Base de données - ONIAM

Contamination par des relations sexuelles sciemment non protégées : pas d’indemnisation par l’ONIAM
(arrêt Cour de cassation, 1ère ch. civ., 22 janvier 2014, n° 12-35 023)
Isabelle Lucas-Baloup
   L’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales, l’ONIAM, est chargé, par les articles L. 1142-22 et L. 3122-1 du code de la santé publique, au titre de la solidarité nationale, d’indemniser les victimes notamment de préjudices résultant de la contamination par le virus d’immunodéficience humaine (VIH) causée par une transfusion de produits sanguins.

 

   Par un arrêt du 22 janvier 2014, la Cour de cassation juge que l’ONIAM « ne saurait être tenu, fût-ce partiellement, des préjudices propres invoqués par la personne contaminée du fait de la contamination de ses proches, lorsque cette contamination a été causée par des relations sexuelles non protégées auxquelles cette personne, qui s’était ainsi affranchie de la contrainte qu’elle prétendait avoir subie, a eu sciemment recours ».

 

   Un homme, hémophile depuis l’enfance, avait été contaminé par le VIH et indemnisé par le Fonds d’indemnisation des transfusés et hémophiles entre 1994 et 1998. Il s’est marié en 2000 et en 2002 le diagnostic de contamination a été porté sur son épouse et sur sa fille née la même année. Devant la Cour d’appel, l’ONIAM avait fait savoir qu’il retirait l’offre faite à l’époux en réparation du préjudice moral qu’il prétendait avoir subi du fait de la contamination de son épouse et de leur fille. Un arrêt rendu en 2009 avait notamment alloué à l’époux des indemnités du fait de la contamination de sa femme et de sa fille, en retenant que l’ONIAM n’était pas délié des offres qu’il avait formulées pendant la phase non contentieuse de la procédure. L’arrêt avait déjà été cassé de ce chef (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 6 janvier 2011).

 

   Pour condamner l’ONIAM à payer à l’époux, en réparation du préjudice propre subi du fait de la contamination de son épouse et de sa fille, 4 065 € et 4 000 €, la Cour d’appel de Paris dans un nouvel arrêt du 22 octobre 2012, avait retenu tout d’abord qu’il était constant que, si l’époux n’avait pas été contaminé par le virus du sida, il n’aurait pas pu, lui-même, contaminer son épouse et que dès lors la contamination qui constitue la source des obligations de l’ONIAM est bien en lien objectif avec le préjudice dont il sollicite la réparation, mais qu’ayant lui-même, sciemment, entretenu des relations sexuelles sans protection avec son épouse, ce comportement engage sa responsabilité. Relevant, ensuite, l’importance de la contrainte que représente l’interdiction de rapports sexuels sans protection même avec son épouse tout au long de sa vie, la Cour d’appel de Paris en a déduit un partage de responsabilité laissant à la charge de l’ONIAM un tiers du préjudice.

 

   C’est cet arrêt du 22 octobre 2012 que casse la Cour dans son arrêt du 22 janvier 2014, au motif que le champ d’indemnisation de l’ONIAM n’inclut pas la contamination par des relations sexuelles sciemment non protégées.
Gynéco Online - Mai 2014


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HIV ONIAM

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L’avis des CRCI ne lie pas l’Oniam
Isabelle Lucas-Baloup

