Base de données - Actualité réglementaire

Cession de parts sociales. Passif : qui paie quoi ?
Mathilde Guest

Un médecin cède ses parts sociales. Qui du nouvel ou de l'ancien associé répondra des dettes de la société à l'égard des tiers ?
Concernant les sociétés civiles (SCM, SCP, SCI) :

Code civil : l'article 1857 alinéa 1er, d'ordre public, qui prévaut sur toutes dispositions conventionnelles, dispose qu'"à l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements."
L'obligation au passif est attachée de plein droit à la qualité d'associé d'une société civile. Les associés font face à leurs engagements sociaux au-delà du seul montant de leurs parts sociales. L'associé quittant la société ne pourra pas être déchargé de sa responsabilité à l'égard des tiers pour les dettes antérieures, que ce soit par une clause du contrat sur laquelle le créancier serait d'accord, ou par une clause des statuts, même publiée. Bien entendu, il sera parfaitement possible au cédant et au cessionnaire de s'entendre entre eux et de prévoir dans l'acte de transfert que la charge de passif antérieur incombera à l'acquéreur (en tirant les conséquences sur le prix des parts). Mais cette clause ne pourra pas être opposée aux tiers. L'associé sera tenu des dettes sociales à proportion de ses parts dans le capital, c'est-à-dire à concurrence du pourcentage dont il était titulaire.
Il se trouvera logiquement dégagé des dettes postérieures à son départ de la société sauf celles qui correspondent à une date antérieure et qui n'apparaîtront que postérieurement à celui-ci. Le critère posé par l'article 1857 alinéa 1er du code civil est celui de la date d'exigibilité de la dette : l'associé qui quitte la société demeure tenu des dettes dont le montant aurait pu être réclamé antérieurement à son départ, à proportion de ses parts dans le capital social, la date de départ effectif correspondant à celle de cession des parts.
Ainsi, l'associé qui cède ses parts le 31 décembre 2006 paiera les échéances de prêt, leasing et autres exigibles à cette date, tandis que les dettes exigibles à une échéance postérieure ne pourront lui être opposées. Il ne sera donc redevable, après le 31 décembre 2006, que des dettes correspondant à une échéance antérieure à cette date. S'agissant du paiement des indemnités de licenciement, celles-ci sont exigibles à la fin du préavis du salarié. L'associé quittant la société contribuera, proportionnellement à ses parts, au paiement de ces indemnités lorsque le salarié bénéficiaire aura terminé son préavis avant le 31 décembre 2006.

Concernant les sociétés commerciales :

- SELARL, SELURL, SELAFA, SELAS de médecins, SARL de pharmaciens : l'engagement des associés est restreint au montant de leur apport. Il n'existe pas d'équivalent de l'article 1857 alinéa 1er pour les sociétés commerciales. Prévoir une garantie d'actif et de passif s'avère en conséquence indispensable à l'occasion de la cession des titres.
- SELCA : les associés commandités sont indéfiniment et solidairement responsables des dettes sociales, alors que les associés commanditaires ne sont responsables qu'à concurrence de leurs apports (article 13 alinéa 2 de la loi du 31 décembre 1990).
Concernant ces deux types de sociétés :

Garantie de passif et d'actif : à l'occasion de la cession de parts, ne pas omettre de signer une garantie d'actif et de passif, dans laquelle seront mentionnées les diverses dettes dont le cédant continuera à être débiteur, parce qu'elles sont apparues ou ont été mises en recouvrement après la cession mais correspondent à des créances que l'associé aurait dû payer avant son départ (redressement fiscal par exemple).
Afin de prévenir un conflit, l'acte de cession de parts renverra utilement à un arrêté de comptes contradictoirement établi.

La Lettre du Cabinet - Juin 2006


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Une opportunité pour les cabinets médicaux : le contrat nouvelle embauche
Bertrand Vorms

L'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005, entrée en vigueur le 4, a créé un type de contrat de travail inédit : le contrat "nouvelle embauche" (CNE).
Cette innovation suscite de nombreuses interrogations. Le ministère de l'emploi a mis en ligne, sur son site internet (www.travail.gouv.fr), une circulaire formulant des recommandations. L'attention du lecteur est cependant attirée sur le fait que l'interprétation de l'ordonnance du 2 août 2005 par l'administration ne lie pas les tribunaux, qui pourraient s'en écarter.

