Base de données - Césarienne

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Accouchement par césarienne sans faute du chirurgien : pas de responsabilité
(Arrêt du 16 octobre 2003, Cour d'appel de Paris, 1ère chambre)
Isabelle Lucas-Baloup

Les complications d'un accouchement réalisé avant le 5 septembre 2001 ne sont pas soumises à la loi Kouchner. La parturiente qui a souffert d'une gangrène associée à une péritonite purulente doit donc démontrer une faute technique ou un manquement à l'obligation de moyens du chirurgien. A défaut, elle est déboutée de son action en dommages et intérêts.

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Mars 2004
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Césariennes de confort : qui le décide, la parturiente ou le médecin ?
Isabelle Lucas-Baloup

Résumé :

Depuis que la Loi dite Kouchner a écarté le « paternalisme éclairé » du médecin, en vertu duquel il conseillait la parturiente avec autant sinon plus de conscience et de diligence que s’il s’agissait de sa propre fille, la patiente est souveraine pour prendre toutes décisions relatives à sa santé, après avoir été bien informée. C’est donc la « parturiente qui décide ». Pour autant, l’obstétricien n’est pas tenu de faire n’importe quoi. Après avoir évalué le bénéfice/risque, il peut parfaitement refuser de pratiquer une césarienne « de convenance », à condition d’en informer la femme en temps opportun pour lui permettre de mesurer les conséquences de son choix et, le cas échéant, de trouver un autre médecin avec lequel elle s’entendra sur la gestion de sa grossesse et de son accouchement…

Les textes légaux et réglementaires qui répondent à la question :

•Article L. 1111-4, CSP :
« Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé. […] »

« Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix. […] »

•Article L. 1111-2, CSP :
« Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. […] »

•Article L. 1110-1, CSP :
« Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. […] »

•Article R. 4127-40, CSP :
« Le médecin doit s’interdire, dans les investigations et interventions qu’il pratique comme dans les thérapeutiques qu’il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié. »

•Article 16-3, code civil :
« Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui. Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir. »

En l’état du droit français, depuis la loi du 4 mars 2002 qui a introduit au code de la santé publique les trois premiers articles ci-dessus, il est clair que la parturiente décide souverainement ce qui relève de son état de santé, après avoir été informée de l’évaluation du bénéfice/risque et des alternatives possibles.

L’obstétricien, quant à lui, après avoir satisfait à son obligation d’information telle qu’encadrée ci-dessus, en avoir soigneusement conservé la trace, éventuellement orienté la parturiente vers un confrère pour obtenir un second avis, peut refuser de pratiquer une césarienne qui exposerait la femme enceinte à un risque injustifié. Il est fondé alors à viser sa clause de conscience et refuser d’accoucher la parturiente, à condition de le décider en temps opportun pour permettre, s’il se dégage de sa mission, de transmettre le dossier au médecin désigné par la femme avec les informations utiles à la suite des soins (article R. 4127-47, CSP).

La jurisprudence :

La jurisprudence sanctionnant l’erreur d’indication, le refus fautif de prévoir une césarienne « dite de confort » dans la question qui m’est posée, est plus rare que celle relative aux fautes dans la réalisation de la césarienne, ou le retard à la décider ou la pratiquer en urgence, lorsque l’accouchement est commencé. Deux arrêts peuvent être cités :

•La cour d’appel de Paris a jugé, le 6 décembre 1995, que « la césarienne n’est jamais une opération de confort, puisqu’elle suppose une chirurgie à ventre ouvert, mais une complication pathologique de la grossesse » (cf. 7ème chambre, aff. n° 94/22016), dans un contentieux opposant la parturiente à sa compagnie d’assurance pour la prise en charge des frais supplémentaires induits par la césarienne.


•Pour la cour de Nîmes, le gynécologue-obstétricien engage sa responsabilité pénale dès lors qu’il a accepté de pratiquer un accouchement, intervenant normalement le 14 décembre, à une date qui avait la convenance des parents « pour favoriser la présence du père », le 2 décembre, alors qu’il ressort de l’expertise médicale que les conditions habituellement requises pour réaliser un accouchement de convenance n’étaient pas réunies en l’espèce. Condamnation du médecin à 4 mois de prison avec sursis, une amende de 1 000 €, 8 000 € à la mère et 6 000 € au père pour préjudice moral, l’enfant étant décédé le lendemain des suites d’une souffrance fœtale aiguë (cf. arrêt du 13 avril 2006, chambre des appels correctionnels, aff. n° 06/00394).
Je n’ai pas trouvé de décision judiciaire prononcée à la suite d’une action engagée par un enfant, après sa majorité, reprochant au praticien d’avoir accepté, pour sa naissance, à la demande d’un ou des deux parents, une césarienne de convenance, sans contre-indication d’un accouchement par voie basse, laquelle se serait néanmoins compliquée et aurait provoqué un préjudice corporel à l’enfant dont il demanderait - 18 ans plus tard - réparation. C’est néanmoins tout à fait possible et je ne puis que conseiller aux obstétriciens de conserver soigneusement les preuves de l’information qu’ils ont donnée aux parents à distance de l’accouchement, sur le bénéfice/risque en insistant sur les complications éventuelles.

