La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 « confortant le respect des principes de la République », couramment dénommée « loi anti-séparatisme », a introduit trois nouveaux délits dans les termes ci-après :
Article L. 1110-2-1 du code de la santé publique :
« Un professionnel de santé ne peut établir de certificat aux fins d’attester la virginité d’une personne. »
Article L. 1115-3 du même code :
« L’établissement d’un certificat en méconnaissance de l’article L. 1110-2-1 est puni d’un an d’emprisonnement et de quinze mille euros d’amende. »
Article 225-4-11 du code pénal :
« Le fait de faire à une personne des offres ou des promesses, de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques ou d’user contre elle de pressions ou de contraintes de toute nature afin qu’elle se soumette à un examen visant à attester sa virginité est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
« Lorsque la personne est mineure, les peines sont portées à un an d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. »
Article 225-4-12 du même code :
« Sans préjudice des cas dans lesquels ces faits constituent un viol, une agression sexuelle ou une atteinte sexuelle, le fait de procéder à un examen visant à attester la virginité d’une personne est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
« Lorsque la personne est mineure, les peines sont portées à un an d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. »
Trois nouveaux délits font donc leur apparition :
- le délit d’incitation et de contrainte à se soumettre à un examen de virginité (commis par toute personne), prévu et réprimé à l’article 225-4-11 du code pénal,
- le délit d’examen visant à attester la virginité d’une femme (commis par toute personne), prévu et réprimé à l’article 225-4-12 du code pénal,
- le délit de délivrance d’un certificat de virginité par un professionnel de santé (aussi bien un médecin, une sage-femme, un infirmier), prévu et réprimé à l’article L. 1115-3 du code de la santé publique.
Avant l’entrée en vigueur, le 26 août 2021, de cette loi :
- l’Organisation Mondiale de la Santé avait appelé en octobre 2018 à faire cesser la pratique des tests de virginité, dans une déclaration cosignée par le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme et ONU-femmes,
- l’Ordre national des médecins considérait qu’un praticien violait ses obligations déontologiques s’il rédigeait un certificat attestant de la virginité d’une femme, en soutenant que « le médecin ne doit certifier que ce qu’il peut médicalement constater. Or, la communauté médicale rappelle que rien ne permet de certifier scientifiquement/médicalement la virginité. » (session du CNOM, décembre 2020, à lire sur le site www.conseil.national-médecin). En se fondant sur l’article R. 4127-76 du code de déontologie, l’Ordre recommandait aux médecins de retenir que « lorsque la rédaction d’un certificat médical n’est pas prescrite par un texte législatif ou réglementaire, le médecin n’a pas à rédiger le certificat demandé ». Pour aider les praticiens à écarter la demande, l’Ordre a publié une « fiche d’information » à remettre à la patiente qui sollicite le certificat en communiquant une liste d’organismes et associations compétents pour assurer un éventuel accompagnement, notamment diverses associations de défense des droits des femmes et des associations de prise en charge des victimes qui peuvent être jointes par téléphone par exemple au 119, numéro d’appel pour l’enfance en danger ou risquant de l’être, si la patiente est mineure.
Les débats parlementaires du premier semestre 2021 ont été nourris et agités, en témoignent quelques extraits du Journal officiel :
- « De nombreux témoignages tendent à montrer que, dans la majorité des cas, c’est l’entourage des jeunes filles qui est plus ou moins directement à l’origine de la demande, pour des motifs culturels et/ou religieux. La gynécologue Amina Yamgnane a ainsi pu déclarer : « La loi seule risque de ne pas mettre fin à ces pratiques. Au lieu d’aller chez le gynéco, ces familles risquent d’aller chez le voisin qui va s’improviser ʺPère la Vertuʺ et produire ce genre de certificat. » (M. Eric Diard).
