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Des délits sexuels sans sexe ?
Isabelle Lucas-Baloup

En février, Théo L., 22 ans, a affirmé que quatre policiers d’Aulnay-sous-Bois lui ont « enfoncé une matraque dans les fesses volontairement » et un rapport médical postérieur évoque un prolapsus rectal modéré avec une probable perforation du rectum. Un policier - mis en examen pour viol - a admis avoir porté un coup de matraque télescopique au niveau des jambes et des cuisses pour faire tomber le jeune homme, alors qu’il se débattait à l’occasion de son interpellation ; un coup serait parti en direction de sa cuisse et l’aurait blessé, sans aucune intention du policier de commettre un délit ou un crime sexuel.

Cet événement invite à s’intéresser à jurisprudentielle de la définition du viol et plus généralement à la responsabilité pénale et disciplinaire de certains médecins ayant franchi les limites des bonnes pratiques professionnelles.

J’avais rappelé l’état du droit pénal français, dans le Quotidien du médecin (janvier 1999), lorsque Bill Clinton avait plaidé, devant le Sénat américain, qu’il n’avait pas menti en déclarant sous serment ne pas avoir eu une « relation sexuelle » avec Monica Lewinsky, dès lors que le Journal of the American Medical Association (JAMA) venait de publier les résultats d’une étude du Kinsey Institute for Sex Research de l’Université de l’Indiana aux termes de laquelle la fellation ne constituait pas une relation sexuelle.

Une jurisprudence protéiforme :

En France, la Cour de cassation juge que l’expression « relation sexuelle » implique nécessairement « un acte de pénétration sexuelle » (1) et, depuis 1984, que la fellation est viol dès lors qu’il y a eu pénétration non consentie de la verge dans la bouche de la victime (2), allant même, en 1997, jusqu’à juger que « tout acte de fellation constitue un viol dès lors qu’il est imposé à celui qui le subit ou à celui qui le pratique » (3), même en présence de fellations réciproques (4).

Pourtant, la jurisprudence se révèle protéiforme sur la présence effective du sexe (la verge ou le vagin) dans l’acte incriminé. C’est essentiellement à l’occasion de la définition des compétences respectives de la cour d’assises (jugeant les crimes, notamment celui de viol) et du tribunal correctionnel (sanctionnant les délits, notamment celui d’attentat à la pudeur) que les juges français ont eu à réfléchir sur la qualification des divers faits et gestes mettant en œuvre « le sexe ».

Traditionnellement, le viol s’entendait d’une « pénétration sexuelle » stricto sensu qui supposait que le sexe du coupable pénétrât dans le sexe de la victime (conjonction sexuelle), définition qui a évolué dès lors que des femmes ont été condamnées pour viol et que des hommes en ont été jugés victimes.

Aujourd’hui, l’article 222-23 du code pénal définit le viol comme « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise », puni de 15 ans de réclusion criminelle, portés à 20 ans « lorsqu’il est commis par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions » (un policier ou un médecin par exemple).

Bien qu’un texte de droit pénal s’applique restrictivement, les magistrats sont allés assez loin dans la définition de l’acte jusqu’à condamner pour viol des « pénétrations anales pratiquées avec le doigt ou avec des carottes, infligées par une mère à sa fille, dans un but d’initiation sexuelle » (5).

L’intromission d’un corps étranger dans l’anus devenait ainsi une pénétration « sexuelle », ce qui apparaît relever plus d’une approche répressive que d’une analyse strictement anatomique de la cause. La jurisprudence fut identique lorsque le coupable introduisit dans l’anus d’une femme le sexe d’un animal (6) et un pensionnaire « un manche de pioche recouvert à son extrémité d’un préservatif » dans le rectum d’un de ses camarades (7).

Ainsi disparut, au mépris du sens des mots « pénétration » et « sexuelle », l’élément matériel essentiel de l’infraction : la pénétration par le sexe (du coupable) et/ou dans le sexe (de la victime). La pénétration sans le sexe, mais « à connotation sexuelle » était née.

Puis la Cour de cassation a adopté une conception plus objective de la pénétration sexuelle, en refusant la qualification de viol pour l’intromission dans la bouche de ses patientes d’un objet de forme phallique par un médecin gynécologue, en jugeant : « Pour être constitutive d’un viol, la fellation implique une pénétration par l’organe sexuel masculin de l’auteur et non par un objet le représentant » (8).