C’est un beau sujet qui, dans une approche éthique mais aussi très pratique, implique une réflexion sur les motivations, parfois irrationnelles, de la mère, lorsqu’elle s’éloigne du conseil de son praticien et sur les concours utiles pour faire évoluer son opinion (consultation d’un psychiatre ou d’un psychologue, en raison d’une peur pathologique de l’accouchement, ou encore du médecin de famille, d’un autre spécialiste, etc.).

Gynéco Online - Décembre 2010
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Configuration du bloc opératoire : faute dans l’organisation du service hospitalier ?
Isabelle Lucas-Baloup

Le 16 janvier 2008, le Conseil d’Etat (5ème et 4ème sous-sections, affaire n° 275 173) a statué sur une intéressante question : le fait que le bloc chirurgical ne soit pas situé au même étage que le bloc obstétrical dans un hôpital constitue-t-il une faute dans l’organisation du service ? Le 31 décembre 1989, une parturiente a donné naissance à un enfant atteint de séquelles motrices et cérébrales majeures. Elle a sollicité du Tribunal administratif de Poitiers une indemnisation et cette juridiction a retenu que « le délai excessif entre le diagnostic de procidence du cordon ombilical et l’extraction de l’enfant était imputable à l’absence fautive d’un médecin anesthésiste susceptible d’intervenir sans délai». La Cour administrative d’appel de Bordeaux a, en revanche, annulé le jugement et rejeté la demande des requérants en estimant qu’aucune faute n’était imputable au centre hospitalier, qu’elle fût médicale ou due à un défaut d’information ou d’organisation du service.
Les parents ont engagé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat contre cet arrêt. Il était fait grief à la décision des juges du second degré d’avoir estimé d’une part que le fait que le bloc chirurgical n’était pas situé au même étage que le bloc obstétrical n’était pas constitutif d’une faute dans l’organisation du service et, d’autre part, de ne pas avoir jugé que la configuration des locaux était structurellement défectueuse et de nature à priver les patients des garanties médicales attendues du service public hospitalier.
Le Conseil d’Etat confirme l’arrêt de la Cour de Bordeaux qui, s’appuyant sur le rapport de l’expert désigné, avait relevé que « si le bloc chirurgical de l’hôpital n’était pas à l’époque des faits situé à proximité immédiate du service d’obstétrique, cette circonstance n’était pas, en l’espèce, constitutive d’un aménagement défectueux des locaux dès lors que, lorsque la décision de pratiquer la césarienne avait été prise à la suite de la manifestation des premiers troubles cardiaques de l’enfant, la patiente avait pu être transférée sur le champ au bloc opératoire et que le délai qui s’était écoulé entre le diagnostic de procidence du cordon et l’extraction de l’enfant n’était pas critiquable ; que la Cour, en jugeant que les faits qu’elle a ainsi analysés ne révélaient pas de faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service, ne les a pas inexactement qualifiés. »
En conclusion : le bloc chirurgical peut, sans faute de l’hôpital, ne pas être situé au même étage que le bloc obstétrical.

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Mars-avril 2008
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L'absence de recrutement par la Clinique de gynécologue-obstétricien pratiquant les césariennes justifie que certains gynécologues-obstétriciens aient résilié leur contrat
(CA Lyon, ch. civ. 1, 29 mars 2011, n° 09/02616)
Isabelle Lucas-Baloup

Toujours à Lyon, 3 obstétriciens exerçant à la Polyclinique des M. vendent leurs actions à une Mutuelle qui reprend l’établissement en en regroupant la maternité avec celle de la Clinique de la R. voisine. Tous les médecins ne pratiquant pas les césariennes, faute de qualification chirurgicale, ce qui générait un surcroît de gardes pour les médecins habilités, qui ont pris soin de faire prendre l’engagement par la Clinique « de procéder au recrutement de médecins spécialistes en gynécologie-obstétrique pour renforcer l’équipe actuelle de manière qu’elle comprenne 4 gynécologues-obstétriciens effectuant des césariennes ». L’arrêt précise : « Il ne peut être contesté que ces dispositions étaient déterminantes pour les médecins signataires de ces contrats puisque le préambule le rappelle expressément. […] Il est constant que la Polyclinique des M. n’a effectué aucun recrutement conforme à ses engagements […]. Il n’apparaît nullement des pièces produites que le non-respect de l’engagement de la Polyclinique d’effectuer l’embauche de médecins spécialistes en gynécologie-obstétrique ait pour origine l’opposition des médecins en place. […] Dès lors c’est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la Polyclinique des M. n’ayant pas rempli ses obligations, les Drs F. M. et M. ont pu justement résilier leur contrat et dit que l’indemnité de résiliation était due en l’absence de toute faute […]. »

