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Agénésie non diagnostiquée : indemnité aux parents
Isabelle Lucas-Baloup


Deux radiologues procédant aux échographies de dépistage prénatal mentionnent, dans leurs comptes rendus, le premier que « l’enfant avait deux mains », le second « qu’il avait des membres visibles avec leurs extrémités ». Le bébé présente à la naissance un handicap consistant en une agénésie.
Les parents reçoivent une indemnité de 15 000 € chacun en réparation du préjudice subi par la privation de « pouvoir se préparer psychologiquement en faisant appel au besoin à un psychologue ou à un psychothérapeute en évitant alors la situation de détresse et de souffrance qu’ils ont connue suite au choc de la révélation du handicap au moment de la naissance. »


Arrêt du 15 décembre 2011, Cour d’appel de Versailles :

« SUR CE,

Attendu que Monsieur Patrick L. et Madame Isabelle L. née D. ne critiquent pas les dispositions du jugement entrepris relatives au rejet de leurs demandes concernant le préjudice personnel de leur fille, Tiffany L. ;

Attendu que l'application des dispositions de la loi du 4 mars et de l'article L 114-1 du code de l'action sociale et des familles en la présente instance concernant des faits survenus courant 2004 et 2005 est désormais admise par l'ensemble des parties ;

- Sur les demandes des époux L.

Attendu qu'il résulte des comptes rendus des échographies versés aux débats :

- que le Docteur Jean-Michel C. a mentionné concernant celle du 16 novembre 2004 : 'Le cerveau est présent ainsi que les deux mains et les deux pieds',

- que le Docteur Daniel B. a indiqué concernant celle du 26 janvier 2005 : 'les membres sont visibles avec leurs extrémités' ;

Attendu que le compte-rendu de l'échographie pratiquée le 30 mars 2005 ne comporte aucun élément relatif aux mains voire aux membres ;

Attendu que l'expert judiciaire, le Professeur Yves V., relate dans son rapport :

- en page 2 que le Docteur Jean-Michel C. lui a déclaré : 'J'ai vu 2 segments ressemblant à des mains à 13 sa. Je me suis trompé' ;

Attendu que pour sa part, le Docteur Daniel B. a fait à l'expert une réponse pour le moins sibylline : 'j'ai réalisé un examen complet' ;

Attendu que l'expert judiciaire mentionne que :

- le Docteur Jean-Michel C. est médecin radiologue et que sa formation a débuté il y a 30 ans et qu'il est membre du réseau d'échographie obstétricale Echo-78 et de son programme de FMC,
- le Docteur Daniel B. est également médecin radiologue, avec une formation commencée il y a 30 ans et qu'il réalise environ 1 000 échographies obstétricales par an dont 800 examens morphologiques et lui a fourni des attestations de FMC en échographie prénatale ;

Attendu que le Docteur Daniel B. verse aux débats de nombreuses attestations de présence à des séminaires, journées de formation durant les années 200 à 2005 et des cours d'échographie en avril 1979 ;

Attendu que l'expert judiciaire dans son rapport estime que ces deux praticiens pouvaient être considérés eu égard à leur âge et leurs cursus comme fondés à réaliser des échographies de dépistage prénatal au moment des faits et que pour les mêmes raisons ils pouvaient attester d'une formation médicale continue et que les machines utilisées pouvaient être considérées comme adaptées ;

Attendu que les éléments du dossier et les déclarations recueillies par l'expert judiciaire et les constatations qu'il a pu faire, établissent que le Docteur Jean-Michel C., qui l'a reconnu, et le Docteur Daniel B. ont commis des erreurs, en mentionnant dans leur propre compte-rendu d'échographie que l'enfant que portait Madame Isabelle L. née D. :

- pour le Docteur Jean-Michel C. : avait deux mains,
- pour le Docteur Daniel B. : avait des membres visibles avec leurs extrémités alors qu'elle était atteinte d'une agénésie ;

Attendu qu'ainsi le défaut de diagnostic tant du Docteur Jean-Michel C. que du Docteur Daniel B. lors de leurs premières échographies apparaît caractérisé et constitue au sens des dispositions de l'article 1147 du code civil aux termes desquelles il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant pour le praticien notamment de lui donner des soins consciencieux et attentifs conformes aux données avérées de la science ;

Qu'il importe peu que les recommandations récentes mentionnées par l'expert judiciaire pour le dépistage prénatal concernant l'amputation d'au moins un segment de membre ne s'appliquaient pas à l'époque des faits, puisqu'en l'espèce le Docteur Jean-Michel C. et le Docteur Daniel B. avaient par écrit mentionné l'existence des deux mains et que la situation aurait été toute autre s'il n'avait porté aucune indication sur ces membres ;

Attendu que les observations de l'expert judiciaire sur les conséquences de ce qu'il qualifie 'de défaut de diagnostic' ne présentent désormais plus d'intérêt pour le handicap subi par l'enfant lui-même, les demandes présentées de ce chef n'étant pas maintenues par ses parents, eu égard aux dispositions de la loi du 4 mars 2002 ;

Que le Professeur Yves V. indique que les conséquences de cette absence de diagnostic ont été l'impossibilité pour le couple de réfléchir à la prise en charge post-natale de Tiffany et précise en outre qu'en ce qui concerne le choc de cette nouvelle à la naissance, il est impossible de dire si ce choc eut été moindre si l'annonce avait été faite avant la naissance ;

Qu'il fait valoir en ce qui concerne une éventuelle demande d'interruption de grossesse pour raison médicale, celle-ci aurait été vraisemblablement refusée par les Centres Pluridisciplinaires de Diagnostic Prénatal Français et que le recours à un Centre d'interruption étranger aurait été possible essentiellement pendant moins de 10 jours après la date de l'examen échographique, le terme limite étant de 26 semaines au Royaume Uni ; qu'il ajoute qu'il est peu vraisemblable qu'une décision de cette gravité eut pu être prise dans ce contexte et dans un laps de temps aussi court ;

Attendu que la décision du 6 février 2007 de l'Ordre des Médecins, conseil régional d'Ile de France, en rejetant la plainte déposée par les parents de Tiffany, précise qu'elle ne se prononce que sur des griefs de nature déontologique et non sur des griefs de nature technique dont l'appréciation ne peut être réalisée qu'au terme d'une expertise contradictoire et qu'il appartient aux juridictions de droit commun de diligenter, les critiques de Monsieur Patrick L. et de Madame Isabelle L. née D. apparaissant exclusivement de nature technique ;

Attendu que les études, produites aux débats, pour intéressantes qu'elles soient, ne présentent aucune valeur probante en la présente instance ;

Attendu qu'il convient d'examiner la demande dont est désormais saisie la Cour d'Appel de Versailles par Monsieur Patrick L. et Madame Isabelle L. née D. au regard des dispositions de l'article L 114-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi libellé :

'Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis à vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice' ;

Attendu que tant le Docteur Jean-Michel C. que le Docteur Daniel B., professionnels particulièrement confirmés au vu des pièces produites et des indications fournies par l'expert judiciaire pour procéder à des échographies prénatales, se sont montrés négligents et trop hâtifs dans leurs examens et l'affirmation de ce que l'enfant avait bien ses membres supérieurs alors qu'il n'en était rien constitue une faute, caractérisée au regard de l'article L 114-1 du code de l'action sociale et des familles, qui engagent leur responsabilité ;

Attendu qu'il ne peut être préjugé de l'avis des médecins qui auraient eu à se prononcer sur une éventuelle interruption thérapeutique de grossesse au regard de l'agénésie affectant un avant-bras de l'enfant ni sur la décision des parents dans de brefs délais pour une IVG à l'étranger où elle demeurait encore envisageable ;

Mais attendu que si l'accouchement est pour une mère un événement heureux puisqu'il permet la venue au monde de son enfant, il est également un moment de fatigue physique et psychologique qui vient aggraver la révélation du handicap de l'enfant à ce moment-là ;

Attendu que si les parents avaient connu par les examens échographiques le handicap de leur enfant avant la naissance de celle-ci, ils auraient pu se préparer psychologiquement à la venue de cet enfant en faisant appel au besoin à un psychologue ou à un psychothérapeute et n'auraient pas vécu la situation de détresse et de souffrance qu'ils ont connue suite au choc de la révélation du handicap au moment de la naissance ;

Attendu que les fautes caractérisées commises par le Docteur Jean-Michel C. et le Docteur Daniel B. ont entraîné pour Monsieur Patrick L. et Madame Isabelle L. née D. un préjudice moral pour n'avoir pu se préparer au handicap de leur enfant, consistant en une agénésie, qu'il convient de réparer ;

Que le préjudice moral ainsi causé aux parents doit être indemnisé par l'allocation à chacun d'eux d'une somme de 15.000 euros, soit 30.000 euros au total, et ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Attendu que la demande de préjudice matériel, consistant en une modification de leur condition de vie du fait du handicap de leur enfant, chiffré à la somme de 75.000 euros pour chacun des parents n'apparaît pas justifiée en l'espèce, aucune pièce n'étant versée aux débats pour des frais qui seraient ou resteraient à charge depuis la naissance alors que l'enfant est âgée désormais de 6 ans et demi et constitue en pratique une indemnisation du préjudice lié au handicap de l'enfant non indemnisable dans le cadre de la loi du 4 mars 2002 ;

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

Attendu qu'au regard des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il apparaît équitable :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le Docteur Jean-Michel C. de sa réclamation de ce chef en première instance,

- de condamner le Docteur Jean-Michel C. et le Docteur Daniel B. in solidum à verser à Madame Isabelle L. née D. et à Monsieur Patrick L. une somme de 3.000 euro pour les frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel,

- de débouter le Docteur Jean-Michel C. de sa réclamation de ce chef en cause d'appel ;

- Sur les dépens

Attendu que le Docteur Jean-Michel C. et le Docteur Daniel B. supporteront les entiers dépens de première instance, les frais d'expertise judiciaire et les dépens d'appel avec faculté de recouvrement direct au profit de la SCP Mélina P., avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt doit être déclaré commun à la CPAM des Yvelines ;


PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Confirme le jugement du 20 mai 2010 rendu par le Tribunal de Grande Instance de Versailles en ses seules dispositions relatives au rejet des demandes d'indemnisation du préjudice de Tiffany L. et aux frais irrépétibles de première instance concernant le Docteur Jean-Michel C. et les époux L.,

Réformant le jugement entrepris pour le surplus et statuant à nouveau,
Dit et juge que le Docteur Jean-Michel C. et le Docteur Daniel B. ont, au regard des dispositions des articles 1147 du code civil et article L 114-1 du code de l'action sociale et des familles, commis des fautes caractérisées à l'égard de leur patiente, Madame Isabelle L. née D., lors des échographies qu'ils ont pratiquées et doivent en conséquence être tenus à en réparer les conséquences subies tant par cette dernière que par Monsieur Patrick L., père de l'enfant,

Condamne in solidum le Docteur Jean-Michel C. et le Docteur Daniel B. à payer à Monsieur Patrick L. et à Madame Isabelle L. née D., à chacun d'eux, une somme de 15.000 euro en réparation de leur préjudice moral soit pour les deux un total de 30.000 euro, la dite somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Déboute Monsieur Patrick L. et Madame Isabelle L. née D. de leur demande de préjudice matériel,

Condamne in solidum le Docteur Jean-Michel C. et le Docteur Daniel B. à verser à Madame Isabelle L. née D. et à Monsieur Patrick L. une somme de 3.000 euros pour les frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel,

Déboute le Docteur Jean-Michel C. de sa réclamation au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Déclare l'arrêt commun à la CPAM des Yvelines. »

