 6ème question que l’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui interdit de manière générale et absolue toute publicité relative à des prestations de soins buccaux et dentaires. »

  Aux autres professionnels de santé qui sont également interdits de toute publicité directe ou indirecte de développer les effets de l’article 56 TFUE à leur avantage…

  Dans d’autres articles accessibles sur le site www.lucas-baloup.com, j’ai déjà commenté les délicats rapports de la publicité et des professionnels de santé (cf. notamment revues de jurisprudence ordinale), en rappelant combien la profession d’avocat a su être moins frileuse et a organisé en son sein des instruments de contrôle qui permettent aux avocats de communiquer sur leurs activités tout en les soumettant à des sanctions si la publicité est mensongère ou trompeuse, ou si elle contient des mentions comparatives ou dénigrantes d’autrui.

  Combien de temps faudra-t-il à l’Etat français pour harmoniser le droit déontologique interne (par voie de décrets) avec les textes de l’Union européenne ? Combien de professionnels seront encore poursuivis et condamnés pour des communications qualifiées publicitaires, prohibées en France d’une manière générale et absolue, ce qui constitue, l’arrêt commenté en manifeste la preuve, une violation du droit de l’Union européenne ?

  Que cet arrêt soit l’occasion, pour les instances ordinales, les syndicats professionnels et associations de défense des intérêts des médecins, des chirurgiens-dentistes, des pharmaciens biologistes, des sages-femmes et des masseurs-kinésithérapeutes, de revendiquer les réformes qui s’imposent pour que soit autorisée une communication saine et loyale sur les prestations offertes au sein des cabinets de ces professionnels de santé, dans le respect des principes essentiels de chaque profession. C’est clairement l’intérêt des patients d’être parfaitement informés.

 

 

 

 

La Lettre du Cabinet - Janvier 2018


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Professions de santé Publicité

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Publicité des traitements médicaux et chirurgicaux Restriction injustifiée à la liberté d’établissement et à la liberté de prestation de services (Traité CE) Cour de Justice des Communautés Européennes (Luxembourg)
(Arrêt du 17 juillet 2008, affaire C-500/06)
Isabelle Lucas-Baloup

Voici un arrêt qui ne concerne ni l’ophtalmologie ni le droit français, mais qui intéressera certainement ceux qui observent l’évolution du droit européen sur les rapports de la publicité et de la médecine :

Une loi italienne de 1992 ne permettait pas de diffuser des publicités pour des traitements médicaux et chirurgicaux dans des structures privées sur des chaînes de télévision nationales, mais seulement locales.

La Cour de Luxembourg saisie constate qu’un tel régime de publicité restreint la liberté d’établissement puisqu’il constitue, pour les sociétés établies dans des Etats membres autres que l’Italie, un obstacle sérieux à l’exercice de leurs activités et une restriction à la libre prestation de services.

SAFIR - Mars 2009


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Liberté d'établissement Ophtalmologie Publicité

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Publicité sur internet pour le cabinet anglais : avertissement du chirurgien-dentiste en France (Chambre disciplinaire nationale des chirurgiens-dentistes, 5 juillet 2012)
Isabelle Lucas-Balou
Un chirurgien-dentiste exerce à Paris et à Londres. Il dispose d’un site internet rédigé uniquement en anglais, mais accessible évidemment en France, dans lequel on peut lire que le Docteur F. « est considéré comme l’un des leaders mondiaux dans le domaine de l’orthodontie linguale » et « sont exposés l’audience de l’intéressé auprès de ses confrères étrangers qui viennent le consulter et se former auprès de lui, les stages qu’il organise dans de nombreux pays, l’ampleur des responsabilités scientifiques qui lui sont confiées, l’attention très remarquable qu’il porte à chacun de ses patients et sont détaillés et visualisés des cas concrets prouvant l’excellence de ses méthodes de soins et des résultats thérapeutiques qu’il obtient » précise la décision.
Bien que le site anglais ne mentionne pas l’adresse du cabinet parisien du Docteur F. et que la réglementation anglaise n’interdit pas la publicité aux membres de la profession dentaire, la Chambre disciplinaire inflige un avertissement pour publicité prohibée en France par l’article L. 4127-215 du code de la santé publique.
La Lettre du Cabinet - Septembre 2015


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Site internet : pas de valorisation personnelle du praticien
(Conseil d’Etat, arrêt du 27 avril 2012, n° 348259)
Isabelle Lucas-Baloup

La publicité est interdite aux médecins comme aux chirurgiens-dentistes, respectivement par les articles R. 4127-19 et R.4127-215, qui prohibent « tous procédés directs ou indirects de publicité ». Un Conseil départemental et le Conseil national ont déposé plainte pour violation de ces dispositions à l’encontre d’un chirurgien-dentiste qui avait, selon l’arrêt : « publié sur un site internet en vue de présenter son cabinet en mettant avant son profil personnel, des réalisations opérées sur des patients, les soins qu’il prodigue et les spécialités dont il se recommande, excédant de simples informations objectives ». L’arrêt ajoute : « En jugeant qu’un tel site constituait une présentation publicitaire du cabinet dentaire en cause, constitutive d’un manquement aux devoirs déontologiques, la Chambre nationale, qui a suffisamment motivé sa décision, n’a pas commis d’erreur de droit et a exactement qualifié les faits de l’espèce ». Le Conseil d’Etat confirme en conséquence la sanction d’interdiction d’exercer la profession de chirurgien-dentiste de deux mois, dont un mois et demi assorti du sursis.

La lettre du Cabinet - Septembre 2012


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