Gynéco-Online - Mai 2011
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Quid de la liberté de prescription de l’obstétricien ?
Césarienne et dégressivité tarifaire

Isabelle Lucas-Baloup

L’évolution du nombre de césariennes est dans le collimateur des autorités de tutelle sanitaires et tarifaires depuis un bon nombre d’années. Du chef de la dégressivité tarifaire imposée quand un service d’obstétrique dépasse le taux fixé, les gynécologues-obstétriciens perdent-ils une partie de leur « liberté de prescription » ?

 

La césarienne dans le collimateur des autorités sanitaires et tarifaires :

 

On se souvient que, bien avant la tarification à l’activité (T2A), dans les années 1980-1990, les CPAM surveillaient le rapport accouchements/césariennes dans les services d’obstétrique pour réduire la prise en charge dans les établissements de santé.

Plus récemment, la Haute Autorité de Santé (HAS) a été saisie par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), la Direction de la sécurité sociale (DSS) et la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), d’écarts de taux de recours constatés sur l’acte de césarienne programmée à terme et a publié :

  • des recommandations pour la pratique clinique « Indications de la césarienne programmée à terme » en 2012 : www.has-sante.fr,

  • et un Guide d’analyse et d’amélioration des pratiques, consultable sur le même site, qui propose des parcours types de femmes enceintes pouvant nécessiter une césarienne programmée en fonction des facteurs de risque (présentation par le siège, diabète gestationnel, etc.).

Une expérimentation pilote de ce guide a eu lieu, en 2013, avec appel à candidatures des professionnels et établissements de santé par l’intermédiaire des agences régionales de santé (ARS) et des réseaux de périnatalité.

 

La pertinence des soins :

 

Des outils et référentiels nationaux, puis régionaux, avec élaboration d’une démarche contractuelle ARS/Assurance Maladie/Etablissements de santé comportant des objectifs quantitatifs et qualitatifs à l’amélioration de la pertinence des soins ont été mis en œuvre (cf. description dans Rapport IGAS (2013-163R) « Evaluation de la gestion du risque maladie », mai 2014, www.igas.gouv.fr).

Le décret n° 2015-1510 du 19 novembre 2015 relatif à la promotion de la pertinence des actes, des prestations et des prescriptions en santé permet le ciblage d’établissements de santé grâce à des critères permettant de leur imposer des objectifs quantitatifs dans un contrat tripartite d’amélioration de la pertinence des soins (article R. 162-44-2 du code de la sécurité sociale). Une évaluation annuelle contrôle la réalisation des objectifs, avec sanctions possibles : soit procédure de mise sous accord préalable, soit sanction pécuniaire.

La pertinence des soins a été inscrite dans la déclinaison des orientations du Plan national de gestion du risque et d’efficience du système de soins (PNGDRESS) défini pour une durée de deux ans depuis la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 relative à la modernisation de notre système de santé. Le PNGDRESS a pour objet de déterminer les actions et les objectifs prévus pour améliorer les performances du système de santé, de maîtriser l’évolution de dépenses conformément à l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) ; il est signé entre l’Etat et l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM).

Localement, le Plan national se décline en un Plan régional (PRGDRESS) pluriannuel de gestion du risque et d’efficience du système de soins et fait l’objet d’une convention conclue entre le directeur général de l’ARS et les représentants des régimes d’assurance maladie, dont la finalité est annoncée comme : « développer le juste soin au juste coût dans le cadre d’une démarche continue d’amélioration de la qualité des soins, en accompagnant les offreurs de soins, les établissements et les professionnels de santé dans l’évolution de l’organisation des prises en charge, au cœur des transformations du système de santé. »

Ce plan d’actions régional est publié par chaque ARS et disponible sur son site web.

Si on prend, pour exemple, celui de la Région Provence Alpes Côte d’Azur (PACA), on observe que l’acte de césarienne programmée à terme fait l’objet :

 

- en 2009 :

  • d’un taux national de           2,45
  • d’un taux régional PACA de 2,55

- en 2014 :

  • d’un taux national de           2,34
  • d’un taux régional PACA de 2,57

 

et donc d’un indice national (rapport entre le taux régional et le taux national) de 1,10 signifiant que le taux de recours à la césarienne programmée à terme pour la population de la région PACA est supérieur de 10% à celui observé au niveau national.

