Base de données - Médicaments

CBUM : taux de prise en charge des médicaments, produits et prestations hors GHS
Julie Ochrymczuk

Plusieurs établissements nous ont interrogés sur les modalités de contestation de leur taux de remboursement fixé par le Directeur de l’Agence Régionale d’Hospitalisation (ARH) pour l’année 2008, au titre du Contrat de Bon Usage des Médicaments et des produits et prestations (CBUM).
Dans la mesure où la passation d’un tel contrat s’analyse en une véritable obligation (la part de prise en charge étant minorée de 30 % pour les établissements n’y souscrivant pas) et les structures de santé notamment privées n’ayant pas toujours les moyens de respecter intégralement toutes les obligations fixées dans ce nouvel outil de gestion des dépenses de santé, certains établissements sont exposés à une diminution de leurs remboursements de médicaments et de dispositifs médicaux.
Une vigilance s’impose quant à l’appréciation du Directeur de l’ARH sur la réalisation des objectifs inscrits au CBUM qui détermine le taux de remboursement pour l’année à venir, particulièrement si vos observations envoyées à ladite autorité, conformément à l’article D. 162-13 du code de la sécurité sociale, ne sont suivies d’aucune réponse. N’hésitez pas à faire valoir un défaut de motivation, un vice de procédure (envoi de la notification après le 1er décembre), ainsi que des erreurs de droit et de fait commises sur l’évaluation de vos pratiques dans le rapport étape transmis (prise en compte d’indicateurs contestables, oubli d’indicateurs contractualisés, erreur d’appréciation sur les indicateurs eux-mêmes…), soit directement dans une demande gracieuse, soit au contentieux. Ces sanctions financières prononcées par le DARH, comme toutes sanctions administratives, peuvent être contestées devant le juge administratif.

La Lettre du Cabinet - Janvier 2008
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Limite à la liberté de prescription : le médicament de référence
(Cour de cassation, 1ère ch. civ., arrêt du 14 octobre 2010)
Isabelle Lucas-Baloup

Un médecin généraliste, après avoir examiné un nourrisson de six semaines, lui prescrit de la Catalgine à 0,10 g. Lorsque les parents de l’enfant se font délivrer les médicaments sur présentation de l’ordonnance, le pharmacien leur remet de la Catalgine à 0,50 g au lieu de 0,10 g. Cette erreur de dosage provoque une intoxication salicylée chez le jeune patient.


Les juges de première instance condamnent bien normalement le pharmacien à raison de 90 % du préjudice de l’enfant mais retiennent également la responsabilité des parents à hauteur de 10 %, ces derniers n’ayant pas vérifié que le médicament était conforme à l’ordonnance du généraliste.

Il a été interjeté appel de cette décision. La Cour infirme le jugement dans toutes ses modalités et ne retient aucune responsabilité des parents mais conclut à celle du pharmacien pour 60 % et celle du médecin pour 40 %.


Cette décision est confirmée par la Cour de cassation qui énonce que le produit administré ne constituait plus depuis plusieurs années, au moment des faits, le médicament de référence et de première intention chez un nourrisson, tandis que d’autres principes actifs, tel le Paracétamol, offraient la même efficacité et présentaient moins d’inconvénients.


Elle en déduit que « le principe de liberté de prescription ne trouvant application que dans le respect du droit de toute personne à recevoir les soins appropriés à son âge et à son état, conformes aux données acquises de la science et ne lui faisant pas courir de risque disproportionné par rapport au bénéfice escompté, le médecin généraliste avait manqué à son obligation contractuelle de moyens ».

La Lettre du Cabinet - Décembre 2010
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Quelques jurisprudences récentes sur les relations entre établissements de santé privés et personnel paramédical
Isabelle Lucas-Baloup

Mutation par l'employeur d'une IDE de nuit vers un poste de jour (arrêt Cour d'Aix-en-Provence, 9 avril 2003) :

Infirmière de nuit, une IDE est mutée contre son gré à un poste de jour par le centre privé qui l'emploie. Elle soutient qu'il s'agit d'une sanction déguisée et saisit le conseil de prud'hommes de Nice, qui la déboute de ses demandes. Elle interjette appel, en revendiquant que "le passage d'un horaire de nuit à un horaire de jour constitue une modification de son contrat de travail qui devait recevoir son assentiment". L'arrêt, pour la débouter une seconde fois, rappelle qu'un "employeur, responsable de la bonne marche de l'entreprise, exerce ses prérogatives en appréciant les qualités professionnelles de la salariée et en l'affectant au poste le plus approprié". Il n'était pas contesté que plusieurs évaluations professionnelles avaient mis en évidence les difficultés de l'infirmière à s'adapter à un service de nuit.
Son contrat de travail stipulait expressément : "Le directeur peut procéder à toute nouvelle affectation (jour ou nuit) nécessitée par les besoins du service". L'arrêt précise : "Si, nonobstant cette clause, le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit constitue à l'évidence une modification du contrat de travail nécessitant l'accord de la salariée, tel n'est pas le cas d'un horaire de nuit à un horaire de jour". Une victoire dont les DRH de l'hospitalisation privée se souviendront !
En revanche l'établissement de santé a eu tort, juge la Cour, de considérer pouvoir "prendre acte de sa démission" lorsque l'infirmière s'est abstenue de venir travailler à compter de sa mutation, ce qui a constitué une acte de rupture de la part de l'employeur. L'abandon de poste, dans ce contexte conflictuel, ne caractérisait pas une faute grave, mais constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement, de telle sorte que l'arrêt condamne le Centre hospitalier privé au paiement des indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés. (Juris-Data, n ° 2003-215742).

