Base de données - Chirurgie réfractive

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Chirurgie réfractive au laser : responsabilité pour faute du chirurgien
(Cour d’appel de Rennes, 7ème ch., 22 avril 2009, JurisData n° 2009-376928)
Isabelle Lucas-Baloup

A l’occasion d’une chirurgie réfractive au laser destinée à corriger la myopie d’un patient, le chirurgien ophtalmologiste a interrompu son intervention arguant d’une défaillance de la lame de coupe. La preuve de ce dysfonctionnement du matériel n’est pas rapportée dès lors d’une part que le signalement de matériovigilance n’a pas été produit, d’autre part que le médecin n’a pas cru utile d’informer le fournisseur du matériel du dysfonctionnement de la lame de coupe compte tenu des risques encourus par les autres malades et qu’enfin la feuille d’intervention ne fait aucunement mention d’un incident dû à la lame.
Dans ces conditions, l’arrêt considère que la blessure à l’œil subie par la victime ne peut avoir pour origine qu’une erreur de manipulation ou un défaut de précision du geste médical. Le patient est déclaré bien fondé en sa demande en responsabilité pour faute du chirurgien.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009
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Le partage des disciplines chirurgicales au sein d’un groupe d’ophtalmologistes est autorisé, mais il faut respecter l’évolution des obligations conventionnelles successivement adoptées
(Cour d'appel d'Aix en Provence, 1ère chambre A,12 avril 2011, n° 2010-06513)
Isabelle Lucas-Baloup

L’arrêt confirme un jugement du tribunal de grande instance de Marseille ayant débouté le Dr R. de sa demande en paiement contre le Pr B. et la Cour d’Aix en Provence mentionne que si, en 2001, les deux ophtalmologistes ont conclu une « convention d’intégration » qui stipule que le Pr B. a confié au Dr R. « la partie de son activité liée à la chirurgie de la cataracte, la chirurgie et le traitement du glaucome et leurs complications et toutes les pathologies du segment antérieur qu’il sera amené à traiter, à l’exception de la chirurgie réfractive et du traitement médico-chirurgical de ses complications (myopie, astigmatisme, hypermétropie, presbytie, implants myopiques, etc.) […] », pour autant, en 2004 les chirurgiens ophtalmologistes exerçant leur profession à la Clinique M., dont les Drs B. et R., ont conclu un « protocole d’accord » qui précise : « après de longs pourparlers et échanges [les parties] décident de réorganiser les conditions de leur exercice commun […]. Le Dr R. bénéficiera désormais de l’exclusivité de la chirurgie du glaucome au sein du groupe à l’exception des glaucomes néo-vasculaires. Pour ce qui concerne la chirurgie de la cataracte, elle continuera de constituer son activité prépondérante mais sans exclusivité. Il est confirmé que le Dr B. a l’exclusivité de la chirurgie réfractive et des greffes de cornées. […] » et le même jour un « contrat d’exercice en commun » dans lequel il est indiqué : « Chacun des praticiens a l’exclusivité de son secteur d’activité : - Pr B. : chirurgie réfractive, pathologies cornéennes et greffes de cornées ; […] – Dr R. : chirurgie du glaucome, à l’exception du glaucome néo-vasculaire. Il est en outre reconnu au Dr R. une prépondérance d’activité dans la chirurgie de la cataracte, sans que cette prépondérance constitue un domaine d’exclusivité pour aucun associé. »
Le Dr R. soutenait que le Pr B. ne pouvait pas opérer les cataractes, en exécution de l’accord de 2001, et en écartant les contrats signés en 2004. La Cour d’Aix juge que « les parties ont entendu conférer aux obligations contractées en 2004 une portée novatoire par rapport aux accords de 2001, et qu’en raison de la disparition des obligations primitives auxquelles ont été substituées de nouvelles obligations, le Dr R. ne peut revendiquer le bénéfice du contrat de 2001 ; que c’est en conséquence à bon droit que le tribunal a débouté le Dr R. de ses prétentions. »

SAFIR - Avril 2011


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Chirurgie de la cataracte Chirurgie réfractive Ophtalmologie

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Pas de chirurgie réfractive en cabinet de ville ? (décision du CNOM, 26 juin 2014)
Isabelle Lucas-Baloup

   Une SELARL d’ophtalmologie sollicite une autorisation de site distinct, sur le fondement de l’article R. 4113-23 du code de la santé publique :

« Le lieu habituel d’exercice d’une société d’exercice libéral de médecins est celui de la résidence professionnelle au titre de laquelle elle est inscrite au tableau de l’ordre. Toutefois, dans l’intérêt de la population, la société peut être autorisée à exercer son activité sur un ou plusieurs sites distincts de sa résidence professionnelle :

 

1° lorsqu’il existe dans le secteur géographique considéré une carence ou une insuffisance de l’offre de soins préjudiciable aux besoins des patients ou à la permanence des soins ; ou

 