 

 

La dégressivité tarifaire :

 

L’article R. 162-42-1-4 du CSS autorise des minorations tarifaires appliquées sur les activités produites au-delà des seuils fixés par les arrêtés ministériels. Le directeur de l’ARS fixe le montant des sommes à récupérer auprès de chaque établissement au titre de l’année considérée, le notifie au directeur de l’établissement qui peut présenter des observations pendant un mois, puis dispose d’un délai de deux mois pour payer, à défaut de quoi la caisse d’assurance maladie procède au recouvrement des sommes dues par retenue sur les prestations à venir (article R. 162-42-1-8 du CSS).

 

Par arrêté ministériel du 4 mars 2016, le taux de « césarienne pour grossesse unique » (racine du GHM : 14C08) a été fixé à 5% (valeur du seuil exprimée en taux d’évolution) pour l’année 2016 (comme pour 2015), avec une valeur de minoration tarifaire à 20%, appliquée sur l’activité produite au-delà du seuil (cf. J.O. 8 mars 2016).

Le mécanisme de calcul de la dégressivité tarifaire est compliqué et a été présenté par l’ATIH (Agence technique de l’information sur l’hospitalisation) dans une note d’information du 7 juillet 2016 (cf. www.atih.sante.fr).

Divers établissements de santé ont déjà fait l’objet d’arrêtés notifiant les sommes dues au titre de l’activité réalisée en prenant en considération l’évolution du nombre d’actes pendant les deux dernières années dans la racine 14C08 césarienne pour grossesse unique, eu égard au taux de déclenchement de 5% pour la racine concernée.

Des circonstances particulières peuvent être invoquées pour expliquer le taux d’augmentation, et les établissements de santé peuvent saisir le Tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale compétent d’un recours pour contester « la récupération » notifiée.

 

Effets sur les relations obstétriciens/établissements de santé privés :

 

Un établissement de santé privé au sein duquel les gynécologues-obstétriciens interviennent en vertu d’un contrat d’exercice libéral n’a aucun pouvoir hiérarchique sur les praticiens, qui jouissent d’une liberté de prescription et de décision médicale conférée par :

 

  • l’article R. 4127-8 du code de la santé publique :

     

    « Dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. »

 

  • l’article L. 162-2 du code de la sécurité sociale :

     

    « Dans l’intérêt des assurés sociaux et de la santé publique, le respect de la liberté d’exercice et de l’indépendance professionnelle et morale des médecins est assuré conformément aux principes déontologiques fondamentaux que sont le libre choix du médecin par le malade, la liberté de prescription du médecin, le secret professionnel, le paiement direct des honoraires par le malade, la liberté d’installation du médecin, sauf dispositions contraires en vigueur. »

 

Sous réserve de l’évaluation du bénéfice/risque par l’obstétricien, le choix de la parturiente est par ailleurs déterminant, compte tenu de :

 

  • l’article L. 1111-4 du code de la santé publique :

     

    « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé.

    « Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix. […]. »

 

Dès lors, la parturiente, parfaitement informée sur le bénéfice/risque par son gynécologue-obstétricien, est seule à décider si elle requiert une césarienne, ou pas, et le praticien, sauf circonstances particulières, est tenu de satisfaire à ce choix (cf. dans cette même rubrique : « Césarienne de confort, qui le décide, la parturiente ou le médecin ? mars 2013).

Mais le directeur d’établissement de santé, totalement incompétent pour s’en mêler, puisque la décision est prise unilatéralement par l’obstétricien et la parturiente, est susceptible d’être pénalisé par une procédure de dégressivité tarifaire, à l’issue de laquelle l’établissement de santé devra restituer à l’assurance maladie des sommes qui peuvent être importantes pourtant facturées dans des conditions respectant la T2A, si, dans le service, l’évolution du nombre de césariennes est atypique par rapport au taux fixé par arrêté opposable.

Dans le Rapport du Sénateur Jean-Marie Vanlerenberghe (n° 243, site Sénat), au nom de la commission des affaires sociales sur l’enquête de la Cour des comptes relative aux maternités, enregistré le 21 janvier 2015, il est fait état, en page 29, de données intéressantes et bien connues des professionnels et des établissements :

 

« Les difficultés de certains établissements à assurer une permanence des soins complète les conduisent parfois à mettre en place une programmation très avancée des accouchements sur des créneaux horaires compatibles avec l’activité des praticiens. Le taux plus élevé de césariennes résulterait ainsi de la nécessité de prévenir toute activité obstétricale tardive voire nocturne, son déclenchement intervenant dès lors que l’accouchement programmé risque de s’étendre au-delà de l’après-midi.

