Base de données - Maison de retraite

L'Etat et une commune condamnés à indemniser des cardiologues et une maison de retraite
Bruno Lorit

Par arrêt en date du 30 mars 2006 (CAA Versailles, 30 mars 2006, Commune de Saint-Germain-en-Laye, n° 03VE04504, 03VE04503), la Cour administrative d'appel de Versailles a confirmé la condamnation de la commune de Saint-Germain-en-Laye à verser à une maison de retraite une somme de 550 000 € en réparation du préjudice subi du fait de sa fermeture illégale ordonnée par un arrêté municipal du 1er février 1999.
Après avoir annulé ledit arrêté au motif que la commune n'avait pas établi la réalité du manquement de la maison de retraite à des prescriptions imposées par la commission communale de sécurité et n'avait pas justifié l'existence de risques particuliers et immédiats pour la sécurité des pensionnaires, la Cour a considéré que la circonstance que la maison de retraite se situait dans un environnement privilégié, n'était pas destinée à fermer dans un proche avenir et était présente sur un marché concurrentiel, impliquant que la société gérant le fonds de commerce était porteuse d'une plus-value certaine, justifiait la condamnation de la commune à verser à la société d'exploitation une somme de 550 000 €.
Par ailleurs, dans un jugement du 15 mai 2006 (TA Versailles, 15 juin 2006, SCM de radiologie cardiovasculaire, n° 0200611), le Tribunal administratif de Versailles, après avoir annulé une décision du Ministre de la Santé ayant autorisé une SCM de cardiologues à exploiter une table d'angiographie numérisée en limitant néanmoins l'usage de cet équipement aux actes de coronarographies diagnostiques, a engagé la responsabilité de l'Etat et condamné ce dernier à verser à la SCM une somme de 341 338,23 € correspondant au préjudice économique causé par l'interdiction d'effectuer des coronarographies interventionnelles mais également à la baisse d'activité des coronarographies diagnostiques en relation avec l'impossibilité de pratiquer des angioplasties.
Ces deux décisions de justice méritent d'être soulignées dans la mesure où certains établissements de santé ou professionnels de santé hésitent, après avoir obtenu l'annulation juridictionnelle d'une décision administrative en relation notamment avec leur autorisation de fonctionnement, à solliciter la réparation des préjudices subis.
En l'espèce, la fermeture illégale d'une maison de retraite et la limitation tout aussi illégale de l'autorisation d'exploiter un équipement matériel lourd ont été sanctionnées par des dommages et intérêts importants.

La Lettre du Cabinet - Juin 2006


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Autorisation Cardiologue Fermeture illégale Maison de retraite

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Médecins, infirmiers et ordonnances
(Conseil d'Etat, 11 décembre 2009, Guy A., n° 312742)
Eglantine Lhermitte

Les dispositions combinées des décrets des 16 février 1993 et 11 février 2002 permettent aux infirmiers de préparer, à la demande et suivant les indications d’un médecin, un projet d’ordonnance dont il sera le seul auteur et qu’il lui appartiendra, après examen du malade et sous sa responsabilité, de modifier ou de valider en y apposant sa signature. Elles font, en revanche, obstacle à ce qu’un médecin subordonne la délivrance et la signature de ses ordonnances à l’exigence qu’elles aient été préalablement préparées par le personnel infirmier.
En l’espèce, M. A., médecin salarié d’une maison de retraite, avait enjoint au personnel infirmier de rédiger des projets de renouvellement de prescriptions médicales destinées aux résidents. En dépit de multiples rappels à l’ordre, M. A. a refusé de modifier son comportement, de sorte que l’établissement a dû organiser et rémunérer l’intervention d’un autre médecin.
Le Conseil d’Etat juge que M. A. ne pouvait refuser de signer des ordonnances de renouvellement de ses prescriptions qui n’auraient pas été préalablement préparées par des infirmières. Il approuve la Cour administrative d’appel d’avoir retenu que ces agissements étaient de nature à justifier légalement une sanction disciplinaire à l’égard de M. A. et que la décision de le licencier n’était pas manifestement disproportionnée au regard de la gravité de la faute commise.

La Lettre du Cabinet - Janvier 2010


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Infirmier(ère) Maison de retraite Médecins Ordonnances

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Quelques jurisprudences récentes sur les relations entre établissements de santé privés et personnel paramédical
Isabelle Lucas-Baloup

Mutation par l'employeur d'une IDE de nuit vers un poste de jour (arrêt Cour d'Aix-en-Provence, 9 avril 2003) :