Gyneco Online - Janvier 2012
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Contrôle de la facturation des échographies (grossesse/stérilet)
(Cour d’appel de Rouen, ch. sociale, 1er juin 2022)
Isabelle Lucas-Baloup

Les caisses d’assurance maladie contrôlent la facturation des actes réalisés par les médecins, toutes spécialités confondues selon deux types de procédures régies par des règles distinctes :

 

 

 

Le médecin contrôlé doit être averti du contrôle, informé de son droit à être assisté d’un conseil et invité à présenter ses observations :

 

  • pour les contrôles administratifs :

 

  • le I de l’article R. 243-59 du CSS prévoit que, sauf en matière de travail dissimulé, « tout contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 est précédé, au moins quinze jours avant la date de la première visite de l'agent chargé du contrôle, de l'envoi par l'organisme effectuant le contrôle des cotisations et contributions de sécurité sociale d'un avis de contrôle » ;

 

  • le II de l’article R. 243-59 ajoute que « la personne contrôlée a le droit pendant le contrôle de se faire assister du conseil de son choix », sachant qu’il doit en être « fait mention » sur l’avis de contrôle ;

 

  • l’article L. 243-7-1 A dispose que « à l'issue d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7, l'agent chargé du contrôle adresse à la personne contrôlée une lettre mentionnant, s'il y a lieu, les observations constatées au cours du contrôle et engageant la période contradictoire », sachant que, durant celle-ci, le médecin contrôlé peut présenter ses observations (cf. notamment au 6ème alinéa du III de l’article R. 243-59 du CSS) ; 

 

  • pour les contrôles médicaux :

 

  • l’article R. 315-1-1 du CSS impose au « service du contrôle médical [qui] procède à l'analyse de l'activité d'un professionnel de santé » de l’informer « au préalable » (sauf pour trois exceptions évoquées ci-après au § 6.c) ;

 

  • les articles R. 315-2 et D. 315-1 autorisent également le praticien mis en cause à se faire assister par le conseil de son choix ;

 

  • l’article R. 315-1-2 indique :

« A l'issue de cette analyse, le service du contrôle médical informe le professionnel concerné de ses conclusions. Lorsque le service du contrôle médical constate le non-respect de règles législatives, réglementaires ou conventionnelles régissant la couverture des prestations à la charge des organismes de sécurité sociale, il en avise la caisse. La caisse notifie au professionnel les griefs retenus à son encontre, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Dans le délai d'un mois qui suit la notification des griefs, l'intéressé peut demander à être entendu par le service du contrôle médical. »

 

Un principe gouverne le tout : les agents administratifs ne sont pas compétents pour porter des appréciations d’ordre médical ; ils ne peuvent pas avoir accès aux dossiers médicaux, par nature couverts par le secret médical, tel que cela est précisément rappelé au IV de l’article R. 114-18 du CSS :

 

« IV.- Les agents chargés du contrôle peuvent, dans le cadre des investigations […], réclamer à la personne […] contrôlée la communication de tout document, ou copie de document, nécessaire à l'exercice du contrôle dès lors qu'il n'est pas porté atteinte au respect du secret médical. Dans ce dernier cas, les documents sont adressés ou remis au praticien-conseil. »

 

Enfin, en vertu de l’article L. 243-13, le contrôle administratif ne peut, en principe, « s’étendre sur une période supérieure à trois mois, compris entre le début effectif du contrôle et la lettre d’observations », sachant que « cette période peut être prorogée une fois » seulement.

 

Eu égard aux enjeux de ces contrôles, la méconnaissance des règles procédurales définies par le code de la sécurité sociale est sévèrement sanctionnée par la Cour de cassation. Aux termes d’un arrêt du 19 septembre 2019 (Cass. 2ème Civ., 19.09.2019, n° 18-16.331), la Cour de cassation a posé le principe selon lequel :

« La caisse, liée par les constatations faites par le service du contrôle médical à l’occasion de l’analyse de l’activité du professionnel de santé, doit, quelle que soit la nature de la procédure qu’elle met en œuvre à l’issue de ce contrôle, avoir préalablement notifié au professionnel concerné, dans les formes et délais impartis, les griefs retenus à son encontre par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et l’avoir informé des suites qu’elle envisage de donner aux griefs initialement notifiés ; »

 

et juge que la violation de ces règles procédurales entache de nullité le contrôle mis en œuvre :

« Il résulte de la combinaison de ces textes que la caisse, liée par les constatations faites par le service du contrôle médical à l'occasion de l'analyse de l'activité du professionnel de santé, doit, quelle que soit la nature de la procédure qu'elle met en œuvre à l'issue de ce contrôle, avoir préalablement notifié au professionnel concerné, dans les formes et délais impartis, les griefs retenus à son encontre par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et l'avoir informé des suites qu'elle envisage de donner aux griefs initialement notifiés.[…] alors qu'il ressortait de ses constatations qu'après la notification des griefs, la caisse avait directement engagé la procédure de recouvrement de l'indu sans avoir informé au préalable le praticien des suites qu'elle envisageait de mettre en œuvre, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

« Portée et conséquence de la cassation : Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. La procédure suivie par la caisse étant entachée de nullité, il y a lieu d'annuler l'indu litigieux. »

(Cass. 2ème civ., 28.01.2021, n° 20-10.438)

 

Après avoir fait respecter ses droits à une procédure contradictoire, le médecin doit être en mesure de justifier les actes réalisés. C’est alors une question de preuve. Pour illustration cet arrêt récemment publié, rendu le 1er juin 2022 par la Cour d’appel de Rouen (n° 19/01840) qui met en évidence les effets de malheureuses carences de preuve des affirmations du gynécologue contrôlé :

 

« Le service du contrôle médical de la caisse primaire d’assurance maladie de […] (la caisse) a procédé à l’analyse de l’activité du docteur A, chirurgien gynécologue-obstétricien, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013.

 

Par courrier du 24 septembre 2015, elle l’a informé d’irrégularités de facturation constatées puis, le 16 décembre 2015, lui a notifié un indu de … euros en raison du non-respect de dispositions législatives et réglementaires.

 

Par jugement du 12 mars 2019, le tribunal de xx, saisi d’un recours par M. [A], a :

 

  • validé partiellement l’indu susvisé,
  • annulé partiellement celui-ci ²s’agissant des neuf actes prétendument facturés mais non réalisés pour lesquels la caisse ne versait aucun élément²,
  • condamné M. A aux entiers dépens,
  • rejeté les autres demandes.

 

M. [A] a relevé appel de ce jugement le 30 avril 2019 et, par conclusions remises le 4 janvier 2022, reprises oralement à l’audience, demande à la cour de le réformer, d’annuler la décision de notification d’indu prise à son encontre le 16 décembre 2015 et confirmée par la commission de recours amiable du 29 septembre 2016 et de condamner la caisse à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

 

Par conclusions remises le 8 octobre 2021 et soutenues oralement lors de l’audience, la caisse demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner le docteur [A] à s’acquitter de la somme de xx euros en répétition d’indu.

 

Il est renvoyé aux écritures des parties pour le détail de leur argumentation.

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

 

L’article L 162-2-1 du code de la sécurité sociale dispose que les médecins sont tenus, dans tous leurs actes et prescriptions, d’observer, dans le cadre de la législation et de la réglementation en vigueur, la plus stricte économie compatible avec la qualité, la sécurité et l’efficacité des soins.

 

Les anomalies relevées par la caisse et fondant l’indu allégué, contestées par M. [A], sont :

  • des actes facturés non médicalement justifiés,
  • des actes facturés non réalisés,
  • le non respect de la Classification commune des actes médicaux (CCAM) et de la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP).

 

I. Les actes facturés non médicalement justifiés

 

La caisse, pour considérer comme injustifiés certains actes, se réfère à un certain nombre de publications scientifiques qu’elle énumère, dont certaines émanant de la Haute Autorité de Santé, relatives aux circonstances et conditions dans lesquelles doivent être pratiqués divers actes relevant de la spécialité de M. [A], et étaye également sa position par la comparaison de la pratique de ce dernier avec les moyennes locales et/ou nationales.

 

Sur les échographies non justifiées de suivi de grossesse (164 cas) :

 

La caisse rappelle, sans être contredite :

  • que les recommandations du Comité National Technique d’Échographie de Dépistage Prénatal de la HAS, reconnues et validées par toute la profession, préconisent, pour un suivi de grossesse à bas risque, 7 à 8 consultations associées à 3 échographies de dépistage auxquelles peuvent s’ajouter une échographie de diagnostic ou une échographie focalisée en cas de suspicion de pathologie ou de risque particulier identifié,
  • que ledit comité, l’Académie de médecine et l’AFSSAPS recommandent de ne faire d’échographie que pour des raisons médicales en limitant la fréquence et la durée des examens à ce qui est nécessaire au diagnostic et à la surveillance, en considérant que, si les examens échographiques pratiqués à titre médical au cours de la grossesse n’ont entraîné à ce jour aucune complication décelable, il persiste néanmoins un risque potentiel lié aux effets thermiques et mécaniques des ondes acoustiques ultrasonores.

 

Elle expose, en ce qui concerne M. [P], que pour un échantillon de 32 patientes dont le dossier a été contrôlé en établissement, 406 échographies ont été facturées, soit une moyenne de plus de 12 échographies par patiente ; que sur ces 406 échographies, l’analyse à la fois des comptes rendus échographiques et des dossiers de suivi des patientes concernées a montré que 164 n’étaient justifiées ni par un terrain à risque, ni par un risque particulier identifié, ni par une suspicion de pathologie materno-fœtale.

 

L’appelant fait valoir que les références citées par la caisse ne font état d’aucune interdiction concernant la réalisation d’échographies complémentaires, que de telles échographies ont vocation à être utilisées quand la patiente présente un terrain à risque, que la surveillance de la grossesse par un contrôle échographique permet de contrôler la croissance de l’enfant, le bien-être fœtal et la position du placenta chez les patientes obèses, qu’il préfère en outre l’utilisation de l’échographie à d’autres démarches plus intrusives et présentant davantage de risques telles que le toucher vaginal, que la caisse s’en tient à une analyse purement mathématique et comptable des dossiers sans justifier des analyses des dossiers dont elle se prévaut et sans prise en compte des spécificités thérapeutiques de chaque patiente comme des explications qu’il a fournies.

 

Toutefois, M. [A] ne peut sérieusement contester la réalité d’une analyse des dossiers opérée par la caisse alors qu’elle a retenu 164 échographies non justifiées sur 406 pratiquées. Si les textes invoqués par la caisse ne font pas état d’interdictions des échographies complémentaires, l’absence d’interdiction de pratiquer certains actes ne vaut pas autorisation de les multiplier, au mépris de l’obligation faite aux praticiens et rappelée supra de limiter actes et prescriptions au strict nécessaire. L’appelant admet que « de telles échographies ont vocation à être utilisées quand la patiente présente un terrain à risque » sans justifier pour autant, ne serait-ce que par la production ²anonymisée² de documents qu’il aurait communiqués à la caisse pour contester sa position, de ce que certaines des échographies litigieuses étaient en réalité justifiées par des risques particuliers. De surcroît, un nombre moyen de 12,68 échographies par grossesse, soit quatre fois supérieur au maximum recommandé par diverses autorités en la matière, dont la Haute Autorité de Santé, et fondé sur ce qui est habituellement nécessaire, et, selon la caisse non contredite, six fois plus élevé que la moyenne, ne peut s’expliquer que par un recours abusif à cette technique. La position de la caisse, au demeurant, n’apparaît pas excessivement sévère puisque, si l’on exclut les 164 échographies jugées injustifiées, ce sont encore 242 échographies que la caisse ne discute pas, soit une moyenne de 7,56 par grossesse, largement supérieure au référentiel précité.