- « Il s’agit de sanctionner les personnes non membres du corps médical qui pratiquent des tests de virginité. En première lecture, j’avais évoqué la ʺcérémonie du mouchoirʺ, dans la communauté des gens du voyage : une matrone perce l’hymen de la jeune fille avec un mouchoir pour s’assurer que celle-ci est bien vierge.
« Il est important d’envoyer le signal selon lequel il n’est plus tolérable ni d’établir des certificats de virginité ni de perpétuer ce genre de traditions. » (Mme Perrine Goulet).
- « Ces cérémonials sont barbares et nous voulons trouver tous les moyens de les empêcher. Cependant, vous l’avez dit vous-même en parlant de pénétration : la cérémonie du mouchoir n’est rien d’autre qu’une agression sexuelle… » (Mme Laetitia Avia).
- « Le fait pour un étranger de demander un certificat de virginité pour lui-même ou pour autrui constitue un rejet manifeste des principes de notre République. Par cet acte, la personne en question démontre son incapacité à s’intégrer. […] Ne pas la sanctionner de cette manière serait une grande injustice envers les étrangers profondément et sincèrement désireux d’adhérer aux valeurs de la République et de s’intégrer. » (M. Philippe Benassaya).
- « Plus de 30 % des médecins auraient déjà été sollicités pour rédiger des certificats de virginité. C’est un chiffre qui peut étonner et qui interpelle. Dans notre pays, où les femmes sont libres de disposer de leur corps et de vivre leur vie, cette pratique n’est pas tolérable. C’est une question de dignité humaine et de respect de l’égalité entre les femmes et les hommes. Rien, je dis bien rien, ne peut justifier qu’on impose aux femmes de prouver leur virginité ! […] Qui peut penser qu’une femme se livrerait à cette pratique en toute liberté, sans contrainte et sans pression ? On peut raisonnablement estimer qu’une femme qui demande un certificat de virginité le fait sous une forme de pression extérieure puisque par définition elle n’a pas à le prouver à elle-même. […]
« Je veux souligner que la disposition n’est pas dirigée contre le corps médical. Au contraire, l’interdiction, pour les médecins, de délivrer des certificats de virginité est une façon de les protéger et de leur éviter des situations où ils pourraient faire l’objet de pressions. » (M. Pierre-Yves Bournazel).
- « Cet article a fait beaucoup de bruit avant même l’examen du projet de loi sans pour autant bénéficier d’une véritable étude d’impact. Nous le regrettons. Le sondage du Quotidien du Médecin qui a été cité est un sondage en ligne qui a été proposé aux médecins sans constitution d’un échantillon représentatif ; 30 % des médecins qui y ont répondu affirmaient avoir rencontré cette demande une fois dans leur carrière. Le planning familial, de son côté, a affirmé en audition que les demandes de ce type étaient très rares.
« Je mentionne tout cela car cette pratique représente, dans le discours, l’un des éléments qui tendraient à montrer l’ampleur du séparatisme islamiste. Il me semble important de le préciser. […]
« La loi devrait obliger le professionnel de santé à informer la personne qui lui demande un certificat de virginité, que je continue à considérer comme une victime, de l’existence d’organismes spécialisés dans la défense des droits des femmes, qu’elle pourrait contacter, et à lui remettre un document expliquant que la loi de la République interdit cette pratique. Ce serait une manière de garantir par la loi l’aspect pédagogique et la prévention qui devraient accompagner cette interdiction. » (M. Eric Coquerel).
- « Les témoignages recueillis en audition montrent que les jeunes filles qui viennent demander un certificat de virginité le font poussées par leur famille ; le leur refuser simplement peut donc être dangereux pour elles. Comment pourraient-elles rentrer dans leur famille sans ce fameux certificat et sans appui ? » (Mme Perrine Goulet).
- « Vous nous dites en substance que la jeune fille qui ne sera plus obligée d’obtenir ce certificat verra sa vie changer. C’est là que vous vous trompez à mon avis. La mesure d’interdiction n’aura aucun effet sur les raisons profondes qui ont conduit sa famille à demander un certificat. […] Ne croyez pas qu’en abrogeant le certificat de virginité vous abrogez le séparatisme. En réalité, vous n’aurez modifié qu’un de ses symptômes. » (M. Julien Aubert).