Des médecins relaxés :

Le « mobile » a permis, dans certains cas, de légitimer l’acte de pénétration : ainsi un médecin-expert, nommé « pour procéder à l’expulsion de tout corps étranger », fut-il relaxé bien qu’ayant diligenté, avec l’aide de deux policiers, un toucher rectal « malgré les véhémentes protestations de la victime » sur une personne suspectée de trafic de stupéfiants après qu’un examen radiologique ait révélé la présence d’enveloppes en latex contenant de l’héroïne dans ses intestins (9).

Des médecins condamnés pénalement :

Un médecin proctologue a vu la Cour de cassation rejeter son pourvoi contre un arrêt de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Caen, après débat sur le choix entre la qualification de viol ou d’agression sexuelle et que les experts nommés aient conclu que « la pénétration digitale vaginale pouvait se justifier médicalement, mais pas des mouvements de va et vient », renvoyant devant la cour d’assises le praticien qui avait abusé de l’autorité que lui conféraient ses fonctions de médecin proctologue (10).

Un médecin biologiste n’eut pas plus de succès auprès des Hauts magistrats de la Cour suprême, lorsqu’il soutenait que le toucher vaginal pratiqué à main nue sur une patiente, sans son consentement et sans prescription médicale en ce sens, était dépourvu de connotation sexuelle, alors qu’il constitue un acte de pénétration sexuelle accompli par surprise sur la personne d’autrui, au sens de l’article 222-23 du code pénal (11).

Pas plus un interne en ORL n’obtint grâce aux yeux de l’assemblée plénière de la Cour de cassation après s’être livré à une exploration pelvienne et rectale d’une patiente bien qu’il prétendait que « ce geste n’était pas dénué de justification médicale », opinion non partagée par quatre experts désignés par le juge d’instruction, l’interne ayant par ailleurs reconnu pendant sa garde à vue avoir éjaculé sur la patiente à son insu (12).

Un dermatologue, au casier vierge et dont l’examen psychiatrique ne mettait en évidence aucune anomalie mentale de dimension aliénante ni de signe de perversion mais des traits de personnalité névrotique à dominante obsessionnelle avec une fragilité narcissique, décrit l’arrêt de la Cour d’appel de Rouen, fut condamné à 2 ans d’emprisonnement avec sursis et interdiction d’exercer la médecine pendant 2 ans à titre de peine complémentaire, du chef du délit d’atteintes sexuelles commises avec surprise sur sa patiente, personne particulièrement vulnérable, pour avoir, après l’examen de son cuir chevelu, « ouvert son pantalon pour en sortir un sexe en érection, le placer face à la bouche de la patiente afin de l’amener à lui faire pratiquer une fellation puis de la diriger vers la salle d’examen pour y avoir une relation sexuelle » (13).

Des gynécologues : Après que 20 femmes, clientes d’un gynécologue exerçant en cabinet privé, aient dénoncé de sa part des pénétrations digitales vaginales à visée non médicale accompagnées, pour certaines d’entre elles, de caresses à caractère sexuel, ce dernier a été renvoyé devant la cour d’assises sous l’accusation de viols aggravés (14). Ce qui fut le cas également, sur plainte de 29 patientes, d’un gynécologue pratiquant des va et vient pendant les échographies gynécologiques avec la sonde d’examen, outre des mouvements du bassin, des touchers anormalement longs, des positions non conformes des patientes et des manœuvres d’excitation du clitoris ne constituant pas des pratiques conformes pour un médecin gynécologue a conclu l’expert nommé (15). Cf. d’autres arrêts de même type (16) (17).

Et des condamnations de la Chambre disciplinaire de l’Ordre des médecins :

L’Ordre des médecins ne plaisante pas avec les errements en matière de mœurs et moralité de ses ressortissants :

  • radiation du Dr G après qu’il ait été condamné par le Tribunal correctionnel de Metz à 12 mois d’emprisonnement avec sursis pour des faits d’exhibition sexuelle dans une clinique, puis introduction de deux doigts dans le vagin et deux dans l’anus sur une jeune patiente attachée sur un lit d’hôpital après une intervention (18),
  • radiation du Dr H, renvoyé devant la cour d’assises sous l’accusation de viols et agressions sexuelles aggravées (19),
  • radiation du Dr V, après plainte d’une patiente, 16 ans après les actes réprimés (20).