 

L’intimé ne combat donc pas utilement les conclusions de la caisse et ce chef d’indu a été admis à juste titre par le tribunal.

 

Sur les échographies non justifiées encadrant la pose d’un stérilet :

 

La caisse expose que l’analyse de 45 séquences de soins comportant la pose d’un stérilet, pour lesquelles le service médical a eu à sa disposition l’ensemble des comptes rendus d’examen, a permis de vérifier que sur 130 échographies facturées (soit 2,88 échographies en moyenne par pose de stérilet), 75 n’étaient pas médicalement justifiées, pratique occasionnant un surcoût pour l’Assurance Maladie de 90 euros par séquence de soins ; que la lecture de ces 75 comptes rendus n’a permis de retrouver aucun signe fonctionnel ni clinique, aucune difficulté technique qui aurait pu justifier la réalisation d’une échographie de contrôle le jour de la pose du DIU (dispositif intra-utérin) ou lors de son contrôle à 2 mois ; que les recommandations de bonne pratique en matière de pose et de suivi d’un stérilet vont toutes dans le même sens, c’est-à-dire qu’en pratique courante, l’échographie pelvienne n’est indiquée ni avant, ni pendant, ni après la pose d’un DIU ; que si l’encadrement de la ose d’un stérilet par des échographies était la norme, aucun médecin généraliste, médecin de PMI ou gynécologue médical ne continuerait à pratiquer cet acte quotidien au risque de mettre la patiente en danger.

 

M. [A], qui fait valoir que le référentiel de la caisse ne prévoit aucune interdiction de la réalisation d’examens échographiques dans le cadre de la pose d’un stérilet et soutient qu’une échographie est nécessaire avant la pose pour évaluer la forme, la taille et l’absence d’infection de l’utérus, puis après la pose et lors de la visite de contrôle pour s’assurer de la bonne position de l’objet, admet donc la pratique systématique de ces trois examens. Or, indépendamment de ce que l’absence d’interdiction de pratiquer certains actes ne vaut pas autorisation de les multiplier, ainsi que cela a été rappelé ci-dessus, les pièces qu’il vise à ce titre dans ses conclusions (n° 18, 19 et 20) n’ont rien à voir avec le sujet, sa pièce n° 21, qui est un texte visiblement copié sur internet, fait état de la seule pratique de son auteur, non identifié, laquelle ne mentionne au demeurant qu’une échographie endovaginale avant la pose pour vérifier l’état de la cavité utérine, et aucune autre pièce ne vient confirmer le caractère habituel et légitime de sa pratique ni combattre les affirmations précitées de la caisse.

 

Ce chef d’indu n’est donc pas davantage utilement contesté.

 

 

 

Les échographies pelviennes associées à une consultation ou à un frottis :

 

La caisse expose :

  • qu’en matière de consultation de gynécologie, on peut distinguer 2 grands types de recours aux soins : soit il s’agit d’un suivi ²de routine², soit il s’agit d’une consultation motivée par l’apparition d’un symptôme (douleur, méno ou métrorragies, leucorrhée,…),
  • que si le motif de la consultation est un suivi « de routine » et que la patiente ne présente pas d’antécédent particulier, il n’y a alors pas d’indication à la réalisation d’une échographie (doppler) pelvienne et que la consultation se résume à un interrogatoire, un examen clinique et éventuellement un frottis cervico-vaginal,
  • que si le motif de la consultation est lié à l’apparition d’un signe fonctionnel ou un autre signe d’appel (résultats biologiques anormaux,…), l’échographie (doppler) pelvienne peut se justifier,
  • que l’analyse de 158 séquences de soins facturées à l’Assurance Maladie, associée à la lecture des comptes rendus d’examen, a permis de constater que le docteur [A], dans le cadre de consultations de gynécologie ²de routine² réalisait et facturait des échographies, voire des échographies (doppler) du pelvis, dépourvues d’indication médicale,
  • que le tarif d’une consultation est de 26 euros alors que celui d’une échographie pelvienne par voie vaginale est de 55 euros et celui d’une échographie doppler, 73 euros,
  • que pour 91 des 158 séquences de soins étudiées, les échographies (doppler) facturées n’étaient pas toutes justifiées : que sur 122 échographies facturées, 75 n’étaient pas médicalement justifiées, soit 61,5 %.

 

Ici encore, M. [A] se prévaut de l’absence d’une quelconque interdiction de la pratique contestée, argument dont il a été dit qu’il était dépourvu de pertinence. S’il expose que l’échographie pelvienne permet une étude plus complète de différents organes que l’examen clinique, qu’elle est de surcroît plus adaptée que celui-ci dans une relation entre un gynécologue homme et certaines patientes, notamment des jeunes femmes, et qu’elle permet de diagnostiquer plus sûrement des pathologies telles que l’endométriose qui fait l’objet actuellement d’une campagne de sensibilisation, il n’apporte pas au débat d’éléments, issus notamment de la littérature médicale, confirmant que cet examen serait désormais répandu voire préconisé dans les conditions et avec la fréquence de sa pratique et l’affirmation du caractère précurseur de celle-ci ne saurait, dans ces conditions, suffire à la faire admettre.

 

Enfin, s’il ajoute que l’absence de mention, dans ses comptes rendus échographiques, de la justification du recours à l’examen en question n’implique pas l’inexistence de cette justification, il lui appartient, toujours au regard de l’article L 162-2-1 du code de la sécurité sociale précité, de démontrer la nécessité d’une pratique coûteuse qui s’avère singulière par rapport à ce que la caisse constate dans son ressort et même au niveau national, constat qu’il ne réfute pas, alors qu’on ne voit pas pourquoi sa patientèle comprendrait davantage que celle de ses confrères de personnes pour lesquelles le double examen litigieux serait indiqué. La preuve du mal fondé du grief formulé par la caisse n’est donc pas établie.

 

II. […]

 

III. Le non respect de la CCAM et de la NGAP

 

L’appelant, en réponse aux différentes anomalies relevées par la caisse à ce titre, notamment la facturation non autorisée d’une consultation et d’un acte déterminé ou de deux actes déterminés, des cotations erronées et des surfacturations, excipe essentiellement du caractère rural de sa patientèle et de ²l’intérêt supérieur² de ses patientes qui l’a amené à réaliser plusieurs actes le même jour pour limiter les déplacements de celles-ci, de son ²profil particulier², d’interprétations incertaines et de sa méconnaissance de certaines cotations compte tenu de la complexité de la nomenclature et de l’extrême variété de ses activités, et en toute hypothèse de sa bonne foi, sans démontrer une quelconque erreur d’appréciation de la caisse.

 

Or, la notion de bonne foi est étrangère au principe de la récupération de ce qui a été indûment versé posé par le code civil et la bonne foi alléguée par M. [A] ne saurait conduire à l’annulation de l’indu.

 

Il y a donc lieu de confirmer le jugement et d’y ajouter la condamnation du docteur [A] à régler à la caisse intimée la somme de xx euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2015, date de la notification de l’indu valant mise en demeure de le régler.

 

PAR CES MOTIFS

 

LA COUR

confirme le jugement entrepris,

y ajoutant, condamne M. [A] à payer à la caisse primaire d’assurance maladie de xx la somme de xx euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2015,

déboute M. [A] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

le condamne aux dépens. »

 

Comme souvent rappelé dans cette rubrique, il ne suffit pas d’être aujourd’hui un « bon médecin », il convient d’en apporter la preuve, par des inscriptions pertinentes dans les dossiers, notamment relatives à la justification des actes réalisés et facturés.

Gyneco-online - novembre 2022


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Echographie foetale : actualité juridique
Isabelle Lucas-Baloup

Dans le cadre de ce numéro spécial sur l’échographie, cette rubrique est consacrée à quelques notes juridiques d’actualité sur l’échographie fœtale :

Définition légale et réglementaire :

Les articles L. 2131-1 et suivants du code de la santé publique, modifiés par la loi n° 2016-87 du 2 février 2016, définissent les diagnostics anténataux. Voir notamment : article L. 2131-1 :

"I.- Le diagnostic prénatal s’entend des pratiques médicales, y compris l’échographie obstétricale et fœtale, ayant pour but de détecter in utero chez l’embryon ou le fœtus une affection d’une particulière gravité.

II. - Toute femme enceinte reçoit, lors d'une consultation médicale, une information loyale, claire et adaptée à sa situation sur la possibilité de recourir, à sa demande, à des examens de biologie médicale et d'imagerie permettant d'évaluer le risque que l'embryon ou le fœtus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de sa grossesse.

III. - Le prescripteur, médecin ou sage-femme, communique les résultats de ces examens à la femme enceinte et lui donne toute l'information nécessaire à leur compréhension.

En cas de risque avéré, la femme enceinte et, si elle le souhaite, l'autre membre du couple sont pris en charge par un médecin et, le cas échéant ou à sa demande, orientés vers un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal. Ils reçoivent, sauf opposition de leur part, des informations sur les caractéristiques de l'affection suspectée, les moyens de la détecter et les possibilités de prévention, de soin ou de prise en charge adaptée du fœtus ou de l'enfant né. Une liste des associations spécialisées et agréées dans l'accompagnement des patients atteints de l'affection suspectée et de leur famille leur est proposée.

IV. - En cas de risque avéré, de nouveaux examens de biologie médicale et d'imagerie à visée diagnostique peuvent être proposés par un médecin, le cas échéant membre d'un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, au cours d'une consultation adaptée à l'affection recherchée.

V. - Préalablement à certains examens mentionnés au II et aux examens mentionnés au IV du présent article, le consentement prévu au quatrième alinéa de l'article L. 1111-4 est recueilli par écrit auprès de la femme enceinte par le médecin ou la sage-femme qui prescrit ou, le cas échéant, qui effectue les examens. La liste de ces examens est déterminée par arrêté du ministre chargé de la santé au regard notamment de leurs risques pour la femme enceinte, l'embryon ou le fœtus et de la possibilité de détecter une affection d'une particulière gravité chez l'embryon ou le fœtus.

VI. - Préalablement au recueil du consentement mentionné au V et à la réalisation des examens mentionnés aux II et IV, la femme enceinte reçoit, sauf opposition de sa part dûment mentionnée par le médecin ou la sage-femme dans le dossier médical, une information portant notamment sur les objectifs, les modalités, les risques, les limites et le caractère non obligatoire de ces examens.

En cas d'échographie obstétricale et fœtale, il lui est précisé en particulier que l'absence d'anomalie détectée ne permet pas d'affirmer que le fœtus soit indemne de toute affection et qu'une suspicion d'anomalie peut ne pas être confirmée ultérieurement.

VII. - Les examens de biologie médicale destinés à établir un diagnostic prénatal sont pratiqués dans des laboratoires de biologie médicale faisant appel à des praticiens en mesure de prouver leur compétence, autorisés selon les modalités prévues au titre II du livre Ier de la sixième partie et accrédités selon les modalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre II de la même partie. Lorsque le laboratoire dépend d'un établissement de santé, l'autorisation est délivrée à cet établissement.

VIII. - La création de centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal, mentionnés au III, dans des organismes et établissements de santé publics et privés d'intérêt collectif est autorisée par l'Agence de la biomédecine. »

Echographie fœtale et responsabilité disciplinaire des médecins :

Plusieurs décisions récentes de la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, saisie par les patients le plus souvent sur le fondement de la contestation d’une absence de diagnostic de malformation du fœtus, ont été rendues en 2016. En voici un résumé :

Décision de rejet de plainte du 16 septembre 2016 :

Les parents reprochent à un radiologue, le Dr Jean-Louis P. de ne pas avoir diagnostiqué, lors des échographies de suivi de grossesse, une grave malformation faciale de l’enfant « visible ou, au moins, soupçonnable » d’après eux, « ce qui aurait dû conduire à des investigations complémentaires ou à faire appel à un spécialiste plus expérimenté ».