- « Nous le savons parfaitement car cela vaut pour toutes les pratiques condamnables de ce type. Le viol n’a pas disparu le jour où il a été criminalisé par la loi. Nous posons simplement des bases juridiques mais aussi un interdit. Il y a plusieurs années, la République française a dit non et stop à l’excision en inscrivant, dans son droit, la possibilité d’interdire et de sanctionner les mutilations génitales. C’est exactement ce que nous faisons aujourd’hui avec les certificats de virginité. » (Mme Marlène Schiappa).
- « Pénaliser la délivrance d’un tel certificat me pose un problème dans la mesure où celles et ceux qui acceptent de le faire – plutôt « celles » d’ailleurs, car ce sont généralement des femmes qui ont affaire à cette question du fait qu’elles travaillent dans les plannings familiaux ou dans les maisons des femmes – le font généralement en dernier recours, après avoir tenté de convaincre les femmes qui la leur demandent d’y renoncer. Elles agissent ainsi à l’encontre de leurs propres convictions, en se disant que ce certificat offrira une protection aux femmes qui ont été forcées de le réclamer. […] De leur côté, les hommes, eux, resteront comme aujourd’hui, nullement inquiétés et bien tranquilles. » (Mme Elsa Faucillon).
- « Ma circonscription couvre le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest, et je sais que des familles demandent parfois l’application des pratiques ici dénoncées. Il y a très longtemps, dans les villages berbères dont je suis originaire, on demandait aux mariés de s’accoupler sur un drap blanc, qu’ils devaient ensuite montrer publiquement. Cette tradition n’est pas du tout d’origine religieuse, il n’y a rien dans le Coran ni dans d’autres textes religieux qui prescrit la virginité avant le mariage. […] L’obligation de virginité n’a absolument rien à voir avec le mariage. Elle relève d’une mentalité contre laquelle il faut en effet toutes et tous s’élever. » (M. M’Jid El Guerrab).
- « Je voulais savoir si ces sujets seront intégrés dans les programmes d’éducation sexuelle dès la rentrée prochaine. » (M. Jean-Paul Lecoq).
- « Savez-vous de combien de temps dispose un médecin avec sa patientèle en ce moment ? Combien de temps les soignants peuvent-ils passer avec la jeune fille qui va arriver devant eux ? Nous ne vivons pas dans le même monde, pas dans le même système hospitalier, pas dans les mêmes établissements. Même en libéral, les professionnels n’ont pas tout ce temps que vous leur demandez de prendre. […] Vous allez demander que les professionnels soient sanctionnés. Sachant qu’on souffre d’une pénurie de professionnels, qu’allez-vous faire une fois qu’il n’y en aura plus parce que vous aurez sanctionné tout le monde ? » (Mme Caroline Fiat).
- « On oublie un corps professionnel qu’il faudrait peut-être ajouter : l’Ordre national des sage-femmes. » (M. Jean-François Eliaou).
- « Ces certificats symbolisent à eux-seuls la domination masculine sur le corps des femmes, la sacralisation d’une prétendue pureté à réserver à l’homme promis. Cette injonction faite à certaines jeunes filles est une véritable violence que nous ne pouvons que dénoncer. C’est bien de violence qu’on parle : une violence psychologique, une pression insupportable, qui alimente la peur chez de nombreuses jeunes filles, y compris de représailles.
