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Chirurgie esthétique = actes de soins (Cassation, 1ère ch. civ, 5 février 2014, n° 12-29140)
Isabelle Lucas-Baloup

    Le 11 décembre 2002, Elise X, âgée de 22 ans, admise dans une clinique parisienne du 18ème arrondissement, pour une liposuccion des cuisses, décède des suites d’un malaise cardiaque provoqué, avant l’anesthésie, par deux produits sédatifs. Le Tribunal saisi déclare le chirurgien et l’anesthésiste responsables d’un manquement à leur obligation de conseil, la patiente ayant été opérée dans les 48 heures de la consultation avec le chirurgien esthétique et privée du délai de réflexion de 15 jours fixé par l’article L. 6322-2 du CSP au cours duquel elle aurait pu renoncer à l’intervention, provoquant une perte de chance de renoncer à l’intervention à hauteur de 30%, mais que ces deux médecins n’ont pas commis de faute médicale et que l’accident ouvre droit à la réparation au titre de la solidarité nationale, conduisant l’ONIAM à indemniser à hauteur de 70% des préjudices dont réparation était demandée par la famille d’Elise.

   En appel, la Cour retient que « l’administration en préopératoire de deux médicaments sédatifs, destinés à calmer les angoisses éprouvées par Elise, constitue, contrairement à ce que soutient l’ONIAM, un acte de soins dont les conséquences ont été anormales pour la patiente au regard de son état de santé et de l’évolution prévisible de celui-ci, qui rentre dans le champ des dispositions de l’article L. 1142-1 II du code de la santé publique ». En ce qui concerne le caractère anormal des conséquences de l’accident au regard de l’état de santé de la victime et de l’évolution prévisible de celui-ci, l’expert judiciaire indique que « l’analyse du dossier médical, la prise en compte des données anatomopathologiques, permet de rattacher le trouble du rythme ventriculaire à l’origine de l’arrêt circulatoire irréversible à une cardiopathie arythmogène dont souffrait Melle Elise et qui n’était pas symptomatique avant l’anesthésie » et que « des troubles du rythme ventriculaire graves peuvent survenir après l’administration de médicaments, modifiant peu l’électrophysiologie cardiaque comme l’atropine », médicament qui a été administré à la victime avec du midazolam ».

   L’arrêt de la Cour d’appel de Paris (5 octobre 2012, 2ème ch. du pôle 2) avait condamné en conséquence le chirurgien plasticien, l’anesthésiste et l’ONIAM au paiement de dommages-intérêts aux proches au titre notamment d’un préjudice d’affection en raison de la perte brutale d’un être cher, remboursement des frais d’obsèques et autres dépenses.

 
   L’ONIAM a engagé un pourvoi en cassation et soutenait notamment « que les actes de chirurgie esthétique, qui tendent à modifier l’apparence corporelle d’une personne, à sa demande, sans visée thérapeutique ou reconstructrice, ainsi que les actes médiaux qui leur sont préparatoires, ne sont pas des actes de prévention, de diagnostic ou de soins au sens de l’article L. 1142-1 II du CSP, qui prévoit, sous certaines conditions, la réparation, au titre de la solidarité nationale, des préjudices du patient et de ses ayants droit en cas d’accident médical directement imputable à un tel acte, lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement médical n’est pas engagée ».

   La Cour de cassation rejette clairement le pourvoi en affirmant « Les actes de chirurgie esthétique, quand ils sont réalisés dans les conditions prévues aux articles L. 6322-1 et L. 6322-2 du CSP, ainsi que les actes médicaux qui leur sont préparatoires, constituent des actes de soins au sens de l’article L. 1142-1 du même code. » L’ONIAM doit donc indemniser.

Un arrêt à ne pas manquer de produire à l’administration fiscale qui affirme, au contraire, que la chirurgie esthétique ne relève pas des actes de soins, dans le cadre notamment du débat sur la TVA
(cf. précédentes Lettres du Cabinet de décembre 2012 et janvier 2014 « TVA sur les soins ? »).

La Lettre du Cabinet - Septembre 2014


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