C’était écrit dans la loi Kouchner : les commissions régionales de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CRCI) donnent des avis. Les juridictions éventuellement saisies ensuite, ainsi par ailleurs que l’ONIAM, sont libres de s’y conformer ou pas.
Lorsque, après expertise, une CRCI conclut que la victime d’un accident médical a droit à réparation de son préjudice au titre de la solidarité nationale, l’ONIAM (Office national d’indemnisation des accidents médicaux) conserve toute liberté d’appréciation.
La Cour administrative d’appel de Marseille vient de le souligner, par un arrêt du 29 mars 2007 (que vous trouvez facilement sur www.legifrance.gouv.fr), dans les termes ci-après :
« Considérant que […] si l’ONIAM […] est éclairé par l’avis de la CRCI, […], il ne saurait être regardé comme étant lié par cet avis, qui émane d’un organisme dépourvu de caractère juridictionnel et qui n’a d’autre finalité que de favoriser un règlement amiable du litige ; qu’ainsi, l’ONIAM ne se trouvait pas en situation de compétence liée à la suite de l’avais par lequel la CRCI de PACA a estimé que l’intéressé avait été victime d’un accident médical ouvrant droit à la réparation des préjudices qui en découlent, au titre de la solidarité nationale […] ; Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise ordonnée par la CRCI, que le mécanisme initial de toutes les complications trouve sa cause dans une septicémie à staphylocoque avec choc septique et détresse respiratoire ; que l’expert a relevé que bien que rare, ce risque est inhérent à ce type d’intervention sur infection osseuse chronique ; que, dès lors, il n’apparaît pas, ainsi que l’exigent les dispositions de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique, que les complications à l’origine des préjudices invoqués par M. X, constituaient une conséquence anormale au regard de son état de santé ; que, par suite, l’obligation incombant à l’ONIAM présente un caractère sérieusement contestable ; »
L’ONIAM, comme le juge administratif ou civil éventuellement saisi, n’est pas lié par l’avis de la CRCI.
Heureusement, car certaines de ces commissions pratiquent péremptoirement, sans motiver leurs avis, après des pseudo-audiences pendant lesquelles les parties n’ont pas la possibilité d’exposer leur position par rapport aux conclusions du rapport d’expertise

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Juillet-août 2007


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CRCI ONIAM

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Régime spécial pour les infections nosocomiales nées entre le 5 septembre 2001 et le 1er janvier 2003
(Arrêt du Conseil d’Etat du 13 juillet 2007)
Isabelle Lucas-Baloup

Le Conseil d’Etat vient d’affirmer, à raison, que la loi du 30 décembre 2002 modifiant l’article L. 1142-1-1 du code de la santé publique, créant un nouveau régime de prise en charge par la solidarité nationale (ONIAM) des dommages résultant des infections nosocomiales à la seule condition qu’elles aient entraîné un taux d’incapacité permanente supérieur à 25 %, n’a pas d’effet rétroactif et n’est entrée en vigueur qu’à sa publication au Journal Officiel le 1er janvier 2003.
Il en résulte que la charge de l’indemnisation des I.N. consécutives à des soins réalisés entre le 5 septembre 2001 et le 1er janvier 2003 n’incombe à l’ONIAM qu’à la double condition que l’établissement de soins ait apporté la preuve d’une cause étrangère à l’infection et que le taux d’incapacité permanente de la victime soit supérieur à 25 %.

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Septembre-octobre 2007


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Cause étrangère ONIAM Solidarité nationale

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Responsabilité en cas d'infection post-endoscopique : ce qui revient à l'établissement et ce qui peut revenir au praticien
Isabelle Lucas-Baloup

1. Répartition des responsabilités d'après la loi :
IN => responsabilité de l'hôpital, public ou privé

Aux termes de l'article L. 1142-1.-I., 2ème alinéa du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, et sous réserve des dispositions de l'article L. 1142-1-1, créé par la loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 (1), les établissements et services sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales " sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ".
Avant la loi Kouchner, l'infection nosocomiale engageait la responsabilité de l'établissement et des médecins intervenus dans le cadre d'une obligation de sécurité de résultat, dont les établissements ne pouvaient s'exonérer que par la preuve d'une cause étrangère (article 1147, code civil), laquelle doit présenter habituellement les caractères de la force majeure : imprévisibilité, irrésistibilité ou évitabilité, extériorité.
La preuve de l'absence de faute commise par un établissement de santé dans sa démarche de lutte contre le risque d'infection nosocomiale et de ses efforts de prévention ne modifie en rien l'engagement de sa responsabilité et son obligation à indemniser dès lors que l'incapacité permanente du malade est inférieure ou égale à 25%. Au-delà, c'est l'ONIAM qui paie, avec une possible action récursoire contre les professionnels et/ou établissements de santé " en cas de faute établie à l'origine du dommage " (art. L. 1142-21, 2è alinéa, code de la santé publique). De la sorte, plus de 97% de la réparation demeure à la charge des assureurs des établissements de santé, puisque " seuls 3% des sinistres débouchent sur des taux d'incapacité permanente supérieurs à 25% "(2).
Dans une excellente étude intitulée " Une analyse de l'obligation de sécurité à l'épreuve de la cause étrangère ", publiée au Recueil Dalloz (3), le Professeur Fabrice Defferrard conclut : " La preuve de la cause étrangère n'est pas expressément interdite dans son principe, mais elle n'est jamais accueillie en pratique", s'agissant particulièrement d'atteintes à l'intégrité physique ou à la santé.