Caractéristiques principales :

Imaginé dans le but de réduire le chômage, en incitant les employeurs réticents à procéder au recrutement de nouveaux salariés, le dispositif conçu par le législateur place cette forme de contrat dans une situation hybride : le salarié est directement embauché selon contrat à durée indéterminée et est soumis aux règles essentielles du code du travail (notamment celles en matière de SMIC, congés payés, durée de travail, heures supplémentaires, droit individuel à la formation, non discrimination, harcèlement, …), mais ne bénéficie pas de toutes les protections applicables à ce type de contrat pendant les deux premières années de son exécution, en particulier en ce qui concerne les dispositions, qu'elles soient légales ou issues de la convention collective, relatives à la période d'essai et aux modalités de sa rupture.
Il comporte, en effet, une période d'une durée maximum de deux années pendant laquelle les règles de résiliation sont simplifiées et ouvrent droit, au profit du salarié, à un régime indemnitaire particulier. Il ne s'agit pas d'une période d'essai mais, selon le ministère de l'emploi, d'une période spécifique dite "de consolidation de l'emploi", qui permet à l'employeur de s'assurer que l'embauche correspond à des besoins pérennes de son entreprise et que le salarié satisfait à ses attentes.
A l'issue, le salarié bascule automatiquement dans le régime de droit commun des contrats à durée indéterminée et ne peut plus être licencié que selon les mêmes règles et procédures que celles prévues au code du travail.

Employeurs concernés :

Le CNE s'adresse à des entreprises du secteur privé de 20 salariés au plus, à l'exception, notamment, des particuliers employeurs et des entreprises ou établissements publics à caractère industriel et commercial.
Le seuil de 20 salariés est calculé selon la règle de droit commun, étant précisé que les jeunes de moins de 26 ans, embauchés depuis le 22 juin 2005, sont exclus du décompte de ces effectifs jusqu'à leur 26e année et ce quelle que soit la nature de leur contrat de travail (jusqu'au 31 décembre 2007). Il s'apprécie au niveau de l'entreprise et non de l'établissement, de sorte que, par exemple, une SELARL de radiologues qui disposerait de plusieurs sites d'exploitation doit prendre en compte l'ensemble des salariés des différents sites.

Cependant, s'il survient, pendant la durée d'exécution de la période initiale, une modification dans la situation juridique de l'employeur (vente, fusion,…), les dispositions de l'article L. 122-12 alinéa 2 du code du travail sont applicables et le CNE est transféré in extenso au nouvel employeur, même si celui-ci dépasse le seuil de 20 salariés.

Salariés visés :

Le CNE vise tout type de salarié, quel que soit son âge, sa qualification ou l'ancienneté acquise chez d'autres employeurs. Il n'est possible de conclure un contrat de ce type que pour des nouvelles embauches, réalisées depuis le 4 août 2005. Il est interdit de convertir un contrat à durée indéterminée en cours d'exécution en CNE, de même que les employeurs ne sont pas autorisés à modifier ou à rompre un contrat à durée déterminée (CDD) ou un contrat de travail temporaire (CTT) pour conclure un CNE avec le même salarié.
Rien ne s'oppose, en revanche, à ce que soit proposé un CNE à l'issue d'un CTT ou d'un CDD. Le ministère de l'emploi considère, à cet égard, que l'indemnité de précarité prévue aux termes des CDD n'est pas due, par application de l'article L. 122-3-4 du code du travail ainsi libellé : "Lorsque, à l'issue d'un CDD, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un CDI, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité destinée à compenser la précarité de cette situation". Pour le ministère, tel ne serait pas le cas puisque le CNE est un CDI.
Il n'existe aucune obligation, pour un employeur ayant mis un terme à un CNE avec un salarié, de respecter un quelconque délai de carence avant de conclure un autre CNE avec un autre salarié. En revanche, un délai minimum de trois mois est exigé s'il souhaite réembaucher le même salarié pour un nouveau CNE… lui permettant ainsi de soumettre ce dernier à une nouvelle période de "consolidation de l'emploi" de deux ans, sous le contrôle, cependant, des juridictions compétentes qui pourraient requalifier la situation du salarié en cas d'abus.

