Base de données - Attouchements

18 mois de prison avec sursis avec mise à l’épreuve pendant 3 ans pour un anesthésiste coupable d’attouchements de nature sexuelle
(Cour d’appel de Paris, 20ème ch. corr., 1er juillet 2008)
Isabelle Lucas-Baloup

« Attendu que les atteintes sexuelles consistant en des caresses sur les seins et le dos ont été commises par surprise », mentionne l’arrêt, à l’occasion d’une auscultation que l’expert nommé décrit comme une « investigation médicale simple que le prévenu, médecin chevronné, maîtrisait nécessairement, quelle que soit sa compassion envers un malade » ; Bien que n’ayant jamais été condamné, la Cour considère que les faits reprochés sont graves et perpétrés sur une malade que le prévenu avait, en sa qualité de médecin, la mission à tout le moins de protéger et dont il connaissait l’histoire particulièrement difficile ; « qu’une peine sévère s’impose (…) ; que Daniel B. sera condamné à une peine de 18 mois d’emprisonnement assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve pendant 3 ans » avec diverses obligations notamment d’examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l’hospitalisation, et de réparer les dommages causés par l’infraction.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009


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Abus sexuels Agressions sexuelles Anesthésie Attouchements Sursis

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2 ans de prison et interdiction d’exercer pendant 3 ans, pour agressions sexuelles
(Cour de cassation, ch. crim., arrêt du 7 mars 2007)
Isabelle Lucas-Baloup

La dénonciation calomnieuse, par une patiente, d’attouchements sexuels inexistants constitue une crainte constante et légitime pour certains médecins. Celui-ci ne semble pas avoir été victime d’une cabale, mais de troubles personnels majeurs qui ont conduit raisonnablement à une forte sanction à son encontre, 13 plaignantes ayant dénoncé « des caresses sur tout le corps, des attouchements de nature sexuelle avec insistance et l’utilisation ou non d’un gel, un positionnement humiliant imposé sans précaution, des frottements insidieux, des embrassades sur le sexe, les jambes, le cou et parfois la bouche, ou encore des interpellations équivoques telles que ma belle, ma chérie, ma puce, tu es belle, je t’aime, etc. ». Le délit est constitué, l’arrêt de la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion confirmé par le rejet du pourvoi du médecin ayant imposé ses désirs sexuels en profitant de la situation d’infériorité de ses patientes.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2007
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2 mois de prison avec sursis et 2 ans d’interdiction professionnelle pour un dermatologue qui abuse sexuellement de sa patiente
(Cour de cassation, ch. crim., 18 juin 2008, n° 07-82.912)
Isabelle Lucas-Baloup

C’est toujours la même chose : il faut mieux réfléchir avant d’agir ! La chambre criminelle rejette le pourvoi du dermatologue en motivant ainsi sa décision : « Pour condamner Jacques X, médecin, pour agression sexuelle sur personne vulnérable en abusant de son autorité, les juges du second degré, pour caractériser la surprise, relèvent que la patiente qui consultait un dermatologue pour une chute de cheveux n’a pu qu’être déstabilisée par une question aussi inattendue qu’incongrue sur son activité sexuelle, immédiatement suivie d’attouchements dont le prévenu a brutalement pris l’initiative avant d’ouvrir son pantalon et de sortir son sexe en érection pour le placer devant la bouche de la jeune femme et l’amener à lui pratiquer une fellation puis la conduire dans la salle d’examen aux fins de parvenir à une relation sexuelle ; que les juges ajoutent que la fragilité psychologique de la victime dont Jacques X avait une juste connaissance ne lui permettait pas de se méprendre sur son apparente soumission et que lui-même le lendemain a adressé des messages téléphoniques à sa victime s’excusant auprès d’elle et admettant « avoir pété les plombs » ; qu’en se déterminant ainsi la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, justifié sa décision. »

La Lettre du Cabinet - Juin 2009
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Attouchements d’un aide-soignant sur une stagiaire : exclusion temporaire
Isabelle Lucas-Baloup

Un aide-soignant de l’AP-HP tuteur de stage d’une mineure lycéenne était accusé par celle-ci d’attouchements au sous-sol de l’hôpital le dernier jour du stage, la jeune fille étant remontée en larmes. L’aide-soignant niait les faits et expliquait la plainte par un souci de vengeance de la stagiaire qu’il avait mal notée. La directrice de l’AP-HP a pris une décision d’exclusion temporaire de fonctions de 15 jours ; l’aide-soignant a saisi la commission de recours de la fonction publique hospitalière, qui a estimé qu’un doute subsistait sur la matérialité des faits, doute devant bénéficier à l’aide-soignant accusé, donnant ainsi un avis concluant à l’absence de sanction, que la directrice de l’AP-HP a soumis au Conseil d’Etat.
Par arrêt du 29 novembre 2006, la Haute juridiction juge que l’aide-soignant a commis une faute qui mérite une sanction, retenant notamment sa réticence à déférer aux convocations pendant l’enquête préalable.
Il a annulé l’avis de la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, confirmant ainsi la décision d’exclusion temporaire de fonctions de 15 jours.

