Base de données - Licenciement

Licenciement d'aides-soignantes pour rumeur malsaine
(Cour d'appel Montpellier, 10 novembre 2004)
Isabelle Lucas-Baloup

L'arrêt considère que la Clinique a justifié le licenciement de deux aides-soignantes qui, à plusieurs reprises, ont affirmé qu'une de leurs collègues avait obtenu un poste définitif rapidement pour avoir couché avec le directeur. Il était établi que ces insinuations sur les raisons de l'embauche de leur collègue, dont le sens et le contenu ne sont pas contestés, ont présenté un caractère répété et ont ainsi alimenté au sein de l'établissement une rumeur particulièrement malsaine et perturbatrice. Le fait de répandre sur le lieu de travail de tels propos, à la teneur précise et vulgaire, ne saurait être qualifié de plaisanterie anodine, en ce qu'ils portent directement atteinte à la dignité des personnes visées, qu'ils sont de nature à nuire à leur réputation et, qu'au surplus, ils mettent en cause la probité de la politique de recrutement de l'employeur. Néanmoins, eu égard à l'ancienneté des salariées, à leur fonction, aux mises au point rapidement intervenues, il y a lieu de considérer que cette faute ne rendait pas impossible la poursuite du contrat de travail pendant la durée d'un préavis.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2005


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Aide-soignant Faute Licenciement Prud'hommes

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Licenciement de directeur d'établissement privé
(Cour d'appel de Paris, arrêt du 2 février 2005)
Isabelle Lucas-Baloup

L'incapacité professionnelle relève de la définition à géométrie variable. Celle d'un directeur d'établissement privé, pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, doit être bien évidemment établie.
Dans un arrêt du 2 février 2005, la Cour de Paris a jugé que repose sur une cause réelle et sérieuse le licenciement d'une salariée exerçant les fonctions de directeur dès lors que, de par sa fonction précédente de directrice adjointe, elle connaissait parfaitement la gestion quotidienne de l'établissement et avait été largement impliquée dans la mise en place de la nouvelle organisation. Alors qu'il avait été prévu la constitution d'une équipe commune de médecins sur deux hôpitaux, elle n'a présenté aucune proposition concrète et n'a envisagé aucune action spécifique ; il en a été de même de deux autres projets, un projet d'accueil mère-enfant ainsi qu'un projet de restructuration et de reconstruction de bâtiments, alors qu'il lui a fallu plus de douze jours sur ce dernier projet pour traiter le courrier de l'architecte. Elle n'a établi aucun cahier des charges sur un dossier d'audit informatique, ce qui n'a pas permis de faire un appel d'offre mettant en concurrence plusieurs entreprises. Le dossier de demande de scanner a été remis tardivement, il était peu clair et a abouti à un refus. Elle s'est par ailleurs abstenue de faire procéder à des essais de matériel pour la mise en place d'un plan de réduction du risque de contamination dans l'établissement alors qu'elle avait assisté à une réunion du comité d'hygiène et de sécurité au cours de laquelle il avait été décidé d'organiser ces essais. Enfin, responsable du respect des normes de sécurité, elle n'a pas répondu aux demandes du DRASS concernant le plan de secours contre les inondations et elle a attendu près de cinq mois pour agir ; de plus la directrice des ressources humaines atteste qu'elle a fait preuve de passivité alors qu'étaient évoqués les problèmes que peuvent rencontrer les infirmières face aux personnes en fin de vie.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2005


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Directeur Licenciement Prud'hommes

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Licenciement d’aides-soignants non qualifiés : absence de force majeure
(Cour de cassation, ch. soc., 20 mai 2009, n° 08-10.637, Clinique chirurgicale du Libournais)
Bertrand Vorms

Une clinique procède au licenciement de trois aides-soignants non diplômés. L’Assedic locale réclame le règlement de la contribution Delalande que refuse la clinique. Elle y est condamnée par arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux du 15 novembre 2007, qu’elle conteste.
Au soutien de son pourvoi, la clinique affirme que, depuis l’édiction du décret n° 2002-194 du 11 février 2002, elle est tenue de n’employer que des aides-soignants diplômés, la contraignant, par un cas de force majeure, à procéder au licenciement de ces salariés.
Or, la force majeure est l’une des causes d’exonération du versement de la contribution Delalande (ancien article L. 321-13 6° du code du travail).
Son pourvoi est rejeté au motif que l’établissement ne démontre pas qu’il ait été « du fait d’un événement imprévisible, irrésistible et insurmontable, dans l’obligation de procéder au licenciement de trois salariés ».
L’intérêt de cet arrêt ne réside pas tellement dans l’application de la contribution Delalande (supprimée d’ailleurs depuis le 1er janvier 2008). On peut y lire la confirmation, par la Cour de cassation, que les établissements de santé privés peuvent employer des aides-soignants non qualifiés.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009


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Aide-soignant Clinique Licenciement Prud'hommes

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Licenciement d’un surveillant général de bloc opératoire 
(Cour d’appel de Paris, pôle 6, 9ème ch., arrêt du 15 juin 2011, Clinique du Mont Louis)
Isabelle Lucas-Baloup

