Base de données - Médecine chinoise

Médecine chinoise : exercice illégal de la médecine ?
(Cour de cassation, 1ère ch. civ., 16 octobre 2008, n° 07-17.789, CDOM de la Moselle)
Isabelle Lucas-Baloup

Voici une décision dont les retombées risquent d’être nombreuses : la Cour de cassation a annulé un arrêt de la Cour de Metz dans les circonstances ci-après :
M. X exerçant la « médecine chinoise », le conseil départemental de l’Ordre des médecins de la Moselle l’a invité à cesser d’utiliser le titre de médecin et à pratiquer son activité sous une autre dénomination.
La Cour d’appel de Metz (l’ordre des médecins n’étant pas compétent puisque M. X n’est à proprement parler pas médecin) saisie lui a interdit d’utiliser le terme « médecine », protégé par les dispositions du code de la santé publique (articles L. 4131-1 et L. 4161-1) relatives à l’exercice illégal de la médecine.
La Cour de cassation casse et annule : « En se déterminant ainsi quand le terme de médecine, à l’inverse du titre de médecin, n’étant pas protégé, seuls l’établissement de diagnostics ou la pratique d’actes médicaux par M. X eussent justifié de lui interdire d’user de l’appellation « médecine chinoise », la Cour d’appel a violé les textes susvisés. »
C’est une très belle question à laquelle, malgré mes études de civilisation chinoise aux Langues O., je ne sais pas répondre : la médecine chinoise ne concerne t-elle vraiment que l’être humain en bonne santé ?
Il y a quelques mois, le Tribunal de grande instance de Paris (jugement du 25 juin 2008, n° 07-02517), après la publication de l’ouvrage « Dis-moi où tu as mal, je te dirai pourquoi », mettant en œuvre les « principes de médecine traditionnelle chinoise », évaluait la gravité d’erreurs de traduction inversant de gauche à droite le Yin et le Yang, créant la confusion entre les deux écoles qui s’opposent, l’Ecole Psychologique et l’Ecole Energétique, au regard des méridiens organiques et complémentaires. Bref, alors, il devait bien y avoir un peu de diagnostic dans la « médecine chinoise » présentée sous un pareil titre promettant que l’ouvrage allait dire « pourquoi tu as mal »...
On ne rappellera pas d’autres affaires célèbres d’acupuncteurs poursuivis pour exercice illégal de la médecine alors qu’ils plaidaient avoir « suivi des études spécifiques mais ne disposant pas du diplôme de médecin » tout en pratiquant de manière habituelle la « sinobiologie », ce qui les a conduits à enrichir leur casier judiciaire de plusieurs mois de prison et appauvrir leur fortune par le paiement d’amendes substantielles.
Ce faisant, les juridictions encadrent et protègent en distinguant le titre et la fonction, en médecine comme dans d’autres disciplines (tout le monde peut faire du droit, mais le titre d’avocat est protégé, etc.).
En conclusion, chacun pourrait utiliser le mot « médecine » à condition, dit l’arrêt du 16 octobre 2008, de ne pas procéder à des diagnostics ou à des actes médicaux, sur la définition desquels nous aurons certainement à réfléchir, au cas par cas.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009


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