Base de données - Indemnisation

Décollement de rétine après intervention sur cataracte. C.H. responsable ; indemnisation du préjudice.
(Arrêt Cour administrative de Versailles 2 avril 2008, n° 05VE00548)
Isabelle Lucas-Baloup

Intervention sur cataracte de l’œil D dans hopital public ;
infection endoculaire apparue ultérieurement, provoquant un décollement rétinien qui a nécessité une nouvelle intervention chirurgicale un mois plus tard dans un autre C.H.
Complication constatée et traitée tardivement ;
Le C.H. n’a pas contesté sa responsabilité.
Evaluation du préjudice dû au patient, électricien.
L’arrêt énonce : « Si l’acuité visuelle de l’œil droit s’établit à 1/20ème et n’est pas améliorable, comme l’indique l’expert, les allégations du requérant selon lesquelles ce handicap l’aurait privé d’un avancement ou d’une promotion ne sont assorties d’aucun commencement de justification ». 
- Incapacité permanente partielle de 20% évaluée sur la base d’un état antérieur de cataracte ayant donné lieu à la pose d’un implant : 25 000 € pour le préjudice à caractère personnel.
Souffrances endurées : 3 sur une échelle de 1 à 7 : 4 000 €.
Préjudice esthétique : 1 sur 7 : 1 000 €.
Total : 30 000 €.

SAFIR - Mars 2009
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Dommage intervenu dans le cadre de l’activité libérale d’un ophtalmologiste à l’hôpital. Conditions de la responsabilité du CHU non réunies en raison du matériel utilisé Notion nouvelle de « données avérées de la science »
(Arrêt Cour administrative d’appel de Bordeaux 18 mars 2008, n° 06BX01825)
Isabelle Lucas-Baloup

Brûlure rétinienne par photo-traumatisme intervenue en raison de la lumière émise par le microscope utilisé lors de l’opération de la cataracte nucléaire par phakoémulsification subie en 1998, dans le service libéral d’un ophtalmologiste PH en CHU.

Apparition des premiers symptômes de l’affection quelques jours après l’intervention.

Rappel par l’arrêt du droit applicable :
« Les rapports qui s’établissent entre un patient et un praticien hospitalier autorisé, par convention avec l’établissement public de santé dont il dépend, à y exercer une activité libérale en sus de son service, suivant les modalités définies par ces dispositions, relèvent du droit privé ; ledit établissement public ne saurait, dès lors, être rendu responsable des dommages causés à ce patient, ainsi admis dans ses services à titre privé, lorsque de tels dommages trouvent leur origine dans un agissement prétendument fautif imputé au praticien en cause ; sa responsabilité peut en revanche être engagée lorsque les dommages invoqués ont pour cause un mauvais fonctionnement du service public, résultant soit d’une faute commise par un membre du personnel auxiliaire de l’hôpital mis à la disposition des médecins, chirurgiens et spécialistes, pour les besoins de leur exercice libéral, soit d’une mauvaise installation des locaux, soit enfin de la défaillance des produits et appareils de santé ; dans ce dernier cas, la responsabilité du service public hospitalier peut être recherchée en l’absence même de toute faute de sa part, sans préjudice d’un éventuel recours en garantie contre le fabricant du produit ou appareil défectueux, et sans qu’y fasse obstacle ce régime spécial de responsabilité étant distinct du régime général de responsabilité du fait des produits défectueux dont les principes résultent de la directive communautaire n° 85/374 du 25 juillet 1985 actuellement transposée en droit interne par les articles 1386-1 et suivants du code civil, la circonstance que le fabricant du matériel en cause peut être identifié ; »

Il est finalement jugé que l’appareil utilisé était de conception ancienne n’ayant pu être équipé, lors de sa révision en 1997, du modulateur recommandé notamment par une circulaire ministérielle du 11 juin 1996. « Toutefois, l’intensité lumineuse du microscopie opératoire en cause ne révèle pas une défaillance de l’appareil et n’a pas été, lors de l’intervention, supérieure aux données fournies par son fabricant ; »
Son utilisation pour les besoins d’opérations de cette nature n’était pas contraire aux normes en vigueur et demeurait compatible avec les données avérées de la science. Il ne saurait dès lors être regardé, nonobstant la disponibilité, sur le marché de l’équipement médical, de matériels plus perfectionnés, comme présentant un défaut de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire. » 

-->  Il est intéressant de lire que la juridiction administrative fait référence aux « --onnées avérées de la science ». On se souvient que le code de déontologie médicale fait obligation aux ophtalmologistes de donner des soins « consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents » (article R. 4127-32, code de la santé publique).