L’expert nommé, chef de l’unité de médecine fœtale et d’échographie de l’hôpital pédiatrique Armand Trousseau (AP-HP) assisté en qualité de sapiteur par un chirurgien maxillo-facial de l’hôpital pédiatrique Robert Debré (AP-HP), conclut dans son rapport en particulier que « les clichés réalisés par le Dr P. au cours du suivi échographique de Mme ne permettaient pas de suspecter la malformation faciale présentée par l’enfant Téo » et ce, alors même que ces clichés « ont été réalisés conformément aux règles de l’art et recommandations de bonnes pratiques », que « dès lors qu’aucun élément dans le cadre du dépistage n’était anormal » il n’y avait lieu ni d’entreprendre des examens complémentaires, ni de faire appel à un tiers, en vue d’une expertise complémentaire.

La Chambre disciplinaire confirme le rejet de la plainte des parents, en jugeant que :

« même si, comme le souligne l’expert, il existe clairement un paradoxe entre la sévérité des anomalies qui affectent le jeune Téo et les limites diagnostiques des techniques d’imagerie prénatale, aussi spécialisées soient-elles, et la situation en résultant est source de souffrance et place la famille en cause devant de grandes difficultés, aucune faute déontologique ne peut être retenue à l’encontre du Dr P à la lumière des dispositions des articles R. 4127-32 et -33 du code de la santé publique ».

Décision du 15 septembre 2016, 6 mois d’interdiction d’exercer contre un gynécologue-obstétricien :

Une première échographie indique une grossesse gémellaire bi-choriale bi-amniotique et que l’un des deux fœtus est décédé. La mère consulte ensuite gynécologue-obstétricien qui « confirme le décès de l’un des jumeaux et précise que le cœur de l’autre est bien perçu ». Au cours des consultations ultérieures, ce gynécologue n’évoque plus le fœtus prétendu mort. Puis se dit gêné pour mesurer le niveau crânien. A sept mois, la femme se présente à la clinique pour violentes contractions et donne naissance à Raphaël, 1,530 kg ; présentant une détresse respiratoire dans un contexte de prématurité, est intubé, ventilé et transféré au service de réanimation néonatale du CH de Calais. Il décède 3 jours plus tard. En l’absence de décollement placentaire, l’obstétricien décide de pratiquer une délivrance artificielle et d’extraire le second jumeau. Celui-ci, né sous AG, pèse 1,410 kg et présente de multiples malformations justifiant une autopsie. L’examen anatomo-pathologique du placenta met en évidence un caractère monochorial monoamniotique immature. La parturiente présentait en conséquence une grossesse monochoriale monoamniotique avec syndrome des jumeaux acardiaques, lequel se caractérise notamment par la présence de connections vasculaires entre les jumeaux et requiert une surveillance particulière.

La décision de la Chambre disciplinaire retient que :

« si le diagnostic d’une grossesse monochoriale monoamniotique avec syndrome des jumeaux acardiaques n’a été posé qu’a posteriori, il résulte des pièces du dossier que le gynécologue-obstétricien aurait dû s’apercevoir entre son premier contrôle échographique (13 mai 2011) et la date de l’échographie du 2ème trimestre (13 juillet 2011), alors même que la patiente se plaignait de plusieurs troubles, que le fœtus prétendu mort avait en réalité continué de se développer ; cet élément, combiné avec les résultats des examens réalisés pour évaluer le risque de trisomie 21, lesquels ont révélé un taux d’alpha-fœtoprotéine élevé, témoin d’une malformation possible du fœtus, ainsi au surplus qu’avec les signes physiques atypiques présentés par la femme, aurait dû conduire le médecin à s’entourer au plus vite des concours appropriés à la situation, en recourant par exemple à une nouvelle échographie ou en adressant la patiente à un centre spécialisé, concours qui auraient pu permettre de revenir sur le diagnostic initialement posé et de mettre en place une prise en charge spécialisée ; en s’abstenant de solliciter ces concours, le Dr N. qui ne peut utilement invoquer la circonstance qu’il pratique régulièrement de nombreux accouchements sans avoir jusqu’à présent connu aucun antécédent disciplinaire, ni opposer le caractère exceptionnel du type de grossesse présenté par Mme S., le tableau clinique atypique présenté rendant au contraire plus impérieuse encore la recherche de concours appropriés, a gravement méconnu les obligations déontologiques découlant du code de la santé publique. »

Confirmation de la sanction d’interdiction d’exercer la médecine durant six mois du 1er janvier au 30 juin 2017.

Responsabilité civile du gynécologue :

La Cour d’appel de Paris, par un arrêt du 8 juillet 2016, a débouté les parents de leur action judiciaire contre une gynécologue, après la naissance d’un enfant présentant rapidement une détresse respiratoire avec cyanose entraînant son transfert à l’hôpital Necker, où une trisomie 21 est diagnostiquée ainsi qu’une malformation cardiaque (CAV), non diagnostiquée pendant la grossesse (taux d’incapacité permanente à plus de 80%).

L’arrêt confirme le jugement du tribunal de grande instance de Bobigny dans les termes ci-après :

« C’est par une exacte appréciation des faits que les premiers juges relèvent que les négligences commises par le Docteur G. et pointées par les experts judiciaires (à l’exception de l’échographie du 23 mars 2006 ; aucun compte-rendu des 6 autres examens d’échographie réalisés par l’obstétricienne ; absence de photographie de la vessie le 5 octobre 2006 alors que les clichés effectués les 31 août et 14 septembre 2006 montraient un volume potentiellement anormal de la vessie ; absence d’échographie sur les reins, le rachis, la face et le cœur et absence de mesure du périmètre céphalique et du périmètre abdominal lors de l’examen du 1er juin 2006 lequel, au surplus, était trop précoce pour constituer l’examen morphologique recommandé par le comité national technique d’échographie) ne sont pas à l’origine du dommage dénoncé par les époux L. puisque seule la réalisation d’un caryotype fœtal (amniocentèse) aurait permis de diagnostiquer avec certitude la trisomie 21.

« S’agissant de l’absence de mesure de la clarté nucale, les éléments produits aux débats ne permettent pas de dire avec certitude si elle est due à une négligence du Docteur G. ou si elle résulte des circonstances de fait, le Docteur G. affirmant sans l’établir qu’une consultation était prévue avant la 12ème SA, soit à une date à laquelle la mesure était encore efficace pour détecter une anomalie, mais que Mme L. ne s’y est pas présentée.

« Puis la Cour fait le constat que les premiers juges ont analysé avec pertinence les éléments qui leur étaient soumis, dont le rapport d’expertise établi à la demande de la CRCI dans lequel les médecins experts ont analysé le dossier médical de Mme L. tenu par le Docteur G., pour en conclure qu’après le dosage des marqueurs sériques qui plaçait Mme L. dans un groupe à risque accru de trisomie 21, le Docteur G. lui a proposé à plusieurs reprises (les 2 mai, 1er juin, 5 juillet) de faire pratiquer une amniocentèse, que la patiente n’a pas souhaité se soumettre à cet examen, qu’au vu d’une mesure inquiétante de la vessie, le Docteur G. a demandé à sa patiente de consulter un échographiste « référent », c’est-à-dire spécialisé dans les échographies fœtales, ce qu’elle n’a pas fait alors que selon l’expert judiciaire, la moitié des CAV dépistés le sont au 3ème trimestre et que la découverte d’une CAV aurait conduit à s’interroger sur le caryotype puisque dans deux cas sur trois, cette malformation cardiaque est associée à une trisomie 21.

« Il résulte de ces éléments que Mme L., qui reconnaît avoir eu connaissance du dosage des marqueurs sériques et avoir bien lu, sur le document donnant le résultat, qu’elle se situait dans un groupe à risque de trisomie 21 n’a pas, en toute connaissance de cause, souhaité poursuivre de nouvelles investigations sur l’état de santé du fœtus malgré les nombreuses sollicitations du médecin à qui elle avait confié le suivi de sa grossesse.

« Dans ces conditions, aucune faute n’ayant entrainé une absence de dépistage de la trisomie 21 chez l’enfant à naître et pour Mme L. et son époux l’impossibilité de décider une interruption médicale de grossesse ne peut être reprochée au Docteur G.

« Par ailleurs, les époux L. font valoir que le Docteur G. a manqué à son obligation d’information tel qu’il est défini aux articles L. 1111-2 et R. 4127-35 du code de la santé publique.

« En effet, tout praticien est tenu tant en vertu du contrat qui le lie à son patient qu’en application de cet article L. 1111-2 du code de la santé publique d’un devoir de conseil et d’information ; l’information du patient porte, de manière claire, loyale et adaptée, sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus, le texte prévoyant qu’en cas de litige c’est au professionnel d’apporter, par tous moyens, la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressée.

« Cependant, en l’espèce, il est constant que le Docteur G. a suivi Mme L. pour ses 4 précédentes grossesses, que dans le cadre de la grossesse dont s’agit, elle l’a reçue en consultation une fois par mois, qu’elle a remis à Mme L. les résultats du dosage des marqueurs sériques ce que Mme L. reconnaît en indiquant qu’elle avait bien compris la signification de ce dosage, qu’inquiète de ces résultats, la gynécologue lui a demandé à plusieurs reprises de faire pratiquer une amniocentèse et aussi de consulter un échographiste spécialisé. Par ailleurs, il doit être noté que Mme L. faisait entièrement confiance à son médecin à telle enseigne qu’elle lui a demandé de la suivre pour sa 6ème grossesse.

« Il ne fait donc aucun doute que Mme L. a reçu de la part du médecin une information complète et adaptée sur les risques de trisomie 21, sur les moyens permettant de poser un diagnostic certain et sur les conséquences de ses refus de faire pratiquer ces mesures d’investigations.

« Dès lors, aucune faute dans l’information due par le médecin à sa patiente ne peut être retenue à l’encontre du Docteur G.

« Dans ces conditions, les époux L. doivent être déboutés de leurs demandes et le jugement déféré confirmé en toutes ses dispositions. »

Responsabilité de l’hôpital public :

L’AP-HP a été condamnée, par un arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles, rendu le 5 juillet 2016, dans les conditions ci-après :

« 1. Considérant que Mme A., dont les échographies prénatales ont été réalisées à l’hôpital Antoine Béclère à Clamart, a donné naissance le 27 décembre 2007 à un garçon prénommé Tony, présentant une agénésie à partir des métacarpes de la main droite ; que ses parents, estimant qu’une erreur de diagnostic avait été commise et qu’ils n’avaient pas été informés des limites des examens pratiqués, ont recherché la responsabilité de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ; qu’ils relèvent appel du jugement du 17 mars 2015 par lequel le Tribunal a rejeté leur demande ;

« Sur la responsabilité :

« 2. Considérant qu’aux termes du troisième alinéa de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles : « Lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale.