Un infirmier de bloc opératoire cadre avait été promu surveillant général du bloc opératoire, avec une rémunération mensuelle brute de 5 653 €. Après trois avertissements et une mise à pied disciplinaire de trois jours, il est licencié pour faute lourde, et la Clinique produit une lettre signée par cinq chirurgiens et anesthésistes faisant état d’incidents majeurs (matériels obsolètes, mal entretenus ou laissés en panne, boîtes d’instruments indisponibles, salles d’intervention mal préparées, bionettoyage insuffisant, personnels non managés, présents mais souvent indisponibles voire insuffisants, absence de planification, retards de programme même hors urgence, absence prolongée et fréquente du surveillant aux heures de pointe d’activité), dénonçant la réalisation de leurs interventions dans un environnement à la limite de la sécurité et précisant que ces dysfonctionnements impactent leur qualité de travail, retardent les programmes chirurgicaux et par voie de conséquence leur disponibilité envers les malades. Divers griefs étaient articulés tant pendant l’entretien que dans la lettre de licenciement relatifs à l’hygiène du bloc opératoire et au respect des protocoles internes.
Le salarié a saisi le Conseil des prud’hommes qui a jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement et condamné l’employeur à lui payer plus de 120 000 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d’indemnité conventionnelle de licenciement, d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse notamment.
La Cour de Paris confirme le jugement et modifie légèrement les condamnations encourues en retenant que les griefs articulés par l’employeur : « le non-respect délibéré par l’intimé des règles élémentaires d’hygiène et de sécurité, la désorganisation inacceptable du service dont il a la responsabilité, la persistance de ses agissements gravement fautifs en dépit des nombreuses sanctions disciplinaires antérieures » qui caractérisaient d’après la Clinique la faute lourde qui lui est reprochée, à les supposer établis, ce que conteste le salarié, « ne sont pas suffisants pour caractériser sa volonté de nuire à l’égard de l’employeur et il ne pouvait en conséquence être licencié pour faute lourde ». L’arrêt écarte également un licenciement pour faute grave, requalification sollicitée à titre subsidiaire par la Clinique, en retenant que l’infirmier produit une « pétition signée par une centaine de salariés de la Clinique et notamment par 24 médecins demandant qu’il soit maintenu à son poste, qui contredit formellement que tous les graves dysfonctionnements relevés par 5 autres praticiens lui soient imputables ».

La Lettre du Cabinet - Septembre 2011


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Licenciement

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Licenciement d’une infirmière non diplômée, prudence
(Cour de cassation, ch. soc., arrêt du 14 juin 2007)
Isabelle Lucas-baloup

Une clinique licencie en 2003 une infirmière employée depuis 1972, au motif qu’elle n’était pas titulaire du diplôme d’Etat. Cette dernière saisit le conseil des prud’hommes et gagne 30 000 € devant la Cour d’appel de Douai dont l’arrêt énonce que « le défaut de diplôme nécessaire à l’exercice d’une profession réglementée, telle celle d’infirmière, peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu’une telle cause ne saurait cependant être retenue lorsque, comme en l’espèce, l’employeur a pendant de nombreuses années conservé un salarié à son service tout en sachant qu’il ne remplissait pas les conditions légales requises, s’accommodant délibérément de cette circonstance malgré les sanctions civiles et pénales encourues ». La Cour de cassation annule et renvoie devant la Cour d’Amiens.
A suivre...

La Lettre du Cabinet - Septembre 2007


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Infirmier(ère) Licenciement

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Licenciement d’une sage-femme inapte pour refus d’acceptation d’un reclassement : clinique condamnée
(Cour de cassation, ch. soc., 20 mai 2009, n° 07-44.272, Clinique Lafourcade)
Bertrand Vorms

Encore une illustration de la distinction importante entre modification du contrat de travail et changement des conditions de travail : le refus injustifié par le salarié des postes de reclassement proposés par l’employeur après déclaration d’inaptitude n’est pas nécessairement constitutif d’une faute : s’ils entraînent modification du contrat de travail (en l’espèce, changement de fonctions), l’employeur ne peut procéder au licenciement pour faute, mais uniquement en le fondant sur l’impossibilité de procéder au reclassement (l’article L. 1226-12 du code du travail).
Il pourrait en aller différemment si les postes proposés n’emportaient qu’un simple changement des conditions de travail.
Autre enseignement de l’arrêt, qui n’est qu’une confirmation : le fait de procéder à un licenciement pour un motif disciplinaire (faute grave), interdit au juge de le requalifier en licenciement pour cause réelle et sérieuse.
En l’absence de faute, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à indemnité.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009


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Clinique Faute Inaptitude Licenciement Prud'hommes Sage-femme

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Licenciement pour cause réelle et sérieuse d’un pharmacien-gérant de PUI
(Cour de cassation, ch. sociale, 29 octobre 2008, n° 06-46.327, Groupement CMCM)
Isabelle Lucas-Baloup

Un groupe de deux cliniques licencie son pharmacien coordinateur, après un avertissement pour attitude désinvolte. Ce dernier conteste les divers dysfonctionnements de la pharmacie à usage intérieur qui lui sont imputés, notamment relatifs à la sécurisation du circuit des médicaments et dispositifs médicaux relevés dans le rapport d’un pharmacien inspecteur. La chambre sociale de la Cour de cassation rejette son pourvoi et juge : « Attendu que la cour d’appel d’Angers, qui a retenu, par motifs propres et adoptés et sans encourir les griefs du moyen, que le salarié n’avait pas porté remède plusieurs mois après un premier constat aux lacunes constatées sur des points importants relevant de sa mission et sa responsabilité de pharmacien hospitalier, a pu décider que ces faits, en raison de leurs incidences possibles sur la sécurité des patients et la gestion de l’établissement hospitalier, constituaient des fautes justifiant un licenciement disciplinaire. »

La Lettre du Cabinet - Juin 2009


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Licenciement Pharmacien-gérant Prud'hommes

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Limite du pouvoir d'appréciation d'un licenciement économique
(Cour de cassation, ch. soc., arrêt du 8 juillet 2009, n° 08-40.046)
Bertrand Vorms