-- > C’est dans la loi du 4 mars 2002 (loi dite Kouchner) qu’on trouve pour la première fois la notion de « connaissances médicales avérées », à l’article L. 1110-5 du code de la santé publique : « Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. » 


-->  Dans chaque cas, ce sont les experts nommés qui informent la juridiction saisie de l’état de l’art, ce qui peut évidemment générer des discussions techniques, médicales et plus généralement scientifiques sur ce qui est « avéré », « acquis », « actuel » ou obsolète…

SAFIR - Mars 2009


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Cataracte Décollement de rétine Indemnisation Ophtalmologie

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Erreur d’organe opéré : pas d’indemnisation du préjudice éventuel
(Cour de cassation, 1ère civ., arrêt du 28 juin 2012, n° 11-19265)
Pierre Culioli

Un chirurgien vasculaire effectue par erreur, sur une patiente souffrant d’insuffisance veineuse à la jambe droite, un stripping de la veine saphène interne (grande saphène) au lieu de la veine saphène externe (petite saphène). En première instance, il a été condamné à indemniser la victime au titre des préjudices temporaires, patrimoniaux, extra-patrimoniaux et du préjudice esthétique. Dans un arrêt du 4 avril 2011, la Cour d’appel de Reims a fait siens les arguments des premiers magistrats mais a sanctionné en plus le médecin au paiement de :

  • 5 400 € correspondant au préjudice né d’une perte de chance de guérison,
  • 3 000 € correspondant à un préjudice extra-patrimonial exceptionnel.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 28 juin 2012 (n° 11-19265), a confirmé partiellement l’arrêt de la Cour d’appel en jugeant que :

« L'opération envisagée, qui ne présentait qu'un faible risque d'échec, n'avait pu avoir lieu en raison de l'erreur médicale commise par M. Y..., a caractérisé l'existence d'un préjudice né de la perte d'une chance de guérison à l'occasion de l'opération litigieuse ;

« Pour condamner M. Y... à verser à Mme X... une somme de 3 000 euros, la cour d'appel a relevé l'impossibilité psychologique dans laquelle se trouvait désormais cette dernière d'engager sereinement des soins médicaux, particulièrement s'ils nécessitent une intervention chirurgicale, comme constitutive d'un préjudice extra-patrimonial permanent atypique ou encore exceptionnel, en ce sens qu'il est lié au caractère exceptionnel des circonstances dans lesquelles la faute a été commise, Mme X... étant ressortie de la clinique où elle devait recevoir des soins non seulement sans les avoir reçus, mais dans un état aggravé par une erreur quant à la partie du corps à opérer ;

« En statuant ainsi, alors que la réticence alléguée par Mme X... à subir dans le futur une intervention chirurgicale constituait une simple éventualité, la cour d'appel a fait une fausse application des textes susvisés. »

Les Hauts magistrats ont refusé de condamner le médecin à indemniser la patiente pour un préjudice simplement hypothétique. L’arrêt de la Cour d’appel est cassé sur ce point pour fausse application de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique (relatif à la responsabilité du professionnel de santé) et de l’article 1382 du code civil (concernant le régime de responsabilité délictuelle de droit commun). Le préjudice subi par un patient ne peut être réparé que dans le cas où il existe un véritable dommage. La Cour de cassation contrôle qu’il n’y a pas de doute sur sa réalité. L’arrêt du 28 juin 2012 donne ainsi une définition du préjudice conforme à l’esprit des textes. Cette décision s’inscrit parfaitement dans la mouvance jurisprudentielle prohibant l’indemnisation du dommage simplement éventuel mais condamnant le médecin dans l’hypothèse d’une perte de chance réelle.

La lettre du Cabinet - Septembre 2012


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Erreur d'organe Indemnisation Préjudice

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Infection après intervention sur cataracte Clinique responsable. Indemnisation du préjudice.
(Arrêt Cour d’appel d’Aix en Provence 15 janvier 2008, n° 06/02690)
Isabelle Lucas-Baloup

Infection après intervention dans clinique privée sur cataracte œil G en 1997, H, maçon chef d’entreprise, 60 ans.
Condamnation de l’établissement à payer en réparation du préjudice :
IPP : 10% : 9 000 €
Déficit physiologique : 4 500 €
Pretium doloris : 4 sur 7 : 4 500 €
Préjudice esthétique : 1 sur 7 : 1 000 €
Total : 19 000 €.