« 3. Considérant qu’il résulte de l’instruction que les comptes rendus des échographies du deuxième et du troisième trimestre de la grossesse de Mme A. mentionnent que les différents segments de membres du fœtus étaient en position normale et que le squelette a été visualisé sans anomalie décelable ; que si l’expert commis par le Tribunal administratif de Cergy Pontoise a relevé, dans son rapport du 26 juin 2013, que les anomalies fines affectant l’extrémité des membres d’un fœtus, telles que l’absence d’un doigt, peuvent être difficiles à détecter, il a indiqué que le défaut de diagnostic de l’absence de la main droite de Tony à l’occasion de l’échographie morphologique résultait soit d’une erreur d’inattention, soit d’une réalisation inadaptée de l’examen, une analyse systématique des quatre membres devant conduire, à tout le moins, à suspecter l’anomalie en cause ; que les comptes rendus d’échographie, qui indiquent que les examens se sont déroulés dans de bonnes conditions, ne font état d’aucune difficulté à réaliser le contrôle visuel de l’ensemble des membres du fœtus ; que, dès lors, dans les circonstances de l’espèce, le défaut de vérification adaptée de la conformité des quatre membres du fœtus constitue une faute qui, par son intensité et sa gravité, est caractérisée au sens du troisième alinéa de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles ;

« Sur le préjudice :

« 4. Considérant que Mme A. et M. C. font valoir que, du fait de l’absence de diagnostic prénatal de l’agénésie dont souffre leur fils, ils ont été privés de la possibilité de se préparer à la naissance d’un enfant souffrant d’un handicap ; que le préjudice moral invoqué est la conséquence directe de la faute caractérisée commise dans la réalisation de l’échographie ; qu’il convient d’accorder à chacun des parents une indemnité de 2 000 € en réparation de ce préjudice ;

« Sur les intérêts :

« 5. Considérant que Mme A. et M. C. ont droit aux intérêts sur les sommes qui leur sont dues à compter du 5 janvier 2010, date de réception de leur première demande indemnitaire présentée à l’hôpital Antoine Béclère ;

« Sur les frais d’expertise :

« 6. Considérant que les frais de l’expertise ordonnée par le jugement avant dire droit du Tribunal administratif de Cergy Pontoise du 12 juin 2012 ont été chiffrés à la somme de 1 500 € et mis à la charge de Mme A. et M. C. par une ordonnance du Président de ce Tribunal du 16 mars 2015 ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de faire supporter par l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris la charge définitive de ces frais ;

« Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

« 7. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris une somme globale de 1 500 € au titre des frais exposés par Mme A. et M. C. et non compris dans les dépens.

Décide

Article 1er : le jugement n° 1105544 du 17 mars 2015 du Tribunal administratif de Cergy Pontoise est annulé.

Article 2 : l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris est condamnée à verser à Mme A. et M. C. une somme de 2 000 € chacun en réparation de leur préjudice moral. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2010.

Article 3 : les frais d’expertise, d’un montant de 1 500 €, sont mis à la charge de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris.

Article 4 : l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris versera à Mme A. et M. C. une somme globale de 1 500 € au titre de l’article L 761-1 du code de la justice administrative. »

Autre condamnation, par un arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy, rendu le 7 avril 2016, dont les alinéas utiles sont reproduits ci-après :

« 1. Considérant que Mme E. a donné naissance au centre hospitalier de Mulhouse, le 21 février 2007, à son second enfant, C., atteint du syndrome de Silver Russel ; que Mme E., tout en continuant à être suivie par son médecin gynécologue libéral, a été prise en charge, à partir du cinquième mois de sa grossesse, par le centre hospitalier de Mulhouse où les investigations conduites à partir de novembre 2006 ont mis en évidence un retard de croissance du fœtus ; que M. et Mme E., estimant avoir été insuffisamment informés des risques liés à ce retard de croissance fœtale et avoir été privés de la possibilité de recourir à une interruption volontaire de grossesse pour motif médical, ont sollicité la désignation d’un expert auprès du Tribunal administratif de Strasbourg ; qu’après le dépôt du rapport de l’expert commis par celui-ci, M. et Mme E. ont recherché la responsabilité, d’une part, du médecin gynécologue libéral et, d’autre part, du centre hospitalier de Mulhouse, sur le fondement de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles à raison de l’existence d’une faute caractérisée ; que, par un arrêt du 2 avril 2015, la cour d’appel de Colmar a condamné le médecin libéral, Mme N., à verser à M. et Mme E. la somme de 30 000 € chacun au titre de leur préjudice moral ; que, par un jugement du 20 mai 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné le centre hospitalier de Mulhouse à ne réparer que le préjudice résultant d’une atteinte au droit à l’image par le versement à chacun des parents d’une indemnité de 500 € et a rejeté leurs conclusions tendant à la réparation des préjudices qu’ils estiment avoir subis, ainsi que leur fils mineur H., du fait d’une faute caractérisée du médecin praticien du centre hospitalier de Mulhouse ainsi que d’un signalement au Procureur de la République de la situation de déshydratation de leur enfant ; que M. et Mme E., agissant en leur nom propre et au nom de leur fils H., relèvent appel de ce jugement ; que le groupement hospitalier de la région Mulhouse et Sud Alsace, venant aux droit du centre hospitalier de Mulhouse, demande, par la voie de l’appel incident, la réformation du jugement en tant qu’il a partiellement retenu sa responsabilité ;

« Sur la responsabilité du groupe hospitalier de la région Mulhouse et Sud Alsace du fait de la faute caractérisée :

« 2. Considérant qu’aux termes du troisième alinéa de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles : Lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagé vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale.

« En ce qui concerne la recevabilité de la demande indemnitaire en tant qu’elle est présentée au nom de H. E. ;

« 3. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles que seul le préjudice propre des parents est susceptible d’être réparé du fait de l’existence d’une faute caractérisée ; que ces dispositions font obstacle à ce que M. et Mme E. demandent réparation du préjudice subi par leur fils aîné H. ; qu’il s’ensuit que leur demande présentée à ce titre doit être rejetée comme irrecevable ;

« En ce qui concerne la régularité de l’expertise :

« 4. Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’expert a, en méconnaissance de l’ordonnance du juge des référés du 19 novembre 2007, déposé son rapport au greffe du tribunal sans avoir au préalable communiqué ses conclusions aux parties et recueilli leurs dires éventuels ; que, par suite, les opérations d’expertise ont été irrégulières ; que toutefois, cette irrégularité ne fait pas obstacle à ce que le rapport d’expertise soit retenu à titre d’élément d’information et à ce que, l’établissement défendeur ayant pu présenter ses observations au cours de la procédure écrite qui a suivi le dépôt du rapport d’expertise et la Cour disposant maintenant des éléments d’informations nécessaires à la solution du litige, il soit statué sans qu’il soit besoin de recourir à une expertise ;

« En ce qui concerne la responsabilité :

« 5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2213-1 du code de la santé publique : L’interruption volontaire d’une grossesse peut, à toute époque, être pratiquée si deux médecins membres d’une équipe pluridisciplinaire attestent, après que cette équipe a rendu son avis consultatif (…) soit qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic. / (…) / Lorsque l’interruption de grossesse est envisagée au motif qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic, l’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande de la femme est celle d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal. Lorsque l’équipe du centre précité se réunit, un médecin choisi par la femme peut, à la demande de celle-ci, être associé à la concertation. / Dans les deux cas, préalablement à la réunion de l’équipe pluridisciplinaire compétente, la femme concernée ou le couple peut, à sa demande, être entendu par tout ou partie des membres de ladite équipe ;

« 6. Considérant aussi qu’aux termes de l’article R. 4127-35 du code de la santé publique : Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. / Toutefois, lorsqu’une personne demande à être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic, sa volonté doit être respectée (…) ;

« 7. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le retard de croissance du fœtus a été diagnostiqué pour la première fois le 2 novembre 2006, lors de l’échographie réalisée sur Mme E. au centre hospitalier de Mulhouse à 24 semaines du terme de la naissance ; que le Dr. J., médecin chef de l’unité d’échographie et de médecine fœtale du centre hospitalier, a rencontré M. et Mme E. le 3 novembre 2006 et leur a signalé, lors de cet entretien, l’existence de ce retard ; que le praticien hospitalier a fait procéder à des examens complémentaires et a soumis le dossier de Mme E. au centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal de Strasbourg, dont dépend le centre hospitalier de Mulhouse, le 10 novembre 2006 ; que le dossier a de nouveau été discuté avec ce même centre pluridisciplinaire le 15 décembre 2006 ; que les investigations et échographies conduites par le centre hospitalier de Mulhouse ainsi que par le centre de diagnostic prénatal de Strasbourg et le centre médical chirurgical et obstétrical de Strasbourg auxquels Mme E. a été adressée ont confirmé l’existence d’un très sévère retard de croissance du fœtus, inférieur au troisième centile ; que l’hypothèse que l’enfant à naître soit atteint du syndrome de Silver Russel a été évoquée par le médecin échographiste du centre médical chirurgical et obstétrical de Strasbourg dans un courrier daté du 8 décembre 2006 adressé au Dr J. faisant le compte-rendu d’une échographie réalisée ce même jour ;

« 8. Considérant, en premier lieu, que le syndrome de Silver Russel est une maladie génétique d’une particulière gravité ; que, notamment, un tiers des enfants atteints de cette affection ont un développement très perturbé, une toute petite taille et un retard intellectuel sévère ; que si le syndrome de Silver Russel est une maladie très rare et si son diagnostic ne pouvait pas être posé avec certitude avant la naissance de l’enfant, l’hypothèse avait été sérieusement envisagée par les médecins lors de la grossesse ainsi qu’il a été dit au point précédent ; que l’expert indique par ailleurs qu’un retard de croissance au troisième centile représente une maladie fœtale d’une particulière gravité ; que le retard de croissance intra-utérin mis en évidence par les examens pratiqués sur Mme E. était suffisamment sévère et inquiétant pour considérer qu’il existait une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic au sens de l’article L. 2213-1 du code de la santé publique ; que la grossesse de Mme E. était susceptible de relever du cas où peut être pratiquée l’interruption volontaire de grossesse pour motif médical prévue par les dispositions de cet article ;

« 9. Considérant, en second lieu, d’une part, que si le médecin du centre hospitalier de Mulhouse a informé M. et Mme E. de l’existence d’un retard de croissance du fœtus, il résulte de l’instruction qu’il ne leur a pas donné une information claire, complète et précise portant sur le caractère très sévère de ce retard de croissance et sur les risques encourus par l’enfant ; qu’il n’a notamment jamais remis à Mme E les comptes rendus des différentes échographies réalisées au centre hospitalier et au centre médical chirurgical et obstétrical de Strasbourg ; qu’il ne lui a pas non plus restitué le contenu et les conclusions des discussions médicales qui ont eu lieu au sein du centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal de Strasbourg, ainsi que de celles qu’il a eues avec ses confrères du centre hospitalier ; qu’il ne ressort d’aucune pièce versée au dossier que Mme E. aurait manifesté la volonté de ne pas être tenue informée des risques qui se présentaient pour son enfant à naître ; que si le Dr J. devait tenir compte dans ses explications de la personnalité de Mme E. et des inquiétudes qu’elle exprimait, aucune circonstance ne justifiait qu’il ne remplisse pas ses obligations déontologiques, résultant des dispositions précitées de l’article R. 4127-35 du code de la santé publique, de délivrer à sa patiente une information loyale, claire et appropriée à son état ;

« 10. Considérant, d’autre part, qu’il résulte de l’instruction, plus particulièrement de la retranscription par le Dr. J. de l’entretien du 3 novembre 2006, que Mme E. avait envisagé de recourir à une interruption volontaire de grossesse pour motif médical dans le cas où le fœtus serait atteint d’une maladie grave et qu’elle l’avait clairement énoncé devant le médecin du centre hospitalier de Mulhouse ; que, toutefois, celui-ci n’a jamais soumis cette demande au centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal de Strasbourg, ni lors de la discussion du dossier le 10 novembre 2006, ni à aucun moment ultérieur ; qu’il ne ressort pourtant d’aucune pièce versée au dossier que Mme E. avait renoncé à la demande qu’elle avait exprimée le 3 novembre 2006 et fait part au praticien hospitalier d’un refus de subir une interruption volontaire de grossesse ; que, par ailleurs, si le Dr J. avait indiqué à Mme E., lors du premier entretien, que des examens complémentaires devaient être réalisés avant de prendre toute décision, il ne l’aurait jamais informée de ce que, compte tenu de la gravité du retard de croissance du fœtus, une interruption volontaire de grossesse pour motif médical pouvait être envisagée, ni qu’une demande en ce sens pouvait être soumise au centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal de Strasbourg ;