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Mars-avril 2007
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Médecins poursuivis pour abus sexuels
(Cassation, 19 janvier et 16 mars 2005)
Isabelle Lucas-Baloup

Les condamnations se multiplient, mais on n'en parle pas beaucoup. Tant mieux. Aucun praticien ne se trouve pourtant à l'abri d'une plainte et la jurisprudence publiée prouve qu'elles ne finissent pas toujours par une ordonnance de non-lieu. Si les gynécologues et sexologues sont particulièrement visés, ils ne sont pas les seuls, les orthopédistes, les urgentistes et généralistes se trouvent en bonne place au palmarès des spécialités à risque (à quand le classement du Point ou de Science et Avenir ?).
Début 2005, la Cour de cassation a ainsi jugé deux affaires : les Hauts magistrats ont confirmé la condamnation pour agression sexuelle à 9 mois de prison avec sursis et 2 000 € d'amende prononcée par la cour d'appel de Lyon d'un praticien "ayant usé de surprise pour caresser, sans gants, le sexe du patient, jusqu'à provoquer une éjaculation, en agissant sous le prétexte fallacieux de réaliser un acte de sexologie médicale" dans le cadre d'une "thérapeutique comportementale impliquant les techniques du "stop and go" et du "squeeze" pour prévenir l'éjaculation précoce (Cassation, chambre criminelle, 16 mars 2005). Le médecin affirmait avoir prévenu et obtenu le consentement du patient, qui le contestait pendant le procès. L'arrêt ajoute à titre de peines complémentaires 5 ans d'interdiction d'exercer la sexologie médicale et autant d'interdiction des droits civiques.
Un confrère généraliste n'a pas convaincu non plus la Haute juridiction en tentant d'expliquer son examen des seins à l'occasion d'une consultation pour une éventuelle cystite "dans le but de savoir dans quelle période du cycle se trouvait la patiente" ; la cour écarte aussi ce qu'elle qualifie "tergiversations sur les diligences concernant la pathologie hémorroïdaire qui suffisent à établir qu'en dépit de ses dénégations obstinées il a été l'auteur des faits qui lui sont reprochés en profitant de la fragilisation d'A… pour lui imposer des attouchements à connotation sexuelle" : un an d'interdiction d'exercer la médecine (19 janvier 2005), malgré les attestations favorables de confrères dont il avait assuré les remplacements, leur contenu n'étant pas "incompatible avec un moment d'égarement isolé" lit-on dans l'arrêt.
"Le pluriel à l'homme ne vaut rien" chantait Brassens et des faits peu agressifs, mais dénoncés à quatre reprises par des adolescents hospitalisés dans le même service, valent au chirurgien orthopédique qui les a opérés une grave peine de 2 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis et mise à l'épreuve, pour avoir pendant sa visite "caressé le torse, pincé le bout des seins et prolongé ses caresses jusqu'au pénis" du 1er patient, "caressé le pied non opéré et remonté sa main le long de la cuisse" du 2ème, "caressé du genou jusqu'à l'aine en passant sa main sur le drap et caressé l'autre cuisse à même la peau ainsi que le ventre" du 3ème, et recherché des ganglions sur la personne du 4ème par des palpations à la périphérie des parties sexuelles qui n'avaient pas emporté la confiance des experts et magistrats de la cour de Besançon (23 janvier 2003).
Le fait, pour un médecin militaire chargé de procéder aux visites médicales d'aptitude des recrues, de pratiquer "des palpations mammaires et des touchers dans la zone urogénitale pour déceler une incapacité à servir", était contesté par le praticien devant les magistrats à l'encontre d'une peine de 3 ans de prison dont 2 avec sursis et 5 ans d'interdiction d'exercer prononcée par la cour de Limoges, mais la Cour de cassation le déclare coupable d'agressions sexuelles aggravées pour avoir "donné libre cours à ses pulsions sexuelles par des actes dépassant largement le cadre de simples fautes professionnelles" (23 juin 2004).
En prononçant 4 ans d'emprisonnement, dont 2 avec sursis (il en reste donc 2 fermes vous comptez bien) et 5 ans d'interdiction, la cour d'Aix n'avait pas non plus badiné avec l'honneur d'une patiente à laquelle un urgentiste avait pratiqué une injection de valium et de calcibronat, non pas "pour traiter l'hypertension", traitement dont l'anormalité a été démontrée, mais pour "l'affaiblir aux fins de se livrer sur elle à des attouchements sexuels". Les 47 attestations de bonne moralité n'ont pas permis au confrère d'éviter cette sanction avec "mandat de dépôt", c'est-à-dire qu'il a rejoint sa cellule le jour même du prononcé de l'arrêt (27 octobre 2004). La cour de Grenoble a rejeté l'argumentation d'un autre urgentiste tendant à mettre sur le compte d'une erreur de diagnostic la pratique d'un toucher vaginal et rectal d'une patiente venue consulter pour douleurs abdominales (10 novembre 2004).
Quand ils ne contestent pas la matérialité des faits (élément matériel du délit) les médecins plaident souvent que les plaignantes étaient consentantes (élément intentionnel du délit). Les magistrats évaluent alors la qualité des relations existant entre les parties, leur personnalité, la pathologie et le traitement proposé. "Le consentement", éclairé ou surpris, nourrit les chroniques de la jurisprudence en droit de la santé et on connaît la difficulté d'en établir la preuve, qui incombe au médecin en application de la loi du 4 mars 2002. Alors, dans la matière singulière étudiée, vous imaginez que le consentement n'est jamais écrit et qu'en tout état de cause il est contesté. C'est vainement qu'un médecin plaidait que "l'hypnose de deux patientes avait engendré un transfert qui leur avait fait interpréter de simples gestes thérapeutiques comme des actes à connotation sexuelle", même si "la personnalité hystérique combinée avec l'hypnose peut engendrer une augmentation de la capacité affabulatoire" de certaines malades (13 octobre 2004).
Pour la cour d'assises de la Gironde, seules l'anxiété, l'inhibition et la grande vulnérabilité d'une plaignante face à son médecin expliquent qu'elle n'ait pas protesté alors que le praticien "ne l'a pas surprise au cours d'un acte médical pour la pénétrer immédiatement, mais a quitté la pièce pour réapparaître complètement nu et lui a, d'abord, dans cet état, massé le dos". La Cour de Riom avait déjà (arrêt du 14 mars 2001) jugé que "ne saurait valoir consentement aux gestes pratiqués" le fait pour son médecin de se dérober aux yeux de la patiente en lui "posant un masque sur le visage pour camoufler des manipulations sur son propre sexe" avant de se livrer à "un toucher vaginal privé de tout caractère médical au profit de la recherche d'une jouissance personnelle" dont la matérialité "est confirmée par le fait que le médecin a accepté de discuter d'un dédommagement après avoir pris un temps de réflexion en retournant à son domicile pour chercher son chéquier".
Il est imprudent pour un psychothérapeute, qui a "fait allonger une jeune fille sur son canapé et posé les mains sur son ventre pour un exercice de respiration", de fermer la porte de son cabinet à clé "après les premiers attouchements sur les parties intimes du corps de la patiente" qui ont produit un "effet de sidération sur la victime qui ne témoigne néanmoins pas d'un consentement" pour la cour de Rennes, confirmée par la Cour de cassation (arrêt du 17 mars 2004).
L'absence de consentement du patient est parfois justifiée par le mobile de l'acte : ainsi, un médecin-expert nommé "pour procéder à l'expulsion de tout corps étranger" fut-il relaxé bien qu'ayant diligenté, avec l'aide de deux policiers, un toucher rectal "malgré les véhémentes protestations de la victime" sur une personne suspectée de trafic de stupéfiant après qu'un examen radiologique ait révélé la présence d'enveloppes en latex contenant de l'héroïne dans ses intestins (cf. I. Lucas-Baloup "La fellation est-elle, en droit français, une relation sexuelle ?", in Quotidien du Médecin, 28 janvier 1999, reproduit sur le site du cabinet www.lucas-baloup.com).
Evidemment, aucun médecin ne se sent personnellement concerné par les excès de certains confrères et chacun considère qu'il est bien normal que les auteurs d'agressions sexuelles commises à l'occasion de l'exercice de la médecine soient sévèrement condamnés. Il n'en demeure pas moins une augmentation récente de "dénonciations" fermement contestées par des praticiens dont la défense est rendue difficile en raison de ce que les faits invoqués ont prétendument eu lieu pendant le colloque singulier de la consultation ou de la visite, hors la présence de tiers. Ce risque, que le praticien le plus vertueux peut croiser dans sa vie professionnelle, ne pourrait être prévenu que par l'enregistrement de la consultation ou la présence d'un témoin : un autre praticien ou un(e) infirmier(ère), assistant(e),
externe, stagiaire, secrétaire, etc.. Sa présence suffira souvent à dissuader tel(le) patient(e) malveillant(e) en quête d'indemnisation.
Un conseil en cas de problème de cet ordre : un médecin innocent ne doit surtout pas s'avouer coupable après 20 heures de garde à vue avec l'espoir (voire la promesse d'un officier de police judiciaire) que cette reconnaissance du délit lui permettra de rentrer chez lui ! C'est malheureusement fréquent et difficile à nier ultérieurement. Comme l'offre mal maîtrisée d'indemniser la victime si elle ne saisit pas la justice. Repérer la patiente au comportement douteux afin d'être spécialement prudent en présence d'un sujet à risque, car il est rare que la plainte suive le premier rendez-vous. Mais comment éviter la pénible expérience récente d'un gastro-entérologue : une plainte déposée par une patiente américaine en vacances en Provence, ayant hurlé fort pendant un examen clinique pourtant très déontologique, sortie brutalement en pleurant du cabinet rejoindre, hystérique, son mari qui l'attendait dehors, pour se rendre directement à la gendarmerie et prétendre avoir été victime d'une tentative de viol dont la réparation demandée immédiatement par son avocat texan ne relève pas du dollar symbolique…