A ce jour, aucune décision publiée ne retient, pour exonérer l'établissement, une cause étrangère causée par une bactérie ou un virus.

2. Les fautes imputables au gastro-entérologue :

Le médecin est responsable de ses fautes et peut, à ce titre, être recherché. Il relève de la mission des experts, lorsqu'ils en sont saisis, d'identifier le fait générateur de la contamination et de donner leur opinion sur leur conformité à l'obligation de donner des soins " consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science " (art. R. 4127-32 code de la santé publique).
On a vu récemment décrits par le CCLIN Paris-Nord (4) quatre épisodes de cas groupés d'hépatite C d'origine nosocomiale, manifestement liés à des écarts des anesthésistes par rapport aux recommandations de la SFAR, en matière de partage de matériel et de produits d'injection.
La faute médicale est appréciée par rapport aux normes opposables et à l'état de l'art. Quelles fautes un gastro-entérologue est-il susceptible de commettre favorisant et/ou provoquant la contamination de son patient à l'occasion d'une endoscopie ?

s'il exerce dans un établissement de santé, public ou privé, le respect des recommandations en matière de désinfection du matériel incombe à l'hôpital, qui doit par tous moyens en assurer la maîtrise ; en centre indépendant, le professionnel est responsable de son matériel bien évidemment ; c'est néanmoins une obligation professionnelle, pour un gastro-entérologue, de " veiller à la stérilisation et à la décontamination des dispositifs médicaux qu'il utilise (...) il ne doit pas exercer sa profession dans des conditions qui puissent compromettre la qualité des soins et des actes médicaux ou la sécurité des personnes examinées " (art. R. 4127-71, code de la santé publique) ; aussi, le G.E. ne peut se désintéresser du respect des procédures, protocoles, recommandations ad hoc, même si la responsabilité de l'établissement est principalement engagée du chef d'une infection nosocomiale post-endoscopique ;
ainsi réutiliser plusieurs fois une pince à biopsie endoscopique digestive à usage unique constituerait une faute imputable partiellement au gastro-entérologue qui doit refuser de la commettre (décision AFSSAPS, 18 juin 2001) ;
en revanche, aucune recommandation opposable n'impose au gastro-entérologue un dépistage systématique avant une endoscopie et il ne peut lui être reproché de n'avoir pas tenu compte de la sérologie HIV ou HVC d'un patient pour fixer l'ordre des endoscopies dans le programme de la journée ; si un expert croyait pouvoir l'écrire, il aurait à fonder les conclusions de son rapport sur des publications sérieuses pouvant constituer " l'état de l'art ", ou sur des recommandations de sociétés savantes (SFED, SFHH), de la Haute Autorité en Santé, de circulaires ministérielles ou autres sources qui, à ma connaissance, n'existent pas à ce jour ; par ailleurs, aucun texte ne permet aujourd'hui à un gastro-entérologue d'imposer au patient toutes analyses utiles à connaître son statut sérologique ; il conviendrait également de mesurer les incidences économiques d'une telle démarche si elle devenait systématique et la position des caisses d'assurance maladie quant à leur prise en charge ;
la violation des circulaires relatives à la prise en charge des personnes atteintes d'ESST et visant à réduire les risques de transmission d'ATNC : un gastro-entérologue n'ayant pas évalué ou mal évalué le niveau de risque d'un patient à l'occasion de la consultation préalable (qui a par exemple oublié de poser la question sur les antécédents de traitement par hormone de croissance extractive) ne peut directement être considéré comme l'auteur d'une faute pénale, celle-ci ne pouvant résulter de la violation d'un simple circulaire non réglementaire (5) ; en revanche, un expert pourra en déduire qu'il a, ce faisant, privé les patients suivants d'une chance d'éviter un risque de contamination, en ne provoquant pas la procédure de traitement et d'inactivation prévue par la circulaire 138 ;
une faute parfois invoquée à l'encontre du praticien consiste à avoir mal apprécié le bénéfice/risque du geste interventionnel ou mal informé le patient des complications possibles ; l'information préalable à l'acte doit porter sur le risque nosocomial, dès lors que l'article L. 1111-2 du CSP impose une information " sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus " ; le dernier alinéa de ce même article prévoit que la preuve de l'information incombe au professionnel et qu'elle peut être apportée par tout moyen ; on se souvient néanmoins que cette faute éventuelle du gastro-entérologue ne provoque pas elle-même la contamination, mais prive le patient d'une chance de l'éviter ; la réparation du préjudice sera donc partielle, le vice du consentement n'étant pas lui-même la cause de l'infection post-endoscopique intervenue et non annoncée ;
on pourrait reprocher à un gastro-entérologue de n'avoir pas conduit avec diligence les procédures de signalement (décret 2001-671 du 26 juillet 2001 et circulaire du 30 juillet 2001) et éventuellement de rappel imposées par les articles L. 1111-2 (" Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences (...). Elle a lieu au cours d'un entretien individuel. ") ;
le patient, et/ou ses ayants droit, est susceptible enfin de reprocher au gastro-entérologue qui le suit un retard au diagnostic de l'infection post-endoscopique et/ou une défaillance dans le traitement de cette dernière s'il s'en est chargé, mais cette hypothèse appert rarement en pratique.