« 11. Considérant que le manquement du médecin du centre hospitalier de Mulhouse à son obligation d’information du patient et son refus de donner une quelconque suite à la demande de Mme E. de recourir à une interruption volontaire de grossesse pour motif médical constituent une faute qui, par son intensité et sa gravité, est caractérisée au sens du troisième alinéa de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles ; que la faute caractérisée du centre hospitalier de Mulhouse a privé les requérants de la possibilité de recourir, dans les conditions prévues à l’article L. 2213-1 du code de la santé publique, à une interruption volontaire de grossesse justifiée par une affection de l’enfant à naître d’une particulière gravité et reconnue comme incurable ;

« En ce qui concerne le préjudice :

« 12. Considérant que M. et Mme E. ont subi un préjudice moral résultant de ce qu’ils ont été privés de la possibilité de recourir à une interruption volontaire de grossesse pour motif médical et de l’anxiété générée par l’état de leur enfant et la lourdeur de son handicap ; que la Cour d’appel de Colmar, qui a condamné le Dr. N. à verser à M. et Mme E. la somme de 30 000 € chacun, n’a entendu réparer, ainsi qu’il résulte des termes de son arrêt du 2 avril 2015, que la part du préjudice moral résultant de la faute caractérisée commise par le médecin libéral ; qu’il y a lieu de réparer la part du préjudice moral résultant de la faute caractérisée commise par le médecin hospitalier ; que, contrairement à ce que soutient le défendeur, ce préjudice ne peut être limité au seul préjudice de la mère de l’enfant ; qu’il en sera fait une juste appréciation en condamnant le groupement hospitalier de la région Mulhouse et Sud Alsace à verser à M. et Mme E. la somme de 20 000 € chacun ;

« Sur la responsabilité du groupement hospitalier de la région Mulhouse et Sud Alsace du fait du signalement au Procureur de la République :

« 13. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article R. 4127-43 du code de la santé publique : "Le médecin doit être le défenseur de l’enfant lorsqu’il estime que l’intérêt de sa santé est mal compris ou mal préservé par son entourage" ; que l’article R. 4127-44 du même code, dans sa version alors applicable, prévoit que "Lorsqu’un médecin discerne qu’une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection. S’il s’agit d’un mineur de quinze ans (…), il doit, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience, alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives" ;

« 14. Considérant, d’autre part, qu’aux termes du premier alinéa de l’article 434-3 du code pénal : "Le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende" ; qu’aux termes de l’article 40 du code de procédure pénale : "Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner conformément aux dispositions de l’article 40-1. Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs" ;

« 15. Considérant que, par lettre du 10 décembre 2007, deux médecins du centre hospitalier de Mulhouse ont adressé un signalement au procureur de la République en l’alertant de l’état de santé particulièrement préoccupant de C. et en mettant en doute la qualité de la prise en charge de l’alimentation de l’enfant par ses parents ; qu’ils demandaient que ceux-ci acceptent une prise en charge pluridisciplinaire par une diététicienne, une infirmière à domicile et une puéricultrice ; qu’il résulte de l’instruction que l’enfant a été hospitalisé en urgence le 2 décembre 2007 pour déshydratation sévère et présentait une perte de poids de 13 %, au-delà du seuil de 10 % engageant le pronostic vital ; que la communication entre M. et Mme E. et l’équipe soignante du centre hospitalier de Mulhouse était alors mauvaise et que les parents étaient réticents à suivre les recommandations des médecins ; que, dans les circonstances de l’espèce, le centre hospitalier de Mulhouse n’a pas commis de faute en procédant au signalement, alors même que le juge des enfants a rendu le 4 février 2008 un jugement de non-lieu en assistance éducative ; que, dès lors, les conclusions de M. et Mme E. tendant à la réparation du préjudice résultant de ce signalement doivent être rejetées ;

« Sur la responsabilité du groupe hospitalier de la région Mulhouse et Sud Alsace du fait d’une atteinte au droit à l’image :

« 16. Considérant qu’aux termes de l’article 9 du code civil : "Chacun a droit au respect de sa vie privée" ; qu’aux termes de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable : "Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. (…)" ;

« 17. Considérant qu’il résulte de l’instruction que, lors d’une présentation générale du syndrome de Silver Russell à l’intention du personnel soignant, qui s’est tenue le 10 avril 2007 au centre hospitalier de Mulhouse, des photographies du jeune C. ont été utilisées et projetées sur écran ; que ces clichés ont été pris par un membre du personnel de l’hôpital et montrent les différentes malformations dont l’enfant est atteint ; que, quand bien même ces images n’ont été diffusées qu’au sein de l’établissement hospitalier à des fins pédagogiques pour le personnel médical, le centre hospitalier de Mulhouse n’établit pas qu’il avait reçue l’autorisation de M. et Mme E. de réaliser ces photographies et les exploiter ; qu’il a ainsi commis une faute ; qu’il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. et Mme E., compte tenu de l’atteinte au respect de leur vie privée, en portant le montant de ce chef de préjudice de 500 € chacun à 1 000 € chacun. »

Tarification du cumul consultation de grossesse/échographie :

La Cour d’appel d’Aix en Provence a confirmé, le 29 juin 2016, le rejet d’un recours d’un gynécologue-obstétricien contre une notification de répétition d’indu délivrée par la CPAM du Var et l’a condamné à payer plus de 66 000 € en rappelant notamment :

« Le cumul des consultations réalisées « dans le même temps » que des actes techniques comme les échographies, ne fait pas partie des dérogations prévues par l’article III-3 §A du livre III de la CCAM dans sa version en vigueur avant le 21 mars 2013.

« Depuis une décision de l’UNCAM datée du 21 mars 2013, lorsqu’un gynécologue obstétricien ou un médecin généraliste, titulaire d’un diplôme d’échographie obstétricale assurant le suivi médical de grossesse, réalise un acte d’échographie biométrique et morphologique de la grossesse et une consultation de suivi de la grossesse, il peut facturer les honoraires de ces actes d’échographie avec les honoraires correspondant à la consultation de suivi de la grossesse. Ces actes d’échographie biométrique et morphologique de la grossesse ne peuvent être facturés qu’une seule fois par trimestre. Chacun de ces deux actes (acte d’échographie et consultation) est facturé à taux plein.

« L’appelant qui insiste sur la différence existant entre les échographies qu’il est habilité à réaliser (échographie du fœtus et échographie gynécologique), considère que les actes d’échographie litigieux concernaient des échographies gynécologiques.

« L’échographie biométrique et morphologique de la grossesse est une échographie du fœtus, par opposition à l’échographie gynécologique (ou pelvienne) qui peut être pratiquée même en dehors de toute grossesse.

« Quelle que soit la nature de l’acte d’échographie, il n’en demeure pas moins que la facturation des honoraires des deux actes (consultation ou visite, et échographie) est interdite dès lors que ces actes sont pratiqués "dans le même temps".

« L’appelant ayant réalisé le même jour chacun des actes contestés, il ne pouvait facturer les honoraires de chaque acte.

« La demande de restitution de l’indu était justifiée et la Cour confirme le jugement déféré.

« Par ces motifs

« La Cour statuant en matière de sécurité sociale, contradictoirement et en premier ressort,

« Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Var du 1er août 2014. »

Par décision du 12 février 2016, la section des Assurances sociales du Conseil national de l’Ordre des médecins a condamné à 3 mois d’interdiction d’exercer, dont un mois avec sursis, un radiologue ayant surfacturé notamment des actes d’échographies de 1er trimestre :

« Sur les griefs :

« Considérant qu’à l’occasion d’une analyse ayant porté sur l’activité du Dr M. pendant la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012, des anomalies ont été relevées dans les facturations par ce praticien d’actes présentés au remboursement à l’assurance maladie ;

« Considérant, d’une part, qu’il ressort des pièces du dossier que, pour 151 patientes en état de grossesse, il a effectué des échographies de grossesse de premier trimestre, selon les comptes rendus produits, en appliquant à chaque fois la cotation JAQM001 prévue à la classification commune des actes médicaux (CCAM), pour une échographie rénale et du pelvis ; qu’il a, par ces facturations systématiques, fait supporter à l’assurance maladie des frais indus ;

« Considérant, d’autre part, qu’il résulte de l’instruction que, dans 1 107 dossiers, le Dr M., alors qu’il s’agissait d’échographies du sein, a coté ces actes comme des échographies de la peau, des ongles et des tissus mous, cette cotation lui permettant une surfacturation des actes réellement pratiqués, et faisant supporter à l’assurance maladie des frais indus ;

« Considérant que les faits retenus ci-dessus à l’encontre du Dr M. ont le caractère de fautes et abus, au sens des dispositions de l’article L. 145-1 du code de la sécurité sociale, et sont susceptibles de lui valoir le prononcé d’une sanction, en application des dispositions de l’article L. 145-2 du même code ; qu’en raison du nombre des manquements relevés à l’encontre du Dr M., il y a lieu de porter la sanction prononcée à une interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une période de trois mois dont un mois avec le bénéfice du sursis et de le condamner à rembourser à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aube la somme de 18 830,07 € correspondant à des honoraires perçus par le praticien du fait de la facturation indue d’échographies de la peau, des ongles et des tissus mous, selon le tableau produit par les plaignants et non contesté par lui ; qu’il y a lieu de prévoir la publication de cette sanction pendant la période où l’interdiction prononcée sera effective ; et qu’il y a lieu, enfin, de confirmer la décision attaquée en ce qu’elle a prévu qu’en application de l’article R. 761 du code de justice administrative, une somme de 35 € sera mise à la charge du Dr M. au profit des plaignants au titre des frais exposés par eux et compris dans les dépens ;

Par ces motifs,

Décide :

Article 1er : La requête du Dr M. est rejetée ;

Article 2 : Il est infligé au Dr M. la sanction de l’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant trois mois. Il sera sursis pour une durée d’un mois à l’exécution de cette sanction dans les conditions fixées à l’article L. 145-2 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : L’exécution de cette sanction pour la partie non assortie du sursis, prononcée à l’encontre du Dr M. prendra effet le 1er mai 2016 à 0h et cessera de porter effet le 30 juin 2016 à minuit. Article 4 : Le Dr M. devra reverser à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aube la somme de 18 830,07 €. »

Gynéco Online - Mars 2017
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Echographies fœtales
(arrêt du 16 janvier 2013)
Isabelle Lucas-Baloup

On se souvient des jurisprudences Quarez et Perruche, puis de la décision du 11 juin 2010 du Conseil Constitutionnel sur la conformité à la Constitution de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles, commentée sur ce site (cf. Rubrique juridique, septembre 2010, « Affaire Perruche, suite… et fin ? ») :

L’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles :

« Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance.

« La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l’acte fautif a provoqué directement le handicap ou l’a aggravé, ou n’a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l’atténuer.

« Lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. »

fait déjà l’objet d’applications jurisprudentielles et la Cour de cassation vient de se prononcer en rejetant le pourvoi engagé à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 15 décembre 2011, également commenté sur ce site il y a un an (« Agénésie non diagnostiquée : indemnité aux parents », janvier 2012).