La Lettre du Cabinet - Septembre 2005


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Violences obstétricales et gynécologiques
(arrêt Cour de cassation, chambre criminelle, 11 décembre 2024, n° 22-82.720)
Isabelle Lucas-Baloup

La rubrique juridique de Gynéco Online a souvent rapporté des décisions judiciaires ayant pour objet des (ou de prétendues) violences par le professionnel de santé à l’occasion d’actes de soins en gynécologie et obstétrique.

 

Par un arrêt du 11 décembre 2024, la Chambre criminelle de la Cour de cassation casse et annule un arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux du 13 janvier 2022, qui avait condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis et interdiction professionnelle définitive, pour agressions sexuelles aggravées sur quatre patientes, un gynécologue aux motifs que :

 

« En matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation matérielle, familiale et sociale.

 

Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

 

Pour confirmer le jugement condamnant M. [Y] à deux ans d’emprisonnement avec sursis et à l’interdiction définitive d’exercer la médecine, l’arrêt attaqué énonce que son casier judiciaire ne mentionne aucune condamnation et que l’expert psychiatre qui l’a examiné n’a relevé aucun fonctionnement pervers.

 

Les juges retiennent que les renseignements relatifs à sa vie familiale et professionnelle, communiqués par son conseil, permettent de le considérer comme un praticien expérimenté, reconnu comme tel par certains confrères et patientes.

 

Ils ajoutent que les faits commis, qui révèlent un abus des fonctions dont il était investi et ont affecté plusieurs personnes, sont d’une extrême gravité.

 

En se bornant, pour se déterminer ainsi, à se référer aux éléments communiqués par l’avocat du prévenu, dont elle ne précise pas le contenu, la Cour d’appel n’a pas justifié sa décision.

 

La cassation est par conséquent encourue de ces chefs sans qu’il y ait lieu d’examiner le dernier grief. »

 

L’exercice médical dans cette spécialité présente chroniquement des risques de plainte qu’il est difficile d’éviter.