Mais les faits doivent être établis et il ne suffit pas d’affirmer pour démontrer. Une patiente est déboutée de sa plainte contre un gynécologue après que le rapport d’expertise ait conclu que « Melle G a mal interprété les gestes gynécologiques du Dr T, auquel aucun acte contraire à la déontologie médicale ne peut être reproché » à l’occasion d’un toucher vaginal après douleurs pelviennes chroniques, et classement sans suite de la plainte pénale visant des gestes « brusques, déplacés, non professionnels, relevant plutôt d’une perversité qu’au devoir d’un médecin » (21).

La Cour de cassation vérifie, dans ces dossiers, que les magistrats de cours d’appel ont « examiné tant la crédibilité des accusations de la victime que l’argumentation en défense présentée par le médecin » (22).

Les médecins, plus souvent que les policiers, sont exposés au risque de plaintes abusives qui ne défraient pas systématiquement la chronique car elles sont souvent classées sans suite. Quand le professionnel est jugé et relaxé, il se garde de donner à l’affaire une quelconque publicité, car même s’il sort de la procédure rétabli dans son honneur il en demeure à jamais profondément perturbé. De véritables mises en scène par des patientes ayant la volonté de tendre un piège à un praticien ont créé une légitime inquiétude au sein de la profession. J’ai assisté à plusieurs gardes à vue totalement illégitimes, après des dénonciations inventées de toutes pièces aux fins d’obtenir des dommages-intérêts dans le cadre d’une transaction proposée « pour éviter la publicité de l’affaire » annonce clairement la plaignante à son médecin qui sait ne pas avoir démérité mais qu’il sera compliqué de le démontrer car prouver une absence de fait n’est pas chose facile. Quid de ce chef de service qui, après un mois de détention préventive, s’est suicidé le jour de sa sortie de prison, n’ayant plus la force de vivre sereinement après une telle expérience et avant son jugement définitif.

Les personnes qui dénoncent des faits et agissements graves jamais intervenus sont rarement condamnées à la hauteur du préjudice causé. C’est l’une des raisons pour lesquelles, on ne cesse de le répéter en vain, il est impératif et urgent qu’enfin le secret de l’instruction soit respecté. Comme l’est le secret médical.

 

  1. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 28 mars 1990
  2. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 22 février 1984
  3. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 16 décembre 1997
  4. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 28 novembre 2001
  5. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 27 avril 1994
  6. Revue de Sciences Criminelles, 1992, p. 69
  7. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 6 décembre 1995
  8. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 21 février 2007
  9. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 29 janvier 1997
  10. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 20 août 2014
  11. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 22 mars 2000
  12. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 14 février 2003
  13. arrêt Cour d’appel de Rouen, chambre correctionnelle, du 8 février 2007
  14. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 19 septembre 2006
  15. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 17 mars 2010
  16. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 23 janvier 2013
  17. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 9 avril 2014
  18. décision Section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins, 24 avril 2007
  19. décision Section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins, 22 mars 2011
  20. décision Section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins, 30 septembre 2014
  21. décision Section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins, 22 mars 2011
  22. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 8 février 2017.

 

La Lettre du Cabinet - Septembre 2017
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Transsexualisme et changement de prénom Arrêts récents
Isabelle Lucas-Baloup

L’article 60 du code civil prévoit que « Toute personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander à changer de prénom. La demande est portée devant le juge aux affaires familiales à la requête de l’intéressé ou, s’il s’agit d’un mineur ou d’un majeur en tutelle, à la requête de son représentant légal. L’adjonction ou la suppression de prénoms peut pareillement être décidée. Si l’enfant est âgé de plus de 13 ans, son consentement personnel est requis. »

Les changements de prénoms interviennent notamment en cas de transsexualisme mais aussi d’intersexualisme ou d’hermaphrodisme. La modification du prénom sur les registres de l’état civil est souvent la conséquence d’un changement de sexe. La jurisprudence française avait beaucoup résisté aux demandes de changement de prénom liées au transsexualisme et il a fallu la condamnation de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (Strasbourg) pour violation de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, en 1992, pour que la Cour de cassation admette la modification de l’état civil après une métamorphose thérapeutique, sur le fondement du principe du respect dû à la vie privée prévu à l’article 9 du code civil.