Il est intéressant de connaître la motivation retenue par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt du 16 janvier 2013, pour rejeter le pourvoi engagé par les médecins condamnés :

« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, du 15 décembre 2011), que, le 13 mai 2005, Mme X… a accouché d’une fille prénommée Tifanny présentant une agénésie de l’avant-bras droit, qu’au cours de sa grossesse, elle avait fait l’objet de trois échographies, la première pratiquée le 16 novembre 2004 par M. Y…, les deux autres les 26 janvier et 30 mars 2005, par M. Z…, tous deux médecins échographistes ; que M. et Mme X… ont recherché la responsabilité des deux praticiens ;

« Sur le moyen unique du pourvoi principal :

« Attendu que M. Z… fait grief à l’arrêt de le condamner in solidum avec M. Y…, à réparer le préjudice moral subi par M. et Mme X…, alors, selon le moyen, que la responsabilité d’un professionnel de santé envers les parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse suppose la commission d’une faute caractérisée ; que, s’agissant d’une échographie, la faute caractérisée est celle qui, par son intensité et son évidence, dépasse la marge d’erreur habituelle d’appréciation, compte tenu des difficultés inhérentes au diagnostic anténatal ; qu’en l’espèce, en affirmant que M. Z… avait commis une faute caractérisée sans préciser en quoi la mention dans le compte-rendu de l’échographie de l’existence de membres supérieurs du fœtus dépassait la marge d’erreur habituelle d’appréciation pour un examen qui comporte une irréductible part d’aléa, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles ;

« Mais attendu que la Cour d’appel a relevé que M. Z… avait indiqué, dans son compte-rendu écrit du 26 janvier 2005, que les membres étaient « visibles avec leurs extrémités » ; qu’elle a pu en déduire que cette affirmation constituait une faute qui, par son intensité et son évidence, était caractérisée au sens de l’article précité ; que le moyen n’est pas fondé ;

« Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux branches :

« Attendu que M. Y… reproche également à l’arrêt de le condamner à l’égard de M. et Mme X…, alors, selon le moyen :

« 1°/ que la responsabilité d’un professionnel de santé ne peut être engagée à l’égard des parents d’un enfant né avec un handicap qu’en cas de faute caractérisée ; qu’en se bornant à énoncer que M. Y…, qui avait affirmé de façon erronée que l’enfant avait ses deux mains, avait commis une faute caractérisée, sans indiquer en quoi, compte tenu de l’état de développement du fœtus, peu avancé lors de la première échographie, cette erreur constituait une faute caractérisée, compte tenu des difficultés et de la marge d’erreur inhérentes à ce type d’examen, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles ;

« 2°/ que la responsabilité d’un professionnel de santé ne peut être engagée à l’égard des parents d’un enfant né avec un handicap qu’en cas de faute caractérisée ; qu’en se bornant à énoncer que M. Y…, qui avait affirmé de façon erronée que l’enfant avait ses deux mains, avait commis une faute caractérisée, motif pris qu’il s’était montré négligent et trop hâtif dans son examen, sans relever aucun élément permettant d’établir que M. Y… n’aurait pas consacré à l’examen médical tout le temps et l’attention que celui-ci requérait, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles ;

« Mais attendu que la Cour d’appel, qui a déduit l’existence d’une faute caractérisée au sens de l’article précité, de la constatation que M. Y… avait affirmé, dans le compte-rendu écrit de l’examen, la présence de deux mains, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;

« Par ces motifs :

« Rejette le pourvoi ;

« Condamne MM. Z… et Y… aux dépens ; »

Gynéco Online - Mars 2013
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Jurisprudence 2017, échographie fœtale
Isabelle Lucas-Baloup

Jurisprudence 2017 : échographie foetale

 

Date Juridiction Eléments essentiels de l'arrêt
07.12.2017

Cour adm. d’appel

Douai, 2ème chambre

n° 15DA00061-15DA00166

L’élément intéressant de cet arrêt concerne la motivation sur le défaut d’information :

« La circonstance que l’accouchement par voie basse constitue un événement naturel et non un acte médical ne dispense pas les médecins de l’obligation de porter, le cas échéant, à la connaissance de la femme enceinte les risques qu’il est susceptible de présenter eu égard notamment à son état de santé, à celui du fœtus ou à ses antécédents médicaux, et les moyens de les prévenir ; en particulier, en présence d’une pathologie de la mère ou de l’enfant à naître ou d’antécédents médicaux entrainant un risque connu en cas d’accouchement par voie basse, l’intéressée doit être informée de ce risque ainsi que de la possibilité de procéder à une césarienne et à des risques inhérents à une telle intervention ; un manquement des médecins à leur obligation d’information engage la responsabilité de l’hôpital dans la mesure où il a privé le patient d’une chance de se soustraire au risque lié à l’intervention en refusant qu’elle soit pratiquée. En l’espère : présentation du fœtus par le siège décomplété et d’un bassin rétréci.

Par ailleurs, il avait été pratiqué une échographie à la suite de la rupture prématurée de la poche des eaux. L’experte avait relevé l’absence de production des clichés de l’échographie lors des opérations d’expertise mais écarté la faute dans l’organisation et le fonctionnement du service.

17.11.2017

 

Conseil d’Etat

1ère et 6ème chambres réunies

n° 401212

La Fondation Jérôme Lejeune (et autres requérants) a demandé l’annulation d’un arrêté ministériel du 11 mai 2016 modifiant les règles de bonnes pratiques en matière de dépistage et de diagnostic prénatals avec utilisation des marqueurs sériques maternels de la trisomie 21.

Le recours échoue sur certains points mais le Conseil d’Etat annule la modification de l’article 4.3 (cf. annexe de l’arrêté du 23 juin 2009 modifié) en ce qu’il prévoit la mise à disposition de la Fédération française des réseaux de périnatalité et de tous les organismes agréés par la Haute Autorité de Santé de l’ensemble des données recueillies sur le territoire national, transmises par les biologistes médicaux.

13.11.2017

Cour d’appel Toulouse

1ère ch. 1ère section

n° 16/00155

 

Chez une parturiente suivie par un gynécologue-obstétricien exerçant à titre libéral au sein d’une clinique, placée sous insuline en raison d’un déséquilibre de son diabète gestationnel, une échographie révèle une macrosomie fœtale puis une échographie cardiaque fœtale une hypertrophie considérable des parois bi-ventriculaires, avec nécessité de procéder rapidement à l’accouchement le pronostic vital de l’enfant étant engagé. Déclenchement spontané avec présentation céphalique haute. Extraction de l’enfant de + de 4 kg par les voies naturelles, par l’obstétricien d’astreinte. Accouchement avec présentation céphalique haute avec spatules en vue d’une extraction de la tête fœtale, dystocie des épaules, deux manœuvres de jacquemier, naissance en état de mort apparente, fracture du crâne avec embarrure et hématome sous-cutané. Intervention de remise en place de la voûte crânienne et évacuation de l’hématome. Handicap du fait de l’atteinte du plexus brachial. Action en responsabilité lancée par les parents contre le gynécologue-obstétricien déclaré coupable pour n’avoir pas tenté de récupérer le compte-rendu de l’échographie fœtale ni pratiqué une échographie avant l’entrée en travail qui aurait permis d’estimer le poids fœtal à plus de 4 kg, imprudence au moment de l’accouchement en s’acharnant à vouloir extraire l’enfant par les voies naturelles.

Devant la Cour d’appel était seulement en cause le manquement à l’obligation d’information, violation de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique. Si les parents avaient été informés des risques inhérents à un accouchement par voie basse en cas de macrosomie fœtale, ils n’auraient pas refusé une césarienne qui aurait permis d’éviter le traumatisme causé par l’utilisation des spatules, perte de chance évaluée à 50 %. La Cour rejette l’appel des parents en considérant que cela reviendrait à indemniser une deuxième fois, à la mesure de la chance perdue d’éviter sa survenance, un dommage déjà entièrement réparé au titre des autres fautes de l’obstétricien.

 

06.10.2017

Cour adm. d’appel

Nantes, 3ème chambre

n° 15NT02496

Les parents reprochent au CH de Chartres d’avoir commis des fautes dans le diagnostic prénatal qui les a privés de la possibilité de recourir à une interruption médicale de grossesse. Le Tribunal administratif d’Orléans a partiellement fait droit à leur demande. La Cour administrative d’appel de Nantes annule le jugement d’Orléans :

Naissance en 2011 d’une enfant atteinte d’une malformation cardiaque interventriculaire et d’une trisomie 21 non détectée durant la grossesse suivie par le CH de Chartres. Mère 29 ans.

Expertise montrant le caractère incomplet et imprécis des clichés échographiques faisant obstacle à la détection du handicap de l’enfant.

Echographie du premier trimestre : par une sage-femme habilitée qui a procédé à trois mesures de la clarté nucale du fœtus dont la plus élevée était de 2,13 mm, indication rapportée à celle de la longueur crânio-caudale du fœtus et combinée au résultat des marqueurs sériques et à la prise en compte de son âge ne plaçait pas la grossesse dans un groupe à risque de trisomie 21. L’expert indique que les clichés ne respectent pas complètement les recommandations du Comité National Technique de l’Echographie de dépistage prénatal (CNTE) qui préconise que l’image fœtale doit occuper 75 % de l’écran et que les images doivent comprendre une coupe sagittale médiane avec un zoom à 1,5, ce qui peut être une source d’erreur concernant la mesure de la clarté nucale ; il résulte toutefois de l’instruction que le score de Herman, qui permet d’apprécier la qualité de la mesure de la clarté nucale , pouvait être estimé à 6/8, ce qui est satisfaisant ; en outre l’arrêt mentionne que la mesure de la clarté nucale n’est qu’un des critères à prendre en compte au titre du dépistage de la trisomie 21 lors de l’échographie du premier trimestre, aucun des autres critères relevés n’ayant davantage placé la parturiente dans une population à risque au regard de la trisomie 21 ; enfin, si la grossesse de cette dernière était, par ailleurs, considérée comme à risque, dès lors qu’elle était porteuse du virus HIV et présentait un important surpoids, les risques en cause étaient sans lien avec celui de mettre au monde un enfant atteint de trisomie 21 ; par suite, c’est à tort que les premiers juges ont considéré que des manquements commis lors de la réalisation de l’échographie du premier trimestre n’auraient pas permis de déceler une anomalie révélatrice du handicap de l’enfant à naître.

Echographie du deuxième trimestre : les clichés doivent notamment être pris, en vertu des recommandations du CNTE, permettant d’apprécier la morphologie du cœur, en particulier les quatre cavités cardiaques et la position des gros vaisseaux, en vue notamment de détecter une malformation cardiaque inter-ventriculaire, qui est présente chez la moitié des fœtus atteints de trisomie 21 ; que selon le rapport d’expertise la qualité des quatre clichés du cœur du fœtus réalisés lors de la deuxième échographie n’a pas permis de porter correctement cette appréciation ni, par suite, de diagnostiquer la pathologie cardiaque en cause ; ces clichés étaient de qualité moyenne, ils ont néanmoins permis à la sage-femme ayant réalisé l’échographie d’objectiver la présence de quatre cavités cardiaques équilibrées et le croisement des gros vaisseaux : pas de responsabilité non plus à ce titre.

Echographie du troisième trimestre : l’expert indique que les clichés n’ont pas permis de confirmer l’absence d’anomalies cardiaques alors que le dépistage de la communication inter-ventriculaire est un signe d’appel de la trisomie 21 et que ces prises de vue sont de « qualité médiocre ». L’expert critique également l’absence de prise en compte d’autres signes évocateurs tels que la mesure des os propres du nez et l’éversion de la lèvre inférieure, la Cour retient que la prise en compte de ces signes n’était ni requise ni médicalement pertinente en l’espèce.

En conclusion la Cour juge que c’est à tort que le jugement du Tribunal d’Orléans a estimé que le CH de Chartres aurait commis une succession de négligences qui, par leur intensité et leur gravité, constituerait une faute caractérisée. Pas de dommages-intérêts.