 

Une proposition de loi a été déposée, le 18 décembre 2024, par des Députés relevant du Nouveau Front populaire dans les termes ci-après :

 

 

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

N° 730

_____

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 décembre 2024.

 

PROPOSITION DE LOI

 

visant à reconnaître et sanctionner les violences obstétricales et gynécologiques et à lutter contre ces violences faites aux femmes,

 

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

 

présentée par

 

Mme Sophia CHIKIROU, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, M. Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Jean-François COULOMME, M. Sébastien DELOGU, M. Aly DIOUARA, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Zahia HAMDANE, Mme Mathilde HIGNET, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Abdelkader LAHMAR, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Aurélien LE COQ, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Claire LEJEUNE, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Marie MESMEUR, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, Mme Mathilde PANOT, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Jean-Hugues RATENON, M. Arnaud SAINT-MARTIN, M. Aurélien SAINTOUL, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER,

députées et députés.

 

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

 

Mesdames, Messieurs,

 

Les violences faites aux femmes sont un véritable fléau dans notre société. Elles revêtent des formes diverses, sexercent dans des espaces privés tout comme dans des espaces publics, et une chose est certaine : elles sont insuffisamment combattues.

 

Parmi les violences commises à lencontre des femmes, les violences obstétricales et gynécologiques constituent des violences particulièrement sous‑estimées et peu documentées. Ce sont les scandales, comme celui qui touche lhôpital public Tenon à Paris depuis 2021, qui permettent une prise de conscience. Ce sont des mobilisations féministes comme celle de 2014 sur les réseaux sociaux avec le hashtag #PayeTonUtérus qui avait permis de recueillir plus de 7 000 témoignages. Cest laction de collectifs de femmes comme le Collectif Stop VOG qui œuvre pour la libération de la parole et le travail commun entre professionnels de santé et victimes.

 

En 2023, la France ne reconnait pourtant toujours pas ces violences qui surviennent dans le cadre de parcours classiques dun suivi gynécologique et/ou obstétrical. Il est important de rappeler que la quasi‑totalité des femmes, quel que soit leur âge, est amenée, au cours de sa vie, à consulter des professionnels de santé pour des raisons intrinsèquement liées à la condition féminine : les consultations gynécologiques et obstétricales ne sadressent pas uniquement à des personnes malades, cest la spécificité physionomique féminine qui mène à consulter que ce soit pour la prescription dune pilule contraceptive, pour un suivi de grossesse, pour des contrôles préventifs ou pour un accouchement.

 

Labsence de reconnaissance par la loi des violences obstétricales et gynécologiques (VOG) participe du déni de ces violences qui sont pourtant une réalité. Les témoignages exprimés sur les réseaux sociaux, les articles de presse, les documentaires et reportages, tendent à montrer un phénomène de grande ampleur, systémique, qui tarde pourtant à être reconnu et traité selon ses caractéristiques propres. Les personnes auditionnées dans le cadre de la préparation de cette proposition de loi nhésitent pas à employer le terme domerta dans le milieu médical et pointent les effets dun système où les abus de pouvoir sont rendus possibles par une structure hiérarchique très forte mais aussi par laura dont jouissent les professionnels de santé aux yeux de leurs patientes.

 

Il convient de relever que lapparition de lexpression « violences obstétricales et gynécologiques » dans le débat public français est assez récente et quil y a encore une grande méconnaissance de ce quelle recouvre comme réalités. Le Haut Conseil à légalité les a pourtant définies en 2018 comme étant « les actes sexistes les plus graves pouvant se produire dans le cadre du suivi gynécologique et obstétrical des femmes ». Ce sont « des gestes, propos, pratiques et comportements exercés ou omis par un ou plusieurs membres du personnel soignant sur une patiente ».

 

Depuis octobre 2021, il est admis par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français que les consultations doivent se réaliser « dans un esprit de bienveillance et de respect mutuel », dans la Charte de la consultation en gynécologie ou en obstétrique, quil recommande de porter à la connaissance des patientes. Les sociétés savantes concèdent lemploi du terme « bienveillant » ou encore « bientraitant » pour évoquer les pratiques des professionnels de santé tout en refusant toujours de qualifier certaines dentre elles de « violences ».

 

Il semble cependant essentiel, dans la lutte contre les violences faites aux femmes, de nommer les choses et demployer lexpression « violences obstétricales et gynécologiques » non seulement pour définir mais aussi pour qualifier des faits répréhensibles.

 

Ces violences surviennent dans un environnement de soins, dans le cadre dune relation soignant/patiente, et surtout dans un moment de vulnérabilité pour la patiente puisquil est question de son intimité psychique et physique. Il est faux de penser que la gynécologie et lobstétrique sont des spécialités comme les autres. Ce sont des spécialités qui touchent à lintimité des femmes (et des personnes transgenres) et nécessitent une approche humaine aussi délicate que lorsquil sagit de traiter de la fin de vie par exemple.

 

Cette approche doit absolument être envisagée non seulement au moment des consultations, des soins éventuels, mais même en amont, dès le premier contact parfois téléphonique ou numérique.

 

Cette dernière remarque est particulièrement pertinente lorsquil sagit pour une patiente dentrer en contact avec des personnels paramédicaux pour prendre rendez‑vous, prendre des renseignements ou entamer une démarche pour une intervention volontaire de grossesse. Il nest pas anodin de constater que de trop nombreux sites internet trompent les internautes en prétendant les informer sur l’intervention volontaire de grossesse (IVG) alors quils sont les vitrines de groupes daction anti‑IVG. Il n’est pas rare non plus que le premier contact pour une femme souhaitant un rendez‑vous en vue dune IVG, naboutisse pas ou ne permette pas à la patiente dêtre correctement informée.