Un chirurgien urologue pédiatrique exerçant à titre salarié dans un établissement PSPH est licencié pour motif économique, en raison de la suppression de son service au profit du développement des activités de cancérologie et de gériatrie.
La Cour d’appel de Paris, par arrêt du 8 novembre 2007, juge ce licenciement sans cause réelle et sérieuse en s’estimant compétente pour vérifier la pertinence des mesures de restructuration prises au regard des objectifs économiques poursuivis. Elle constate alors que la suppression du service de pédiatrie n’est pas de nature à remédier au déficit de l’établissement, et ce d’autant moins qu’elle s’est accompagnée d’un redéploiement de l’activité au profit de services beaucoup plus onéreux (gériatrie, cancérologie, USIC) et d’un pôle mère-enfant, qui justifiait, selon elle, le maintien de la chirurgie pédiatrique.
La Cour de cassation censure en soulignant que, s’il appartient aux juges du fond « de vérifier l’adéquation entre la situation économique de l’entreprise et les mesures affectant l’emploi ou le contrat de travail envisagées par l’employeur, ils ne peuvent se substituer à ce dernier quant au choix qu’il effectue dans la mise en œuvre de la réorganisation ».
En clair : le juge doit vérifier que le licenciement repose sur un motif économique, mais il ne lui appartient pas de se prononcer sur la pertinence des choix de gestion pris dans la perspective de pallier, pour l’avenir, cette situation.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2009


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Chirurgiens Licenciement Pédiatrie Prud'hommes PSPH Urologue

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Quelques jurisprudences récentes sur les relations entre établissements de santé privés et personnel paramédical
Isabelle Lucas-Baloup

Mutation par l'employeur d'une IDE de nuit vers un poste de jour (arrêt Cour d'Aix-en-Provence, 9 avril 2003) :

Infirmière de nuit, une IDE est mutée contre son gré à un poste de jour par le centre privé qui l'emploie. Elle soutient qu'il s'agit d'une sanction déguisée et saisit le conseil de prud'hommes de Nice, qui la déboute de ses demandes. Elle interjette appel, en revendiquant que "le passage d'un horaire de nuit à un horaire de jour constitue une modification de son contrat de travail qui devait recevoir son assentiment". L'arrêt, pour la débouter une seconde fois, rappelle qu'un "employeur, responsable de la bonne marche de l'entreprise, exerce ses prérogatives en appréciant les qualités professionnelles de la salariée et en l'affectant au poste le plus approprié". Il n'était pas contesté que plusieurs évaluations professionnelles avaient mis en évidence les difficultés de l'infirmière à s'adapter à un service de nuit.
Son contrat de travail stipulait expressément : "Le directeur peut procéder à toute nouvelle affectation (jour ou nuit) nécessitée par les besoins du service". L'arrêt précise : "Si, nonobstant cette clause, le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit constitue à l'évidence une modification du contrat de travail nécessitant l'accord de la salariée, tel n'est pas le cas d'un horaire de nuit à un horaire de jour". Une victoire dont les DRH de l'hospitalisation privée se souviendront !
En revanche l'établissement de santé a eu tort, juge la Cour, de considérer pouvoir "prendre acte de sa démission" lorsque l'infirmière s'est abstenue de venir travailler à compter de sa mutation, ce qui a constitué une acte de rupture de la part de l'employeur. L'abandon de poste, dans ce contexte conflictuel, ne caractérisait pas une faute grave, mais constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement, de telle sorte que l'arrêt condamne le Centre hospitalier privé au paiement des indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés. (Juris-Data, n ° 2003-215742).

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ISAR : manque de respect aux patients (arrêt Cour de Paris, 21 janvier 2003) :

Une infirmière spécialisée en anesthésie-réanimation avait été mise à pied puis licenciée par un hôpital privé parisien qui lui reprochait : "Vous avez pratiqué un examen neurologique sur un patient avec une aiguille et ce malgré l'intervention de votre collègue de travail. Cet examen doit être pratiqué avec douceur et en aucun cas avec un objet tranchant ou piquant. De ce fait, il y a eu de nombreuses scarifications d'une profondeur suffisante pour faire saigner le malade. Cette pratique est inutile et mutilante."
Il était mentionné spécialement, dans ce service, au titre de la procédure de surveillance neurologique en réanimation, qu'en aucun cas la stimulation d'un patient dans le coma ne peut se faire à l'aide d'une aiguille, mais par "une manœuvre de frottement doux cutané, voire de pincement a minima".
Contrairement au conseil des prud'hommes - qui avait condamné l'établissement employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse - la cour juge que les faits commis "sont constitutifs d'une faute grave dès lors qu'ils rendaient impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise pendant la durée du préavis", la déboute de ses demandes et la condamne à rembourser les indemnités qu'elle a reçues en exécution du jugement prud'homal. (Juris-Data, n° 2003-201126).

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Comportement irrespectueux envers les résidents d'une maison de retraite (arrêt Cour de Bordeaux, 17 mars 2003) :

Employée comme agent de collectivité au sein d'une maison de retraite, la salariée ne peut être licenciée pour n'avoir pas respecté les consignes en levant une personne convalescente après une hospitalisation en cardiologie et en lui servant un petit-déjeuner alors que ces actes lui étaient interdits et ressortaient de la compétence d'une aide-soignante voire d'une infirmière.
Pourtant, la Cour de Bordeaux déclare bien fondé le licenciement de cet agent fondé sur "un comportement inadapté" et qui "tenait aux pensionnaires des propos grossiers et irrespectueux, accompagnés d'une attitude vexatoire, comportement qui s'avérait d'autant plus perturbant qu'il concernait des personnes âgées et dépendantes, dont certaines ont développé en réaction un état de stress."
L'arrêt ajoute : "Un tel comportement, que ne pouvait excuser un apparent manque de personnel faisait obstacle à la poursuite du contrat de travail et constituait une cause réelle et sérieuse de rupture du contrat de travail. L'exécution du préavis de licenciement n'était cependant pas impossible, compte tenu de sa durée limitée et de la fonction polyvalente de la salariée." (Juris-Data, n° 2003-209554).