« Les témoignages de professionnels, dont celui de Gahda Hatem, gynécologue et fondatrice de la Maison des Femmes de Saint-Denis, sont très éclairants. Elle explique très bien que délivrer ces certificats, sans bien évidemment pratiquer de tests, peut sauver la vie de jeunes femmes. Prévoir dans la loi l’interdiction de ces certificats, avec pénalisation des praticiennes et des praticiens, risque d’avoir plusieurs effets pervers. Cela pourra mettre à mal un lien qui se crée entre la jeune fille et le professionnel, permettant d’évoquer d’autres problèmes plus larges : l’intimité, la prévention et la santé sexuelle. Cela reviendra à fermer la porte de ces cabinets et à ouvrir celles d’individus non médecins qui réaliseront ces certificats.
« En effet, ne soyons pas naïfs ! Il y aura des contournements de cette interdiction. […] Je crains le développement de filières clandestines sur lesquelles nous aurons du mal à avoir une visibilité ou une maîtrise. » (Mme Laurence Cohen).
- « Je suis en profond désaccord avec l’argument de Ghada Hatem, que je respecte en tant que personne. Elle nous dit qu’elle veut pouvoir donner des certificats de virginité pour sauver la vie des filles. Quelle inversion des valeurs ! Que se produira-t-il quand la jeune fille rentrera chez elle avec sa petite enveloppe et son petit certificat de virginité à l’intérieur ? Elle épousera une personne qui a choisi, comme acte fondateur du mariage, une institution dans laquelle on est censé s’engager en termes de respect, de secours et d’assistance mutuelle, la vérification de la virginité de la femme dans le cadre d’un examen invasif. Et cette vérification donne lieu à un certificat, comme on le ferait pour un cheval dont on examinerait les dents. Si elle est bien vierge, on daignera l’épouser !
« Je trouve tout cela scandaleux. […] Car on l’envoie épouser une personne qui a exigé un tel certificat. Elle sera donc aux prises avec des pressions terribles. On peut gager que sa dignité de femme ne sera pas particulièrement respectée le reste de sa vie s’il a fallu ce petit papier. » (Mme Marlène Schiappa).
- « Il ne suffira me semble-t-il d’inscrire l’interdiction dans la loi, en se lavant les mains de ce qui peut se passer ensuite. […] Nous ne pouvons donc pas inscrire cette interdiction dans la loi sans nous préoccuper de ce qui passe ensuite. Des mesures d’accompagnement doivent être prévues. » (Mme Céline Brulin).
- « Nous avons commencé à travailler avec différentes organisations, notamment avec la Fédération nationale Gams, qui fédère des associations luttant contre les mutilations sexuelles féminines et les mariages forcés, pour éditer des guides à la destination des élus, pour les aider sur la question des mariages forcés, mais aussi pour les médecins afin que ceux-ci soient mieux outillés en la matière.
« Cela étant dit, nous ne pensons pas qu’il soit nécessaire d’aller autant dans le détail en inscrivant dans la loi l’obligation pour le médecin d’informer la patiente au cours de la consultation. » (Mme Marlène Schiappa).
- « J’ai entendu l’argument selon lequel il faudrait s’appuyer sur le Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof), dont le moins que l’on puisse dire est qu’il ne défend pas toujours des positions progressistes. Les choses sont effectivement plus nuancées. Ce qui m’importe, c’est d’accompagner ces jeunes femmes qui sont en détresse. » (Mme Laurence Cohen).
- « En essayant de réparer un mal, on ne fait que mettre un pansement, alors qu’il faudrait vraiment travailler sur ce mal. Cela signifie qu’il faut donner des moyens à l’école, par exemple pour organiser des cours d’éducation à la sexualité car ces formations ne son pas efficientes dans nos écoles !
« Nous sommes donc d’accord sur le fond, mais ce qu’il faudrait faire avant tout, c’est donner des moyens efficaces pour la prévention et la déconstruction des stéréotypes de genre. » (Mme Marie-Pierre Monier).
- « Ces jeunes femmes peuvent être renvoyées au bled si le mariage est rompu à cause de l’absence de certificat de virginité.