 

Les premières violences obstétricales et gynécologiques prennent la forme dune difficulté daccès à linformation ou de rapports verbaux « expéditifs ». Elles sont le fait dun manque de formation à lapproche « bienveillante » ou dun manque de temps. Elles peuvent être aussi le résultat dune « ambiance compliquée » au sein dun service. Dans tous les cas, ces premières violences doivent être combattues car elles peuvent être le signe avant‑coureur de violences plus dangereuses encore pour les patientes.

 

La violence verbale fait partie des violences subies par les femmes : des remarques sur leur poids, sur la forme de leur organe génital ou de leurs seins (mamelons), sur la largeur de leur bassin et autres commentaires présentés comme une plaisanterie ou comme un reproche. La violence verbale, ce sont aussi des propos déplacés même si élogieux sur le physique, des commentaires sur le plaisir sexuel et/ou les relations avec le conjoint/la conjointe. Enfin, ce peut être des propos autoritaires, des ordres ou des consignes exprimés de façon abrupte, agacée ou parfois même en criant sur la patiente (pour la gronder). De nombreux témoignages en attestent et cette violence verbale est particulièrement difficile à dénoncer.

 

Le Conseil de lEurope définissait en 1987 la maltraitance comme une violence se caractérisant « par tout acte ou omission commis par une personne s’il porte atteinte à la vie, à lintégrité corporelle ou psychique ou à la liberté dune autre personne, ou compromet gravement le développement de sa personnalité et/ou nuit à sa sécurité financière ».

 

La Convention dIstanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (entrée en vigueur en 2014) précisait que les violences contre les femmes sont une « violation des droits de l’homme et une forme de discrimination à l’égard des femmes qui désigne tous les actes de violation sexiste qui entraînent ou sont susceptibles de causer des préjudices ou des souffrances physiques, sexuelles, psychologiques ou économiques à les femmes, y compris les menaces de tels actes, la coercition ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou privée ».

 

Il apparaît aux vues de ces deux textes internationaux que les violences obstétricales et gynécologiques (VOG) sont des violences faites aux femmes qui peuvent être qualifiées comme telles par la loi française.

 

Latteinte à la liberté des femmes est lune des VOG qui est fréquemment dénoncée lorsque le choix médical/thérapeutique n’est pas proposé aux femmes. Il sagit dactes pratiqués par des professionnels de santé soit sans le consentement des patientes, soit sans informer les patientes des alternatives existantes, soit par la « force » si la patiente est contrainte à une position inconfortable ou douloureuse (que ce soit lors dun examen ou dun accouchement). Les femmes expriment cette privation de liberté : « je n’ai pas eu le choix de la position » ; « je n’ai pu dire non » ; « c’est arrivé par surprise » (toucher rectal) ; « je ne savais pas que je pouvais léviter » (à propos d’un examen par sonde intravaginale).

 

Les victimes de VOG évoquent très souvent labsence de consentement comme étant le point dorgue dun processus violent. Or la loi dite Kouchner, du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, consacre le droit du patient de prendre des décisions concernant sa santé et l’obligation des soignants de créer toutes les conditions pour éclairer ces décisions.

Dans la pratique, persiste lidée que les femmes « savent à quoi s’attendre » lorsquelles franchissent le pas dun cabinet médical, de gynécologie ou lorsquelles sapprêtent à accoucher. Ce préjugé est faux et infondé. Il nuit gravement à la relation de confiance entre un praticien et une patiente, même si celle‑ci a déjà accouché, même si elle a déjà eu des examens de type « frottis », etc….

 

Le consentement ne peut en aucun cas être tacite. Il doit être constant et donc, questionné tout au long de la relation entre le praticien et la patiente. L’ensemble des personnels professionnels auditionnés décrivent limpérieuse nécessité dune relation de dialogue et déchanges pour éviter tout malaise, toute souffrance ou pour éviter de « réveiller » des traumas.

 

Un toucher vaginal ou rectal « par surprise », c’est‑à‑dire sans consentement, peut être vécu comme aussi traumatique qu’un viol. Sil est utile parce qu’il permet de fournir des renseignements que limagerie ne peut pas apporter, il doit être pratiqué avec le consentement explicite et constant de la patiente.

 

La gynécologie et lobstétrique sont des spécialités qui requièrent une dimension psychologique et sociale toute particulière ; les spécialistes comme les médecins non spécialistes doivent a minima se former sur cette dimension afin d’être en mesure de détecter de façon systématique les éventuels « traumas » et les vulnérabilités de leurs patientes, dès lors que lon traite des zones « intimes ».

 

Sur le plan physique, les actes de violence peuvent également être des actes médicaux : césariennes à vif, épisiotomies ou touchers vaginaux non consentis, utilisation de lexpression abdominale, la non‑utilisation de lanesthésie pour des interventions douloureuses, lintroduction dun spéculum sans en informer la patiente ou la palpation des seins sans son accord au moment de lui expliquer lallaitement, imposer une position pour un examen ou un accouchement, surmédicaliser un accouchement…

 

Les VOG sont à lévidence des violences genrées. Une étude réalisée en Suède sur les violences du soin montre que 60 % des cas de maltraitance en milieu médical sont des femmes. Une étude en Belgique parle dau moins 20 % de femmes qui disent avoir subi des violences obstétricales et gynécologiques.

 

Il est assez commun de considérer que les douleurs ressenties par les femmes sont « normales », que « ce n’est qu’un mauvais moment à passer »… Or, le fait de ne pas tenir compte de la douleur pour des actes médicaux, des pratiques ou tout simplement lors du travail pour la délivrance, est un acte de violence.

 

Les praticiens – sage‑femmes, médecins – sont tenus à un code de déontologie. Dans le code de déontologie médicale, le terme souffrance est employé à larticle 37 : « En toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances du malade par des moyens appropriés à son état et l’assister moralement ». Et dans le code de la santé publique, il est précisé dans larticle 1110‑5 : « Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle‑ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée ».