Formalisme :

Le contrat nouvelle embauche doit obligatoirement être établi par écrit, faire l'objet d'une déclaration unique d'embauche et l'employeur doit soumettre le salarié à une visite médicale.

Modalités de rupture à l'initiative de l'employeur :

Au cours des deux premières années, il peut décider de mettre un terme au contrat, selon une procédure simplifiée, dérogatoire aux règles de licenciement, puisque :
- il n'est pas tenu de convoquer le salarié à un entretien préalable,
- la rupture doit être notifiée par lettre RAR mais n'a pas besoin d'être motivée, la seule exigence textuelle étant que le salarié soit informé explicitement du délai dont il dispose, à peine de prescription, pour contester la décision (12 mois).
Un délai de préavis doit être respecté, au minimum, de 15 jours pour un CNE de moins de 6 mois et d'un mois au-delà.
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Conséquence de la rupture :

Le salarié dont le contrat est rompu pendant la période de consolidation de l'emploi n'a droit à aucune indemnité, sauf à faire juger abusive la décision de l'employeur, notamment si elle intervient avec une intention de nuire ou pour des motifs discriminatoires (tels que l'affiliation à un syndicat, race, couleur, sexe, état matrimonial du
salarié), ou encore si étaient révélées des pratiques de harcèlement.
L'employeur est cependant tenu de verser au salarié une indemnité spécifique de fin de contrat, égale à 8 % du montant de la rémunération totale brute payée depuis sa conclusion, calculée sur l'ensemble des salaires bruts, primes et accessoires, augmentée de l'indemnité compensatrice de congé, du salaire versé durant le préavis ou de l'indemnité compensatrice de préavis. Elle est exonérée de cotisations sociales, de CSG, de CRDS et d'impôts sur le revenu.
Une contribution doit également être payée par l'employeur, égale à 2 % de la même rémunération brute calculée sur la même assiette que ci-dessus. Cette contribution n'est pas soumise à cotisation sociale.
Le salarié bénéficie de mesures d'accompagnement pour favoriser son retour à l'emploi, via des droits renforcés à la formation et l'accès à l'accompagnement personnalisé par l'ANPE, financé pour partie grâce aux contributions de 2 % versées par les employeurs.
Il est éligible, par ailleurs, à la couverture d'assurance chômage de droit commun. A titre dérogatoire, s'il ne remplit pas les critères de cotisation minimale ouvrant droit à l'affiliation (182 jours ou 910 heures de travail au cours des 22 derniers mois) mais qu'il justifie satisfaire aux autres conditions requises, il peut bénéficier d'une allocation forfaitaire financée par l'Etat.
En cas de faute grave ou lourde du salarié, les procédures de licenciement disciplinaire de droit commun sont applicables (entretien préalable, délai de réflexion, notification du licenciement), l'employeur étant alors dispensé de verser l'indemnité de fin de contrat et la cotisation forfaitaire évoquée ci-dessus.

Rupture à l'initiative du salarié :

Le salarié qui désire mettre un terme au contrat pendant la période initiale de deux ans doit obligatoirement notifier sa décision par lettre RAR (ce qui n'est pas le cas dans des CDI de type classique), et n'est pas tenu de respecter le délai de préavis fixé par la convention collective. Il n'est débiteur d'aucune indemnité.
Il est vraisemblable que les organisations syndicales, qui avaient déféré en vain à la censure du Conseil d'Etat l'ordonnance du 2 août 2005, chercheront à en aménager les effets pour une plus grande protection des salariés. En l'état actuel de la position du ministère, il semble que les conventions collectives pourraient, au cas par cas, prévoir des dispositions dérogatoires, en particulier en matière de préavis variable en fonction de l'ancienneté et/ou de la nature du l'emploi occupé), de durée de la période d'essai et de celle de consolidation de l'emploi, notamment.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2005


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