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Fautes dans la distribution des médicaments par une infirmière dans une maison de retraite (arrêt Cour de Nancy, 9 octobre 2002) :

Le conseil de prud'hommes de Nancy considère comme cause grave de licenciement, la Cour de Nancy seulement comme cause réelle et sérieuse de licenciement d'une IDE "le fait de prendre certaines libertés avec les soins et médicaments ordonnés par le médecin". L'arrêt atténue la responsabilité de l'infirmière en considérant deux points :
- les agissements n'ont pas revêtu un caractère dangereux pour les patients,
- seule infirmière pour 90 résidents, la tâche à elle impartie aux termes de son contrat de travail était extrêmement lourde et aurait nécessité la mise en oeuvre d'un personnel plus important.
Dans ces conditions, précise la Cour, "il convient de considérer qu'aucune faute grave ne peut lui être reprochée mais seulement une faute réelle et sérieuse justifiant son licenciement." (Juris-Data, n ° 2002-206152).

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Faute grave de la part de l'aide-soignante qui administre un hypotenseur à un malade dont la tension artérielle a augmenté, sans prescription médicale (arrêt Cour de Poitiers, 28 mai 2002) :

La lettre de licenciement visait une administration par l'aide-soignante "d'Adalate sublingual à une patiente, sans avoir au préalable obtenu l'avis du médecin, ni de l'infirmière de garde, et surtout sans ordonnance, ni prescription médicale" et lui reprochait "De plus, vous l'avez administré à des doses inhabituelles (deux gélules en même temps), ce qui montre que vous ne connaissez ni le médicament, ni les effets secondaires sur la personne" (le Vidal annonce le risque cumulé de chute de tension et d'augmentation de la fréquence cardiaque). L'infirmière d'astreinte pendant la nuit attestait ne pas avoir été appelée, malgré l'affirmation contraire de l'aide-soignante en cause.
Le jugement du conseil de prud'hommes de Rochefort-sur-Mer est confirmé par la Cour de Poitiers en ce qu'il a décidé que le licenciement pour faute grave n'est pas abusif, le maintien de la relation de travail n'étant pas possible même pendant la durée limitée du préavis. (Juris-Data, n° 2002-222890).

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Licenciement justifié d'une IDE pour n'avoir pas prévenu un médecin de la chute d'un patient (arrêt Cour de Montpellier, 26 juin 2002) :

Un patient de 86 ans tombe de son lit à deux reprises dans la même journée et s'avèrera victime d'une fracture du col fémoral. L'infirmière reconnaît l'avoir relevé toute seule et replacé dans son lit. Il est établi qu'elle n'a pas prévenu le médecin du service, pourtant présent dans la clinique.
La Cour retient, au sujet de la première chute, qu'en "s'abstenant de prévenir le médecin de service afin de s'assurer que le patient ne présentait aucun symptôme de fracture, elle a incontestablement manqué à ses obligations ; qu'en effet, la chute d'une personne âgée de 86 ans est extrêmement dangereuse pour celle-ci, ce que l'infirmière ne pouvait ignorer". En ce qui concerne la seconde chute, intervenue deux heures plus tard, la salariée avait laissé le patient à terre pendant plus d'une heure. Ces faits caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement. (Juris-Data, n° 2002-191002).

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Absence prolongée d'une aide-soignante pour maladie depuis plus de six mois : licenciement pour cause réelle et sérieuse validé (arrêt Cour de Besançon, 26 novembre 2002) :

Le conseil de prud'hommes de Belfort, puis la Cour de Besançon en appel autorisent une maison de retraite hébergeant une soixante de personnes âgées dépendantes ne disposant pas à l'évidence d'un personnel soignant pléthorique, à licencier pour cause réelle et sérieuse une aide-soignante absente pour maladie depuis plus de six mois, obligeant l'employeur à recruter du personnel de remplacement en soulignant "qu'une telle rotation de personnel soignant est manifestement incompatible avec la continuité de la prise en charge de personnes âgées et les exigences minimales de régularité et de qualité des soins, tant du point de vue technique que psychologique. Elle est indiscutablement source de dysfonctionnements et même génératrice de risques sérieux d'erreurs dans la transmission des consignes de soins et des données propres à chaque pensionnaire d'où il suit que l'association établit suffisamment l'obligation dans laquelle elle se trouvait de procéder à l'embauche d'une aide-soignante à titre définitif".
De la sorte, le licenciement de l'aide-soignante absente depuis longtemps ne contrevient pas aux dispositions de l'article L. 122-45 du code du travail prohibant toute forme de discrimination, notamment en raison de l'état de santé, et repose sur une cause réelle et sérieuse malgré les prétentions contraires de la salariée. (Juris-Data, n° 2002-199200).

La Lettre du Cabinet - Janvier 2004
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Refus abusif d’une proposition de reclassement par une aide-soignante : licenciement
(arrêt du 30 juin 2006, 22ème ch. cour d’appel de Paris, Juris-Data n° 2006-307910)
Isabelle Lucas-Baloup

Une aide-soignante est déclarée par le médecin du travail inapte à être exposée aux produits utilisés pour la désinfection des instruments. La clinique lui propose d’autres postes appropriés à ses capacités : aide-soignante en salle de consultation et de pansements, aide-soignante dans les étages d’hospitalisation, qu’elle refuse successivement. La clinique lui offre alors un poste d’archiviste dans les services administratifs, avec formation à la prise de fonction, sans modification d’horaires ni de rémunération. Elle refuse en raison de « conditions de travail déplorables et de mauvaise ambiance avec les secrétaires » et demande une augmentation de salaire.
La cour observe que l’ensemble de ces éléments manifeste un état d’esprit peu coopératif de l’aide-soignante et un refus abusif de reclassement. Son indemnité est réduite avec la motivation ci-après : « Si le refus abusif d’une proposition de reclassement prive le salarié des indemnités prévues à l’article L. 122-32-6 du code du travail, il n’a pas pour effet de le rendre responsable de la rupture. Il peut ainsi bénéficier de l’indemnité légale de licenciement ou, si elle est plus favorable, de l’indemnité conventionnelle, si la convention collective ne l’exclut pas. Ainsi, Mme M., privée des indemnités prévues, est seulement fondée à demander le paiement d’une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement. »