SAFIR - Mars 2009
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L’indemnité compensatrice de la violation d’une interdiction de se réinstaller n’est pas déductible de ses revenus par le médecin qui la paie à son ancien associé
(Cour adm. d’appel de Bordeaux, 4ème ch., 19 juin 2008, n° 06BX01693)
Isabelle Lucas-Baloup

Un radiologue avait été condamné judiciairement à payer à son ancien associé des dommages-intérêts sanctionnant sa réinstallation dans la même ville alors qu’une clause du contrat d’exercice conjoint lui interdisait de se rétablir dans un rayon de 15 km pendant 5 ans. Une fois l’indemnité payée, le radiologue en avait déduit le montant de ses recettes pour le calcul de l’impôt sur le revenu et fut redressé par l’administration fiscale. L’arrêt confirme le bien fondé de la réintégration.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009
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Obligation pour la Clinique qui transfère sa maternité vers un hôpital d'indemniser les gynécologues-obstétriciens faute d'avoir respecté le délai de préavis de deux ans
(CA Aix en Provence, ch. civ. 1, 26 janvier 2010, n° 08/19445)
Isabelle Lucas-Baloup

L’arrêt ne porte que sur la réparation du non respect par la Clinique la R. d’un délai de préavis de deux ans avant la fermeture de sa maternité et juge : « La Clinique la R. s’oppose au principe du paiement en invoquant, par son appel incident, le fait que la rupture du contrat de collaboration est imputable aux torts exclusifs du Dr A. […] ; Attendu que la lettre de rupture adressée le 24 décembre 2001 informant le Dr A. qu’il serait mis fin au contrat à compter du 31 janvier 2002 n’invoque aucun grief de sorte que c’est à juste titre que le premier juge a considéré que les problèmes auxquels la Clinique la R. a été confrontée face aux exigences de l’Agence Régionale d’Hospitalisation ayant abouti à la décision de fermeture de la maternité et à son transfert vers l’hôpital Saint-Joseph étaient de nature structurelle et généraux, sans aucune faute caractérisée de la part du Dr A. ». La Cour ordonne l’indemnisation du gynécologue-obstétricien en prenant en considération le nombre d’accouchements annuels réalisés dans l’établissement, dès lors qu’il avait un cabinet en ville et une activité non exclusive à la Clinique la R.

Gynéco-Online - Mai 2011
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Praticiens hospitaliers : indemnisation, carrière et discipline
Jonathan Quaderi