La rigueur du droit implique de caractériser le lien de causalité entre la faute éventuelle du gastro-entérologue et l'infection post-endoscopique. Trop souvent, il est tiré d'une situation des conclusions contestables à cet égard, notamment à l'occasion des procédures devant les CRCI (commissions régionales de conciliation et d'indemnisation) qui ne prononcent que des avis - et non des décisions faisant jurisprudence -, dans des conditions où le débat juridique et scientifique s'avère en pratique très décevant. Leurs positions influencent néanmoins depuis un ou deux ans les experts chargés de donner leur opinion sur les infections acquises à l'occasion des soins, traitements, interventions et hospitalisations, auxquels toutes les questions ne sont toujours posées à ce titre, qui permettraient d'étayer d'une façon plus pertinente la distribution des responsabilités dans la réalité du dommage causé.
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1 (...) ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : 1° les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'incapacité permanente supérieur à 25% déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ; (...). "
2 cf. Rapport du Sénateur Lorrain, Doc. Sénat, n° 49, annexe au PV de la séance du 6 novembre 2002, p. 22.
3 Dalloz 1999, chr. p. 365.
4 A. Carbonne, V. Thiers " Transmissions nosocomiales de l'hépatite C liées à l'anesthésie générale dans l'inter-région Paris-Nord en 2001-2002, Annales Françaises d'Anesthésie et de Réanimation 23(2004)550-553.
5 cf. Conseil d'Etat arrêt du 24 février 1999 ayant déclaré la circulaire " stérilisation " du 20 octobre 1997 " dépourvue de caractère réglementaire ", ou encore la jurisprudence sur la restérilisation de dispositifs médicaux à usage unique ayant relaxé les praticiens et établissements à une époque où des circulaires organisaient la matière, à l'exception d'une loi ou d'un décret.

17ème Vidéo-Digest - Novembre 2005


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Assurance Hépatite C Infections nosocomiales ONIAM

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Responsabilité encourue à l’occasion d’un drilling ovarien
Isabelle Lucas-Baloup

Pas de responsabilité sans faute, en droit médical français, depuis la loi Kouchner. Le chirurgien, tenu à une obligation de moyens et non de résultat, n’aura donc pas à indemniser la patiente si ses interventions sont conformes aux données acquises de la science, ce qu’un collège d’experts déterminera. En l’absence de faute, la patiente peut tenter de faire indemniser son préjudice par l’ONIAM, sous certaines conditions.

Pas de responsabilité sans faute à l’occasion du traitement d’une patiente infertile présentant un SOPK :

Depuis la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 (loi dite Kouchner) applicable rétroactivement à compter du 5 septembre 2001 :

Les médecins et établissements de santé, publics, PSPH ou privés, ne sont responsables qu’en cas de faute (article L. 1142-1 du code de la santé publique) ;

En l’absence de faute, la patiente peut obtenir réparation auprès de l’ONIAM (Office national d'indemnisation des accidents médicaux, 36 avenue du Général de Gaulle, 93175 Bagnolet cedex, www.oniam.fr) , au titre de la solidarité nationale, à la triple condition :

- que son préjudice soit directement imputable, sans faute du chirurgien, à un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale,
- qu’il constitue une conséquence anormale au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci,
- et présente un caractère de gravité apprécié en termes de perte de capacités fonctionnelles et de conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant compte notamment du taux d’incapacité permanente (>24 %) ou de la durée de l’incapacité temporaire de travail (au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois - article D. 1142-1 du CSP) .

