Ces premiers mois de 2024 ont été féconds en actualité jurisprudentielle française sur la GPA, d’une part, ont vu s’afficher, d’autre part, les partisans d’une gestation pour le compte d’autrui encadrée et ceux qui s’y opposent fermement, avec une abondante occupation des médias et des réseaux sociaux suite à la résolution du Parlement européen du 23 avril 2024 modifiant la directive européenne sur la prévention de la traite des êtres humains.
- Parmi plusieurs arrêts rendus récemment à l’occasion des effets en France de naissances d’enfants à l’issue de conventions de gestation pour autrui dans des pays où elles sont autorisées, l’arrêt n° 23/03902 du 20 février 2024 de la Cour d’appel de Versailles est intéressant en ce qu’il plante d’une manière assez pédagogique le décor dans lequel s’inscrivent dans notre pays tant l’interdiction absolue d’avoir recours à une GPA que la possibilité pour ses protagonistes d’obtenir l’inscription sur les registres d’état civil français des effets d’une GPA diligentée à l’étranger au regard de la filiation de l’enfant et des droits de parentalité :
Les faits : MM. [B] et [I] se sont mariés en France en 2019. En 2022 nait une petite fille [E] en Ontario (Canada) dans le cadre d’une convention de gestation pour le compte d’autrui conclue avec Mme [G] [qu’on peut dénommée gestatrice ou mère porteuse] et son mari M. [M].
Par décision du 9 mai 2022, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a jugé en résumé que :
- MM. [B] et [I] sont les parents de l’enfant ;
- qu’il est de l’intérêt de [E] qu’elle puisse porter le nom de ses deux pères ;
- que ceux-ci partageront les droits et devoirs parentaux à son égard ;
- que ni Mme [G] ni son époux M. [M] ne sont les parents de [E].
MM. [B] et [I] saisissent le tribunal judiciaire de Nanterre (Hauts de Seine) afin de voir déclarer exécutoire en France la décision de la Cour de l’Ontario consacrant leur lien avec l’enfant [E]. Par un jugement du 28 mars 2023, le tribunal de Nanterre a :
- déclaré exécutoire sur le territoire français le jugement de la Cour de l’Ontario ayant dit que MM. [B] et [I] sont les parents de l’enfant [E],
- dit que la décision produira en France les effets d’une adoption plénière par M. [I] de l’enfant de son conjoint M. [B] ([B] : père biologique, [I] père dit d’ « intention »),
- dit que l’enfant [E] prendra le nom de [B] (1ère partie) et [I] (2ème partie) conformément à la déclaration de choix de nom,
- ordonné la transcription de la décision dans les registres du Service central de l’état civil.
Le procureur de la République a interjeté appel de ce jugement et demande à la Cour de Versailles d’infirmer la décision du tribunal de Nanterre ayant fait droit à la demande d’exequatur de la décision prononcée en Ontario, de ne prononcer l’exequatur partielle de la décision qu’en ce qu’elle établit la filiation entre l’enfant [E] et son père biologique M. [B]. Le procureur estime que M. [I] doit recourir à une procédure d’adoption, seule autorisée en France pour établir un lien de filiation à l’égard du parent d’intention, M. [I].
A l’appui de sa demande, le procureur rappelle les dispositions d’ordre public de l’article 16-7 du code civil : « Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle. » et l’article 47 du même code qui autorise la transcription des actes d’état civil étrangers en France sauf si « l’acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité », celle-ci devant être appréciée au regard de la loi française.
La Cour de Versailles statue ainsi qu’il suit dans son arrêt du 20 février 2024 :
« L’objet de l’action en exequatur n’est pas de rejuger l’affaire au fond conformément au principe de l’interdiction de la révision au fond des jugements étrangers (par exemple : 1ère Civ., 22 juin 2016, n°15-18.742). Il s’agit uniquement de vérifier la régularité internationale d’un jugement étranger.
« En l’espèce, la compétence de la cour supérieure de justice de l’Ontario ayant rendu la décision dont l’exequatur est demandé n’est pas contestée, pas plus que la conformité de cette décision à l’ordre public international français de procédure.
« S’agissant de la conformité à l’ordre public international français de fond, il sera rappelé, ainsi que l’a fait le tribunal judiciaire de Nanterre, qu’en dépit de la nullité d’ordre public instaurée par l’article 16-7 du code civil (selon lequel « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle »), en matière de transcription d’acte d’état civil étranger, l’existence d’un contrat de GPA, dans un Etat dans lequel ce mode de conception est légal, n’est plus considérée comme une fraude (au sens de l’article 47 du code civil) (Ass. Pl. 3 juillet 2015) ou comme de nature à entraîner une non-conformité à l’ordre public international français (Ass. Pl., 4 octobre 2019, n° 10-19.053 publié).
