L’article L. 6112-2.-I.-4° issu de la loi de modernisation de notre système de santé (article 99) du 26 janvier 2016 (n° 2016-41) impose désormais aux établissements de santé assurant le service public hospitalier « et aux professionnels de santé qui exercent en leur sein » : « l’absence de facturation de dépassements des tarifs fixés par l’autorité administrative et des tarifs des honoraires prévus au 1° du I de l’article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale », c’est-à-dire les tarifs conventionnels. Et ce après que le Conseil constitutionnel ait jugé conforme à la Constitution l’article 99 en soulignant que l’absence de facturation de dépassements des tarifs de remboursement s’applique identiquement à tous les établissements de santé publics ou privés assurant le service public hospitalier et aux professionnels de santé exerçant en leur sein : par suite le grief tiré de l’atteinte au principe d’égalité soutenu par 60 sénateurs doit être écarté ; le Conseil écarte également le grief soutenu par 60 députés en retenant que les dispositions contestées n’ont pas pour effet d’empêcher les établissements de santé privés d’être habilités à assurer ce service dès lors qu’il leur est loisible de recruter des médecins ne pratiquant pas au sein de leurs établissements des dépassements des tarifs et des honoraires, donc pas d’atteinte à la liberté d’entreprendre ni à la liberté contractuelle.
La lecture, non pas distraite et furtive, mais dotée du discernement, de l’intelligence et de l’expérience d’un éminent universitaire d’une de nos meilleures Facultés de droit, le Professeur Jean-Michel Lemoyne de Forges (Paris II – Panthéon Assas), a conduit à un commentaire mentionnant notamment : « Ainsi les quelque 2 000 médecins hospitaliers qui pratiquent les honoraires libres que permet le secteur 2 de la médecine libérale n’y sont plus autorisés » (AJDA, 22 février 2016, p. 281), suivi par divers juristes dont Claude Evin, ancien ministre de la santé devenu avocat, stigmatisant : « La fin des dépassements d’honoraires à l’hôpital » (Business Les Echos, 30 mars 2016).
Eh bien non Messieurs, il faut cesser de croire et commenter ce qu’on lit au Journal Officiel. La DGOS a écrit une lettre, le 26 février 2016, à l’APHP (non publiée mais largement reproduite sur le site de la MACSF au pied d’un article intitulé « La Loi de Santé : la mort du secteur privé à l’hôpital ? »), affirmant : « L’activité libérale des praticiens temps plein des hôpitaux publics, prévue à l’article L. 6154-1 du code de la santé publique – non modifié par la loi de modernisation de notre système de santé – est considérée comme s’exerçant en dehors de l’établissement, et donc en dehors du service public hospitalier » et ajoute que « cette activité ne peut se réaliser qu’à la demande expresse du patient, l’établissement public étant, quant à lui, tenu de lui offrir une prise en charge sans dépassement » et affirme que cette loi ne remet pas « en cause la possibilité de facturer des dépassements d’honoraires au titre de l’activité libérale des praticiens hospitaliers exerçant à temps plein ».
Quand on sait que l’exercice libéral d’un PH temps plein se diligente dans les locaux de l’hôpital, avec le personnel et les moyens de l’hôpital, en contrepartie d’une redevance que le PH paie à l’hôpital, qu’en un mot le PH agissant ainsi intervient « au sein de l’établissement de santé » comme le prévoit la première phrase de l’article L. 6112-2.-I.-4°, on se demande sur quel fondement la DGOS procède à cette affirmation, rassurante pour les PH concernés.
Nicolas Machiavel nous a prévenus : « Gouverner, c’est faire croire. ».
La Lettre du Cabinet - Août 2016