Les tribunaux sont compétents en droit, mais pas sur l’état de l’art en options thérapeutiques pour le traitement de l’infertilité chez une patiente présentant un SOPK. Les magistrats vont donc classiquement :

- nommer un collège d’experts aux fins de les informer sur les données médicales avérées,

- analyser la situation, au vu des conclusions du rapport, et distribuer les responsabilités encourues, en prenant en considération la demande de la patiente, ou de ses ayants cause si elle est décédée, étant observé que la personne a « le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. » (article L. 1110-5 du CSP), 

- rechercher toutes recommandations de bonnes pratiques dans l’hyper-spécialité concernée (HAS, sociétés savantes, publications, conférences de consensus, etc.), susceptibles d’influencer la distribution des responsabilités.

Responsabilité du chirurgien en cas de complications consécutives à un drilling ovarien chez une patiente présentant un SOPK :

Au titre de l’indication, il appartient au chirurgien de justifier l’opportunité de son intervention. Il doit « élaborer son diagnostic avec le plus grand soin » (article R. 4127-33 du CSP) et assurer personnellement à la patiente des « soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents » (article R. 4127-32 du CSP). Les juges retiendront, si les parties les invoquent et communiquent, les données de l’état de l’art publié sur la place de la chirurgie dans le SOPK. Ainsi, dès lors que les recommandations de la Haute Autorité de Santé publiées en juin 2008 sur la « Multiperforation de l’ovaire par cœlioscopie ou par culdoscopie (drilling ovarien) » mentionnent comme indication : « prise en charge de l’infertilité par anovulation dans le cadre d’un syndrome des ovaires polykystiques en cas d’échec au citrate de clomifène », une prise en charge chirurgicale sans avoir pratiqué préalablement une induction de l’ovulation par citrate de clomifène, traitement de première intention pendant 6 cycles à dose adéquate, pourra être considérée comme fautive, sauf évidemment si le chirurgien établit la pertinence des causes de cette indication apparemment en violation de la recommandation de la HAS. Il convient en effet de souligner qu’en tout état de cause le chirurgien demeure « libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance » dans les limites fixées par la loi (article R. 4127-8 du CSP), qui n’affirme à aucun moment que les recommandations de la HAS seraient impératives. On lit dans certaines publications scientifiques sur la place de la chirurgie dans le SOPK que le drilling ovarien en première intention serait une « indication à débattre ». En conséquence, ce débat peut avoir lieu devant les magistrats saisis. D’autres contre-indications sont susceptibles d’être retenues, ce sont les experts qui évalueront si elles constituaient en l’espèce, pour la patiente concernée et non en général, un obstacle dirimant ou non.

Au titre de la pratique du geste opératoire, le chirurgien est susceptible de commettre une maladresse, une erreur, une imprudence que le tribunal peut qualifier « faute » engageant sa responsabilité : choix d’une mauvaise technique, ou voie d’abord, accident électrique qui aurait pu être évité par la mise à distance des ovaires des organes de voisinage, etc. Là encore la HAS a recommandé une formation du chirurgien à la technique de la multiperforation ovarienne reposant sur une courbe d’apprentissage fixée à 5 procédures sans tenir compte de l’abord et, pour l’apprentissage des voies d’abord, une expérience de 30 procédures de cœlioscopie et 15 en fertiloscopie. Un lien de causalité pourrait être retenu, en cas de complication peropératoire apparaissant sans respect de cette contrainte, entre l’inexpérience de l’opérateur et le dommage causé. L’anesthésie peut également provoquer une complication, imputable à l’anesthésiste-réanimateur et non au chirurgien, sauf circonstances particulières (par exemple mauvaise communication entre les deux spécialistes d’éléments de nature à modifier le protocole). 

Les complications postopératoires, telles les séquelles adhérentielles, pouvaient-elles être évitées ? C’est la question que se poseront les juges pour retenir ou non la responsabilité de l’opérateur, la patiente étant en droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité au regard des connaissances médicales avérées (article  L. 1110-5 du CSP). Bien évidemment, en l’absence de faute, le seul échec de conception après drilling ovarien ne saurait engager la responsabilité de l’opérateur, tenu à une obligation de moyens et non de résultat.

En l’absence de faute, la patiente victime d’une complication du drilling ovarien devra établir l’anormalité des conséquences de l’intervention sur son état pour pouvoir saisir l’ONIAM de la réparation d’un dommage relevant éventuellement de l’aléa thérapeutique, dans les conditions exposées au premier § de cette note. L’information préopératoire que lui aura donnée le chirurgien constituera alors un élément majeur d’appréciation pour le tribunal.