« En l’espèce, la décision de la cour supérieure de justice de l’Ontario, légalisée et accompagnée d’un affidavit, constate qu’un contrat de GPA a été conclu entre les appelants d’une part, et Mme [G] et M. [M] d’autre part ; que ces derniers ont renoncé à tous droits parentaux sur l’enfant et ont consenti à ce que les appelants soient les pères de l’enfant et disposent de l’intégralité des droits parentaux le concernant ; que M. [B], père biologique, a consenti à ce que ses droits parentaux soient également partagés avec M. [I], qui y a également consenti.
« Il s’ensuit que la décision de la cour supérieure de justice de l’Ontario ne présente pas de non-conformité avec l’ordre public international français de fond.
« Il découle de l’interdiction faite au juge de l’exequatur de réviser la décision étrangère qu’il n’est pas possible d’accorder l’exequatur partielle d’un jugement, seuls étant possibles la reconnaissance de la force exécutoire sur le sol français de la décision étrangère dans son entier, ou le refus de l’exequatur.
« Il résulte de ces éléments que c’est à bon droit que le tribunal a fait droit à la demande d’exequatur de la décision de la cour de justice de l’Ontario, laquelle aura, par voie de conséquence, force exécutoire en France. Il sera donc confirmé sur ce point.
« Les intimés demandent, par ailleurs, à la cour de dire que cette décision aura en France les effets d’une adoption plénière.
« En l’espèce, force est de constater que M. [B] et M. [I] ne justifient aucunement leur demande tendant à faire dire à la cour que la décision canadienne aura en France les effets d’une adoption plénière. Ils ne développent aucun moyen de fait ni de droit au soutien de leur demande, et se bornent à énoncer que « cette filiation pourrait équivaloir, dans son résultat, à une adoption plénière de l’enfant du conjoint que permet l’article 345-1 du code civil, en ce que les conditions légales sont réunies » (p.3 des conclusions, souligné par cette cour). Se faisant, ils n’énoncent ni ne justifient les raisons ni les moyens à l’appui de leur demande. L’usage du conditionnel accentue en outre le peu de conviction, d’assurance portée par les demandeurs à cette prétention.
« L’adoption plénière en France a pour effet d’établir un lien de filiation selon une démarche particulière, encadrée juridiquement, notamment par les articles 348-3 et 370-3 du code civil, qui nécessite que soient remplies un certain nombre de conditions.
« Dire que le jugement canadien qui établit deux liens de filiation paternelle, à l’égard du père biologique et du père d’intention, a les effets d’un jugement d’adoption plénière équivaudrait à ajouter au jugement canadien – qui ne dit pas que M. [I] est le père adoptif de [E]. Cette demande tendant à dire que le jugement canadien revêtu de l’exequatur aurait en France les effets d’une adoption plénière n’est ni une conséquence ni l’accessoire de celui-ci. L’accessoire de cette décision, revêtue de l’exequatur, est la loi française, laquelle ne prévoit, pour l’établissement d’une filiation à l’égard du père d’intention, que la procédure d’adoption.
« Par ailleurs, dire que le jugement canadien aurait en France les effets d’une adoption plénière reviendrait à contourner les règles de l’adoption, seules admises en France pour établir un lien de filiation paternelle à l’égard du père d’intention et, plus largement, un double lien de filiation paternelle.
« Cette approche ne heurte pas l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentale (droit au respect de la vie privée et familiale) puisque conformément à l’interprétation donnée par la cour européenne des droits de l’homme dans son avis consultatif du 10 avril 2019, il existe en droit interne une procédure permettant au père qui n’a aucun lien génétique avec l’enfant d’établir un lien de filiation avec ce dernier.
« En effet, selon la Cour européenne des droits de l’homme, l’impossibilité générale et absolue d’obtenir la reconnaissance du lien entre un enfant né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger et le parent d’intention n’est pas conciliable avec l’intérêt supérieur de l’enfant, qui exige pour le moins un examen de chaque situation au regard des circonstances particulières qui la caractérise, ces conditions devant inclure une appréciation in concreto par le juge de l’intérêt supérieur de l’enfant. La cour ajoute que « selon les circonstances de chaque cause, d’autres modalités peuvent également servir convenablement cet intérêt supérieur, dont l’adoption, qui, s’agissant de la reconnaissance de ce lien, produit des effets de même nature que la transcription de l’acte de naissance étranger » (avis consultatif Cour européenne des droits de l’homme du 10 avril 2019, §52 et 54).