« La Haute Autorité de Santé a entrepris des actions pour maîtriser la technicité des soins. Elle a ainsi lancé une expérimentation pilote sur l’optimisation de la pertinence des césariennes programmées à terme, et publié à l’appui de cette démarche des recommandations de bonne pratique en janvier 2012. Certaines initiatives locales mises en œuvre dans les établissements ou dans le cadre des réseaux de périnatalité contribuent également à cet objectif. A Argenteuil, la pratique de la « chasse à l’indication » a conduit à publier régulièrement et à comparer les taux individuels de césariennes des médecins pendant leurs gardes. En conséquence, le taux de césarienne a baissé de 22,21% en 2010 à 20,61% en 2011 et à 17% en 2013. En Auvergne, l’action déterminée du réseau a contribué à une amélioration de la pratique médicale : les revues de césariennes organisées par le réseau a permis de voir leur taux de pertinence passer de 65,6% à 80,6% entre 2011 et 2013, et de 60% à 86,7% pour les maternités de type I. La part de césarienne de convenance parmi les césariennes non pertinentes est passée de 13 à 0%. […]

« Assez paradoxalement, les taux de césariennes sont plus élevés dans les maternités de type I, censées accueillir des grossesses physiologiques, que dans les établissements de niveau supérieur. Cette situation semble surtout liée au statut des établissements. Ainsi les maternités publiques de type I se caractérisent par des taux de césarienne relativement faibles, compris entre 9,5 et 18,5% en 2012, alors que dans les cliniques privées ces mêmes taux varient entre 19,5% et 23,3%. Face à ce constat, l’ARS a intégré dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) de 6 établissements un objectif de taux maximal de césarienne de 20% à l’horizon 2017. »

 

Pour ceux que la répartition géographique du taux de césariennes intéresse, lire également l’Atlas des variations de pratiques médicales, édition 2016, pages 25 et suivantes, publié en novembre 2016 par l’IRDES (Institut de recherche et documentation en économie de la santé). On y remarque également :

 

« Avec un taux de recours moyen national de 18,7 pour 100 naissances en 2014, la France se situe nettement en dessous des pays comme l’Allemagne et l’Australie (plus de 30 pour 100 naissances). »

 

Revenons à nos directeurs d’établissements qui subissent un taux et/ou une évolution du taux de césariennes conduisant directement à des sanctions financières : peuvent-ils envisager d’introduire dans le contrat d’exercice libéral des gynécologues-obstétriciens des dispositions impératives leur imposant de ne pas dépasser le seuil (non encore fixé pour 2017) et de sanctionner la violation de cet engagement à l’encontre des médecins ? Ces derniers peuvent invoquer, pour s’opposer à toute contrainte quantitative, l’article R. 4127-83 II du CSP : « Un médecin ne peut accepter un contrat qui comporte une clause portant atteinte à son indépendance professionnelle ou à la qualité des soins, notamment si cette clause fait dépendre sa rémunération ou la durée de son engagement de critères de rendement ». L’ancien article R. 4127-92 (abrogé par décret n° 2012-694 du 7 mai 2012) prévoyait « des critères liés à la rentabilité de l’établissement » et pas des « critères de rendement ». De la sorte, faire supporter aux médecins la sanction financière fixée par l’ARS que doit payer la clinique privée à la caisse d’assurance maladie pour avoir dépassé ses obligations quantitatives en matière de césariennes, pourrait donner lieu à un avis défavorable de l’Ordre des médecins au moment de la communication du contrat d’exercice libéral. Or les pouvoirs de l’Ordre des médecins ont été renforcés par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, dite HPST, qui a ajouté un dernier alinéa à l’article L. 4113-9 du CSP : « Les dispositions contractuelles incompatibles avec les règles de la profession ou susceptibles de priver les contractants de leur indépendance professionnelle les rendent passibles des sanctions disciplinaires prévues à l'article L. 4124-6. ». Donc les médecins ne peuvent accepter de signer de tels engagements, qui les exposeraient à des sanctions disciplinaires (avertissement, blâme, suspension du droit d’exercer, radiation).

Par ailleurs, il est très difficile pour un établissement de santé de répartir équitablement la sanction financière fixée par l’ARS entre les praticiens de la spécialité ayant contribué à dépasser le taux autorisé. Dans une maternité privée au sein de laquelle exerce une équipe par exemple de 5 gynécologues-obstétriciens en site principal, mais dans laquelle viennent faire leurs accouchements une dizaine de médecins ayant leur cabinet en ville, répartir la sanction entre les obstétriciens défaillants dans le respect de l’obligation qui concerne la Clinique en termes de contrainte quantitative, si le contrat l’a prévu, relève du casse-tête chinois : il conviendrait de colliger le nombre de césariennes médecin par médecin, en vérifiant d’abord les critères fixés par la HAS, puis calculer des critères de répartition de la sanction financière entre tous, mais il est prévisible que tous contesteront la méthodologie et le principe de l’imputabilité.