Pour mémoire, les 12 et 23 mai 2011, ont été respectivement publiés deux textes mis à la signature du ministre chargé de la Santé, l’un sous forme d’une note d’information relative à la situation des professionnels placés en disponibilité d’office à l’issue d’une période de recherche d’affectation, traitant de l’indemnisation de la perte involontaire d’emploi, l’autre, constituant un arrêté modifiant celui du 17 octobre 2001, relatif à l’activité exercée par un praticien hospitalier dans plusieurs établissements. Il ressort, notamment, de la lecture de ces mesures que, d’une part, l’indemnisation due au titre de la perte d’emploi involontaire visée à l’article L. 5424-1 du code du travail doit être supportée par l’établissement, « dernier employeur », et non par le CNG, bien que l’intéressé soit placé directement sous l’autorité de l’instance de gestion. D’autre part, le toilettage de l’arrêté de 2001 intègre les mesures qui résultent de la loi HPST, en modifiant, par exemple, l’article 8 préexistant, dont le quatrième alinéa est rédigé dorénavant ainsi qu’il suit : « Lorsque les établissements parties à la convention [établie en vue de répartir l’activité d’un praticien entre deux ou plusieurs établissements] fusionnent ou constituent un groupement de coopération sanitaire érigé en établissement public de santé, le praticien qui partageait son activité entre des sites géographiques distincts et percevait [l’indemnité (et non « l’activité »)] susmentionnée en conserve le bénéfice pendant une période de douze mois à compter de la date de création du nouvel établissement. »
En ce qui concerne la carrière des praticiens hospitaliers, plus particulièrement lorsque ceux-ci entendent démissionner de leurs fonctions pour exercer en secteur privé, leur attention doit être attirée sur la mise en œuvre effective, depuis la fin de l’année dernière, du principe de non concurrence introduit à l’article L. 6152-5-1 du code de la santé publique par la loi du 21 juillet 2009. En effet, si ce texte ne trouve toujours pas, à ce jour, de décret d’application, il n’en demeure pas moins que la commission de déontologie, créée par l’article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, a, à plusieurs reprises, été saisie « pour rendre un avis sur la compatibilité avec les fonctions précédentes de l’agent, de toute activité lucrative, salariée ou non, dans un organisme ou une entreprise privée ou dans une entreprise publique exerçant son activité conformément aux règles de droit privé dans un secteur concurrentiel ou d’une activité libérale que souhaite exercer l’agent pendant un délai de trois ans suivant la cessation de ses fonctions ». A ce titre, c’est donc uniquement en vertu du dernier alinéa de l’article R. 6152-97, modifié par le décret statutaire du 29 septembre 2010, que « sont applicables [aux] praticiens démissionnaires [prévoyant] d’exercer une activité salariée ou à titre libéral les dispositions de l’article 87 [visées ci-dessus] ». Manifestement, ladite commission considère incompatible de ce chef la volonté d’un praticien hospitalier de s’installer, pour y exercer une activité identique, dans une clinique située à seulement quelques kilomètres de l’hôpital de départ.
Enfin, chacun sait désormais que le directeur général du Centre National de Gestion est compétent pour suspendre, à titre conservatoire et dans l’intérêt du service, un praticien hospitalier, prérogative que lui confère notamment l’article R. 6152-77 du code de la santé publique. Une telle décision fait nécessairement grief et peut, en conséquence, être soumise à la censure du juge administratif, y compris par voie de référé, aux fins qu’il en suspende, en urgence, l’exécution. Cependant, l’opportunité d’entreprendre cette dernière démarche doit être appréciée rigoureusement car les chances d’obtenir satisfaction sont très souvent réduites.
C’est ce qu’a pu constater Monsieur A. à la lumière de l’arrêt n° 346338 rendu à son encontre par le Conseil d’Etat, le 11 juillet 2011, rédigé en ces termes : « en jugeant que Monsieur A. justifiait de l’existence d’une situation d’urgence, tenant d’une part à la perte de ses rémunérations accessoires et des revenus tirés de sa clientèle privée et d’autre part à l’atteinte portée à sa réputation et au maintien de ses qualifications, alors que la mesure de suspension n’avait pas privé l’intéressé de son traitement principal de praticien hospitalier à plein temps et que l’administration avait fait valoir que l’intérêt public justifiait que ce praticien soit, pour la sécurité des patients et le bon fonctionnement du service, momentanément éloigné de celui-ci, le juge des référés a entaché sa décision de dénaturation et d’erreur de droit ».
La suspension du praticien a donc été maintenue.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2011


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Indemnisation Praticien hospitalier

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Retard au diagnostic (non) faute technique (oui) Décollement de rétine Indemnisation du préjudice
(Arrêt Cour d’appel Aix en Provence 10 septembre 2008, n° 07/00531)
Isabelle Lucas-Baloup

Victoria X, à l’occasion d’un effort physique, ressent une vive douleur à l’œil G, suivie de l’apparition d’un voile avec des points noirs. Elle consulte le jour même le Dr M., ophtalmologiste, qui lui prescrit un traitement pour une irritation oculaire, renouvelé 15 jours plus tard. Autre ophtalmologiste consulté 2 mois plus tard décèle un décollement de rétine, chirurgie, cécité non améliorable.

Expertise et jugement de première instance : manquements du Dr M. et perte de chance 30%. Appel par la patiente.

L’arrêt du 10 septembre 2008 retient :

- L’ophtalmologiste n’a réalisé lors de ses 2 consultations qu’un « examen avec une lentille de Volk de 60° et n’a pas examiné l’extrême périphérie rétinienne de l’œil G avec un verre de Golman à 3 miroirs, ce qui aurait permis de déceler un décollement postérieur du vitré avec peut-être déjà une déchirure rétinienne ou un début de décollement de rétine » ;
- « Il ne s’agit pas d’une simple erreur de diagnostic non fautive en elle-même, mais d’une faute technique pour ne pas avoir diagnostiqué à temps une déchirure rétinienne ou un début de décollement de rétine, faute d’avoir employé les instruments médicaux indispensables. »
- confirmation de la perte de chance à hauteur de 30%.

