Base de données - clause de dédit

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Faculté discrétionnaire pour le praticien retrayant de se réinstaller ou non à proximité du cabinet : clause de dédit ou clause pénale ?
(Cour d’appel de Douai, 1ère ch. civ., arrêt du 14 juin 2012)
Céline Hullin

Des chirurgiens-dentistes étaient associés aux termes d’un contrat d’association professionnelle définissant les conditions d’exercice en commun et de statuts de société civile de moyens ayant pour objet exclusif de faciliter l’activité professionnelle de ses membres par la mise en commun des moyens utiles à leur profession. La convention d’exercice en commun organisait, notamment, les conséquences financières du retrait d’un associé, selon que celui-ci se réinstallait ou non dans un rayon de dix kilomètres du cabinet.

Un des associés, souhaitant quitter la société, a saisi le Tribunal de grande instance pour que soit constatée la régularité de son retrait en raison de l’opposition des autres praticiens à son départ. Un des associés restants est intervenu volontairement à l’instance pour obtenir le paiement de l’indemnité de rupture par le praticien retrayant, ce dernier s’étant réinstallé dans le périmètre précité. L’associé partant a soutenu que la clause ouvrant droit à une indemnité tendait, en réalité, à sanctionner une réinstallation à proximité sans contrepartie financière et s’analysait donc en une clause pénale attentatoire au principe de la liberté d’installation dont il demandait la nullité.

Le Tribunal de grande instance d’Arras, dans son jugement du 9 mars 2011, a condamné le chirurgien-dentiste retrayant à payer l’indemnité de rupture à l’associé restant jugeant que :

« Ces dispositions sont constitutives d’une clause de dédit, comme prévoyant la possibilité d’une résiliation anticipée d’un contrat, moyennant le paiement d’une indemnité importante, car elle a pour objet, non pas de faire assurer par l’une des parties l’exécution de son obligation, mais au contraire de lui permettre de s’y soustraire. […]. Partant, il y a lieu de considérer que l’indemnité contractuelle de résiliation prévue à cet article 18.2 aménage simplement les conditions de rupture du contrat et ne représente que le prix de la faculté de résiliation unilatérale, en dehors de toute notion d’inexécution, de sorte qu’elle n’a pas le caractère d’une clause pénale. […] »

L’associé partant a interjeté appel de cette décision et rappelé, afin d’obtenir la nullité de la clause de dédit, que la Cour de cassation, dans un arrêt du 1er mars 2011, avait jugé que la clause de non-réinstallation contenue dans le règlement intérieur n’était pas conforme aux objectifs de la société civile de moyens (Cass. com. 1er mars 2011, pourvoi n° 10-13795).

La Cour d’appel de Douai a confirmé la condamnation au versement de l’indemnité de rupture, dans un arrêt du 14 juin 2012, au motif que :

« La convention ne formulait donc pas d’interdiction d’installation à proximité du cabinet dont l’indemnité substantielle prévue viendrait sanctionner le non-respect, mais instaurait, moyennant contrepartie financière, la faculté discrétionnaire, pour tout associé, de quitter une association créée pour une durée indéterminée, de s’implanter à proximité ou non du cabinet dans lequel les trois praticiens exerçaient leur art, de présenter ou non un successeur et, pour les associés restants, d’agréer ou non les successeurs présentés, d’intégrer un nouvel associé ou de rester seuls. Les indemnités forfaitaires prévues, contrepartie de cette liberté "encadrée" des associés, avaient à l’évidence pour but de protéger les intérêts légitimes en présence : - ceux des associés restés dans la SCM […] confrontés au déséquilibre créé par le départ d’un associé […] et exposés à une installation dont la proximité était susceptible d’avoir un impact sur leur propre patientèle, - ceux du retrayant, qu’un éloignement géographique conséquent exposait de même à un risque de patientèle […]. »

La disposition d’un contrat d’association instaurant une « liberté encadrée » des associés d’une SCM en ce qu’ils disposent de la possibilité de se réinstaller ou de ne pas le faire, dans un périmètre défini, moyennant une contrepartie financière, s’analyse donc en une clause de dédit qui diffère de la clause pénale visant à compenser la perte subie par le créancier « de l’inexécution de l’obligation principale » et dont le montant peut être modéré par le juge lorsque celui-ci lui paraît excessif.

La lettre du Cabinet - Septembre 2012


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