« La reconnaissance du lien de filiation à l’égard du parent d’intention mentionné dans l’acte étranger doit intervenir au plus tard lorsque ce lien entre l’enfant et la mère d’intention s’est concrétisé (Ass. plén., 4 octobre 2019, pourvoi n° 10-19.053, publié, paragraphe 6). En droit français, la filiation est légalement établie par l’effet de la loi, par la reconnaissance volontaire, ou par la possession d’état constatée par un acte de notoriété, par un jugement ou par l’adoption, qu’elle soit plénière ou simple. L’adoption permet, si les conditions légales en sont réunies et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant, de créer un lien de filiation entre l’enfant et le parent d’intention, conjoint du père biologique (1ère Civ., 5 juillet 2017, pourvois n° 15-28.597, Bull. 2017, I, n° 163, n° 16-16.901 et n° 16-50.025, Bull. 2017, I, n° 164, n° 16-16.455, Bull. 2017, I, n° 165).
« De plus, l’adoption plénière à l’égard de deux hommes, mariés ou non, est désormais possible depuis la loi n°2022-219 du 21 février 2022.
« Ainsi, le jugement dont l’exequatur a été accordé – donc qui acquiert force exécutoire en France – établit deux liens de filiation entre l’enfant [E], âgée de 21 mois, et son père biologique M. [B], d’une part, et son père d’intention, M. [I], d’autre part. Ces derniers n’expliquent ni ne justifient leur demande tendant à faire dire que cette décision aurait en France les effets de l’adoption plénière. Surabondamment, faire droit à leur demande reviendrait, d’une part, à ajouter au jugement canadien et, d’autre part, à contourner les règles de l’adoption, laquelle est en tout état de cause ouverte à M. [I] dans l’hypothèse – en l’espèce non justifiée – où il souhaiterait qu’une juridiction française établisse son lien de filiation en France.
« Il s’ensuit qu’il ne sera pas fait droit à la demande des appelants tendant à dire que l’exequatur portera les effets de l’adoption plénière de l’enfant du conjoint à l’égard de [I]. Le jugement sera infirmé sur ce point.
« Par voie de conséquence, il sera infirmé en ce qu’il a dit que l’enfant [E] prendra le nom de [B] (1ère partie) [I] (2ème partie) conformément à la déclaration de choix de nom en date du 24 mai 2022, et en ce qu’il a ordonné la transcription de la décision dans les registres du Service Central de l’Etat civil à [Localité 9]. Ces demandes, consécutives au prononcé d’une adoption plénière, seront rejetées.
[…]
« PAR CES MOTIFS
« La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
« CONFIRME le jugement en ce qu’il a :
« Déclaré exécutoire sur le territoire français le jugement rendu le 9 mai 2022 par la cour supérieure de justice d’Ontario (Canada) ayant dit que M. [B] et M. [I] sont les parents de l’enfant [E] née le [Date naissance 2] 2022 à [Localité 7] (Ontario, Canada),
« Laissé les dépens à la charge des demandeurs ;
« L’INFIRME pour le surplus ;
« Statuant à nouveau et y ajoutant,
« REJETTE la demande de M. [B] et de M. [I] tendant à dire que l’exequatur portera les effets de l’adoption plénière de l’enfant du conjoint à l’égard de M. [I] ;
« LAISSE les dépens d’appel à la charge de M. [B] et M. [I] ;
« REJETTE toutes autres demandes. »
On peut retenir sur le sujet que :
- La GPA est totalement interdite en France, depuis la loi 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain, qui a créé l’article 16-7 du code civil : « Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle. » (ce qui était déjà la position de la Cour de cassation, cf. arrêt ch. civ. du 13 décembre 1989, n° 88-15.655, jugeant que ces conventions contreviennent au principe d’ordre public de l’indisponibilité de l’état des personnes prévu à l’article 1128 du code civil).
- Par plusieurs arrêts la Cour de cassation s’est d’abord opposée à la transcription sur les registres de l’état civil français d’actes de naissance établis à l’étranger pour des enfants issus d’une gestation pour autrui, la convention étant nulle selon la conception française de l’ordre public international (cf. Cass. 1ère civ., 6 avril 2011, n° 10-19.053).
- Par deux arrêts (n° 65192.11 et 65941/11) du 26 juin 2014, la Cour européenne des droits de l’homme condamne la France à régulariser l’état civil de tous les enfants nés à l’étranger par GPA en considérant qu’interdire totalement l’établissement du lien de filiation entre un père et ses enfants biologiques nés d’une gestation pour autrui à l’étranger est contraire à la convention européenne des droits de l’homme. La France empêchait les enfants de faire reconnaître leur lien de filiation avec leur père biologique.