Devoir d’information et modalités pratiques

L’information de la patiente doit porter, en application de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique sur : « les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ». 

En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressée, « par tous moyens » (article L. 1111-2, 7ème alinéa). Les moyens de preuve étant, en droit français, l’écrit, le témoignage, l’aveu, les présomptions et le serment, il est évident que le mode le plus efficace est le document écrit qui trace l’information, d’une part, le consentement de la patiente, d’autre part. Pour autant, l’écrit n’est pas obligatoire puisque le code de la santé publique prévoit qu’en cette matière la preuve peut être apportée « par tous moyens ».

En ce qui concerne le contenu de l’information, la question récurrente porte sur la quantité et la qualité des précisions : le chirurgien doit présenter une description de l’acte opératoire qu’il envisage suffisamment complète pour permettre à la patiente de donner un consentement parfaitement éclairé par les informations reçues. C’est un exercice très difficile que de rédiger un document de cette nature et ce sont souvent les sociétés savantes qui s’y emploient dans l’intérêt des médecins de la spécialité. Il convient de soumettre à la patiente un tableau objectif et quasi-complet des bénéfices/risques de l’intervention envisagée, qui ne pourra cependant pas être exhaustif, sauf à être trop long ou trop scientifique, donc inefficace car vraisemblablement non compris et déstabilisateur. La patiente le plus souvent « fait confiance » au conseil de son chirurgien et adoptera sa recommandation qui deviendra sa propre décision ; si tout se passe bien c’est suffisant, mais en cas de complication et à défaut de traces permettant d’établir sur quoi a porté l’information - et donc le consentement – les parties seront opposées en fait, le consentement sera affirmé « vicié » par une information incomplète ou prétendument « uniquement favorable à l’acte proposé, sans réserves et sans informations sur les alternatives thérapeutiques », affirmera la demanderesse à l’indemnisation. Dès lors que la preuve contraire incombe au chirurgien, s’il est défaillant dans cette démarche, le dossier se complique à son égard. De l’aléa thérapeutique nous passons à l’aléa judiciaire, avec son cortège de preuves par présomptions… comment fait-il d’habitude, etc. La magistrature s’est féminisée et je témoigne aves mes trente années d’expérience en droit de la santé que les juges réfléchissent plus volontiers en s’assimilant à « la victime » plutôt qu’au chirurgien auteur direct ou indirect d’une complication chirurgicale… La prudence conduit donc à faire signer un document écrit, la loi ne l’impose pas. 

Enfin, l’information sur les « autres solutions possibles » requiert parfois le concours d’un consultant fiviste vers lequel le chirurgien invitera la patiente à se diriger afin qu’elle soit certaine d’avoir ainsi reçu une information complète, en droit conforme aux dispositions de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique. 

La relation entre l’information et l’indemnisation au titre de l’aléa thérapeutique, si le préjudice est grave sans avoir pour origine une faute du chirurgien, a été soulignée supra, au regard de la normalité ou de l’anormalité des conséquences. 

Responsabilité du Fiviste face à une complication de type hyperstimulation ovarienne chez une patiente qui ne s’est pas vu proposer le drilling ovarien avant la FIV :

Les mêmes textes de droit commun que ceux décrits pour la responsabilité du chirurgien s’appliquent au fiviste, au titre de l’indication, de la pratique du geste et des complications postopératoires, de leur diagnostic et leur traitement. 
Pour répondre plus précisément, mais en quelques mots seulement, à la responsabilité encourue par le fiviste, il est évident qu’une information adaptée doit avoir été communiquée à la patiente dès lors que le risque d’hyperstimulation ovarienne s’avère particulièrement élevé dans l’OPK et peut – exceptionnellement – menacer le pronostic vital. Au titre des indications et de l’analyse des facteurs de risques, comme au titre des doses de gonadotrophines, le fiviste doit être en mesure de justifier de ses décisions et protocoles, lesquels seront analysés par les experts en cas de complication et de procédure. Le diagnostic précoce de l’hyperstimulation ovarienne et la prise en charge par un traitement adapté constituent des éléments dont le tribunal tiendra compte pour définir si le fiviste est fautif ou non, à « low dose » ou plus lourdement !... 
L’absence de jurisprudence publiée conduit à penser que la responsabilité du fiviste est rarement recherchée.

Dialogue en Gynécologie - n° 4 - 2010
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