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Radiation d'une SELAS de radiologues pour perte d’indépendance
(Conseil d’Etat, juge des référés, 4 janvier 2024, n° 490099)
Isabelle Lucas-Baloup

Le Conseil départemental du Rhône de l’Ordre des médecins avait décidé, le 7 novembre 2023, de radier une SELAS de radiologues du tableau de l’Ordre au motif qu’il résultait des nouveaux statuts et du pacte d’associés, après que la société ait accepté en son sein comme associé non exerçant un Groupe  se présentant comme « une société de consolidation de l’imagerie médicale », l’Ordre analysant d’une manière critique : « en particulier la compétence du conseil stratégique de la société, le contrôle de cette instance, la répartition du capital, les droits attachés aux différentes catégories d’actions, les règles de distribution des bénéfices et les conditions d’agrément des transferts de titres, la perte du contrôle effectif de la société par les praticiens qui y sont associés et y exercent leur profession, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 4127-5 du code de la santé publique, aux termes desquels : “Le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit” ».

Après sa radiation, la SELAS a saisi le Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes d’un recours administratif, puis a demandé au juge des référés du Conseil d’Etat de suspendre l’exécution de la radiation.

Il est donc très intéressant de lire l’ordonnance de référé rendue le 4 janvier 2024, laquelle a suspendu l’exécution de la radiation prononcée le 7 novembre 2023 par le Conseil départemental du Rhône de l’Ordre des médecins en prenant notamment en considération que :

« La radiation de la SELAS du tableau de l’ordre des médecins a pour effet de lui interdire d’exercer son activité, et par suite, notamment, d’exploiter les équipements matériels lourds qu’elle avait été autorisée à installer. […] L’arrêt de son activité privera de revenu professionnel les soixante-sept salariés qu’elle emploie, ainsi que, pour une part, les radiologues associés en son sein, et mettra fin notamment, selon les informations qu’elle a communiquées, à sa participation aux activités des services d’urgences, de chirurgie et de réanimation de l’important établissement de santé privé Médipôle Lyon-Villeurbanne. La SELAS justifie ainsi d’une atteinte grave et immédiate à sa situation et à celle des salariés et des praticiens travaillant en son sein. »

L’ordonnance de référé a également analysé un vice de procédure susceptible de créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée.

Les radiologues, nombreux, qui cèdent actuellement leurs cabinets d’imagerie médicale à des Groupes leur imposant des conditions compromettant leur indépendance professionnelle en contrepartie d’un prix de vente inespéré il y a encore quelques années, ont le plus grand intérêt, particulièrement les plus jeunes qui exerceront sous la gouvernance, directe ou indirecte, des financiers qui les achètent, à s’intéresser à ces premières décisions ordinales courageuses ayant pour objet de défendre les droits des médecins dont les structures sont cédées, en contrôlant les statuts, les règlements intérieurs, les pactes d’associés et autres documents souvent « confidentiels » imposés par les Groupes investisseurs aux cédants, lesquels n’ont pas toujours conscience de la portée des contrats qu’ils signent au moment de la vente.

Une affaire à suivre au fond.

Gynéco-online - avril 2024


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Radiation disciplinaire d'un chirurgien de l'obésité
(Ch. disc. de 1ère instance de l’Ordre des médecins d’Ile-de-France, 3 février 2017, Dr J.C.)
Isabelle Lucas-Baloup

Cette radiation exceptionnelle pour manquements délibérés et répétés aux recommandations de la HAS en ce qui concerne tant les indications de la chirurgie bariatrique que les précautions qui doivent entourer sa pratique fait suite à une précédente sanction de cette juridiction, ayant condamné le même chirurgien viscéral et digestif à 6 mois d’interdiction, dont 2 assortis du bénéfice du sursis, le 19 septembre 2016.

Les juges disciplinaires ont été saisis cumulativement par le médecin conseil du service médical de Paris et par le CDOM 75, mais c’est la plainte du DG de l’Agence Régionale de Santé d’Ile-de-France qui a conduit à la radiation prononcée le 3 février 2017, dont le chirurgien a fait appel devant la Chambre nationale (affaire jugée le 9 juin 2017 en cours de délibéré).

La décision rappelle qu’un praticien qui décide de s’écarter des recommandations destinées à améliorer l’efficacité à long terme de la chirurgie bariatrique et à réduire la survenue des complications, lesquelles constituent « les données actuelles de la science », ne peut le faire qu’en justifiant que l’état de chaque patient l’exigeait, ce qui ne constitue pas un renversement de la charge de la preuve contrairement à ce que soutenait le médecin à l’encontre de l’ARS.

Les juges disciplinaires mentionnent ensuite : « Il ressort du rapport définitif d’inspection dressé le 15 novembre 2015 par les médecins-inspecteurs de l’ARS que, pour les 36 dossiers de patients étudiés au cours de cette mission d’inspection, dont 5 dossiers d’enfants et adolescents, le Dr C. n’a pas respecté les recommandations de la HAS relatives, d’une part, à la pertinence des indications chirurgicales et la prise en charge préopératoire des patients, à l’information des patients sur les risques de l’intervention et la nécessité ensuite d’une surveillance à vie et à la prise en charge globale et multidisciplinaire du patient avec, notamment, un nécessaire échange avec son médecin traitant ; que, d’autre part, il a été constaté l’absence de prise en charge personnalisée des patients lors de l’hospitalisation, les dossiers médicaux étant incomplets et ne mentionnant ni l’état clinique du patient lors de son entrée ni son suivi médical au jour le jour, les comptes rendus d’hospitalisation et les courriers de sortie n’étant pas individualisés ; qu’enfin il a été constaté l’absence de prise en charge systématique postopératoire des patients alors que les recommandations de la HAS prévoient quatre consultations la première année puis une à deux les années suivantes ; que, s’agissant plus particulièrement des mineurs et jeunes majeurs, il a été relevé des manquements dans leur prise en charge en l’absence de suivi par une équipe spécialisée multidisciplinaire […] et anomalies supplémentaires à celles précédemment relevées, à savoir une indication chirurgicale ne respectant pas les recommandations concernant l’indice de masse corporelle (IMC) et le non-respect de la réglementation relative à la demande d’accord préalable avec la caisse. »

Depuis novembre dernier, les proches d’une patiente âgée de 49 ans, décédée d’une plaie de l’aorte de 2,5 cm au décours d’une chirurgie gastrique conduite par ce même chirurgien, apprécient avec indignation et une immense tristesse la promesse publiée en 4ème de couverture de son ouvrage « Mince pourquoi pas moi » : « un regard nouveau sur l'obésité et la vérité sur le quotidien de ceux qui en souffrent ». No comment.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2017
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