La Lettre du Cabinet - Décembre 2006
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Report automatique des congés payés non pris pour raison de santé
(Cour de cassation, ch. soc., arrêt du 23 septembre 2009, n° 07-45.479)
Bertrand Vorms

Une secrétaire de clinique, en congé maladie pendant un an, est déclarée inapte à son poste par le médecin du travail, en décembre 2004, puis licenciée par la clinique en mars 2005 faute de poste de reclassement adapté.
Elle saisit le conseil de prud’hommes notamment d’une demande de congés payés non pris, dont elle considérait qu’ils étaient automatiquement reportés jusqu’à la fin de son arrêt maladie. Elle obtient gain de cause.
La clinique se pourvoit en cassation et soutient que, faute de dispositions spécifiques de la convention collective du 18 avril 2002, la Cour d’appel ne pouvait faire droit à la demande de la salariée, les congés non pris étant perdus. Son argument est rejeté par la Cour de cassation, au visa des dispositions de la directive 2003/88/CE du Parlement Européen et du Conseil du 4 novembre 2003, et juge : « Lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de la période prévue par le code du travail ou une convention collective en raison d’absence liée à une maladie, d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail ».

La Lettre du Cabinet - Décembre 2009
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Respectez le personnel ! (Cour d’appel Aix-en-Provence, arrêt du 14 novembre 2013, Juris-Data n° 2013-027050)
Céline Hullin

Une sage-femme, salariée statut cadre, surveillante du service maternité et gynécologie, a été licenciée par la Polyclinique où elle travaillait en raison d’un grand nombre de témoignages faisant état de son comportement inacceptable à l’égard du personnel et des conséquences de ses agissements sur l’organisation du service et la santé des salariés. Il lui était reproché par l’ensemble des médecins et une grande partie des salariés :

- une « attitude rigide sans communication possible »,

 

- un « excès d’autorité quant aux décisions concernant le service »,

 

- une « communication non verbale » à travers des « soupirs excédés, haussements d’épaules, regards quasi méprisants, ou bien non-dits »,

 

- son « management par le rapport de force et l’agressivité »,

 

- sa « tendance à terrifier, culpabiliser et déstabiliser le personnel ».

 

 Son attitude a eu pour conséquence de :

 

- créer un climat délétère au sein du service,

 

- démotiver l’ensemble des salariés travaillant à ses côtés en raison de ses remarques blessantes, vexatoires, dénigrantes,

 

- engendrer une réelle souffrance chez certains salariés,

 

- rendre impossible le travail dans des conditions optimales au sein du service.

 

Cependant, par décision du 9 mai 2012, le Conseil de prud’hommes de Grasse a condamné la Polyclinique à payer à la salariée une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’établissement a interjeté appel et la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a infirmé la décision de première instance jugeant que :

 

« […] le comportement autoritaire de Madame X., ses remarques désobligeantes et son attitude irrespectueuse envers le personnel de son service, ayant eu des répercussions importantes sur les conditions de travail dégradées du service maternité et gynécologie et sur l’état de santé des salariés dont elle assurait l’encadrement, justifient le licenciement pour cause réelle et sérieuse de la salariée, peu importe la satisfaction des patients du service et l’absence de tout avertissement ou mise en garde préalable notifié à la salariée par l’employeur ; […]. »

 

Il incombe à l’employeur, selon les articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, de prendre soin de la sécurité et de la santé des salariés. Il est donc tenu envers ses employés d’une obligation de sécurité en la matière, notamment en ce qui concerne le harcèlement moral. L’absence de faute de sa part ne peut l’exonérer de sa responsabilité (Cour de cassation, chambre sociale, 21 juin 2006, Juris-Data n° 2006-034275).

 

La Cour de cassation a également précisé que les mesures prises par l’employeur suite au harcèlement moral sur un de ses salariés commis par une personne détenant une autorité de fait « n’exoné-raient pas l’employeur des conséquences des faits de harcèlement antérieurement commis » (Cour de cassation, chambre sociale, 19 octobre 2011, Juris-Data n° 2011-022293).
La Lettre du Cabinet - Janvier 2014


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Licenciement Sage-femme

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Réveillon de la Saint-Sylvestre : après le travail seulement !
(Cour d'appel de Nîmes, chambre sociale, 30 janvier 2003, Juris-Data n° 206 472)
Isabelle Lucas-Baloup

Par arrêt du 30 janvier 2003, la Cour d'appel de Nîmes a confirmé le licenciement pour faute grave d'une secrétaire qui, au motif qu'elle devait se préparer pour le réveillon de la Saint-Sylvestre, a pris l'initiative de ne plus répondre au téléphone 35 minutes avant la fin de son service qui se trouvait en période de forte activité.

Quittant délibérément son bureau 10 minutes avant l'heure de fermeture, elle laissait ses collègues réparer les conséquences des dérèglements qu'elle avait causés dans l'ordre des tirages insérés dans le photocopieur.

Pas de cadeau pour la secrétaire : la Cour de Nîmes déclare bien fondé le licenciement pour faute grave décidé par l'employeur, en raison de la "perturbation apportée à l'ensemble de l'activité de l'équipe dont elle faisait partie".

En première instance, le Conseil de prud'hommes d'Alès avait été plus généreux et déclaré le licenciement abusif, avec dommages et intérêts.