 

Les douleurs des femmes, celles liées à leur condition féminine (menstruations, fausse‑couche, IVG, accouchement, et autres douleurs de lappareil génital ou des seins), ne doivent plus être considérés comme une affaire de ressenti, variable selon létat ou la personnalité, voire selon lorigine ethnique ou géographique. La douleur, dès lors quelle peut être empêchée ou minimisée, n’a pas sa place dans le suivi obstétrical et gynécologique. Toutes les femmes doivent se voir proposer une évaluation de leurs douleurs par elles‑mêmes. Il nest pas acceptable que certains personnels portent une évaluation sur léchelle visuelle analogique (EVA) sans en référer à la patiente.

 

Larsenal juridique existe en France pour réprimer certains actes de violences quon retrouve dans les VOG. Le code de la santé et le code pénal contiennent les éléments dune qualification des délits allant de loutrage sexiste au viol, en passant par le non‑respect du consentement.

 

Toutefois, il est extrêmement difficile pour les victimes de se faire reconnaître comme telles. Les procédures sont souvent décourageantes : coûteuses, longues, difficiles à prouver (apporter la preuve dun outrage sexiste dans le cadre dune consultation en cabinet est impossible sauf à enregistrer la consultation à linsu du praticien) etc.

 

De plus, le Conseil de lordre des médecins, souvent premier organisme saisi pour signaler des VOG, est plombé par ses dysfonctionnements internes et par son corporatisme. Ainsi, le cas du médecin de lhôpital de Tenon à Paris, confirme linaction coupable du Conseil de lOrdre. Alors que 36 plaintes ont été déposées, que des médecins‑internes témoignent, le gynécologue mis en cause continue dexercer.

Dans ses procédures règlementaires, le Conseil de lOrdre prévoit une audience de « conciliation » entre un plaignant et un médecin. Les associations auditionnées font tout état d’une procédure difficile pour les plaignantes qui doivent faire face à plusieurs médecins, parfois seules car nayant pas davocat pour les accompagner. La Cour des comptes, dans son rapport L’ordre des médecins de décembre 2019, est sans appel : en 2017, selon les propres statistiques de lOrdre (que la Cour des comptes juge incomplètes), seules 22 % des courriers de patients signalant un problème avec leur médecin, sont traités. 30 % des plaintes portent sur le comportement dun médecin. Le rapport précise que « même avertis par la presse de poursuites diligentées à l’encontre des confrères inscrits à leur tableau, les conseils départementaux prennent rarement l’initiative de contacter eux‑mêmes les parquets ou de se constituer partie civile pour avoir accès aux dossiers ».

 

Dès lors quil sagit de plaintes à caractère sexuel, les données collectées par la Cour des comptes témoignent dune véritable machine à absoudre ! Par exemple, en 2017, 3,5 % des plaintes sont à caractère sexuel. Parmi ces plaintes, 43 % nont pas eu de suite, 11 % ont abouti à un avertissement ou un blâme, 5 % à des suspensions avec sursis (donc non effectives), 12 % à des radiations, 29 % à des interdictions dexercer avec sursis (donc non effectives).

 

Le traitement des violences faites aux femmes par le Conseil de lordre ne permet pas en létat de lui confier le règlement des plaintes par voie ordinale.

 

D’ailleurs, il semble également compliqué de confier au Conseil de lordre de veiller à la formation continue des médecins en matière de violences faites aux femmes, de bientraitance ou même de mise à niveau sur les pratiques obstétricales. En effet, la Cour des comptes pointe une « absence de contrôle de lactualisation des compétences des médecins », « un contrôle insuffisant de la déontologie » et dénonce le fait que lOrdre » a délaissé cette mission ».

 

Pour les victimes de VOG, il est maintenant urgent dagir.

 

L’Organisation des Nations Unies (ONU) a pris des positions claires sur ces violences : le rapport concernant ladoption dune démarche fondée sur les droits de la personne dans la lutte contre les mauvais traitements et les violences infligés aux femmes dans les services de santé procréative, en particulier les violences commises pendant laccouchement et les violences obstétricales, a été adopté le 11 juillet 2019.

 

Il explicite que les violences obstétricales et gynécologiques sont directement liées à la place accordée aux patientes (cest‑à‑dire au regard porté sur les femmes), au temps qui leur est prodigué (cest‑à‑dire aux moyens alloués au système de santé) et à la qualité du dialogue entre celles‑ci et les soignants).

 

Le Conseil de lEurope sest également positionné très clairement à travers le document 14965 (16 septembre 2019), rapport de la commission sur légalité et la non‑discrimination de lAssemblée parlementaire du Conseil de lEurope et ladoption dune résolution 2306 le 3 octobre 2019 par lAssemblée parlementaire.

 

En France, le rapport n° 2018‑06‑26‑SAN‑034, voté le 26 juin 2018 du Haut Conseil à légalité entre les femmes et les hommes, a posé les bases pour une reconnaissance des VOG et pour des actions concrètes.

 

Il appelle à une prise de conscience des pouvoir publics, pour reconnaître ces actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical, les prévenir, faciliter les procédures de signalements et condamner les pratiques sanctionnées par la loi. Il dénonce clairement les VOG comme étant symptomatiques des inégalités femmes / hommes : « Les mauvais traitements et les violences infligés aux femmes dans les services de santé procréative et pendant laccouchement sont analysées comme s'inscrivant dans le prolongement des violations commises plus largement du fait des inégalités structurelles, de la discrimination et du patriarcat, et qui sont aussi la conséquence dune sensibilisation et dune formation insuffisantes et du non‑respect de légalité de statut des femmes et de leurs droits ».