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ISAR : manque de respect aux patients (arrêt Cour de Paris, 21 janvier 2003) :

Une infirmière spécialisée en anesthésie-réanimation avait été mise à pied puis licenciée par un hôpital privé parisien qui lui reprochait : "Vous avez pratiqué un examen neurologique sur un patient avec une aiguille et ce malgré l'intervention de votre collègue de travail. Cet examen doit être pratiqué avec douceur et en aucun cas avec un objet tranchant ou piquant. De ce fait, il y a eu de nombreuses scarifications d'une profondeur suffisante pour faire saigner le malade. Cette pratique est inutile et mutilante."
Il était mentionné spécialement, dans ce service, au titre de la procédure de surveillance neurologique en réanimation, qu'en aucun cas la stimulation d'un patient dans le coma ne peut se faire à l'aide d'une aiguille, mais par "une manœuvre de frottement doux cutané, voire de pincement a minima".
Contrairement au conseil des prud'hommes - qui avait condamné l'établissement employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse - la cour juge que les faits commis "sont constitutifs d'une faute grave dès lors qu'ils rendaient impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise pendant la durée du préavis", la déboute de ses demandes et la condamne à rembourser les indemnités qu'elle a reçues en exécution du jugement prud'homal. (Juris-Data, n° 2003-201126).

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Comportement irrespectueux envers les résidents d'une maison de retraite (arrêt Cour de Bordeaux, 17 mars 2003) :

Employée comme agent de collectivité au sein d'une maison de retraite, la salariée ne peut être licenciée pour n'avoir pas respecté les consignes en levant une personne convalescente après une hospitalisation en cardiologie et en lui servant un petit-déjeuner alors que ces actes lui étaient interdits et ressortaient de la compétence d'une aide-soignante voire d'une infirmière.
Pourtant, la Cour de Bordeaux déclare bien fondé le licenciement de cet agent fondé sur "un comportement inadapté" et qui "tenait aux pensionnaires des propos grossiers et irrespectueux, accompagnés d'une attitude vexatoire, comportement qui s'avérait d'autant plus perturbant qu'il concernait des personnes âgées et dépendantes, dont certaines ont développé en réaction un état de stress."
L'arrêt ajoute : "Un tel comportement, que ne pouvait excuser un apparent manque de personnel faisait obstacle à la poursuite du contrat de travail et constituait une cause réelle et sérieuse de rupture du contrat de travail. L'exécution du préavis de licenciement n'était cependant pas impossible, compte tenu de sa durée limitée et de la fonction polyvalente de la salariée." (Juris-Data, n° 2003-209554).

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Fautes dans la distribution des médicaments par une infirmière dans une maison de retraite (arrêt Cour de Nancy, 9 octobre 2002) :

Le conseil de prud'hommes de Nancy considère comme cause grave de licenciement, la Cour de Nancy seulement comme cause réelle et sérieuse de licenciement d'une IDE "le fait de prendre certaines libertés avec les soins et médicaments ordonnés par le médecin". L'arrêt atténue la responsabilité de l'infirmière en considérant deux points :
- les agissements n'ont pas revêtu un caractère dangereux pour les patients,
- seule infirmière pour 90 résidents, la tâche à elle impartie aux termes de son contrat de travail était extrêmement lourde et aurait nécessité la mise en oeuvre d'un personnel plus important.
Dans ces conditions, précise la Cour, "il convient de considérer qu'aucune faute grave ne peut lui être reprochée mais seulement une faute réelle et sérieuse justifiant son licenciement." (Juris-Data, n ° 2002-206152).

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Faute grave de la part de l'aide-soignante qui administre un hypotenseur à un malade dont la tension artérielle a augmenté, sans prescription médicale (arrêt Cour de Poitiers, 28 mai 2002) :

La lettre de licenciement visait une administration par l'aide-soignante "d'Adalate sublingual à une patiente, sans avoir au préalable obtenu l'avis du médecin, ni de l'infirmière de garde, et surtout sans ordonnance, ni prescription médicale" et lui reprochait "De plus, vous l'avez administré à des doses inhabituelles (deux gélules en même temps), ce qui montre que vous ne connaissez ni le médicament, ni les effets secondaires sur la personne" (le Vidal annonce le risque cumulé de chute de tension et d'augmentation de la fréquence cardiaque). L'infirmière d'astreinte pendant la nuit attestait ne pas avoir été appelée, malgré l'affirmation contraire de l'aide-soignante en cause.
Le jugement du conseil de prud'hommes de Rochefort-sur-Mer est confirmé par la Cour de Poitiers en ce qu'il a décidé que le licenciement pour faute grave n'est pas abusif, le maintien de la relation de travail n'étant pas possible même pendant la durée limitée du préavis. (Juris-Data, n° 2002-222890).