La difficulté est beaucoup plus grande que celle de la mise en œuvre de clauses habituelles faisant supporter aux médecins libéraux les conséquences d’une répétition d’indus aux caisses en cas d’erreurs dans la codification d’actes non décelées par le médecin DIM.

 

On peut donc recommander, une fois encore, de développer l’intelligence relationnelle entre obstétriciens libéraux et directeurs d’établissements afin de maîtriser ensemble cette contrainte nouvelle, dont la violation conduit à de lourdes sanctions financières. Les statistiques d’activités quasiment en temps réel et leur diffusion en toute transparence au sein de la communauté médicale de chaque établissement doit permettre d’améliorer en amont l’information de tous les acteurs sur le terrain, afin de réduire si besoin, quand il est encore temps, le nombre de césariennes pour demeurer dans l’encadrement quantitatif réglementaire.

Dur-dur à expliquer aux parturientes qui accouchent en fin d’année… qui risquent de choisir, quand c’est localement possible, un autre établissement de santé n’ayant pas atteint voire dépassé le taux fatidique.

Pourront-elles alors en faire grief à leur gynécologue, qui a suivi la grossesse, mais qui se voit interdire par le chef d’établissement de pratiquer certaines césariennes soumises à contraintes quantitatives ? L’obstétricien qui a signé un contrat d’exercice exclusif, avec interdiction de pratiquer dans une autre clinique privée, pourra-t-il agir contre la Direction lui ayant refusé l’accès au bloc pour une césarienne hors quota, ce qui lui a fait perdre une patiente qu’il suivait, et donc les honoraires de l’accouchement avec césarienne qui a été diligenté par un confrère de l’hôpital public ou d’une maternité privée concurrente ?...

Les rapports entre la déontologie médicale, l’économie de la santé et les contrats d’exercice provoquent des problématiques nouvelles et nombreuses, qu’il ne serait pas idiot d’encadrer dans des limites quantitatives et qualitatives ad hoc.

Gynéco Online - Février 2017


Mots clefs associés à cet article :
Césarienne Dégressivité tarifaire Liberté de prescription

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Recommandation de bonne pratique HAS sur la césarienne programmée à terme (janv. 2012) Quelle opposabilité en cas de procédure judiciaire ?
Isabelle Lucas-Baloup

Les recommandations de bonne pratique (RBP) interpellent les professionnels concernés, qui y trouvent souvent, à leur première lecture, matière à évoquer divers cas de leur expérience personnelle à l’occasion desquels ils considèrent avoir eu raison de ne pas mettre en œuvre ce qui est aujourd’hui « recommandé », ou (?) « imposé »… La HAS vient de publier, en janvier 2012, ses Recommandations sur les indications de réalisation d’une césarienne programmée. Doivent-elles être respectées à la lettre, ou le gynécologue-obstétricien conserve-t-il une marge de liberté dans sa prise en charge de la parturiente ?

Sur quels fondements interviennent ces recommandations ?

La Haute Autorité de Santé est une autorité publique indépendante à caractère scientifique dotée de la personnalité morale chargée notamment d’élaborer des guides de bon usage des soins et des recommandations de bonne pratique, de procéder à leur diffusion, de contribuer à l’information des professionnels de santé et du public dans ces domaines, et d’établir et mettre en œuvre des procédures d’accréditation des professionnels de santé (articles L. 161-37 et suivants et R. 161-72 du code de la sécurité sociale).

Au titre de sa mission d’accréditation des médecins exerçant en établissements de santé, la Haute Autorité de Santé est chargée (par l’article L. 1414-3-3 du code de la santé publique) d’élaborer, avec les professionnels et les organismes concernés, selon des méthodes scientifiquement reconnues, ou de valider, des référentiels de qualité des soins et de pratiques professionnelles, de diffuser ces référentiels et de favoriser leur utilisation par tout moyen approprié et d’organiser la procédure d’accréditation des médecins ou des équipes médicales au regard des référentiels de qualité des soins et des pratiques professionnelles en veillant à la validation des méthodes et à la cohérence des initiatives relatives à l’amélioration de la qualité dans le domaine de la prise en charge des patients.

En l’espèce, la HAS a été saisie par la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) et la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) pour élaborer une recommandation de bonne pratique sur le thème des indications de réalisation d’une césarienne programmée, visant à répondre aux questions suivantes : 

- quelles sont les indications de la césarienne programmée ? 

