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Consentement nécessaire des 2 parents à un acte médical sur enfant mineur, sauf urgence (Conseil d’Etat, 7 mai 2014, n° 359076)
Isabelle Lucas-Baloup
   L’article R. 4127-42 du code de la santé publique prévoit : « Sous réserve des dispositions de l’article L. 1111-5, un médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit s’efforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et d’obtenir leur consentement. En cas d’urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le médecin doit donner les soins nécessaires. Si l’avis de l’intéressé peut être recueilli, le médecin doit en tenir compte dans toute la mesure du possible ».

   Aux termes de l’article 372 du code civil : « Les père et mère exercent en commun l’autorité parentale. (…) » et aux termes de l’article 372-2 : « A l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant », étant observé que « La séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale. », complète l’article 373-2 du même code.

   Il en résulte, d’après le Conseil d’Etat : « qu’un acte médical ne constituant pas un acte usuel ne peut être décidé à l’égard d’un mineur qu’après que le médecin s’est efforcé de prévenir les deux parents et de recueillir leur consentement. Il n’en va autrement qu’en cas d’urgence, lorsque l’état de santé du patient exige l’administration de soins immédiats. »

   L’arrêt expose : il ressort des pièces du dossier que Mme C., psychiatre, a reçu une première fois, le 10 novembre 2008, une jeune fille de 16 ans souffrant, selon son diagnostic, d’une dépression modérée à sévère, accompagnée de son père, divorcé de la mère de la jeune fille et exerçant conjointement l’autorité parentale avec celle-ci. A la suite d’une aggravation de l’état de la jeune fille, le médecin l’a reçue une 2ème fois, le 12 novembre 2008, accompagnée de sa mère, et lui a prescrit du Prozac, sans rechercher à recueillir le consentement du père avant de faire cette prescription.

   La Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins a considéré que le psychiatre n’avait commis aucun manquement à la déontologie en s’abstenant de prévenir le père de l’enfant mineur, en estimant que la jeune fille se trouvait dans une situation d’urgence justifiant la prescription d’un antidépresseur, sans motiver sur « le caractère usuel de l’acte litigieux ».

   Mais le Conseil d’Etat annule cette décision favorable au psychiatre en jugeant : « Pour statuer ainsi, la Chambre disciplinaire nationale s’est bornée à relever que l’état de la patiente s’était aggravé entre le 10 et le 12 novembre 2008 sans relever les éléments précis qui justifiaient en quoi cette aggravation était de nature à caractériser, à elle seule, une situation d’urgence au sens de l’article R. 4127-42 du code de la santé publique, autorisant l’absence d’information du père de la jeune fille mineure. Dès lors, la chambre disciplinaire a entaché sa décision d’erreur de droit et la décision doit être annulée. » L’affaire est renvoyée devant la même chambre pour qu’il soit jugé à nouveau.

   En conclusion : un acte médical ne constitue pas un acte usuel de l’autorité parentale. Le médecin doit donc conserver dans son dossier médical la trace des éléments caractérisant l’urgence de la prescription, s’il n’a pas obtenu l’accord des deux parents. Plus facile à dire, par le Conseil d’Etat, qu’à appliquer en routine par tous les médecins concernés, notamment les pédiatres !

La Lettre du Cabinet - Septembre 2014


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