« On ne peut pas demander à l’école de tout faire ! Quand rien ne va, c’est toujours l’école qui doit pallier… Or il faudrait 14 heures d’enseignement sur ces sujets. Il existe d’autres moyens : je considère, pour ma part, que l’on peut afficher un document dans les mairies, organiser des réunions […] » (Mme Esther Benbassa).
- « Ma boussole sur ce dossier c’est le Professeur Israël Nisand. Celui-ci a très clairement expliqué que ces certificats devraient être interdits et que les médecins devaient encourir une sanction en cas de non-respect de cette interdiction, mais aussi expliquer à leurs patientes qu’ils ne pouvaient pas y déroger.
« Par ailleurs, je plaide pour la remise d’un document par le médecin à la patiente. Non, ce n’est pas superfétatoire. […]
« Pour que la jeune fille puisse expliquer à sa famille que le fait de revenir sans ce certificat n’est pas lié à sa mauvaise volonté, elle doit pouvoir disposer d’un document clair. Cela n’empêche pas le dialogue avec le médecin. La remise d’un document ne veut pas dire ʺCirculez, il n’y a rien à voir !ʺ. L’un et l’autre vont de pair. » (Mme Marie-Noëlle Lienemann).
- « Les certificats de virginité ne sont pas pour la plupart délivrés par des professionnels de santé. La réalité de notre pays tiers-mondisé oblige à élargir le dispositif prévu par ce projet de loi. Aujourd’hui, en France, des pseudo-médecins, des usurpateurs de titres officiels ou des référents communautaires, comme des figures cultuelles, sont sollicités pour attester de la virginité d’une personne avec ou contre son gré. On n’entend peu les pseudo-féministes autoproclamées adeptes des combats idéologiques, comme l’écriture inclusive, sur des sujets qui sont une réalité dans notre pays ! La dignité des femmes est pourtant bafouée par l’établissement de tels certificats que l’on n’exige jamais des hommes.
« C’est la culture exogène de l’islamisme importée par l’immigration sur notre sol, contraire à nos modes de vie, qui fait des femmes des suspectes. Il est loin l’amour courtois de notre belle culture française. » (M. Stéphane Ravier).
Ces « tests de l’hymen » et la délivrance de certificats de virginité sont donc aujourd’hui clairement prohibés et sanctionnés pénalement, tant à l’égard des professionnels de santé que de toutes autres personnes les pratiquant. Dans le code pénal, les deux délits sont classés au chapitre V « Des atteintes à la dignité de la personne », après les délits de « traite des êtres humains », « dissimulation forcée du visage » et avant les délits de « proxénétisme et infractions en résultant », « exploitation de la mendicité », « exploitation de la vente à la sauvette », « conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité de la personne », du « travail forcé et de la réduction en servitude », « du bizutage » et enfin des « atteintes au respect dû aux morts ». Nul doute que les parquets s’empresseront de diligenter toutes enquêtes préliminaires dès qu’ils seront saisis de plaintes visant ces délits qui ne sont pas réservés aux professionnels de santé, raison pour laquelle ils n’ont pas été intégrés au code de la santé publique mais dans le code pénal.
On peut néanmoins se demander si la femme dénoncera son père, son frère ou son futur époux lorsqu’on lui demandera qui l’a incitée ou contrainte à demander un certificat de virginité…
La neutralité des personnels médicaux et paramédicaux n’a pas toujours été respectée et des dérives commises par certains soignants ont été dénoncées (cf. mon précédent article sur les « Annuaires de professionnels de santé communautaires », Gyneco Online, octobre 2020, rubrique juridique). La publication sur les réseaux sociaux de listes de professionnels acceptant des pratiques éthiquement injustifiables (excisions sur des petites filles, certificats de virginité, réfections d’hymens notamment) a été fermement condamnée par les institutions ordinales.
