Base de données - CRCI

A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
L’avis des CRCI ne lie pas l’Oniam
Isabelle Lucas-Baloup

C’était écrit dans la loi Kouchner : les commissions régionales de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CRCI) donnent des avis. Les juridictions éventuellement saisies ensuite, ainsi par ailleurs que l’ONIAM, sont libres de s’y conformer ou pas.
Lorsque, après expertise, une CRCI conclut que la victime d’un accident médical a droit à réparation de son préjudice au titre de la solidarité nationale, l’ONIAM (Office national d’indemnisation des accidents médicaux) conserve toute liberté d’appréciation.
La Cour administrative d’appel de Marseille vient de le souligner, par un arrêt du 29 mars 2007 (que vous trouvez facilement sur www.legifrance.gouv.fr), dans les termes ci-après :
« Considérant que […] si l’ONIAM […] est éclairé par l’avis de la CRCI, […], il ne saurait être regardé comme étant lié par cet avis, qui émane d’un organisme dépourvu de caractère juridictionnel et qui n’a d’autre finalité que de favoriser un règlement amiable du litige ; qu’ainsi, l’ONIAM ne se trouvait pas en situation de compétence liée à la suite de l’avais par lequel la CRCI de PACA a estimé que l’intéressé avait été victime d’un accident médical ouvrant droit à la réparation des préjudices qui en découlent, au titre de la solidarité nationale […] ; Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise ordonnée par la CRCI, que le mécanisme initial de toutes les complications trouve sa cause dans une septicémie à staphylocoque avec choc septique et détresse respiratoire ; que l’expert a relevé que bien que rare, ce risque est inhérent à ce type d’intervention sur infection osseuse chronique ; que, dès lors, il n’apparaît pas, ainsi que l’exigent les dispositions de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique, que les complications à l’origine des préjudices invoqués par M. X, constituaient une conséquence anormale au regard de son état de santé ; que, par suite, l’obligation incombant à l’ONIAM présente un caractère sérieusement contestable ; »
L’ONIAM, comme le juge administratif ou civil éventuellement saisi, n’est pas lié par l’avis de la CRCI.
Heureusement, car certaines de ces commissions pratiquent péremptoirement, sans motiver leurs avis, après des pseudo-audiences pendant lesquelles les parties n’ont pas la possibilité d’exposer leur position par rapport aux conclusions du rapport d’expertise

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Juillet-août 2007


Mots clefs associés à cet article :
CRCI ONIAM

Voir le contenu de l'article [+]
Quand la Cour d’appel de Nancy applique strictement le droit nouveau de l’infection nosocomiale
Isabelle Lucas-Baloup

Commencer l’année 2007 dans une perplexité annoncée dès le début 2003 n’est pas enthousiasmant pour le commentateur de l’actualité jurisprudentielle des infections nosocomiales !
Pour tenter d’échapper à la rigueur d’un texte d’exception (la responsabilité en matière d’infection en hôpital public ou privé est engagée sans faute, contrairement aux autres domaines de la responsabilité médicale qui implique la démonstration d’une faute de l’établissement et/ou des soignants), nos juges, qui commencent à comprendre, éclairés par les experts, les effets pervers de l’article L. 1142-1 2° alinéa du code de la santé publique, tentent d’échapper au principe en s’interrogeant (enfin) sur la notion de cause étrangère. Mais la cause étrangère n’a pas été inventée pour le droit de la responsabilité en matière d’infection nosocomiale et la rédaction actuelle du texte légal s’oppose au succès des thèses incompatibles avec l’article L. 1142-1. La cour administrative d’appel de Nancy vient de le rappeler, à juste titre, au CHU de la même ville en confirmant la condamnation de ce dernier sous la motivation ci-après :
« Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 1142-1 du CSP les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère ; qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise ordonnée par les premiers juges, que si M. Pierre Y., arrivé en relative bonne santé à l’hôpital, a présenté, à la suite de son opération, une insuffisance rénale, liée à la fois à sa cardiopathie et à son diabète, en raison de la longue durée de son hospitalisation, la cause de son décès est due à une complication infectieuse résultant de la présence d’un staphylocoque doré résistant, dont il était indemne à son entrée au CHU de Nancy, ainsi qu’à l’apparition, en cours d’hospitalisation, de nouveaux germes infectieux de type enterobacter et pseudomonas ; que l’hôpital n’est, dès lors, pas fondé à soutenir que le décès de M. Pierre Y. ne serait pas dû à une infection nosocomiale, mais à la dégradation très avancée de son état cardio-vasculaire et de son état général et que sa responsabilité n’est pas engagée sur le fondement des dispositions sus-rappelées. ». En conséquence le CHU est condamné à indemniser la veuve et le fils de la victime dès lors « qu’en l’absence d’infection nosocomiale le pronostic vital n’était pas défavorable ».

Gare à la confusion

Infection nosocomiale ou non, il n’y a pas lieu de tergiverser, nous confirme la cour, sur l’état du patient ante.
Puisse cette jurisprudence être appliquée par les commissions régionales d’indemnisation (CRCI) dont les instructions données aux experts qu’elles nomment en cette matière, et les avis qu’elles rendent, mettent en œuvre une application de la loi qui, toute contestable qu’elle soit, ne peut être dénaturée au point de lui faire dire son contraire. Il convient de militer pour une réforme du droit de l’infection nosocomiale, mais certainement pas pour ajouter de la confusion dans l’application d’un texte dans lequel on cherche vainement la motivation du législateur.

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Janvier-février 2007
Voir le contenu de l'article [+]