2° lorsque les investigations et les soins à entreprendre nécessitent un environnement adapté, l’utilisation d’équipements particuliers, la mise en œuvre de techniques spécifiques ou la coordination de différents intervenants. (...) »

 

   L’Ordre national confirme la décision de rejet de la demande prononcée par le Conseil départemental de l’Ordre des médecins. Sur le critère géographique, le motif n’est pas spécialement intéressant, en revanche l’Ordre national des médecins motive le refus en ce qui concerne la mise en œuvre de techniques spécifiques et l’utilisation d’équipements particuliers qui n’existaient pas localement ainsi qu’il suit :

 

« La SELARL a indiqué pouvoir au sein de ce site disposer de matériel de laser pour réaliser notamment des actes de chirurgie de la presbytie. Ces actes réalisés dans le cadre de la chirurgie réfractive sont des actes chirurgicaux. Dès lors, cette chirurgie, effectuée sans hébergement, relève des dispositions applicables en matière de chirurgie ambulatoire ; la chirurgie ambulatoire ne peut être réalisée que dans des établissements de santé ou dans des structures de soins alternatives à l’hospitalisation rattachées aux établissements de santé et il n’est pas avancé que la SELARL bénéficie d’une autorisation d’exercice en qualité d’établissement de santé au site envisagé.

 

« En conséquence, il y a lieu de considérer que l’exercice de la chirurgie réfractive envisagé par la SELARL dans une structure qui n’a pas la qualité d’établissement de santé ne répond pas aux conditions posées à l’article R. 4113-23 du code de la santé publique selon lesquelles le médecin doit notamment justifier de la qualité et de la sécurité des soins. »

 

   L’autorisation est à obtenir de l’Agence régionale de santé et transforme le cabinet d’ophtalmologie en établissement de santé privé doté d’une autorisation d’activité de chirurgie, prévue à l’article L. 6122-1 du code de la santé publique, avec toutes les charges et obligations d’une clinique privée, si l’autorisation est consentie ce qui est rare car les syndicats représentatifs d’établissements de santé publics et privés donnent un avis négatif à l’occasion de la procédure préalable à la décision du directeur de l’ARS, préférant conserver en leur sein cette activité de chirurgie ambulatoire, pour laquelle ils facturent à l’assurance maladie des forfaits de séjour et de soins fixés par un tarif calculé d’après les GHS (groupes homogènes de séjour) dans le cadre de la tarification à l’activité (T2A).

 

   La Cour de cassation refuse la prise en charge des interventions relevant des alternatives à l’hospitalisation réalisées en cabinet de ville, en application de l’article L. 162-21 alinéa 1er du code de la sécurité sociale, et a cassé un jugement du TASS de Cahors auquel les hauts magistrats faisaient grief « de ne pas avoir recherché si le cabinet d’ophtalmologie dans lequel le chirurgien pratiquait des opérations de la cataracte sous anesthésie locale par instillation de collyre constituait un établissement de santé soumis à autorisation » (cf. arrêt Cassation, 2ème ch. civ. 20 mai 2010, n° 09-14-145).

 

   Un autre ophtalmologiste a été condamné pénalement (cf. arrêt Cass. ch. crim, 9 mai 2007) pour avoir exploité un « centre d’ophtalmologie autonome », en application de l’article L. 6125-1 du code de la santé publique : « Le fait d'ouvrir ou de gérer un établissement de santé privé ou d'installer dans un établissement privé concourant aux soins médicaux des équipements matériels lourds définis à l'article L. 6122-14 en infraction aux dispositions des articles L. 6122-1 et L. 6122-7 est puni de 150000 euros d'amende.Est puni de la même peine le fait de passer outre à la suspension ou au retrait d'autorisation prévus à l'article L. 6122-13.En cas de récidive, la peine peut être assortie de la confiscation des équipements installés sans autorisation. »

 

   On se souvient que Madame Bachelot, ancien ministre de la Santé, avait annoncé pendant deux ans la promulgation d’une réforme du droit des autorisations d’établissements de soins, prévoyant des autorisations adaptées aux centres autonomes (en ophtalmologie mais également en gastro-entérologie, en médecine et petite chirurgie esthétique), réforme ajournée grâce au lobbying des syndicats d’établissements de santé. Madame Touraine, qui vient d’être reconduite dans sa mission dans le nouveau Gouvernement de M. Valls, réouvrira-t-elle le dossier, rien n’est sûr…

 

   L’acuité du problème n’échappera à personne : il est mis à la disposition du consommateur, dans certains centres autonomes de spécialistes, des matériels, du personnel et une organisation des soins d’une qualité parfois supérieure à ce qu’on trouve dans des établissements de santé publics ou privés, dument autorisés pour l’activité de soins « chirurgie », mais sans service spécialisé dans la discipline concernée. Un sujet qu’il convient de traiter avec discernement, dans l’intérêt supérieur des patients. Evidemment.
La Lettre du Cabinet - Septembre 2014


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Cabinet de ville Chirurgie réfractive SELARL Sites distincts

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