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Décembre 2003


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Faute grave Jours fériés Licenciement Prud'hommes

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SAGE-FEMME, Licenciement illégal par Clinique privée
(arrêt Cour d’appel de Toulouse, 4ème chambre, 20 février 2025, n° 23-02322))
Isabelle Lucas-Baloup

Une parturiente ayant accouché d’un enfant mort-né dans une clinique privée se plaint du « comportement inadapté de la sage-femme », laquelle conteste avoir commis la moindre faute et soutient que « les reproches tiennent uniquement au ressenti d’une patiente en état de choc émotionnel ». La Clinique procède à son licenciement pour faute grave, la sage-femme saisit le conseil de prud’hommes pour contester son licenciement et gagne en première instance. La Clinique interjette appel et la Cour confirme le jugement, en analysant bien la situation de fait. Extraits de l’arrêt :

 

« MOTIFS DE LA DÉCISION

 

Sur le licenciement,

 

La faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits, personnellement imputables au salarié, constituant une violation d’une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l’entreprise, d’une gravité telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise.

 

Lorsque l’employeur retient la qualification de faute grave, il lui incombe d’en rapporter la preuve et ce dans les termes de la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

 

En l’espèce, le motif a été énoncé dans les termes suivants :

 

Suite à l’entretien que nous avons eu le 15 octobre 2021, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave, sans préavis et sans indemnité.

 

En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s’agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l’entretien précité du 15 octobre 2021, à savoir :

 

Vous avez été embauchée au sein de notre établissement le 30 mai 2000 par contrat de travail à durée déterminée à temps complet jusqu’au 31 janvier 2001. Vous exercez depuis le 1er février 2001 les fonctions de sage-femme sous contrat à durée indéterminée à temps partiel. Vous êtes actuellement positionnée coefficient 376, groupe B, position 11 niveau 3 selon la convention collective applicable.

 

En votre qualité de sage-femme, vous êtes notamment chargée des missions suivantes :

 

  • assurer le suivi médical de la grossesse en collaboration avec le médecin (examen clinique, surveillance du f’tus, dépistage des facteurs de risque ou des pathologies) ;
  • surveiller et assurer le suivi de l’accouchée et du nouveau-né ;
  • accompagnement psychologique de la future mère ;
  • à la responsabilité du déroulement de l’accouchement normal en collaboration avec le médecin, du diagnostic de début de travail jusqu’à la délivrance ;
  • après la naissance : dispenser les soins au nouveau-né et pratiquer si nécessaire les premiers gestes de réanimation en l’attente du médecin ;
  • surveiller la santé de la mère dans les premiers jours suivant la naissance ;
  • participer à la démarche qualité et gestion des risques.

 

Or, le 19 août 2021 nous avons été informés de manquements graves à vos obligations contractuelles.

 

En effet, par courrier daté du 16 août 2021 adressé par mail le 19 août 2021 à Mme [P], cadre sage-femme, une patiente ayant séjourné à la maternité de notre établissement du 21 au 24 juillet 2021 s’est plainte de la prise en charge dont elle a fait l’objet de votre part à cette occasion.

 

Cette patiente ayant malheureusement accouché d’un enfant mort-né, fait état, dans son courrier, du comportement inadapté que vous avez eu à son égard le 24 juillet 2021, jour de sa sortie.

 

Elle explique ainsi que vous êtes venue une première fois dans sa chambre, sans même un mot ni un sourire, afin de lui installer une perfusion de fer suite à son anémie post accouchement et ce alors même qu’elle vous signalait que la précédente perfusion de fer qu’elle avait reçue 48 heures avant lui avait brulé la veine.

 

Elle indique que malgré cela, vous avez injecté le produit directement dans son cathéter et qu’en dépit de ses cris de douleur pendant l’installation de la perfusion, vous avez persisté à ne pas dire un mot et avez quitté sa chambre en lui demandant de vous appeler lorsque toute la poche serait passée.

 

Constatant que la perfusion ne passait plus, cette patiente vous appelait une heure après. Lors de votre arrivée, vous lui avez alors dit que « sa veine n’en pouvait plus » et lui avez retiré sa la poche de fer, sans toujours lui adresser le moindre mot ni la moindre explication, la laissant seule, comme elle l’indique, avec son chagrin et la douleur qu’elle ressentait dans son bras gauche.

 

En fin de matinée, vous êtes repassée la voir pour examiner son col avant sa sortie et l’avez laissée se déshabiller seule, sans lui dispenser aucune aide face aux difficultés qu’elle rencontrait pour le faire, ni lui adresser un mot et lui avez ensuite demandé d’un ton glacial de placer ses poings sous ses fesses pour l’examen.

 

Elle indique ensuite que n’arrivant pas à pratiquer l’examen, vous lui avez crié dessus en lui enjoignant de se détendre, ce à quoi elle vous a répondu, en pleurs, que vous lui faisiez mal.

 

Vous avez toutefois insisté et quelques secondes plus tard, lui avez décrit l’état de son col et les consignes à suivre pour les prochaines semaines, puis êtes partie sans un mot de plus, ni aucune excuse pour la douleur générée par votre examen alors même que cette patiente était en pleurs dans son lit.

 

Cette patiente décrit ainsi avoir ressenti le sentiment d’être « violentée » pendant cet examen et d’avoir été laissée seule, sans explication, sans conseil, sans empathie, et confrontée à une « agressivité évidente, une lassitude et un agacement » de votre part.

 

Elle termine enfin son courrier en expliquant avoir dû revenir aux urgences obstétricales le 26 juillet soit 2 jours après sa sortie à cause des douleurs importantes qu’elle ressentait dans son bras gauche qui était devenu tout rouge et gonflé au niveau du cathéter dans lequel vous avez persisté à injecter une perfusion de fer alors même que la patiente vous avez fait part des complications rencontrées avec sa veine lors de la précédente perfusion.

 

Cette patiente, qui a développé une thrombose veineuse superficielle, indique dès lors avoir voulu signaler le comportement « intolérable » que vous avez eu à son égard afin que ce genre d’incident ne se reproduise plus et que d’autres mamans n’aient pas à subir ce « traumatisme ».

 

Suite à la réception de ce courrier, Mme [P] a rencontré cette patiente, le 24 septembre 2021, laquelle a renouvelé ses doléances à votre égard.