- quelles sont les informations à transmettre à la femme enceinte lorsqu’une césarienne programmée est envisagée ?

Les recommandations sont à lire sur le site de la HAS (www.has-sante.fr).


Les Recommandations de bonne pratique clinique sur les
« Indications de la césarienne programme à terme » publiées en janvier 2012 par la Haute Autorité de Santé :

Les indications de la césarienne programmée sont les suivantes :

- utérus cicatriciel,
- grossesse gémellaire,
- présentation par le siège,
- macrosomie,
- transmissions mère-enfant d’infections maternelles,
- et quatre autres indications (à discuter au cas par cas, en particulier : défaut de placentation, malformations fœtales et fœtopathies, antécédents et pathologies maternelles intercurrentes et problèmes périnéaux).

La HAS rappelle qu’un médecin peut décliner la réalisation d’une césarienne sur demande, à condition d’orienter la patiente vers un de ses confrères, en rappelant que la demande maternelle n’est pas en soi une indication à la césarienne et qu’il est recommandé de rechercher les raisons spécifiques à cette requête, de les discuter et de les rapporter dans le dossier médical.

Une deuxième partie des recommandations est consacrée aux informations à transmettre à la femme enceinte lorsqu’une césarienne programmée est envisagée et un document d’information destiné aux femmes enceintes est proposé en annexe des recommandations.

La définition de la césarienne programmée retenue dans ces recommandations est la césarienne programmée à terme (après 37 semaines d’aménorrhée), non liée à une situation d’urgence apparaissant en dehors du travail ou au cours du travail.

Sont exclues du champ de ces recommandations :

- les indications d’une césarienne programmée avant terme (< 37 SA) ;
- les indications d’une césarienne liée à une situation d’urgence apparaissant avant le travail ou au cours du travail.

Une césarienne programmée peut être réalisée en urgence antérieurement au terme initialement prévu.


Pertinence et opposabilité des RBP :

Les RBP sont normalement des synthèses de l’état de l’art et des données de la science à un temps donné, élaborées selon une méthode résumée dans l’argumentaire scientifique qui les accompagne et décrites dans le guide méthodologique de la HAS disponible sur son site à la rubrique « Elaboration de recommandations de bonne pratique, Méthode Recommandations pour la pratique clinique ».

La Haute Autorité de Santé a publié, en décembre 2010, un guide méthodologique d’élaboration des RBP, qu’on trouve également sur son site, décrivant le déroulement de l’élaboration d’une RBP :
- constitution du groupe de travail et du groupe de lecture,
- phase de revue systématique et de synthèse de la littérature,
- rédaction de la version initiale des recommandations,
- phase de lecture,
- phase de finalisation.

La pertinence d’une recommandation dépend du niveau de preuve scientifique fourni par la littérature classée en niveaux (le niveau 1 étant le plus fort, le niveau 4 traduisant des études comportant des biais importants) qui conduisent à donner aux recommandations un grade de pertinence :

- grade A : preuve scientifique établie,
- grade B : présomption scientifique,
- grade C : faible niveau de preuve.


Comme tout médecin, un gynécologue-obstétricien « Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents » en application de l’article R. 4127-32 du code de la santé publique (ancien article 32 du code de déontologie médicale).

Devant le juge, le débat a eu lieu sur le thème « données acquises de la science » versus « données actuelles de la science » : dans un arrêt du 6 juin 2000, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a rappelé que l’obligation pesant sur un médecin est de donner à son patient des soins conformes aux données acquises de la science à la date des soins et qu’il n’y a pas lieu de se référer à la « notion erronée de données actuelles », laquelle est inopérante.

C’est également le sens de la loi Kouchner qui a introduit un nouvel article L. 1110-5 dans le code de la santé publique visant les « thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées ».

L’état de l’art au moment du soin litigieux devra prendre en considération, en conséquence, diverses sources et, en pratique quotidienne, le médecin doit tenir compte d’une masse d’informations communiquées non seulement par ses professeurs, ses maîtres, pendant ses études, complétées par les connaissances acquises pendant les stages réalisés en milieu hospitalier notamment, mais également ses lectures des revues spécialisées, françaises et internationales, ce qu’il a retenu de ses participations aux congrès professionnels dans sa discipline, aux colloques y afférents, aux séminaires de formation professionnelle continue, aux enseignements post-universitaires ayant pour objet de divulguer les recommandations émanant des organismes parapublics et agences (Haute Autorité de Santé mais également Institut national du Cancer, Conseil supérieur de l’Hygiène Publique de France, Afssaps devenue l’Ansm pour les dispositifs médicaux et les médicaments, Comité Technique National des Infections Nosocomiales et des Infections Liées aux Soins en hygiène, etc.) mais aussi des recommandations émanant des sociétés savantes.
Mais cette obligation est à mettre en œuvre en tenant compte également des dispositions de l’article R. 4127-8 du même code : « Dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. […] Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles. »