- indemnisation du préjudice : IPP en rapport avec le décollement de rétine fixé à 20% compte tenu de l’état antérieur de Victoria X (cataracte bilatérale avec une acuité visuelle à 04/10 ; pretium doloris à 4/7 ; préjudice d’agrément pour abandon d’activités de loisirs : 3 000 €.

SAFIR - Mars 2009
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Secteur privé à l’hôpital public : détermination du juge pour trancher le litige
(Tribunal des conflits, 31 mars 2008, n° 08-03616, CH de Voiron)
Bertrand Vorms

Quel est le Tribunal compétent pour statuer sur une demande d’indemnisation d’un patient désireux d’obtenir l’indemnisation des préjudices qu’il a subis à la suite d’une intervention chirurgicale pratiquée par un médecin hospitalier dans le cadre de son secteur privé à l’hôpital public ?
On sait que les juridictions en France, hors système répressif, se répartissent selon deux grandes familles, celle de l’ordre judiciaire (principalement tribunal de grande instance, cour d’appel, Cour de cassation), et celle de l’ordre administratif (tribunal administratif, cour administrative d’appel, Conseil d’Etat). Leur compétence est exclusive l’une de l’autre, de sorte que la saisine irrégulière d’un tribunal de l’un des deux ordres conduit à ce qu’il décline sa compétence au profit de l’autre.
En principe, un patient accueilli au sein d’un établissement public, pris en charge par un praticien hospitalier et recevant les soins des agents de cet établissement, ne peut, s’il est victime de dommages, s’adresser qu’aux juridictions administratives.
Dans l’espèce qui nous intéresse, le chirurgien étant intervenu, de manière régulière, dans le cadre de son « secteur privé » et l’analyse des faits conduisait au constat d’une absence de manquement à l’occasion de l’intervention chirurgicale, les fautes résultant d’un défaut d’information altérant le consentement éclairé, de l’indication opératoire et de défaillances dans le suivi postopératoire.
Sur ce constat, le tribunal de grande instance de Grenoble, saisi en premier, a rejeté la demande présentée par le patient et l’a invité à se pourvoir devant le tribunal administratif lequel, six mois plus tard, l’en a également débouté en considérant, implicitement, qu’il appartenait aux juridictions civiles de trancher le litige.
C’est dans ces conditions que le Tribunal des conflits, qui regroupe des magistrats de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat, a statué, par arrêt du 31 mars 2008, et a considéré : « Que les actes accomplis par les médecins, chirurgiens et spécialistes au profit des malades hospitalisés dans le service privé d’un hôpital public le sont en dehors de l’exercice des fonctions hospitalières ; que les rapports qui s’établissent entre les malades admis dans ces conditions et les praticiens relèvent du droit privé ; que si l’hôpital peut être rendu responsable des dommages subis par de tels malades lorsqu’ils ont pour cause un mauvais fonctionnement résultant soit d’une mauvaise installation des locaux, soit d’un matériel défectueux, soit d’une faute commise par un membre du personnel auxiliaire de l’hôpital mis à la disposition des médecins, chirurgiens et spécialistes, ceux-ci doivent répondre des dommages causés par leurs propres manquements dans les conditions du droit privé ; qu’il n’appartient qu’à la juridiction judiciaire de connaître d’une action dirigée à leur encontre ; que c’est à tort que le tribunal de grande instance de Grenoble s’est déclaré incompétent pour en connaître. »
Il a alors annulé le jugement de cette juridiction en ce qu’elle s’était déclarée incompétente pour statuer sur des fautes pré et post-opératoires imputées au chirurgien, pour lesquelles elle avait estimé que, n’étant pas détachables du service, elles devaient être examinées par le tribunal administratif.
On doit en conclure que, lorsqu’un patient entre à l’hôpital par la filière de recrutement privé d’un praticien hospitalier il relève du droit privé, à l’exclusion, éventuellement, de la possibilité d’engager la responsabilité de l’établissement public si une faute lui est directement imputable du fait de ses locaux, de ses matériels, ou de ses personnels paramédicaux. D’où l’importance de souscrire un contrat d’assurance de responsabilité civile professionnelle pour les praticiens hospitaliers concernés.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009
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