- Par un arrêt du 29 novembre 2017 (n° 16-16.455), faisant suite à deux autres rendus le 5 juillet de la même année (n° 15-28.597 et 16.16.901), la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a admis que le recours à la gestation pour autrui à l’étranger ne fait pas obstacle, en lui-même, au prononcé de l’adoption, par l’époux du père, de l’enfant né de cette procréation, si les conditions légales de l’adoption sont réunies et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant. L’époux ou l’épouse du père peut donc demander l’adoption de l’enfant de son conjoint.
- En Assemblée plénière, par arrêt du 5 octobre 2018, la Cour de cassation saisit la Cour Européenne des Droits de l’Homme d’une demande d’avis consultatif au regard du périmètre de la marge d’appréciation dont dispose un Etat-partie au regard de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. L’avis de la CEDH est rendu le 10 avril 2019 (voir supra citation d’extraits dans l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles).
Par arrêts de l’assemblée plénière du 4 octobre 2019 (n° 10-19.053) puis du 18 novembre 2020, la Cour de cassation fait évoluer sa jurisprudence et permet la transcription de l’acte de naissance sur les registres français (arrêt 1ère ch. civ. n° 19-50 043).
La transcription totale devient le principe dès lors que l’acte est régulier au regard des règles juridiques du pays dans lequel la GPA a eu lieu.
- La CEDH, le 7 avril 2022 (arrêt 13344/20), prononce un arrêt validant la position adoptée par la Cour d’appel de Rouen confirmée par la Cour de cassation par arrêt du 12 septembre 2019 et juge que le refus des juridictions internes d’établir juridiquement la paternité d’un requérant à l’égard de son fils biologique, né d’une GPA en France, après que l’enfant a été confié par la mère porteuse à un couple tiers, était compatible avec le droit au respect de sa vie privée et respecte l’intérêt supérieur de l’enfant.
- L’article 7 de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique a complété l’article 47 du code civil désormais ainsi rédigé :
« Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. »
- La réalité de la filiation déclarée dans l’acte doit donc être appréciée au regard de la loi française, laquelle interdit les conventions de gestation pour le compte d’autrui (article 16-7 du code civil sus-rappelé).
- Par arrêt du 23 janvier 2024, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (n° 21/02708) a jugé qu’ « il y a lieu d’observer que les nouvelles dispositions de l’article 47 du code civil issues de la loi n° 2021-1017 du 2 aout 2021 selon lesquelles leur conformité à la réalité doit être appréciée au regard de la loi française concerne la force probante des actes d’état civil étrangers et non la transcription sur les registres d’état civil français d’une décision judiciaire » et a décidé que « Le refus d’exequatur de la décision canadienne établissant la double filiation de l’enfant serait contraire aux principes définis par l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui dans l’intérêt supérieur de l’enfant protègent son droit au respect de sa vie privée, lequel implique de pouvoir établir la substance de son identité et notamment sa filiation à l’égard de ses parents, y compris dans les suites d’une convention de gestation pour autrui. Il convient, en conséquence, de la déclarer exécutoire sur le territoire français. Il en résulte qu’elle peut être transcrite à la diligence des parties sur les registres français de l’état civil permettant ainsi la reconnaissance de cette filiation au regard du droit français.»
- A l’aune de l’évolution du périmètre des droits et obligations relatifs à la GPA, qui demeure radicalement prohibée en droit français lequel rend néanmoins exécutoires (sous les réserves sus-rappelées) les décisions rendues à l’étranger en faveur de la filiation des enfants issus de conventions de GPA réalisées à l’étranger, quelle est la portée de la résolution du Parlement européen du 23 avril dernier modifiant la directive sur la prévention de la traite des êtres humains ?