Infirmière de nuit, une IDE est mutée contre son gré à un poste de jour par le centre privé qui l'emploie. Elle soutient qu'il s'agit d'une sanction déguisée et saisit le conseil de prud'hommes de Nice, qui la déboute de ses demandes. Elle interjette appel, en revendiquant que "le passage d'un horaire de nuit à un horaire de jour constitue une modification de son contrat de travail qui devait recevoir son assentiment". L'arrêt, pour la débouter une seconde fois, rappelle qu'un "employeur, responsable de la bonne marche de l'entreprise, exerce ses prérogatives en appréciant les qualités professionnelles de la salariée et en l'affectant au poste le plus approprié". Il n'était pas contesté que plusieurs évaluations professionnelles avaient mis en évidence les difficultés de l'infirmière à s'adapter à un service de nuit.
Son contrat de travail stipulait expressément : "Le directeur peut procéder à toute nouvelle affectation (jour ou nuit) nécessitée par les besoins du service". L'arrêt précise : "Si, nonobstant cette clause, le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit constitue à l'évidence une modification du contrat de travail nécessitant l'accord de la salariée, tel n'est pas le cas d'un horaire de nuit à un horaire de jour". Une victoire dont les DRH de l'hospitalisation privée se souviendront !
En revanche l'établissement de santé a eu tort, juge la Cour, de considérer pouvoir "prendre acte de sa démission" lorsque l'infirmière s'est abstenue de venir travailler à compter de sa mutation, ce qui a constitué une acte de rupture de la part de l'employeur. L'abandon de poste, dans ce contexte conflictuel, ne caractérisait pas une faute grave, mais constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement, de telle sorte que l'arrêt condamne le Centre hospitalier privé au paiement des indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés. (Juris-Data, n ° 2003-215742).

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ISAR : manque de respect aux patients (arrêt Cour de Paris, 21 janvier 2003) :

Une infirmière spécialisée en anesthésie-réanimation avait été mise à pied puis licenciée par un hôpital privé parisien qui lui reprochait : "Vous avez pratiqué un examen neurologique sur un patient avec une aiguille et ce malgré l'intervention de votre collègue de travail. Cet examen doit être pratiqué avec douceur et en aucun cas avec un objet tranchant ou piquant. De ce fait, il y a eu de nombreuses scarifications d'une profondeur suffisante pour faire saigner le malade. Cette pratique est inutile et mutilante."
Il était mentionné spécialement, dans ce service, au titre de la procédure de surveillance neurologique en réanimation, qu'en aucun cas la stimulation d'un patient dans le coma ne peut se faire à l'aide d'une aiguille, mais par "une manœuvre de frottement doux cutané, voire de pincement a minima".
Contrairement au conseil des prud'hommes - qui avait condamné l'établissement employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse - la cour juge que les faits commis "sont constitutifs d'une faute grave dès lors qu'ils rendaient impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise pendant la durée du préavis", la déboute de ses demandes et la condamne à rembourser les indemnités qu'elle a reçues en exécution du jugement prud'homal. (Juris-Data, n° 2003-201126).

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Comportement irrespectueux envers les résidents d'une maison de retraite (arrêt Cour de Bordeaux, 17 mars 2003) :

Employée comme agent de collectivité au sein d'une maison de retraite, la salariée ne peut être licenciée pour n'avoir pas respecté les consignes en levant une personne convalescente après une hospitalisation en cardiologie et en lui servant un petit-déjeuner alors que ces actes lui étaient interdits et ressortaient de la compétence d'une aide-soignante voire d'une infirmière.
Pourtant, la Cour de Bordeaux déclare bien fondé le licenciement de cet agent fondé sur "un comportement inadapté" et qui "tenait aux pensionnaires des propos grossiers et irrespectueux, accompagnés d'une attitude vexatoire, comportement qui s'avérait d'autant plus perturbant qu'il concernait des personnes âgées et dépendantes, dont certaines ont développé en réaction un état de stress."
L'arrêt ajoute : "Un tel comportement, que ne pouvait excuser un apparent manque de personnel faisait obstacle à la poursuite du contrat de travail et constituait une cause réelle et sérieuse de rupture du contrat de travail. L'exécution du préavis de licenciement n'était cependant pas impossible, compte tenu de sa durée limitée et de la fonction polyvalente de la salariée." (Juris-Data, n° 2003-209554).

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Fautes dans la distribution des médicaments par une infirmière dans une maison de retraite (arrêt Cour de Nancy, 9 octobre 2002) :

Le conseil de prud'hommes de Nancy considère comme cause grave de licenciement, la Cour de Nancy seulement comme cause réelle et sérieuse de licenciement d'une IDE "le fait de prendre certaines libertés avec les soins et médicaments ordonnés par le médecin". L'arrêt atténue la responsabilité de l'infirmière en considérant deux points :
- les agissements n'ont pas revêtu un caractère dangereux pour les patients,
- seule infirmière pour 90 résidents, la tâche à elle impartie aux termes de son contrat de travail était extrêmement lourde et aurait nécessité la mise en oeuvre d'un personnel plus important.
Dans ces conditions, précise la Cour, "il convient de considérer qu'aucune faute grave ne peut lui être reprochée mais seulement une faute réelle et sérieuse justifiant son licenciement." (Juris-Data, n ° 2002-206152).

