La note que vient de publier l’Institut National de Veille Sanitaire (bilan au 28 août 2006) sur l’« émergence d’infections digestives liées à Clostridium difficile de type 027, Nord-Pas-de-Calais, janvier à août 2006 » mentionne en conclusion que la diffusion est très probablement « liée au transfert des patients entre établissements de santé au sein d’un réseau de soins très dense, comme cela avait déjà été observé en 2003 lors d’une épidémie d’infections à Acinetobacter baumannii multi-résistants ».
L’InVS invite évidemment à une « application stricte des recommandations de signalement, de prévention et de contrôle déjà diffusées ».
La diffusion progressive des infections à C. difficile 027 me donne l’occasion de rappeler que, juridiquement, les responsabilités encourues par les établissements personnes morales, voire les soignants personnes physiques, sont très difficilement analysées et distribuées tant par les juridictions civiles que pénales, en cas de transfert de patients entre établissements.
Réparer le préjudice
L’infection nosocomiale, ou l’infection liée aux soins pour reprendre une terminologie qui a la faveur aujourd’hui des hygiénistes mais qui n’est pas encore consacrée par le code de la santé publique en ses articles L. 1142-1 et L. 1142.-1-1, engage la responsabilité des « établissements, services et organismes » au titre des « dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère ».
Si les épidémiologistes sont capables scientifiquement de réaliser des expertises aux fins d’identifier les souches et de tracer la transmission de l’infection, encore faut-il que, dans le cadre non plus de la maîtrise et de la prévention du risque, mais dans celui de la réparation du préjudice subi par les patients, une autorité judiciaire nomme à cette fin des experts qui ne se contentent pas de conclure à l’existence d’une infection nosocomiale et un défaut de cause étrangère !
Il est en effet avéré, en pratique, que les missions d’expertise ordonnées par les juridictions et par les commissions régionales d’indemnisation (CRCI) ne contiennent pas, en première intention, de précisions à ce titre et qu’il est bien difficile, à l’occasion du débat contradictoire, quand il l’est vraiment ( !...) d’obtenir que des recherches sérieuses soient diligentées pour permettre une distribution des responsabilités entre les personnes physiques et/ou morales successivement intervenues.
Modifier le droit
Dans certains cas, en effet, il serait juridiquement opportun de se donner les moyens de contrôler si, dans certains services, à l’occasion d’un transfert de malades, une carence en termes d’informations et de communication des données médicales utiles, ne constitue pas purement et simplement une faute dans l’organisation des soins.
Il n’est pas rare qu’un établissement d’accueil soit tenu responsable et condamné à réparer le préjudice subi en raison d’une infection nosocomiale contractée dans un établissement en provenance duquel le patient a été transféré, qui, pour diverses raisons souvent critiquables, n’a pas été mis en cause directement.
Nous avons, dans ces colonnes, à nombreuses reprises, souligné combien il est souhaitable de modifier le droit de l’infection nosocomiale, et particulièrement la charge de la preuve, comme la recherche de la faute éventuellement commise à l’occasion des opérations de transfert entre établissements.
Mais un dépistage systématique, utile en cas de recherche de l’origine de la contamination, s’avère en pratique impossible tant scientifiquement (que contrôler systématiquement ?) qu’économiquement (qui prend en charge ?), que juridiquement puisque le patient doit consentir expressément au dépistage, ce qui n’est pas acquis dans tous les cas !