Quelques jurisprudences récentes : 

- Arrêt Cour d’appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 2 février 2012 (n° 10/04968) :

« Considérant qu’aux termes d’un rapport d’expertise parfaitement argumenté, le Professeur L. répond à la question de savoir s’il est possible ou non de déterminer le sexe d’Isabelle L. "que les avis concordants des psychiatres, du gynécologue et de l’endocrinologue ainsi que la période de suivi et de traitement qui, débutée en 2008, se poursuit actuellement de façon stable, à la satisfaction de Mme L., incitent à considérer qu’il s’agit bien d’une dysphorie de genre du sexe biologique féminin vers le sexe masculin."

« Qu’il conclut "qu’à ce jour, en l’état actuel de données dont nous disposons, Mme L. peut être considérée comme appartenant au plan psychologique, comportemental et dans son apparence extérieure, au sexe masculin".

« Considérant que l’ensemble des éléments du dossier ainsi que les conclusions péremptoires du Professeur L. justifient, conformément au principe du respect dû à la vie privée posé par les articles 8 de la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil de faire droit à la demande de modification de sexe et de prénom comme le demande l’appelante. » 


- Arrêt Cour d’appel de Nancy, 3ème chambre civile, 2 septembre 2011 (n° 11/02099, 09/02179) :

« Attendu que l’état civil d’une personne doit indiquer le sexe dont elle a l’appartenance.

« Attendu que la demande de changement d’état civil ne peut se fonder sur la notion de possession d’état, déjà invoquée dans les premières conclusions de l’appelant ; qu’il sera rappelé aux termes de l’arrêt du 11 octobre 2010, il a été expressément indiqué par la Cour que le fait que la personne appartienne au sexe féminin aux yeux des tiers compte tenu de son comportement social et de l’apparence qu’elle donne en faisant établir la plupart des documents de la vie courante sous un prénom féminin en l’espèce Delphine, ne peut valoir preuve d’un changement irréversible de son sexe de nature à justifier une telle demande ;

« Attendu que la modification d’état civil n’impose pas nécessairement que soient avérées chez la personne qui la sollicite des transformations de nature chirurgicale et donc une opération de "réassignation sexuelle" mais que soit établi le caractère irréversible du processus de changement de sexe engagé ;

« Qu’invité par la Cour à justifier médicalement des conséquences du traitement d’hormonothérapie auquel il se soumet depuis 5 ans, Thierry R.-G. a produit aux débats deux certificats médicaux, l’un du Docteur G., psychiatre, qui indique que "Delphine R.-G. a eu un traitement hormonal depuis 4 ans, est en inversion de genre depuis cette date, ceci de façon irréversible" ; que ce médecin ajoute qu’elle ne présente pas de troubles psychiatriques ;

« Qu’un second certificat médical du Docteur A., médecin traitant généraliste, confirme que le traitement hormonal substitutif féminisant a induit des modifications corporelles féminines parfaitement avérées ;

« Que ces constatations médicales et les termes mêmes employés par ces médecins, établissent le caractère irréversible du changement entrepris et des modifications du métabolisme qui en résultent ; qu’il convient donc […] de faire droit à la demande de changement de sexe ;

« Attendu que, par application de l’article 60 du code civil, toute personne qui justifie d’un intérêt légitime peut changer de prénom ; que le changement de sexe et la mention dans l’acte de naissance du sexe féminin rend légitime le changement de prénom masculin en un prénom féminin Delphine ; qu’il convient de faire droit à la demande. » 

- Arrêt Cour d’appel de Rennes, 6ème chambre, 7 juin 2011 (n° 10/03953) :

« Il résulte des pièces médicales versées aux débats que Monsieur H. présente un trouble de l’identité sexuelle, qu’il vit "sous habitus féminin", qu’il est animé de la volonté de changer de sexe et qu’il a entrepris des traitements pour mettre en harmonie son corps et son sentiment d’appartenir au sexe féminin.

« Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que depuis de nombreuses années il se comporte comme une femme dont il a l’apparence et est connu sous le nom de Janie H.