 

Aussi, ces agissements sont totalement inadmissibles et constituent clairement des manquements graves à vos obligations professionnelles élémentaires et essentielles.

 

Et pour cause puisque, comme rappelé ci avant, vous êtes chargée, en votre qualité de sage-femme, d’assurer le suivi post-accouchement et psychologique des patientes.

 

Il est donc de votre devoir de savoir-faire preuve d’écoute et d’empathie mais aussi d’expliquer rassurer et conseiller les patientes sur leur état de santé. Et ce de manière d’autant plus accrue, par ailleurs, dans le cas de patientes confrontées à la naissance d’enfants mort-nés.

 

Aussi, il est tout à fait inadmissible qu’une patiente ait dû faire face à ses examens post-accouchement dans la douleur et l’ignorance la plus totale, qui plus est après avoir perdu son enfant à la naissance.

 

L’attitude que vous avez adoptée démontre en outre un manque évident de considération à l’égard de vos patientes, de même qu’un mépris des règles élémentaires de comportement en situation professionnelle.

 

En agissant ainsi vous avez des lors manifestement manqué à vos obligations contractuelles et professionnelles aussi essentielles qu’élémentaires, ce que nous ne saurions tolérer.

 

Ces manquements sont d’autant plus graves qu’ils auraient pu avoir des conséquences beaucoup plus graves, voire irréversibles, sur la sante de cette patiente et qu’ils ne constituent, en outre, pas des actes isolés puisque ces derniers s’inscrivent dans la réitération.

 

En effet, par une lettre d’observations du 13 avril 2021 qui faisait suite à un évènement indésirable du 16 janvier 2021 dont vous étiez à l’origine et au cours duquel vous aviez réalisé sur une patiente une injection qui ne lui était pas destinée, nous vous avions déjà alertée, notamment, sur le manque d’information que vous aviez dispensé auprès de la patiente concernée, du médecin réfèrent et du cadre de santé, sur le défaut de prise en compte des conséquences potentielles de vos actes sur les patientes et sur le non-respect des bonnes pratiques d’administration d’une thérapeutique.

 

Nous vous invitions donc, à l’avenir, à respecter scrupuleusement les recommandations de bonnes pratiques et les protocoles de soins en vigueur au sein de l’établissement, ainsi qu’à renforcer votre vigilance et à informer votre hiérarchie et le praticien réfèrent de tout évènement indésirable ou dysfonctionnement susceptible d’impacter la qualité et la sécurité des soins.

 

Nous constatons dès lors, au vu des incidents qui nous ont été rapportés le 19 août 2021 par une patiente, que vous n’avez nullement tenu compte de cette alerte et que vous n’entendez pas respecter les consignes qui vous sont données.

 

Par ailleurs, Mme [P] nous a confirmé, après avoir reçu la plainte de la patiente évoquée ci-avant, que vous persistiez à ne pas respecter systématiquement les bonnes pratiques et protocoles de soins en vigueur au sein de l’établissement.

 

Nous avons pourtant tenté de vous accompagner dans cette démarche d’amélioration dans vos pratiques puisque nous avons, a plusieurs reprises, saisi le médecin du travail afin que ce dernier vous reçoive en consultation suites à divers incidents survenus avec des patientes.

 

Certains de ces incidents avaient d’ailleurs été signalés par le Cabinet de gynécologie de la Clinique de [Localité 2] qui faisait état d’un « problème de non adaptation » à votre poste professionnel après avoir constaté un manque d’attention et de concentration de votre part dans vos attributions, de vigilance auprès des patientes, des actions professionnelles non appropriées.

 

Force est de constater que malgré cet accompagnement, vous n’améliorez pas vos pratiques et persistez à adopter divers comportements et actions contraires à vos obligations professionnelles.

 

Un tel comportement est préjudiciable au bon fonctionnement du service maternité et véhicule, qui plus est, une très mauvaise image de la Clinique auprès de notre patientèle.

 

Lors de l’entretien préalable en date du 15 octobre, vous avez dit « être anéantie par la lettre de la patiente » en expliquant que cette patiente était fragilisée et que de votre point de vue, il n’y avait pas eu de problème avec la perfusion. Vous réitérez ces explications dans votre courrier du 18 octobre 2021 reçu le 19 octobre 2021.

Ces arguments ne sont pas recevables dans la mesure ou la patiente a confirmé les teneurs de son courrier vous concernant lors d’un entretien du 24 septembre 2021 avec Mme [P] et qu’elle tient qui plus est des propos extrêmement élogieux à l’égard du reste de l’équipe l’ayant prise en charge. Ceci démontre que la patiente n’a absolument pas amplifié ses griefs à votre encontre compte tenu d’une prétendue situation de fragilité.

 

Nous considérons que ces évènements constituent une faute grave rendant impossible votre maintien dans l’entreprise.

 

L’employeur reproche ainsi à la salariée un comportement inadapté lors de la prise en charge d’une patiente et ce alors que son attention avait déjà été attirée sur sa pratique professionnelle par une lettre d’observations.

 

Si Mme [U] admet avoir donné des soins à une patiente ayant malheureusement accouché d’un enfant mort-né, elle conteste tout manquement dans la prise en charge. Pour établir la réalité de la faute, l’employeur produit comme seule pièce utile la lettre adressée par la patiente à la clinique. La jeune femme y décrit le comportement de Mme [U] dans des termes qui correspondent, pour leur relation, à ceux repris dans la lettre de licenciement. Il s’agit de la seule pièce produite pour démontrer la faute. Or, la cour constate que ce document ne peut être considéré comme parfaitement objectif au regard des circonstances. La patiente faisait certes preuve de mesure et demeurait capable de dire qu’elle s’était sentie effectivement soutenue par certains membres du personnel soignant mais critiquait le comportement de Mme [U]. S’il est certain qu’elle avait manifestement et très authentiquement mal ressenti ce comportement, dans une période particulièrement douloureuse pour elle, il s’agissait bien évidemment également d’un ressenti qui ne pouvait être qu’empreint d’une forme de subjectivité. Cela est en particulier le cas pour les mentions relatives à l’absence de sourire ou à un ton glacial.

