Chez les vétérinaires comme au sein des cabinets médicaux et chirurgicaux, les collaborateurs libéraux – surtout après avoir été remerciés si les qualités professionnelles et/ou humaines n’étaient pas à la hauteur des promesses au moment de la signature du contrat – ont tendance facilement à revendiquer le statut de salarié, qui permet d’obtenir le paiement rétroactif d’heures supplémentaires, de repos compensateurs et autres petits avantages qui arrondissent les fins de mois du salarié. Ils saisissent alors le conseil de prud’hommes en sollicitant la requalification en contrat de travail du contrat de collaboration libérale.
L’arrêt commenté en constitue un exemple assez caractéristique : après avoir quitté la clinique vétérinaire (société V) dans laquelle elle exerçait en qualité de collaboratrice libérale, Mme N soutient « qu’elle était soumise à des horaires de travail fixés unilatéralement par la société V qu’elle ne pouvait modifier que difficilement et ne disposait donc d’aucune liberté sur ce point Elle indique que son activité de vétérinaire était exercée sous les directives du docteur D qui portaient sur l’attitude à adopter en cas de demande de délais de paiement, sur la tenue à porter en présence de la clientèle ainsi que sous les directives de l’épouse du docteur D, chargée de la gestion de la société vétérinaire, qui concernaient tant les éléments informatiques que les traitements à administrer aux animaux pour supprimer des stocks existants, ne lui laissant ainsi aucune autonomie. Elle observe également que des factures qu’elle a émises ont été modifiées et qu’un véritable contrôle direct sur son activité était exercé sans lui laisser la possibilité de développer une clientèle personnelle. Elle faisait valoir que travailler le jour ainsi que certaines nuits et quelquefois jusqu’à 123 heures par semaine sur différents sites, rendait impossible le développement d’une clientèle personnelle pour lequel elle ne disposait d’aucun moyen matériel, ce qui établit la réalité du lien de subordination qu’elle alléguait. »
La Cour d’appel de Douai déboute la collaboratrice en retenant :
« L’existence d’une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité professionnelle. Elle repose sur un lien de subordination caractérisé par l’exécution d’un contrat sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner le manquement de son subordonné. […] En l’espèce, il ressort des différentes pièces produites aux débats que l’élaboration des plannings faisait l’objet d’une concertation entre le Dr D, ses associés et Mme N, par courriels ou dans le cadre d’une réunion, comme l’attestent des assistantes vétérinaires, ce qui est d’ailleurs confirmé par de nombreux courriels de Mme N évoquant son souhait de prendre différents jours de congé et proposant de discuter sur des projets de planning avant leur validation. Il apparait également que ces plannings, une fois validés, pouvaient encore être modifiés par l’organisation d’échanges entre vétérinaires […]. Seuls deux courriels produits aux débats ont été adressés uniquement à Mme N pour lui reprocher son comportement, le premier relatif à un retard et un manque de professionnalisme par rapport aux assistantes et le second relatif à une erreur d’enregistrement informatique d’un client. Ces deux messages, qui se rapportent au fonctionnement de la clinique et ne comportant aucune menace de sanction, ne peuvent seuls caractériser un lien de subordination. […] Il apparaît que Mme N, qui n’évoque aucune ingérence du Dr D ou ses associés dans l’établissement des diagnostics et soins réalisés, bénéficiait d’une autonomie suffisante pour développer une clientèle personnelle. Il résulte de ces éléments qu’en absence de lien de subordination et d’impossibilité de développer une clientèle personnelle, le contrat de collaboration conclu entre les parties ne peut être requalifié en contrat de travail. »
La Lettre du Cabinet - Janvier 2018