« Si Monsieur H. n’est pas allé jusqu’au bout de sa démarche en ne subissant pas de "réassignation chirurgicale", ainsi que le Tribunal l’a indiqué dans sa décision, il convient d’observer que la demande de changement d’état civil est fondée dès lors que les traitements hormonaux destinés à opérer une transformation physique ou physiologique ont entraîné un changement de sexe irréversible, même si l’ablation des organes génitaux n’a pas été réalisée.

« Il apparaît à la Cour que Monsieur H. qui présente le syndrome de transsexualisme ne possède plus à la suite du traitement subi tous les caractères de son sexe et a pris une apparence physique le rapprochant de l’autre sexe auquel correspond son comportement social et que sa transformation est irréversible.

« Dès lors, en application du principe du respect dû à la vie privée, il est bien fondé à demander que son état civil indique le sexe dont il a l’apparence. » 

- Arrêt Cour d’appel de Lyon, 2ème chambre, 14 février 2011 (n° 10/01752) :

« Attendu que Monsieur Jean-Michel D.C. demande à pouvoir substituer, à son prénom, celui de Myriam ; qu’il indique être connu sous ce prénom depuis de nombreuses années tant sur le plan personnel que sur le plan administratif, ce dont il justifie par des attestations et la production de divers documents et factures, ainsi que de l’intitulé de son compte bancaire où il figure sous les vocables de Madame Myriam D. ;

« Attendu que la question d’un intérêt légitime envisagée au regard d’un usage prolongé pourrait effectivement être débattue ;

« Mais attendu que cette question se heurte à un principe d’ordre public dans la mesure où l’attribution du prénom est étroitement liée au sexe ; que le sexe et le prénom sont des identifiants de l’identité d’une personne et constituent des mentions substantielles qui doivent conserver un caractère de permanence ; que l’identité ne peut recevoir de modification que dans des circonstances strictement limitées par la loi ;

« Attendu que Monsieur Jean-Michel D.C. a été enregistré à l’état civil comme étant de sexe masculin ; qu’il invoque un état de transsexualisme le conduisant à revendiquer un prénom qui soit en conformité avec ses aspirations et son comportement social, orientés vers la féminité ;

« Mais attendu qu’il n’y a pas de requête en modification de l’état civil, s’accompagnant d’une demande de changement de prénom pour mettre précisément l’identité en conformité avec l’état civil ; que Monsieur Jean-Michel D.C. ne justifie pas de démarches médicales en vue d’une transformation irréversible des caractères morphologiques et sexuelles pour changer de sexe ; qu’il produit un seul certificat médical, d’un médecin généraliste, indiquant qu’il suit ?avec son endocrinologue, Madame Myriam D., qui me dit souffrir d’un syndrome de transsexualité à évaluer?, que cette formulation vague et imprécise, qui se contente de rapporter les doléances d’un patient sans conclure par un diagnostic, ne présente pas un caractère suffisant pour considérer que le requérant est engagé dans un processus médical ;

« Attendu que c’est à bon droit que le premier juge a débouté Monsieur Jean-Michel D.C. de sa demande, faute d’éléments médicaux pour justifier la mise en conformité de son identité avec un état civil autre que celui enregistré lors de sa naissance ;

« Mais attendu que Monsieur Jean-Michel D.C. justifie d’un intérêt légitime à modifier son prénom dans la mesure où l’apparence physique féminine qu’il s’est donnée et son comportement social suscitent des interrogations par rapport à son prénom masculin ; qu’il souhaite, pour mener une vie tranquille et discrète, ne pas donner prise à de telles interrogations qui peuvent faire douloureusement intrusion dans son intimité et sa vie privée ;

« Qu’il formule en appel une demande subsidiaire pour substituer à son prénom celui de "Camille" qui peut être porté par un homme ou une femme, sans que cela suscite de la curiosité ; qu’en outre, ce prénom le rattache étroitement à des liens familiaux puisqu’il est celui de sa grand-tante ;

« Attendu que Monsieur Jean-Michel D.C. présente bien un intérêt légitime en raison des inconvénients d’ordre psychologique résultant du port d’un prénom qui ne correspond pas à l’aspect extérieur de sa personne ; qu’il sera fait droit à sa demande de pouvoir substituer à son prénom "Jean-Michel" celui de "Camille". »

Attention donc à la manière dont les médecins rédigent les certificats médicaux utiles et demandés à l’occasion de procédures de changement d’état civil…

Gynéco Online - Avril 2012
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