Les médecins, sages-femmes et infirmiers, comme tous autres professionnels de santé, s’exposent maintenant plus spécialement au délit de délivrance d’un certificat de virginité, qui peut leur coûter un an de prison et 15 000 € d’amende. Les jugements de condamnation étant automatiquement (mais pas toujours en pratique dans la vraie vie judiciaire) communiqués aux ordres départementaux, les professionnels de santé n’échapperont pas en outre à des condamnations disciplinaires, tant les autorités ordinales réprouvent ces certificats qui ne relèvent pas d’une justification médicale ni de lien avec la santé et violent les articles 16-1 et suivants du code civil sur le respect du corps humain et de son inviolabilité.
Quid néanmoins des certificats demandés non pas en vue d’un mariage, mais d’une annulation de mariage, devant les juridictions civiles ou religieuses, ou pour demander un divorce pour abstinence sexuelle ou encore dans un cadre médico-légal notamment en matière pénale ?
L’article L. 1110-2-1 du CSP interdit l’établissement d’un certificat aux fins d’attester la virginité d’une personne, sans exception. Le délit n’est pas introduit par une phrase telle que « Hors les cas prévus par la loi » qui aurait permis de prévoir des exceptions à la rigueur de l’interdiction permettant à un médecin de procéder dans certaines circonstances à un examen utile à établir ou écarter une affirmation de virginité.
L’article 242 du code civil permet à un époux d’obtenir le divorce pour des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage imputables à son conjoint et rendant intolérable le maintien de la vie commune. Au rang des fautes concernées on pense évidemment à l’adultère, mais l’abstinence sexuelle d’un époux ou le refus de partager le lit conjugal ont également été considérés comme des injures pouvant conduire au divorce ou comme constituant une cause de nullité du mariage. L’évolution du traitement judiciaire du viol entre époux continue à poser des problèmes de preuves. La jurisprudence civile en matière d’affaires matrimoniales révèle de très nombreux jugements et arrêts faisant état de « certificats de virginité » dûment pris en considération par les juges dans la motivation de leurs décisions.
De la même manière, la jurisprudence pénale révèle la prise en considération de rapports d’expertises diligentées pendant l’instruction d’un dossier par des gynécologues établissant ou écartant l’état de virginité d’une prétendue victime d’agression sexuelle et ce bien que la communauté médicale affirme fréquemment que la virginité ne peut être scientifiquement totalement prouvée et que le certificat est rarement totalement fiable.
Avant la loi du 24 août 2021, aucune disposition légale ou réglementaire n’interdisait explicitement à un professionnel d’effectuer un examen pour prouver la virginité d’une femme. Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, le 26 août 2021, il est interdit à tout professionnel de santé d’établir un certificat attestant de la virginité d’une personne, sans exception qui aurait réservé la possibilité de tels certificats dans un cadre médico-légal, comme par exemple celui d’agression sexuelle d’une femme vierge.
Dès lors que toute personne en ayant contraint une autre à se soumettre à un examen visant à attester sa virginité sera punie d’un an de prison et 15 000 € d’amende, 30 000 € si la personne examinée est mineure, il est probable qu’aucun magistrat ni aucun professionnel de santé ne prendra le risque, en l’état de la rédaction susvisée, d’ordonner ou de pratiquer une expertise en matière d’état de virginité. La loi pénale est d’interprétation stricte (article 111-4 du code pénal), l’idée étant de lutter contre l’arbitraire du juge, de lui imposer d’appliquer tout le texte et uniquement le texte, le privant de l’étendre ou de le rétrécir.
En conséquence, depuis l’entrée en vigueur de la loi nouvelle qui interdit strictement les certificats de virginité et l’incitation à la demande d’un certificat de virginité, je déconseille à un professionnel de santé nommé pour expertiser l’état de virginité d’une personne de se livrer à cette mission, tant que le législateur ne l’aura pas autorisé expressément en réformant l’article L. 1110-2-1 du code de la santé publique qui prohibe sans la moindre exception.
En s’employant à lutter contre le séparatisme, les parlementaires n’auraient-ils pas perdu un peu de leur lucidité quant au périmètre et à la portée des interdictions mises en œuvre ?
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