21.09.2017

Cour d’appel Aix-en-Provence, 10ème ch.

n° 16/11824

Interruption médicale de grossesse après mise en évidence d’une dilatation des ventricules avec un aspect d’hydrocéphalie au niveau du cerveau et d’un spina bifida lombaire et aspect de myéloméningocèle.

La Cour d’appel d’Aix confirme partiellement le jugement du TGI de Digne les Bains sur la responsabilité engagée à raison des manquements affectant la prise en charge échographique de la grossesse : il est reproché au médecin (dont la spécialité n’est pas précisée dans l’arrêt) que son manquement repose « sur le fait de ne pas avoir porté à la connaissance des parents que la situation du rachis ne pouvait pas être observé et que les doutes relatifs à une pathologie liée ne pouvaient pas être levés. Le préjudice s’analyse en une perte de chance consistant pour les parents à avoir été privés de la possibilité de connaître, par d’autres vérifications, la situation du fœtus neuf semaine plus tôt ». Lors de la seconde échographie, le médecin s’est borné à indiquer que le rachis suivi sur toute sa longueur était sans défaut de fermeture postérieure décelable, sans délivrer aux parents une information complète puisqu’il a omis de préciser que la position fœtale ne lui permettait pas de visualiser correctement le rachis, dont l’examen révèlera, lors de la troisième échographie, un spina bifida lombaire avec aspect de myéloméningocèle, avec en outre une dilatation des ventricules et aspect d’hydrocéphalie, la Cour retient qu’il existe une probabilité évaluée à 90 % que cette anomalie ait été détectée à plus ou moins 23 semaines d’aménorrhée et non pas lors de la troisième échographie réalisée à 32 semaines d’aménorrhée. Le projet parental a été conforté au cours des neuf semaines qui ont séparé les deux échographies. La grossesse s’est prolongée inutilement pendant ce laps de temps, rendant l’interruption médicale de la grossesse à sept mois plus lourde que si elle avait été réalisée à cinq mois. Dommages et intérêts aux parents.

03.07.2017

Cour adm. d’appel

Paris, 8ème chambre

n° 15PA03379

Lors de la troisième échographie du fœtus pratiquée à 22 semaines d’aménorrhée au CHI de Villeneuve Saint Georges, il a été porté, sur le compte-rendu, par le stagiaire échographiste, à propos des membres inférieurs du fœtus, « 3 segments vus mobiles. Angulation jambe/pied : normale » et à propos des membres supérieurs : « 3 segments vus mobiles. Deux mains, 5 doigts, flexion et extension des doigts, pouce en opposition ». Or, si les métacarpes et les métatarses peuvent parfois donner l’illusion que des doigts ont été vus, une telle interprétation fallacieuse ne peut être faite s’agissant de l’opposition du pouce. De plus, il n’est pas contesté que l’échographiste qui a signé ce compte-rendu n’a pas vérifié l’échographie qui avait été pratiquée par son stagiaire, quoique diplômé en échographie. D’autre part, la quatrième échographie du fœtus pratiquée à 33 semaines d’aménorrhée, qui n’a fait état d’aucune anomalie, n’a pas été effectuée par l’échographiste, ni au demeurant signée par lui.

Par suite, en laissant son stagiaire pratiquer sans contrôle ni vérification les deux échographies en cause, ce qui a conduit à ce que, non seulement, lors de la quatrième échographie aucune anomalie ne soit vue à l’extrémité des quatre membres du fœtus mais, plus encore, à ce qu’il soit expressément indiqué sur le compte-rendu la présence, aux deux mains, de cinq doigts présentant une flexion et une extension et un pouce en opposition, alors que ces membres n’existaient pas, hormis trois doigts, l’échographiste du CHI de Villeneuve Saint Georges a commis, dans le suivi de la grossesse, une faute caractérisée de nature à engager la responsabilité de l’Hôpital.
03.05.2017

Cour d’appel Bastia

ch. civ. A, n° 15/00435

L’arrêt rappelle que lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice (article L. 114-5 alinéa 3 du CASF). Cette faute ne peut être présumée et déduite de simple présomption ni se confondre avec la faute lourde. S’agissant d’échographie et compte tenu des difficultés inhérentes au diagnostic médical anténatal, la faute caractérisée est celle qui, par son intensité et son évidence, dépasse la marge d’erreur habituelle d’appréciation. En l’espèce, le jugement est confirmé, la « faute caractérisée » n’étant pas établie.

28.03.2017

Cour d’appel Dijon

1ère ch. civ.

n° 15/00143

Grossesse suivie par un médecin généraliste, douleurs pelviennes, consultation au CHU de Dijon. Constat d’un arrêt de la grossesse du fait du décès du fœtus depuis sept semaines.

Il ressort de l’expertise judiciaire que l’arrêt de la grossesse est lié à une anomalie chromosomique associée à une thrombose sous-choriale. L’expert mentionne qu’il n’existe pas de thérapeutique en présence de la trisomie 21 et que, dans la plupart des cas, les grossesses ne sont pas viables. Il conclut que la réalisation d’une échographie du premier trimestre et du test de dépistage de la trisomie 21 n’auraient pas permis d’éviter l’arrêt de la grossesse. Il en ressort qu’il n’existe aucun lien de causalité direct entre le décès du fœtus et la non réalisation par le médecin traitant des examens précités. Une visualisation d’un hématome ou d’une anomalie lors de l’échographie n’aurait pas garanti une évolutivité de la grossesse, aucun traitement ne permettant de s’en assurer.

En revanche, la Cour retient comme fautive l’absence de diagnostic par le médecin généraliste de l’arrêt de la grossesse à l’occasion de trois consultations. Le diagnostic a été effectué lors d’une hospitalisation réalisée dans l’urgence pour des douleurs pelviennes alors que, selon l’expert, une expulsion programmée eût été plus aisée sur le plan médical et psychologique (aurait permis de bénéficier d’un accompagnement psychologique et de se préparer à la perte du fœtus) : dommages-intérêts obtenus par la mère : 3 500 € du chef du préjudice moral et 1 000 € à son époux.
23.02.2017

Cour adm. d’appel

Nancy, 3ème chambre

n° 15NC02478

Parturiente victime d’une infection par cytomégalovirus, transmise au cours de la grossesse, n’a été informée ni sur les examens de surveillance du développement de son enfant en gestation, ni sur les conséquences éventuelles de cette infection sur le développement du fœtus + mauvaise tenue du dossier médical = manquements fautifs susceptibles d’engager la responsabilité du centre hospitalier de Sarreguemines.

26.01.2017

Cour adm. d’appel

Nancy, 3ème chambre

n° 15NC00513

Accouchement à la maternité des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg d’une enfant décédée in utero. La surveillance de la grossesse a été effectuée dans les locaux de l’Hôpital Hautepierre à Strasbourg dépendant des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg où les médecins consultants vacataires de la protection maternelle et infantile employés par le département du Bas-Rhin assurent des consultations médicales prénatales. Expertise non contradictoire à l’égard du département du Bas-Rhin mais retenue par la Cour « à titre d’élément d’information ». Le débat portait sur le reproche des parents au service de la PMI de ne pas avoir réalisé l’échographie prescrite lors d’une consultation prénatale alors que, selon l’expert, cet examen aurait permis de diagnostiquer la mauvaise croissance du fœtus et d’envisager un déclenchement de l’accouchement ou un accouchement par césarienne.

Le service de PMI prouve qu’après avoir constaté une tension artérielle élevée associée à des signes fonctionnels, le médecin a prescrit un bilan d’hypertension artérielle comprenant la réalisation d’une échographie fœtale et a renvoyé la patiente pour la réaliser au CHU. Le médecin du service d’accueil des urgences obstétricales des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg a pris la décision de ne pas pratiquer cette échographie. Dès lors aucune négligence fautive ne peut être reprochée au service de la PMI.
     

 

Gynéco-Online - mars 2018


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Syndrome de Wolf-Hirschhorn : diagnostic par échographie --> pas de responsabilité fautive du gynécologue en l’absence d’une faute caractérisée
(arrêt Cour de cassation, 14 novembre 2013)
Isabelle Lucas-Baloup
Les parents d’une fille atteinte d’une anomalie chromosomique génératrice d’un syndrome de Wolf-Hirschhorn, à l’origine de très graves handicaps physiques et mentaux, ont recherché la responsabilité du gynécologue ayant effectué la 2ème échographie de suivi de la grossesse, constatant un retard de croissance du fœtus sans en informer la patiente et sans entreprendre d’autres explorations pour déterminer la cause de l’anomalie.

 

L’expert judiciaire nommé avait notamment retenu dans son rapport que bien que n’ayant pas avancé la date de la 3ème échographie, cette carence - qui a retardé d’un mois la reconnaissance et donc l’exploration du retard de croissance intra-utérin - ne caractérise ni une faute ni une négligence en l’absence de tout indice de nature à éveiller, chez un médecin normalement vigilant, la crainte du syndrome dit de Wolf-Hirschhorn, la grossesse ne comportant pas d’élément pouvant faire redouter une malformation de l’enfant et le gynécologue ayant pratiqué ces examens en respectant les moyens matériels, les exigences de compétence et les conditions de réalisation des échographies.

 

En revanche, la Cour de cassation, contrairement à la cour d’appel de Reims précédemment saisie, a considéré que le gynécologue avait commis une faute en s’abstenant d’informer la patiente de ce retard de croissance et d’entreprendre des investigations afin d’en déterminer la cause.

 

Cependant, cette faute ne revêt pas les exigences d’intensité et d’évidence, constitutives de la faute caractérisée requise par l’article L. 114-5, alinéa 3, du code de l’action sociale et des familles pour engager la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse.

 

Les parents sont donc déboutés de leur recours lancé en leur nom propre.

 

Ils avaient également présenté une demande au nom de leur fille mineure. A ce titre, ils avaient été déclarés irrecevables et déboutés par la cour d’appel de Reims et la Cour de cassation confirme l’arrêt attaqué :

 

« En application de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le régime forfaitaire d’allocations antérieur institué par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 a été complété par un dispositif de compensation du handicap en fonction des besoins, rendu progressivement applicable aux enfants handicapés, de sorte que la réparation issue du mécanisme de compensation actuel, prévu par l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles au titre de la solidarité nationale, procède d’un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens, dès lors que le dommage est survenu postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002. »

 

En conclusion, depuis la loi dite « handicap » de 2005, qui a écarté les conséquences de la jurisprudence Perruche qui reconnaissait à l’enfant un droit à réparation du préjudice résultant de son handicap, et la prise en charge de celui-ci par la solidarité nationale au titre d’un dispositif de compensation en fonction des besoins, la Cour de cassation poursuit son œuvre jurisprudentielle en :

 

 -        définissant la « faute caractérisée » du gynécologue par des critères d’intensité et d’évidence, qui n’ont pas été retenus en l’espèce à l’occasion de l’expertise médicale, à l’occasion de l’action engagée par les parents en leur nom propre,

-        refusant à l’enfant un droit à être indemnisé lui-même, dès lors que la loi dite « handicap » met à la charge de la solidarité nationale un mécanisme de compensation forfaitaire. Sur ce point les parents soutenaient évidemment que cette compensation est sans rapport raisonnable avec une réparation intégrale du préjudice. Mais la loi est la loi.

 

Dans un précédent arrêt du 16 janvier 2013 (commenté dans cette rubrique en mars 2013), la même juridiction avait au contraire confirmé la « faute caractérisée » du médecin ayant réalisé l’échographie qui avait « dépassé la marge d’erreur habituelle d’appréciation compte tenu des difficultés inhérentes au diagnostic anténatal ».
Gynéco-Online - Décembre 2013
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