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Licenciement justifié d'une IDE pour n'avoir pas prévenu un médecin de la chute d'un patient (arrêt Cour de Montpellier, 26 juin 2002) :

Un patient de 86 ans tombe de son lit à deux reprises dans la même journée et s'avèrera victime d'une fracture du col fémoral. L'infirmière reconnaît l'avoir relevé toute seule et replacé dans son lit. Il est établi qu'elle n'a pas prévenu le médecin du service, pourtant présent dans la clinique.
La Cour retient, au sujet de la première chute, qu'en "s'abstenant de prévenir le médecin de service afin de s'assurer que le patient ne présentait aucun symptôme de fracture, elle a incontestablement manqué à ses obligations ; qu'en effet, la chute d'une personne âgée de 86 ans est extrêmement dangereuse pour celle-ci, ce que l'infirmière ne pouvait ignorer". En ce qui concerne la seconde chute, intervenue deux heures plus tard, la salariée avait laissé le patient à terre pendant plus d'une heure. Ces faits caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement. (Juris-Data, n° 2002-191002).

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Absence prolongée d'une aide-soignante pour maladie depuis plus de six mois : licenciement pour cause réelle et sérieuse validé (arrêt Cour de Besançon, 26 novembre 2002) :

Le conseil de prud'hommes de Belfort, puis la Cour de Besançon en appel autorisent une maison de retraite hébergeant une soixante de personnes âgées dépendantes ne disposant pas à l'évidence d'un personnel soignant pléthorique, à licencier pour cause réelle et sérieuse une aide-soignante absente pour maladie depuis plus de six mois, obligeant l'employeur à recruter du personnel de remplacement en soulignant "qu'une telle rotation de personnel soignant est manifestement incompatible avec la continuité de la prise en charge de personnes âgées et les exigences minimales de régularité et de qualité des soins, tant du point de vue technique que psychologique. Elle est indiscutablement source de dysfonctionnements et même génératrice de risques sérieux d'erreurs dans la transmission des consignes de soins et des données propres à chaque pensionnaire d'où il suit que l'association établit suffisamment l'obligation dans laquelle elle se trouvait de procéder à l'embauche d'une aide-soignante à titre définitif".
De la sorte, le licenciement de l'aide-soignante absente depuis longtemps ne contrevient pas aux dispositions de l'article L. 122-45 du code du travail prohibant toute forme de discrimination, notamment en raison de l'état de santé, et repose sur une cause réelle et sérieuse malgré les prétentions contraires de la salariée. (Juris-Data, n° 2002-199200).

La Lettre du Cabinet - Janvier 2004
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Surveillance des médicaments pris par les patients mais non prescrits au sein de la clinique
(Arrêt du 15 novembre 2005, Cour de Cassation, 1ère chambre civile)
Isabelle Lucas-Baloup

Un anesthésiste pratique un bloc péridural, qu'il va renouveler, sur une patiente atteinte de lombosciatalgies. S'ensuivent des séquelles neurologiques (paraplégie) que les experts considèrent directement imputables à l'hématome péridural provoqué par le cathéter, la patiente étant sous anticoagulants.
La Cour d'appel de Paris avait retenu (arrêt du 19 juin 2003) l'entière responsabilité du médecin auquel il est fait grief tout particulièrement de ne pas s'être informé de manière complète et approfondie sur les traitements suivis par la patiente, ayant présenté auparavant des phlébites à répétition et toujours sous traitement anticoagulant. L'anesthésiste s'était contenté de lui demander : "d'arrêter tous ses traitements cinq jours avant l'hospitalisation sans en préciser la nature", mentionne la Cour.
C'est vainement que le praticien a soutenu, en première instance, en appel, puis devant la Cour de cassation que la clinique était fautive, son personnel infirmier n'ayant pas assuré la surveillance de la patiente ni recherché si elle ne disposait pas de médicaments à son insu ni suspecté qu'elle prenait un traitement non prescrit au sein de la clinique.
La Cour de cassation retient que les infirmiers sont tenus "de vérifier la prise des médicaments prescrits lors du séjour dans l'établissement de santé et la surveillance de leurs effets". La solution aurait sans doute été différente si l'anesthésiste avait spécialement informé les infirmières d'un risque.
En conclusion, le médecin doit poser explicitement la question de la prise d'anticoagulants avant de pratiquer un bloc péridural et, s'il a manqué à cette obligation, ne peut, comme il était soutenu dans cette affaire, déplacer la responsabilité vers la patiente non informée suffisamment par le médecin la prenant en charge, pas plus que vers la clinique au titre de la surveillance par le personnel infirmier qui n'a pas été alerté sur le risque.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2005


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Clinique Médicaments Obligation de surveillance

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