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Faute grave de la part de l'aide-soignante qui administre un hypotenseur à un malade dont la tension artérielle a augmenté, sans prescription médicale (arrêt Cour de Poitiers, 28 mai 2002) :

La lettre de licenciement visait une administration par l'aide-soignante "d'Adalate sublingual à une patiente, sans avoir au préalable obtenu l'avis du médecin, ni de l'infirmière de garde, et surtout sans ordonnance, ni prescription médicale" et lui reprochait "De plus, vous l'avez administré à des doses inhabituelles (deux gélules en même temps), ce qui montre que vous ne connaissez ni le médicament, ni les effets secondaires sur la personne" (le Vidal annonce le risque cumulé de chute de tension et d'augmentation de la fréquence cardiaque). L'infirmière d'astreinte pendant la nuit attestait ne pas avoir été appelée, malgré l'affirmation contraire de l'aide-soignante en cause.
Le jugement du conseil de prud'hommes de Rochefort-sur-Mer est confirmé par la Cour de Poitiers en ce qu'il a décidé que le licenciement pour faute grave n'est pas abusif, le maintien de la relation de travail n'étant pas possible même pendant la durée limitée du préavis. (Juris-Data, n° 2002-222890).

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Licenciement justifié d'une IDE pour n'avoir pas prévenu un médecin de la chute d'un patient (arrêt Cour de Montpellier, 26 juin 2002) :

Un patient de 86 ans tombe de son lit à deux reprises dans la même journée et s'avèrera victime d'une fracture du col fémoral. L'infirmière reconnaît l'avoir relevé toute seule et replacé dans son lit. Il est établi qu'elle n'a pas prévenu le médecin du service, pourtant présent dans la clinique.
La Cour retient, au sujet de la première chute, qu'en "s'abstenant de prévenir le médecin de service afin de s'assurer que le patient ne présentait aucun symptôme de fracture, elle a incontestablement manqué à ses obligations ; qu'en effet, la chute d'une personne âgée de 86 ans est extrêmement dangereuse pour celle-ci, ce que l'infirmière ne pouvait ignorer". En ce qui concerne la seconde chute, intervenue deux heures plus tard, la salariée avait laissé le patient à terre pendant plus d'une heure. Ces faits caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement. (Juris-Data, n° 2002-191002).

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Absence prolongée d'une aide-soignante pour maladie depuis plus de six mois : licenciement pour cause réelle et sérieuse validé (arrêt Cour de Besançon, 26 novembre 2002) :

Le conseil de prud'hommes de Belfort, puis la Cour de Besançon en appel autorisent une maison de retraite hébergeant une soixante de personnes âgées dépendantes ne disposant pas à l'évidence d'un personnel soignant pléthorique, à licencier pour cause réelle et sérieuse une aide-soignante absente pour maladie depuis plus de six mois, obligeant l'employeur à recruter du personnel de remplacement en soulignant "qu'une telle rotation de personnel soignant est manifestement incompatible avec la continuité de la prise en charge de personnes âgées et les exigences minimales de régularité et de qualité des soins, tant du point de vue technique que psychologique. Elle est indiscutablement source de dysfonctionnements et même génératrice de risques sérieux d'erreurs dans la transmission des consignes de soins et des données propres à chaque pensionnaire d'où il suit que l'association établit suffisamment l'obligation dans laquelle elle se trouvait de procéder à l'embauche d'une aide-soignante à titre définitif".
De la sorte, le licenciement de l'aide-soignante absente depuis longtemps ne contrevient pas aux dispositions de l'article L. 122-45 du code du travail prohibant toute forme de discrimination, notamment en raison de l'état de santé, et repose sur une cause réelle et sérieuse malgré les prétentions contraires de la salariée. (Juris-Data, n° 2002-199200).

La Lettre du Cabinet - Janvier 2004
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Résiliation brutale --> dommages et intérêts payés par la clinique au médecin
(Cour d'appel d'Aix en Provence, 1ère ch. A, arrêt du 3 avril 2007)
Isabelle Lucas-Baloup

Dans une maison de retraite dans laquelle il intervient depuis 12 ans, on annonce verbalement à un psychiatre qu'il ne fait plus partie des libéraux exerçant dans l'établissement, ce qui lui est confirmé par écrit quelques jours plus tard. Il assigne et obtient 50 000 € à titre de dommages et intérêts, la maison de retraite fait appel.

La Cour confirme le jugement et déboute la maison de retraite qu plaidait avoir été contrainte d'agir ainsi en raison de l'attitude du médecin qui n'entendait pas se plier aux exigences nées des réformes imposant un médecin référent, un médecin coordonnateur et une réorganisation corrélative des services, mais son courrier de rupture ne mentionnait pas ce grief et l'arrêt observe que la mise en place du médecin référent est postérieure à la résiliation du contrat. La Cour évalue, compte tenu des revenus du psychiatre, son préjudice matériel à 45 000 € auxquels elle ajoute 5 000 € en réparation du préjudice moral.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2007
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