 

Une proposition de résolution invitant le Gouvernement à faire de la lutte contre les violences obstétricales et gynécologiques une priorité et à mettre en œuvre les recommandations du Haut Conseil à légalité en la matière, a même été déposée le 14 septembre 2020, à lAssemblée nationale.

 

Plus récemment, au Sénat, une proposition de loi visant à renforcer un suivi gynécologique et obstétrical bientraitant, par Madame la sénatrice Raymonde Poncet Monge, a été déposée le 12 janvier 2023.

 

Cela fait 5 ans maintenant que la France sait. Labsence dinscription des VOG dans la loi est un frein à leur reconnaissance et leur répression. Il est illusoire de penser que la prise de conscience suffira : tous les professionnels de santé auditionnés font part des grandes difficultés à faire admettre par le milieu que, même sans le vouloir, certains sont maltraitants.

 

La prise de conscience est lente, certains considèrent quils ne peuvent pas être violents soit parce que ce sont des femmes qui ne simaginent pas capables dagir avec violence, même malgré elles. Dautres parce que les habitudes sont ancrées à tel point que la remise en cause de certains actes, pourtant faisant lobjet de recommandations, semble inimaginable.

 

LES VOG SONT RECONNUES DANS QUELQUES PAYS

 

Le Venezuela interdit et punit les VOG depuis 2008 et les définit comme « lappropriation du corps et des processus reproductifs des femmes par le personnel de santé, qui se manifeste par un traitement déshumanisant, un abus de médication et une pathologisation de certains processus naturels, entraînant une perte dautonomie et de capacité de décision libre sur son corps et sa sexualité, affectant négativement la qualité de vie des femmes ». Au Mexique dans lÉtat du Chiapas, le code pénal prévoit deux à trois ans de prison ainsi quune amende pour » toute personne qui altère le processus naturel à travers lutilisation de techniques daccélération de laccouchement sans obtenir le consentement volontaire, explicite et éclairé de la femme ». En 2022, le Comité pour lélimination des discriminations a demandé à lEspagne lindemnisation dune femme pour violences obstétricales et « de respecter lautonomie des femmes et leur capacité à prendre des décisions éclairées concernant leur santé reproductive en leur fournissant des informations complètes à chaque étape de laccouchement » tout en exigeant que « leur consentement libre, préalable et éclairé soit obtenu pour tout traitement invasif pendant laccouchement ».

 

La présente proposition de loi ne traite pas du manque de moyens du système de santé, malgré le fait quil est un facteur aggravant des VOG.

 

Larticle 1er reconnaît les violences obstétricales et gynécologiques dans notre code pénal. Les outrages sexistes commis dans le cadre dun suivi obstétrical et gynécologique, soit le fait dimposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante dans ces cadres, seront dorénavant reconnus clairement comme des violences obstétricales et gynécologiques, et considérés comme une forme aggravée de cette infraction.

 

Larticle 2 précise au sein du code pénal pour les formes aggravées de différents crimes et délits (torture et actes de barbarie, viol, agression sexuelle et violences) que ces infractions sont aggravées lorsquelles sont commises par un professionnel de santé dans le cadre dun suivi obstétrical ou gynécologique.

 

Larticle 3 inscrit dans le code de la santé publique quaucune intervention mutilante, et notamment lépisiotomie, ne peut être pratiquée, sauf urgence et impossibilité, sans information de l’intéressé et sans son consentement libre, éclairé et exprès.

 

Larticle 4 garantit dans le code de la santé publique que toute personne a le droit de recevoir des traitements médicamenteux et non‑médicamenteux et des soins visant à soulager sa souffrance. Celle‑ci doit être, en toutes circonstances, prévenue, prise en compte, évaluée et traitée afin de supprimer toute douleur évitable, sauf si la patiente ny consent pas.

 

Larticle 5 propose de préciser la notion de consentement du patient en complétant larticle L. 1111‑4 du code de la santé publique. Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans avoir recueilli le consentement libre et éclairé, explicite et constant. Le fait de ne pas solliciter ce consentement ou de ne pas tenir compte de lavis de la patiente au cours de lexamen, est puni de lamende prévue pour les contraventions de la 5e classe, soit 1 500 euros. En cas de récidive, il est puni de trois mois demprisonnement et de 7 500 euros damende.

 

Larticle 6 prévoit que lorsquune plainte est portée devant le conseil départemental de lordre ayant pour objet une agression sexuelle ou des violences commises en raison du genre de la personne, y compris des violences obstétricales et gynécologiques relevant de larticle premier de cette proposition de loi, le président du conseil départemental transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance sans procéder à une phase de conciliation préalable. La plainte est transmise sans délai au procureur de la République.

 

L’article 7 crée une obligation de formation continue, pour les professionnels de santé, aux violences faites aux femmes, aux violences obstétricales et gynécologiques, au recueil du consentement et au rapport à l’intime. Ces formations s’appuient sur les apports de la sociologie et de la psychologie.

 

L’article 8 permet aux personnes morales d’être considérées comme lanceuses d’alertes. Les associations d’usagers et les associations féministes ainsi que les syndicats pourront ainsi bénéficier de ce statut pour aider les victimes et les témoins.

 

L’article 9 propose que la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales puisse émettre un avis et ainsi prendre en compte les traumatismes psychologiques, notamment lorsqu’ils sont liés à un aléa thérapeutique et puisse les indemniser.