Dès lors, en cas de mise en cause de sa responsabilité professionnelle, le médecin devra convaincre ses pairs, systématiquement nommés pour conduire une expertise de sa prescription ou de ses choix et gestes pour le patient concerné. On passe alors de l’état de l’art médical à l’art judiciaire :

Quelle opposabilité en cas de procédure judiciaire :

L’état de l’art médical, en jurisprudence, est une notion très protéiforme.

Dans un monde parfait, on pourrait imaginer que l’état de l’art est une notion objective. Dans la réalité des hôpitaux et des palais de justice, chacun vient avec sa vérité, ses sources de ses banques de données préférées et l’évidence scientifique manque parfois d’évidence juridique.

On trouve alors des motivations de jugements et d’arrêts retenant ou écartant une pratique au bénéfice de commentaires variés. Quelques exemples :

- la Cour de Rennes a jugé, dans un arrêt du 8 octobre 2003 : « L’absence de consensus franc de la communauté médicale » ne peut conduire à la condamnation du médecin dès lors que sa décision « correspond aux pratiques médicales actuelles » ;

- « L’absence de consensus scientifique » ne permet pas la condamnation du médecin, a jugé la Cour de cassation le 25 novembre 2010 ;

- la Cour de Douai a pris en considération, dans un arrêt du 2 février 2006, les « recommandations du jury d’une conférence de consensus » pour condamner un médecin ;

- la Cour de Toulouse a visé, par arrêt du 18 janvier 2010, la violation du respect « des recommandations consensuelles » ;

- un médecin a été condamné par la Cour de Rouen, le 17 mars 2010, l’arrêt retenant qu’il « ne pouvait ignorer les recommandations de la Haute Autorité de Santé » ;

Bien sûr, les juridictions d’une manière constante visent « la littérature médicale », « la doctrine médicale diffusée et disponible », et les « études que le médecin ne pouvait ignorer en sa qualité de spécialiste ».

Une bonne décision doit être motivée, qu’elle soit médicale ou judiciaire. Il est regrettable que certains rapports d’expertise procèdent par affirmations péremptoires et ne citent pas les « recommandations professionnelles » qu’ils visent parfois sans en préciser l’auteur, la date, et surtout sans égard à la gradation de leur pertinence.

Il sera utile aux gynécologues-obstétriciens d’observer, à ce titre, le classement de ses recommandations par la HAS sur les indications de la césarienne programmée à terme : essentiellement de grade « C », donc de faible niveau de preuve, permettant aux praticiens une discussion scientifique au cas par cas, plus facile que pour les Recommandations de grade « A ».

Dans le cadre de la pratique de l’expertise judiciaire, la détermination de l’état de l’art, fondée sur une analyse des connaissances médicales avérées, devrait utilement respecter, dans la sélection des résultats de la recherche documentaire effectuée, une méthodologie rigoureuse qui pourrait s’inspirer de celle de l’analyse de la littérature en vue de la définition des recommandations.

Les experts nommés n’en ont pas toujours la compétence et, lorsqu’ils l’ont, certaines affaires et le niveau de rémunération qui leur est réservé, ne permettent pas systématiquement de se livrer à une méthodologie expertale et une analyse des publications et recommandations tracées, prouvées, mises à la disposition des parties et de la juridiction devant statuer.

C’est la raison pour laquelle il ne suffira pas à un gynécologue-obstétricien de critiquer par principe la recommandation en matière d’indication de la césarienne programmée mais il devra motiver son choix, le défendre par une analyse du bénéfice/risque pour cette patiente à cette date-là dans les conditions contemporaines à l’accouchement, avec discernement et références médicales à l’appui.

Une chose est certaine, le médecin devra, pendant l’expertise, être actif à la défense de ses choix thérapeutiques, avoir recherché lui-même les données expliquant sa prescription ou son geste, connaître parfaitement son dossier et se faire aider le cas échéant de confrères de sa discipline.

A noter : le Tribunal n’est jamais lié par les constatations du technicien qu’il a nommé et les conclusions d’un rapport d’expertise peuvent être écartées par un magistrat, en application de l’article 246 du code de procédure civile.

En conséquence, le débat demeure ouvert et possible, même après l’expertise contradictoire, même en présence de Recommandations de bonne pratique clinique de la Haute Autorité de Santé.

Gynéco Online - Mai 2012
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