Le texte exact est le suivant :
Le Parlement expose d’abord sa position par 39 « considérants » dont deux seulement, numéros (5) et (6) concernent la gestation pour le compte d’autrui :
« (5) Dans sa communication du 14 avril 2021 relative à la stratégie de l'UE visant à lutter contre la traite des êtres humains 2021-2025, la Commission énonce des mesures qui reposent sur une approche pluridisciplinaire et globale; allant de la prévention de la traite à la protection des victimes, en passant par la poursuite et la condamnation des trafiquants d'êtres humains. Ladite communication comprend une série d'actions à mettre en œuvre avec une forte participation des organisations de la société civile. Afin de tenir compte de l'évolution des tendances dans le domaine de la traite des êtres humains, de remédier aux lacunes recensées par la Commission et d'intensifier encore la lutte contre cette forme de criminalité, il est nécessaire de modifier la directive 2011/36/UE. Les lacunes recensées dans la réponse de droit pénal qui exigent une adaptation du cadre juridique concernent les infractions liées à la traite des êtres humains qui sont commises dans l'intérêt de personnes morales, le système de collecte de données, la coopération et la coordination au niveau de l'Union et au niveau national, ainsi que les systèmes nationaux destinés à la détection et à l'identification précoces des victimes de la traite des êtres humains, ainsi qu'à leur apporter une assistance spécialisée et une aide.
(6) L'exploitation de la gestation pour autrui, du mariage forcé ou de l'adoption illégale peut déjà relever du champ d'application des infractions relatives à la traite des êtres humains définies dans la directive 2011/36/UE, dans la mesure où tous les critères constitutifs de ces infractions sont remplis. Toutefois, compte tenu de la gravité de ces pratiques et afin de lutter contre l'augmentation constante du nombre et de l'importance des infractions liées à la traite des êtres humains commises à des fins autres que l'exploitation sexuelle ou l'exploitation de main d'œuvre, il convient d'inclure l'exploitation de la gestation pour autrui, du mariage forcé ou de l'adoption illégale dans les formes d'exploitation visées dans ladite directive, dans la mesure où les éléments constitutifs de la traite des êtres humains sont réunis, y compris le critère des moyens. Plus particulièrement, en ce qui concerne la traite aux fins de l'exploitation de la gestation pour autrui, la présente directive cible les personnes qui forcent les femmes à être mères porteuses ou qui les amènent à agir ainsi par la ruse. Les modifications apportées à la directive 2011/36/UE par la présente directive sont sans préjudice des définitions du mariage, de l'adoption, du mariage forcé et de l'adoption illégale, ou des infractions y afférentes autres que la traite, lorsque le droit national ou international le prévoit. Ces règles sont également sans préjudice des règles nationales en matière de gestation pour autrui, y compris du droit pénal ou du droit de la famille. »
puis modifie ainsi qu’il suit la directive 2011/36/UE concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes :
Modification des paragraphes 3 et 5 de l’article 2 (en couleur) :
Article 2 - Infractions liées à la traite des êtres humains
1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que soient punissables les actes intentionnels suivants :
Le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, y compris l’échange ou le transfert du contrôle exercé sur ces personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre, à des fins d’exploitation.
2. Une situation de vulnérabilité signifie que la personne concernée n’a pas d’autre choix véritable ou acceptable que de se soumettre à cet abus.
3. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, y compris la mendicité, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude, ou l’exploitation d’activités criminelles, ou le prélèvement d’organes, ou l’exploitation de la gestation pour autrui, du mariage forcé ou de l’adoption illégale.
4. Le consentement d’une victime de la traite des êtres humains à l’exploitation, envisagée ou effective, est indifférent lorsque l’un des moyens visés au paragraphe 1 a été utilisé.
5. Lorsque les actes visés au paragraphe 1 concernent un enfant, ils relèvent de la traite des êtres humains et, à ce titre, sont punissables, même si aucun des moyens visés au paragraphe 1 n’a été utilisé. Le présent paragraphe ne s’applique pas à l’exploitation de la gestation pour autrui visée au paragraphe 3, à moins que la mère porteuse ne soit un enfant.
6. Aux fins de la présente directive, on entend par «enfant», toute personne âgée de moins de 18 ans.
Sans entrer dans les motivations éthiques, religieuses, politiques voire électorales qui animent les uns et les autres au regard de l’autorisation ou de l’interdiction de la GPA, dont le présent commentaire n’est pas l’objet, on peut souligner que, contrairement à ce qui a été affirmé publiquement, la gestation pour le compte d’autrui n’est pas en tant que telle « criminalisée » ou encore « synonyme de traite des êtres humains ». En revanche, « l’exploitation » intentionnelle de la GPA, notamment eu égard à la définition du 1. de l’article 2 de la directive la 2011/36/UE, est punissable.
Les modalités de la gestation pour le compte d’autrui peuvent caractériser le meilleur et le pire, si bien qu’il est particulièrement compliqué en l’absence de consensus entre les Etats d’établir un droit national et international répondant à l’ensemble des préoccupations légitimes pour assurer le respect des libertés fondamentales mais aussi de la primauté qui doit être conférée à l’intérêt de l’enfant.
Gynéco-online - mai 2024