 

L’article 10 propose que l’Observatoire des risques médicaux et risques liés aux soins collecte des données concernant la fréquence de la demande de consentement libre, éclairé et exprès lors des soins, la fréquence des actes sexistes tels que la non prise en compte d’une gêne de la patiente lié au caractère intime de la consultation, les propos porteurs d’un jugement sur la sexualité, la tenue, le poids, l’aspect physique, le genre, les nom et pronoms indiqués par la personne elle‑même, qui renvoient à des injonctions sexistes, les injures sexistes, les actes (intervention médicale, prescription..) exercés sans recueillir le consentement ou sans respecter le choix ou la parole de la patiente, les violences sexuelles telles que le harcèlement sexuel, l’agression sexuelle, le viol exercés par un professionnel de santé sur une personne qu’il a prise en charge. L’observatoire évalue également l’errance médicale occasionnée par la maltraitance des femmes et les moyens mis en œuvre afin de prévenir et traiter la douleur dans le traitement gynécologique et obstétrical. Il recueille les taux de césarienne dans les établissements de santé. Chaque année, l’observatoire publie ces données dans un rapport.

 

PROPOSITION DE LOI

 

TITRE IER

 

RECONNAISSANCE DES VIOLENCES GYNÉCOLOGIQUES ET OBSTÉTRICALES

 

Article 1er

Le I de l’article 222‑33‑1‑1 du code pénal est complété par un 9° ainsi rédigé : 

 « 9° Par un professionnel de santé en charge d’un suivi gynécologique ou obstétrical. Il constitue alors une violence obstétricale ou gynécologique. »

 

Article 2

Le chapitre II du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :

1° Le 7° de l’article 222‑3 est complété par les mots : « ou par un professionnel de santé lorsque les faits sont commis dans le cadre d’un suivi obstétrical ou gynécologique » ;

2° Après le 11° de l’article 222‑10, il est inséré un 12° ainsi rédigé :

« 12° Par un professionnel de santé lorsque les faits sont commis dans le cadre d’un suivi obstétrical ou gynécologique. » ;

3° Le 7° de l’article 222‑13 est complété par les mots : « ou par un professionnel de santé lorsque les faits sont commis dans le cadre d’un suivi obstétrical ou gynécologique » ;

4° Le 5° de l’article 222‑24 est complété par les mots : « ou par un professionnel de santé lorsque les faits sont commis dans le cadre d’un suivi obstétrical ou gynécologique » ;

5° Le 3° de l’article 222‑28 est complété par les mots : « ou par un professionnel de santé lorsque les faits sont commis dans le cadre d’un suivi obstétrical ou gynécologique ».

 

Article 3

 

Le quatrième alinéa de l’article L. 1111‑4 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Aucune intervention mutilante, et notamment l’épisiotomie, ne peut être pratiquée, sauf urgence et impossibilité, sans information de l’intéressé et sans son consentement libre, éclairé et exprès. »

 

 

TITRE II

 

CONSENTEMENT ET DOULEUR DANS LE SYSTÈME DE SANTÉ

 

Article 4

 

Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1110‑5 du code de la santé publique, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle se voit proposer une évaluation de la douleur tout au long des soins dont elle bénéficie et un traitement médicamenteux et non‑médicamenteux afin de prévenir et réduire cette douleur. »

 

Article 5

 

Le quatrième alinéa de l’article L. 1111‑4 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans avoir recueilli le consentement libre, éclairé et exprès de l’intéressé et ce consentement peut être retiré à tout moment. Le fait de ne pas avoir recueilli ce consentement est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 5classe. En cas de récidive, il est puni de trois mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. »

 

TITRE III

 

LUTTE CONTRE LES VIOLENCES OBSTÉTRICALES ET GYNÉCOLOGIQUES ET PROTECTION

 

Article 6

Après le deuxième alinéa de l’article L. 4123‑2 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

 « Par dérogation au deuxième alinéa, lorsque la plainte a pour objet une agression sexuelle ou des violences commises en raison du genre de la personne, y compris des violences obstétricales et gynécologiques relevant du dernier alinéa de l’article 222‑33‑4 du code pénal, le président du conseil départemental transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance sans procéder à une phase de conciliation préalable. La plainte est transmise sans délai au procureur de la République. »

 

Article 7

 

L’avant‑dernière phrase de l’article L. 4021‑1 du code de la santé publique est complétée par les mots : « incluant une formation aux violences faites aux femmes, aux violences obstétricales et gynécologiques, au recueil du consentement et au rapport à l’intime ».

 

Article 8

 

Au premier alinéa de l’article 6 de la loi n° 2016‑1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, après le mot : « physique », sont insérés les mots : « ou morale ».

 

Article 9

Après le premier alinéa de l’article L. 1142‑8 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La commission émet un avis sur les traumatismes psychologiques, notamment lorsqu’ils sont liés à un aléa thérapeutique, ainsi que sur le régime d’indemnisation applicable. »

 

Article 10

Avant le dernier alinéa de l’article L. 1142‑29 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’observatoire collecte des données concernant la fréquence de la demande de consentement libre, éclairé et exprès lors des soins, la fréquence des actes sexistes tels que la non prise en compte d’une gêne de la patiente liée au caractère intime de la consultation, les propos porteurs d’un jugement sur la sexualité, la tenue ou encore le poids, qui renvoient à des injonctions sexistes, les injures sexistes, les actes tels que l’intervention médicale ou la prescription exercés sans recueillir le consentement ou sans respecter le choix ou la parole de la patiente, les violences sexuelles telles que le harcèlement sexuel, l’agression sexuelle, le viol exercés par un professionnel de santé sur une personne qu’il a prise en charge. L’observatoire évalue également l’errance médicale occasionnée par la maltraitance des femmes et les moyens mis en œuvre afin de prévenir et traiter la douleur dans le traitement gynécologique et obstétrical. Il recueille les taux de césarienne dans les établissements de santé. Chaque année, l’observatoire publie ces données dans un rapport. »

 

Gynéco-online - janvier 2025
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