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Illégalité d'une suppression d'un poste de PH
(jugement du 20 septembre 2017 du Tribunal administratif de Poitiers, n° 1400294 et 1600335)
Jonathan Quadéri

L’état financier moribond de certains établissements publics de santé est une réalité.

En pareil cas, la réglementation permet à leur directeur de prendre diverses mesures de retour à l’équilibre, au nombre desquelles figure notamment la suppression pure et simple de postes de médecins, pharmaciens, infirmiers(ières) et d’agents administratifs.

Pour mémoire, l'effectif du personnel de chaque hôpital, qu’il s’agisse d’emplois permanents ou temporaires, doit apparaître, par grade, qualification ou statut, en annexe de leur budget, dans un document dénommé “tableau prévisionnel des effectifs rémunérés” (cf. art. R. 6145-20 du code de la santé publique - CSP), communicable à toute personne qui en fait la demande (cf., par analogie, CADA, 2 février 2006, n° 20060660, et TA Rennes, 10 mars 2017, n° 1402167).

Plusieurs articles du CSP traitent de cette situation, peu connue ou maîtrisée, à la procédure encore plus complexe que celle des recrutements des praticiens hospitaliers (PH), aux aspects déjà nébuleux.

A l’égard d’une partie d’entre ces derniers, l’article R. 6152-274 du CSP prévoit « En cas de suppression de son poste, le praticien à temps partiel […] peut, selon son choix, soit être nommé sur un autre emploi, soit être placé en recherche d'affectation ou en disponibilité pour convenances personnelles, soit être licencié avec indemnité dans les conditions fixées à l'article R. 6152-273. » (choix parfois non satisfaisant et susceptible d’être davantage radical que dans l’hypothèse d’une transformation d’emploi à temps plein en temps partiel).

Une telle protection n’est cependant pas offerte à l’identique aux PH à temps plein.

A ceci s’ajoute le fait que, sans évoquer leur pouvoir de contrôle, y compris les directeurs généraux d’agences régionales de santé (ARS) ont voix en la matière, l’article L. 6131-5 dans le code précité explique quant à lui qu’ils peuvent, seuls, « demander à un établissement concerné par une opération de restructuration la suppression d'emplois » et, faute d’obtenir satisfaction, saisir directement le directeur général du Centre national de gestion pour « le placement en position de recherche d'affectation des praticiens hospitaliers titulaires concernés par la restructuration ».

Bien qu’il s’agisse d’un contentieux relativement rare, le Juge administratif valide fréquemment ces suppressions de postes, retenant généralement à cet effet les motifs économiques avancés par l’établissement de santé et/ou le sacro-saint “intérêt du service” qui a présidé à l’édiction de ses décisions, lequel prime sur celui de ses agents (cf., par exemple, CAA Nancy, 15 novembre 2007, n° 06NC01491).

Si, dans ce contexte, il s’avère parfois difficile de lutter, le jeu en vaut parfois la chandelle, en particulier lorsqu’un texte fait assurément obstacle, en droit, à la réduction d’effectif frappant directement le PH, comme l’illustre l’affaire récemment tranchée par le Tribunal administratif de Poitiers.

En l’espèce, un PH temps plein, pharmacien gérant de la pharmacie à usage intérieur d’un Centre hospitalier depuis 25 ans, s’est vu affecté, courant 2012, sur un poste de “praticien hygiéniste”, tout juste créé à cette époque, mais dont la suppression a été décidée seulement 18 mois plus tard, en septembre 2013.

Cette suppression a été réitérée chaque année, dans le budget de l’établissement avalisé par le Directeur général de l’ARS.

Son exécution était cependant conditionnée à un accord du Centre national de gestion qui n’a pas été donné la première fois.

Dans ces conditions, en décembre 2015, ce même praticien s’est de nouveau vu notifier une seconde mesure de suppression de son poste.

Comme la précédente, celle-ci était fondée sur des “raisons financières” (le coût dudit poste était évalué à plus de 140 000 € par an quand le Centre hospitalier présentait un déficit de 850 000 €), l’hôpital arguant entre autres que l’infirmière hygiéniste avait la capacité d’assurer seule l’ensemble de la fonction hygiène de l’établissement.

Toutefois, par un jugement devenu définitif, nos 1400294 et 1600335, du 20 septembre 2017, la juridiction administrative de Poitiers a considéré à juste titre que, ce faisant, le Directeur de l’hôpital a commis une erreur de droit, « la cellule d’hygiène hospitalière du centre hospitalier […] ne compte que deux postes, l’un de pharmacien et l’autre d’infirmier », « la suppression du seul poste de praticien hospitalier en son sein a donc pour effet de priver l’équipe opérationnelle d’hygiène de cet établissement de tout personnel médical ou pharmaceutique », tandis que l’article R. 6111-7 du CSP impose que « l’équipe opérationnelle d’hygiène doit se composer non seulement de personnel infirmier mais également de personnel soit médical soit pharmaceutique ».

On imagine aisément que, à quelques années de la retraite, la perte de son emploi par un PH peut avoir des répercussions importantes, tant d’un point de vue financier que psychologique.

Ce procès, engagé début 2014, a été long. Pour autant, 3 ans plus tard, la fin de carrière de cet agent semble lui être assurée et le Cabinet, qui l’a assisté depuis la survenue de ce litige, s’en réjouit.

La Lettre du Cabinet - Janvier 2018


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