La question a déjà été commentée dans la Lettre du Cabinet (cf. décembre 2004 et septembre 2005) : le contrat d’exercice libéral qu’un médecin a signé à titre personnel ne bénéficie pas à la société d’exercice dont il devient associé, que ce soit une société d’exercice libéral (SEL, SELAS, autre) ou une société civile professionnelle (SCP).
Cet arrêt de la Cour de Grenoble le confirme dans les termes ci-après :
« Il est constant que le Dr X a débuté son activité de chirurgien cardiaque en 1989 au sein de la clinique Belledonne, sur la base d’un contrat non écrit d’exercice libéral individuel ».
Contrairement à ce qu’il soutient, la constitution de la SELARL Y en vue de l’exercice, à titre exclusif, de l’activité de chirurgie cardiaque et cardio-vasculaire, a eu pour effet de mettre fin au contrat d’exercice individuel.
En effet, en vertu de la loi du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de société des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, la profession de médecin est juridiquement exercée par la personne morale.
Ainsi, les statuts de la SELARL, reprenant les dispositions de l’article R. 4113-3 du CSP et des statuts types de
SELARL de médecin mentionnent : « Un associé exerçant au sein de la société ne peut exercer sa profession à titre individuel sauf gratuitement, ni être membre d’une société civile professionnelle de médecins ou d’une quelconque autre société d’exercice libéral. »
D’ailleurs le Dr X, après avoir cédé son droit de présentation de clientèle, a procédé à la déclaration de cessation totale et définitive d’activité, le 30 juillet 1997.
Le Tribunal a donc justement retenu qu’à compter de cette date il avait été mis fin au contrat d’exercice qui le liait depuis 1989, à titre individuel, à la Clinique. Le retrait ultérieur du Dr X de la SELARL Y n’a pas pu faire revivre un contrat auquel il avait été précédemment mis fin.
Aucun nouveau contrat n’ayant été négocié entre les parties, la Clinique Belledonne n’a pas commis de faute en rappelant au chirurgien qu’il ne disposait plus de contrat en vue d’un exercice individuel au sein de la Clinique.
Compte tenu du nombre important de situations identiques rencontrées en routine, soulignons que le médecin doit
attentivement relire son contrat d’exercice avant de s’associer et négocier la conclusion d’un nouveau contrat liant la personne morale qui se substituera désormais à lui pour sa pratique de la médecine au sein de la Clinique. Il n’est pas rare de rencontrer des directeurs d’établissements hostiles aux contrats d’exercice signés avec des SEL ou des SCP. Il convient de leur expliquer qu’ils n’ont pas le choix et qu’il n’y a pas lieu de redouter ce type de contrat : ce qui compte est d’en maîtriser le contenu, les clauses concernant un exercice individuel ne pouvant être automatiquement recopiées pour un exercice en société. Elles doivent être adaptées mais la Clinique peut tout aussi bien contrôler la situation, grâce à des dispositions relatives à l’agrément des associés, des clauses de police et de continuité des soins, de durée adaptée à l’âge de chaque associé, etc.
Si aucune démarche n’est réalisée lors du passage en société par le médecin titulaire du contrat, il se crée avec la SEL ou la SCP un contrat verbal, de fait, à durée indéterminée, sans exclusivité, sans indemnité en cas de rupture sauf abus de droit, au contenu semblable à celui du contrat type publié sur le site du CNOM.
La Lettre du Cabinet - Décembre 2019