 

Alors qu’il ne peut être écarté une forme d’incompréhension entre cette patiente et Mme [U] ou une difficulté de communication entre elles ou encore même une certaine maladresse relationnelle de la salariée, la cour ne pourrait retenir un comportement relevant de la stricte sphère disciplinaire que si la lettre de la patiente était corroborée par d’autres éléments.

 

Or, force est de constater que tel n’est pas le cas. Tout d’abord la chronologie du dossier pose question. En effet, la lettre de la patiente est datée du 16 août 2021. La Clinique de [Localité 2] indique l’avoir reçue le 19 août 2021, ce qui apparaît parfaitement cohérent. Or, s’il ne peut être envisagé de prescription des faits puisque c’est bien cette plainte qui a donné à l’employeur une connaissance à tout le moins de ce qui avait pu être considéré comme blessant, ce n’est que le 5 octobre 2021 que la procédure disciplinaire a été engagée. Ceci est peu compatible avec le délai restreint imposé en cas de faute grave. La lettre de licenciement fait certes mention d’un entretien entre Mme [P], cadre sage-femme, et la patiente le 24 septembre 2021 mais sans qu’aucun élément ne soit donné qui permette d’établir la réalité de l’entretien. À supposer qu’il se soit bien tenu le 24 septembre 2021 son contenu est totalement ignoré par la cour. Il n’a donné lieu à aucun compte rendu et si une éventuelle attestation de la cadre de santé aurait pu être envisagée avec une certaine circonspection, un tel document n’est pas même produit.

 

Aucun élément n’est donné, même par faisceau d’indices, qui viendrait corroborer de façon objective un comportement anormal ou même caractérisant un défaut d’empathie dans la prise en charge. Les antécédents dont l’employeur entend se prévaloir à ce titre ne peuvent être en l’espèce retenus. En effet, la lettre d’observation en date du 13 avril 2021 n’est pas davantage assortie de justificatifs. Son caractère n’est pas même certain. Il n’est en effet pas justifié de sa réception et même de son envoi, lequel ne saurait résulter d’une simple référence de lettre recommandée avec demande d’avis de réception. L’argument de l’employeur selon lequel il n’est plus en mesure de produire une telle preuve compte tenu du délai de conservation par les services postaux est indifférent alors qu’il lui appartenait de se prémunir de toute contestation en s’assurant d’un envoi et d’une réception effective du courrier.

 

Ceci pose d’autant plus difficulté que l’employeur produit également un document, non signé, en date du9 avril 2021, dont la lettre du 13 avril ne fait aucune mention. Ce document sur papier à entête d’un cabinet de gynécologie fait état, non pas d’un problème d’empathie ou de brusquerie, mais d’un manque de concentration de la salariée. Alors que ceci pouvait être constitutif d’un risque sérieux pour la clinique, la seule réaction de l’employeur aurait été de saisir la médecine du travail, toujours sans qu’il soit justifié d’une réception effective avec une simple référence de recommandé, et surtout sans qu’il soit ensuite justifié de la réponse de la médecine du travail.

 

Au total sur les antécédents on dispose uniquement d’une lettre d’observations dont il n’est pas établi qu’elle ait été adressée et reçue et d’une possible saisine de la médecine du travail sans qu’on en connaisse les suites et démontrant en tout cas sur ce dernier point que l’employeur ne se plaçait pas sur un terrain disciplinaire.

 

Ceci ne peut en rien conforter les faits du 24 juillet 2021 dont la matérialité n’est pas suffisamment établie sur un terrain disciplinaire par un document unique établi sous la forme d’un courrier et nécessairement empreint au regard des circonstances d’une part de subjectivité. La cour constate enfin que l’employeur avait les moyens d’établir le fait, s’il était réel, de façon plus objective ne serait-ce que par une enquête contradictoire comprenant une audition de Mme [U] et de ses collègues présentes.

 

L’employeur ne rapportant pas la preuve qui lui incombe le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef.

 

Mme [U] peut donc prétendre à l’indemnité de préavis, aux congés payés afférents et à l’indemnité de licenciement dont les montants ont été exactement calculés et ne sont pas spécialement contestés.

 

Elle peut également prétendre à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ceux-ci doivent être fixés en considération de l’âge de la salariée au jour de la rupture (60 ans) rendant plus difficile son retour à l’emploi, d’une situation de chômage indemnisé ayant donné lieu à 472 allocations journalières au 6 décembre 2023, de la création d’une activité de sage-femme libérale n’ayant pas dégagé de bénéfice en 2022, d’un salaire de 2 600,19 euros, d’une ancienneté de 21 ans au jour de la rupture et des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail. Le montant des dommages et intérêts a ainsi été exactement apprécié à hauteur de 41 603,04 euros. »

Gynéco-online - mars 2025


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Un salarié peut en traiter un autre de « pitbull » sans être licencié pour faute grave
(Cour de cassation, ch. soc., arrêt du 23 septembre 2009, n° 08-41.715)
Isabelle Lucas-Baloup

Un employé administratif traite, un matin à 8h45, une collègue de « pitbull » devant une cliente de la polyclinique et en présence d’autres salariés et de visiteurs. Il est licencié pour faute grave, s’agissant d’une « race de chiens de combat des plus décriée, véhiculant dans le grand public une image de laideur, d’agressivité et de violence ». La cour d’appel de Montpellier juge le licenciement bien fondé. Pas la Cour de cassation qui, au contraire, considère que ce qualificatif « ne pouvait justifier la rupture immédiate du contrat de travail du salarié ».

La Lettre du Cabinet - Décembre 2009


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